Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, comme vous l’avez fait, madame la ministre, en préambule, je tiens à mon tour à saluer l’engagement sans faille des professionnels de santé qui sont intervenus auprès des victimes des attentats du 13 novembre et le bon fonctionnement du « plan blanc ».
Le 17 novembre dernier, le Sénat a adopté par 188 voix contre 147 un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 profondément remanié, certains diront « dépouillé ».
En première lecture, les débats ont mis en exergue le manque incontestable d’ambition et d’ossature de ce texte. Nous avons en effet constaté, une fois encore, qu’il manquait une réforme courageuse et structurelle, alors que le déficit du régime général, fixé à 12, 4 milliards d’euros pour cette année, reste toujours aussi élevé, et qu’augmentent les prélèvements obligatoires.
Même si le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de ramener le déficit à 9, 3 milliards d’euros, le retour à l’équilibre est envisagé non plus en 2017, mais pas avant 2020, voire 2021, contrairement à ce qui avait été promis par le Président de la République. Nous le regrettons vivement, en ce soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale.
Nous constatons, pour cette nouvelle lecture, que nos remarques et nos propositions courageuses n’ont, une fois encore, malheureusement pas été prises en compte par l’Assemblée nationale et par le Gouvernement.
Nous avons été largement critiqués par l’opposition sénatoriale pour ne pas avoir adopté les tableaux d’équilibre, qui sont certes des articles techniques, mais qui reflètent malgré tout des prévisions de recettes et de dépenses qui nous sont apparues pour le moins incertaines.
Le taux de l’ONDAM, fixé à 1, 75 %, est proche de celui qu’avait proposé la commission l’an passé, mais les mesures d’économie que vous proposez, madame la ministre, ne nous satisfont pas, et ce principalement pour deux raisons.
La première, c’est que vous prenez le risque de mettre à mal un secteur déjà mis largement à contribution, celui des industries pharmaceutiques. Au-delà des traditionnelles baisses de prix de médicaments, un catalogue de mesures d’économies directes et indirectes va impacter fortement, pour plus de 1 milliard d’euros, les entreprises de ce secteur.
Ces entreprises sont l’un des fleurons de notre pays. Nous craignons que toutes les mesures prises successivement depuis quatre ans ne mettent à mal leur développement sur notre territoire et leur compétitivité en matière de recherche et d’innovation. Aujourd’hui, des sites de production pharmaceutique ne s’installent pas dans notre pays en raison du manque de visibilité des laboratoires quant aux ponctions financières qui leur sont imposées et en raison d’un manque de soutien à la recherche. L’industrie pharmaceutique française perd aujourd’hui du terrain dans certains domaines thérapeutiques.
Permettez-moi, puisque le sujet a été évoqué à l’occasion de la discussion d’un amendement, de formuler une remarque sur la délivrance à l’unité des antibiotiques. Vous envisagez, madame la ministre, si l’expérimentation, sous la responsabilité de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, est jugée concluante, une généralisation de ce dispositif.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette façon d’aborder les choses. Bien qu’un rapport du ministère estime que les Français ont tendance à conserver des médicaments non utilisés dans leur armoire à pharmacie, en ce qui concerne les antibiotiques, je pense qu’il s’agit d’un problème non pas de conditionnement, qui est globalement bien adapté à la prescription médicale, mais d’observance, les patients arrêtant précocement leur traitement dès qu’ils vont mieux, conservant les médicaments et les reprenant dès qu’ils ont un peu mal à la gorge.
C’est ainsi, je vous l’accorde, que se développent la résistance aux antibiotiques et les risques d’iatrogénie. Sur ce point, je suis d’accord avec vous, madame la ministre, il s’agit d’un problème sanitaire. En revanche, je ne suis pas sûre que la délivrance à l’unité règle totalement le problème, même si vous en attendez des économies. Je voudrais simplement vous rassurer, en tant que professionnelle de santé : les équipes officinales ne sont pas satisfaites du gaspillage, et elles travaillent, au contraire, au quotidien, à essayer de le réduire !
Le second point qui nous chagrine dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, à la croisée avec le projet de loi relatif à la santé, tient au tiers payant généralisé et obligatoire, réintroduit par les députés, dont nous doutons qu’il facilite la réalisation d’un objectif d’économies et craignons au contraire qu’il ne génère des dépenses supplémentaires.
Grâce au travail du rapporteur général et des rapporteurs, que je tiens à féliciter à nouveau, et grâce à différentes propositions de notre groupe, qui ont souvent été soutenues par nos collègues de l’UDI-UC et certains de nos collègues du RDSE, le Sénat avait apporté des modifications substantielles, que nous jugeons pour certaines fondamentales.
Je pense notamment à la généralisation de l’augmentation de la déduction forfaitaire à 1, 50 euro pour les particuliers employeurs, quelle que soit l’activité de l’employé, afin de favoriser l’emploi, de faire reculer l’emploi non déclaré et par conséquent d’augmenter les cotisations versées à la sécurité sociale.
Je pense aussi, cela a été évoqué, à l’exonération partielle de la cotisation vieillesse pour les médecins retraités exerçant en zone sous-dense, afin de rendre plus attractif le cumul emploi-retraite.
À ce sujet a été annoncé, il y a quelques jours, un « Pacte territoire-santé 2 » visant à installer 1 000 jeunes médecins et à rendre opérationnelles 1 000 maisons de santé d’ici à 2017, ainsi qu’une augmentation du numerus clausus de 6, 4 % en fonction des régions. Je m’interroge sur les moyens financiers qui seront affectés à ces mesures. J’aimerais également savoir s’il existe une concertation avec les professionnels de santé, avec les représentants des territoires, puisque seules dix régions actuelles sont concernées par ce plan.
J’ai bien conscience que vous n’avez pas pu présenter ce plan en raison des événements dramatiques que nous avons connus, madame la ministre, mais je suis sûre que nous en reparlerons bientôt.
Pour revenir au projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Sénat avait également introduit un allégement des charges sociales supportées en début de carrière par les jeunes agriculteurs, en étendant d’une année l’exonération dont ils bénéficient aujourd’hui sur les cotisations d’assurance maladie, invalidité, maternité, de prestations familiales et d’assurance vieillesse agricole.
Autre modification substantielle : la suppression d’une mise en concurrence destinée à sélectionner les contrats d’assurance maladie complémentaire pour les personnes de plus de 65 ans, qui risquait d’amplifier la segmentation entre les assurés, tout en aménageant le dispositif d’aide à la complémentaire santé, pour permettre aux retraités les plus modestes d’en bénéficier.
Concrètement, cette proposition de notre collègue rapporteur Francis Delattre, qui visait à aménager le dispositif de l’aide à la complémentaire santé, nous semblait plus adaptée, plus opérationnelle, et offrait l’avantage de cibler en priorité les personnes ayant de faibles revenus.
Autre preuve du courage de la majorité sénatoriale : le relèvement graduel de l’âge légal de départ à la retraite pour le fixer à 63 ans au 1er janvier 2019.