De la même manière, certaines propositions introduites par le Sénat ont été balayées, comme l’exonération pour les jeunes agriculteurs, ou ignorées, comme la réponse sécurisée à la jurisprudence européenne relative à l’assujettissement des non-affiliés aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.
Je regrette également que n’ait pas été maintenu le dispositif d’incitation en faveur des médecins qui, arrivés à l’âge de la retraite, souhaitent poursuivre leur activité lorsqu’ils exercent dans des zones sous-dotées. Cette disposition aurait été un premier pas concret, aisé et non coûteux dans le sens de la lutte contre les déserts médicaux que le groupe de l’UDI-UC appelle de ses vœux. Car, si la France n’a jamais compté autant de médecins, les Français y ont un accès de plus en plus difficile, notamment du fait de la répartition inégale de ces praticiens sur le territoire.
Par ailleurs, j’observe que bon nombre de mesures semblent être des intentions louables, mais en vérité, madame la ministre, elles risquent in fine de mettre en difficulté les publics qu’elles sont censées aider.
Je pense à l’article 19 sur les gens de mer résidant en France et travaillant pour des pavillons étrangers. Ce sujet est une vraie question, mais la mesure proposée initialement, dans la précipitation et sans réelle concertation avec les intéressés et les partenaires sociaux, aurait eu des conséquences exactement contraires à celles que vous visez. En effet, elle risquait d’entraîner la perte totale de l’attractivité, pour les compagnies étrangères, des gens de mer résidents français, dont le coût du travail aurait encore augmenté.
Le Gouvernement a préféré proposer une forme de compromis, ce qui montre bien que la formule initiale ne devait pas être optimale… Ce compromis est compliqué : il prévoit l’affiliation à l’Établissement national des invalides de la marine des gens de mer marins et celle des gens de mer non marins au régime général. Si cette avancée est positive pour les premiers, cette différence de statut manque de lisibilité et soulève beaucoup d’interrogations, voire d’incompréhensions, comme l’indiquent les partenaires sociaux que mon collègue du Finistère, Michel Canevet, et moi-même ne cessons de recevoir.
De même, nous regrettons que l’article 21 instaurant un nouveau contrat labellisé pour les personnes de 65 ans et plus ait été rétabli, même s’il a été modifié, sur l’initiative du Gouvernement, dans le sens d’une labellisation de plusieurs types de contrats couvrant des paniers de prestations diverses, avec un plafonnement du montant des cotisations en fonction de l’âge.
Cette segmentation des offres met en difficulté l’équilibre d’ensemble du système, car elle constitue un frein à la solidarité et à la mutualisation des risques entre les actifs et les inactifs, qui se fera in fine au détriment des actifs. On le voit, l’accès aux complémentaires santé pose la question de la nécessaire remise à plat des huit dispositifs existants, afin d’apporter une plus grande lisibilité et une plus grande équité.
Je souhaite également évoquer l’article 22, qui prévoit un système de « chèque santé » pour les salariés en contrats très courts ou en temps très partiel.
Vous proposez de limiter cette disposition aux salariés dont la durée de couverture par le régime d’entreprise est trop courte. Vous évitez ainsi de remettre en cause les accords déjà signés par les entreprises. Toutefois, l’absence de données chiffrées et d’éléments sur les seuils donnant droit au dispositif ne permet pas de mesurer l’effet de cette mesure qui va certainement contribuer, en revanche et de façon certaine, à alourdir les démarches administratives et les charges des entreprises.
En conclusion, force est de constater que le Gouvernement ne prend pas la mesure des menaces qui continuent de peser sur notre système social et, surtout, du poids de la dette que, ce faisant, nous continuons de reporter sur les générations à venir.
Comme l’indiquait notre rapporteur général, nous avons un désaccord de fond sur l’état de nos finances sociales et le degré d’urgence du rétablissement des équilibres.
En ces temps où la République est confrontée à des défis considérables qui renvoient à la fragilité de la cohésion sociale, l’esprit de solidarité, valeur que nous partageons tous ici, devrait nous conduire à plus de lucidité, de courage et d’audace, mais aussi à un meilleur dialogue entre les assemblées parlementaires.
Chacun l’aura compris, ces constats conduisent notre groupe à soutenir la motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des affaires sociales.