Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le Gouvernement a présenté un projet de budget pour la mission « Justice » en très légère augmentation par rapport à l’année 2015. Encore faut-il se méfier puisque, dès le mois de mars, des crédits supplémentaires ont été ouverts afin de financer le plan de lutte antiterroriste. Les moyens de l’administration pénitentiaire ont ainsi été renforcés et des postes d’aumôniers ont été créés dans les prisons. Les autres programmes sont concernés, mais dans une moindre ampleur : des postes de magistrats ont été créés et les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, ont également augmenté.
La commission des finances a examiné les crédits de la mission « Justice » – 7, 9 milliards d’euros en crédits de paiement et plus de 8 milliards d’euros en autorisations d’engagement – le 18 novembre dernier et a émis un avis favorable quant à leur adoption, sous réserve de la traduction des engagements que le Président de la République a pris devant le Congrès. C’est l’objet de l’amendement que vous nous présenterez, madame la garde des sceaux, qui vise à modifier sensiblement l’équilibre du budget tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale : on observe un renforcement substantiel des moyens de la justice, avec la création de 2 500 emplois sur deux ans et l’ouverture de 267 millions d’euros de crédits supplémentaires dès 2016. Ainsi, par rapport au projet de loi de finances initial pour 2015, environ 300 millions d’euros de crédits supplémentaires, hors dépenses de personnel, seraient attribués à la mission « Justice » au titre de la lutte antiterroriste.
Alors que le plan de lutte antiterroriste visait notamment à accroître les moyens de l’administration pénitentiaire afin de lutter contre la radicalisation dans les prisons, vous nous proposez également aujourd’hui de renforcer les juridictions, en particulier celles qui sont chargées de lutter contre le terrorisme, soit directement, soit indirectement – je pense aux juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS, qui traitent de la délinquance organisée. La commission des finances avait formulé, lors de l’examen des crédits de la mission, le souhait de traiter prioritairement les juridictions plutôt que d’augmenter de nouveau les moyens de l’administration pénitentiaire, même si, en ce domaine aussi, nous le savons, les besoins sont criants. Nous avons en effet considéré qu’il était urgent de donner à l’autorité judiciaire, garante des libertés fondamentales, les moyens de ses missions.
Plus généralement, beaucoup d’entre nous s’inquiètent des difficultés de recrutement que pourrait rencontrer le ministère de la justice ; au total, entre 2015 et 2017, 3 450 postes supplémentaires seraient créés. Votre ministère est-il réellement en mesure de recruter autant de personnes en si peu de temps ? Je pense en particulier à l’administration pénitentiaire, qui « puise » dans le même vivier que la police, la gendarmerie ou le ministère de la défense.
Par ailleurs, les emplois de magistrats, de greffiers, d’éducateurs, de surveillants pénitentiaires que vous proposez de créer nécessitent une formation de qualité. Vous prévoyez de renforcer les moyens des écoles de formation, mais sauront-elles faire face ?
Madame la garde des sceaux, je souhaiterais également vous interroger sur la plate-forme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ, instrument crucial de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Les documents budgétaires indiquent un retard d’un an dans le déploiement de cette plate-forme, dont le coût cumulé devrait s’élever au total à 140 millions d’euros. Pouvez-vous nous indiquer ou en est le déploiement de cette plate-forme, quand elle sera totalement opérationnelle et, le cas échéant, nous préciser à quelles difficultés le ministère fait face aujourd’hui en ce domaine ? Cette plate-forme devrait permettre de réaliser des économies en matière de frais de justice. À ce titre, peut-être pourriez-vous nous préciser les actions envisagées afin de diminuer les frais de justice, qui, selon les documents budgétaires, font partie des postes sur lesquels il est prévu de réaliser des économies ?