Ces questions méritent, selon moi, un débat qui ne peut avoir lieu à l'occasion de cette première lecture, faute de temps. Mais peut-être pourrions-nous y revenir en deuxième lecture ?
J'en viens aux amendements que la commission des lois, saisie pour avis, vous soumet.
Ils portent sur les articles 1er à 4, 8 et 9 du projet de loi et sont, pour la plupart d'entre eux, communs avec ceux de la commission des affaires économiques avec laquelle, par l'intermédiaire de son rapporteur M. Dominique Braye, nous avons travaillé en parfaite harmonie, de même qu'avec la commission des affaires sociales et son rapporteur, Mme Valérie Létard.
Ces amendements s'articulent autour de cinq axes : accélérer la mobilisation des terrains de l'État au service de la construction de logements ; donner aux élus locaux les moyens de développer la mixité sociale ; privilégier la concertation plutôt que la contrainte dans les rapports entre l'État et les collectivités locales ; améliorer la sécurité juridique des autorisations d'urbanisme et des constructions existantes ; enfin, renforcer la protection des acquéreurs de biens immobiliers.
S'agissant du premier axe, la mobilisation des terrains de l'État, il nous semble nécessaire, d'une part, de permettre la signature d'une promesse ou d'un compromis de vente sous condition suspensive d'un déclassement d'un bien appartenant au domaine public dans un délai de six mois, ce qui permettra d'accélérer les procédures et, d'autre part, de rendre obligatoire la décote prévue par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, en cas de vente d'un terrain pour la réalisation de logements sociaux.
En ce qui concerne le deuxième axe, c'est-à-dire donner aux collectivités territoriales les moyens de développer la mixité sociale, votre commission préconise, notamment, de prévoir que les catégories de logements et les périmètres dans lesquels elles devront s'inscrire seront définis dans le respect des objectifs de mixité sociale. Elle préconise ensuite de laisser au conseil municipal la responsabilité d'accorder ou non un droit de délaissement aux propriétaires des terrains concernés par l'obligation de réaliser un pourcentage minimal de certaines catégories de logements. Elle préconise en outre de permettre à la commune de récupérer une partie de la plus-value enregistrée par le propriétaire d'un terrain rendu constructible par un document d'urbanisme - proposition identique à celles qui ont été présentées par la commission des affaires sociales et par la commission des affaires économiques. Elle préconise enfin, comme la commission des affaires économiques, de prévoir la compensation intégrale des pertes de ressources fiscales subies par les communes et les EPCI du fait de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les logements locatifs sociaux. Il s'agit en l'occurrence d'éviter de pénaliser les communes qui s'engagent dans la réalisation de logements sociaux, notamment dans le cadre des opérations de rénovation urbaine.
Le troisième axe retenu par la commission des lois consiste à privilégier la concertation plutôt que la contrainte dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales.
Tout d'abord, pour garantir que les programmes de logements sur des terrains appartenant à l'État et à ses établissements publics ayant le caractère et les effets des opérations d'intérêt national seront cohérents avec le tissu urbain existant, votre commission vous propose de prévoir que les périmètres délimités par décret, premièrement, tiennent compte des projets d'aménagement et de développement durable des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme déjà approuvés, deuxièmement, font l'objet d'un avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme et, troisièmement, deviennent caducs au plus tard dix ans après leur publication, afin de tenir compte de l'évolution des nécessités d'urbanisme.
La commission formule deux autres propositions.
D'une part, elle suggère de supprimer la possibilité offerte au préfet de se substituer à la commune pour procéder à la modification ou à la révision d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme approuvé au motif que ce document ne permettrait manifestement pas la construction des logements nécessaires à la satisfaction des besoins. Cette intervention est en effet déjà possible à l'occasion de chaque révision ou à l'occasion de la mise en compatibilité ou la mise en place d'un PLH.
D'autre part, notre commission propose de donner à la commission de médiation - qui associe, auprès du préfet, les collectivités locales, les bailleurs sociaux et les associations - la compétence pour apprécier le bien-fondé des demandes de logement social émanant de personnes occupant des hébergements d'urgence ou de chômeurs de longue durée mal logés et retrouvant une activité, ce qui n'empêche évidemment pas le préfet d'intervenir par la suite.
J'en viens au quatrième axe.
Suivant les préconisations d'un groupe de travail sur la sécurité juridique des autorisations d'urbanisme, présidé par M. Philippe Pelletier, votre commission a adopté quatre amendements qui ont pour objet : premièrement, d'admettre qu'à l'issue d'un délai de dix ans à compter de l'achèvement d'une construction, la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des règles applicables aux autorisations d'urbanisme ne peut plus être opposée ; deuxièmement, de mieux circonscrire l'action en démolition et, en contrepartie, de permettre au préfet, lorsqu'il intervient au titre du contrôle de légalité, de demander au tribunal de grande instance d'ordonner la démolition d'une construction qui aurait été édifiée sur la base d'un permis de construire illégal annulé par le tribunal administratif ; troisièmement, de permettre au juge administratif de n'annuler que partiellement un permis de construire, lorsque certaines parties seulement du projet, détachables de l'ensemble, sont reconnues illégales.
Enfin, cinquième axe, pour renforcer la protection des acquéreurs de biens immobiliers, la commission des lois souhaite, d'une part, unifier les règles applicables aux compromis et promesses de vente en prévoyant un délai de rétractation de sept jours pour l'acquéreur non professionnel, que l'avant-contrat soit établi sous seing privé ou par acte authentique, d'autre part, permettre aux quelque 15 000 négociateurs non salariés employés par les agents immobiliers de bénéficier d'un statut clarifié.
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi portant engagement national pour le logement.
Cependant, messieurs les ministres, permettez-moi avant de conclure d'appeler votre attention sur les discussions en cours concernant la remise en cause de la loi Malraux prévue par le projet de loi de finances pour 2006.
Au moment où le Gouvernement s'engage dans un pacte national pour le logement, il paraît inimaginable de condamner les opérations de rénovation de centres-villes lancées par les collectivités qui se sont engagées avec un certain courage dans les ZPPAUP, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, ou dans les secteurs sauvegardés.
En effet, ces opérations contribuent aussi à la mixité sociale dans les centres-villes et ne peuvent être menées à bien en ayant recours aux financements traditionnels des logements sociaux en raison des surcoûts générés par l'intérêt patrimonial des immeubles concernés.
Supprimer ou affaiblir le dispositif fiscal de la loi Malraux reviendrait à laisser dépérir tout un patrimoine des centres historiques qui constitue une richesse incontestable de notre pays. Plus grave encore, cet abandon risquerait de contribuer au développement de cet habitat indigne que nous cherchons précisément à éradiquer et dont nous connaissons les conséquences.
Je souhaite, messieurs les ministres, que vous puissiez vous aussi vous faire l'écho auprès de vos collègues de ces inquiétudes et de la nécessité de conserver les dispositions de la loi Malraux.