Intervention de Alain Milon

Réunion du 26 novembre 2015 à 10h30
Financement de la sécurité sociale pour 2016 — Question préalable

Photo de Alain MilonAlain Milon, président de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, bien que cela ait déjà été fait dans cette enceinte mardi dernier, nous adressons une pensée émue et solidaire aux victimes des attentats du 13 novembre. Nous devons également exprimer notre reconnaissance à l’ensemble des personnels de santé, libéraux et salariés, médicaux et paramédicaux, qui ont fait preuve, une fois encore, d’un dévouement sans borne et de leur aptitude à délivrer des soins de qualité.

Revenons cependant à notre sujet du jour, à savoir le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. En première lecture, le Sénat a émis une note dissonante dans ce qui s’apparentait à un concert d’autosatisfaction.

Certes, le déficit des comptes sociaux a été diminué d’un tiers en trois ans, soit d’un peu plus de 6 milliards d’euros. Notre commission n’en disconvient pas, mais elle souligne que près de 18 milliards d’euros de recettes supplémentaires auront été mobilisés pour parvenir à ce résultat, ce qui conduit à le relativiser quelque peu.

Malgré un niveau record de prélèvements, nous aurions encore, en 2016, un déficit de l’assurance maladie de plus de 6 milliards d’euros et un déficit du Fonds de solidarité vieillesse de 3, 7 milliards d’euros.

Le retour à l’équilibre des comptes sociaux, prévu en 2014, puis en 2016 au fil des lois de programmation, est désormais reporté à plus tard, au-delà de l’horizon couvert par la loi de programmation.

En ce qui concerne les retraites, nous récoltons aujourd’hui les fruits de la réforme de 2010, pourtant mise à mal par l’élargissement des possibilités de départ anticipé, décidé à l’été 2012. Nous savons pourtant qu’il sera nécessaire d’aller plus loin, car les projections à moyen terme montrent le caractère très provisoire de l’amélioration actuelle. Nos concitoyens en sont pleinement conscients et l’immobilisme en la matière les inquiète davantage qu’il ne les rassure. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’ils perçoivent le soulagement du Gouvernement à la suite de l’accord intervenu sur les retraites complémentaires, par lequel les partenaires sociaux ont accompli ce qu’il n’avait pas même tenté ?

Notre rapporteur pour la branche vieillesse l’a fort bien rappelé : chaque génération doit relever ses propres défis et la pérennité du système de retraites est bien notre défi d’aujourd’hui.

Pour la branche famille, le déficit ne se réduit qu’au prix de coupes dans les prestations pour les foyers qui ont, par ailleurs, subi de plein fouet la vague fiscale, ou encore grâce à des mesures de trésorerie peu justifiables, comme celle qui consiste à décaler le versement de la prime à la naissance.

En matière de maladie, « le remboursement des soins et l’évolution des tarifs assurent une intégration continue du progrès technique dans le secteur médical » qui permet « une amélioration de l’efficience du système de soins » : je viens de citer l’annexe B du projet de loi de financement qui justifie ainsi la ponction réalisée sur les cotisations de la branche AT-MP.

Cependant, notre système de santé ne restitue pas de gains d’efficience, il les absorbe au contraire sans dégager les marges nécessaires à la mise en œuvre de nouvelles techniques ou de nouveaux médicaments.

Le Gouvernement se félicite d’une expansion continue des droits, mais celle-ci est financée par un déficit qui s’est accru depuis 2012. Respect de l’ONDAM et déficit ne sont pas antinomiques, l’année 2016 nous en apportera une nouvelle illustration.

En 2016, l’augmentation de l’ONDAM sera certes limitée à 1, 75 %, mais par rapport à une variation tendancielle moins élevée. Que n’avons-nous entendu dire, l’an dernier, sur les propositions du Sénat, qualifiées tour à tour de « poudre aux yeux » et de « mesures antisociales » ? Pourtant, le Gouvernement nous propose cette année le même niveau d’évolution de l’ONDAM. Les économies proposées sont les mêmes que l’an dernier – nous sommes toujours dans le virage ambulatoire – et, comme l’an dernier, les mises en réserve sur l’ONDAM hospitalier permettront sans doute d’assurer le bouclage d’économies insuffisantes en exécution.

Nous avons tous rendu hommage à l’action des personnels hospitaliers. Serons-nous capables de leur proposer une organisation du travail compatible avec leurs missions et qui ménage de vrais temps de repos ? Nous savons bien que l’hôpital n’est pas véritablement passé aux 35 heures. Revenons, dans l’intérêt même des personnels, à une organisation plus rationnelle du travail.

On a reproché au Sénat, sur certains bancs de l’une ou l’autre des assemblées, d’avoir supprimé les tableaux d’équilibre et d’avoir ainsi adopté un texte « virtuel ». À l’actuelle opposition sénatoriale, je voudrais rappeler que c’est précisément ce qu’elle a fait dès la première année où elle s’est trouvée en majorité dans cet hémicycle…

À ceux qui s’interrogent sur la portée d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale ainsi « tronqué », j’indique que la suppression des tableaux d’équilibre ne signifie ni la suppression des recettes ni celle des dépenses, qui ne sont pas formellement autorisées par la loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit de tableaux plus politiques que juridiques, qui marquent les orientations données à nos finances sociales, et c’est bien comme tels que nous les avons supprimés, même si je concède que nous nous écartons, en cela, de la loi organique.

Bien que son désaccord persiste sur les équilibres généraux du texte, la commission des affaires sociales n’a pas souhaité reproduire cet exercice de réécriture en nouvelle lecture ni proposer de rétablir, à ce stade, plusieurs dispositions que le Sénat avait approuvées, mais que l’Assemblée nationale n’a pas retenues. C’est pourquoi elle vous demande d’adopter la présente motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

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