La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet .
La séance est reprise.
Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du jeudi 26 novembre 2015, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel concernant la conformité à la Constitution de la loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.
Acte est donné de cette communication.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre les contre-expertises de l’évaluation socio-économique du projet Microcarb et du projet de nouvel hôpital de Lens, accompagnées des avis du Commissariat général à l’investissement.
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des affaires économiques et à la commission des finances ainsi que, pour le second, à la commission des affaires sociales.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164, avis n° 165 à 170).
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Justice ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le Gouvernement a présenté un projet de budget pour la mission « Justice » en très légère augmentation par rapport à l’année 2015. Encore faut-il se méfier puisque, dès le mois de mars, des crédits supplémentaires ont été ouverts afin de financer le plan de lutte antiterroriste. Les moyens de l’administration pénitentiaire ont ainsi été renforcés et des postes d’aumôniers ont été créés dans les prisons. Les autres programmes sont concernés, mais dans une moindre ampleur : des postes de magistrats ont été créés et les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, ont également augmenté.
La commission des finances a examiné les crédits de la mission « Justice » – 7, 9 milliards d’euros en crédits de paiement et plus de 8 milliards d’euros en autorisations d’engagement – le 18 novembre dernier et a émis un avis favorable quant à leur adoption, sous réserve de la traduction des engagements que le Président de la République a pris devant le Congrès. C’est l’objet de l’amendement que vous nous présenterez, madame la garde des sceaux, qui vise à modifier sensiblement l’équilibre du budget tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale : on observe un renforcement substantiel des moyens de la justice, avec la création de 2 500 emplois sur deux ans et l’ouverture de 267 millions d’euros de crédits supplémentaires dès 2016. Ainsi, par rapport au projet de loi de finances initial pour 2015, environ 300 millions d’euros de crédits supplémentaires, hors dépenses de personnel, seraient attribués à la mission « Justice » au titre de la lutte antiterroriste.
Alors que le plan de lutte antiterroriste visait notamment à accroître les moyens de l’administration pénitentiaire afin de lutter contre la radicalisation dans les prisons, vous nous proposez également aujourd’hui de renforcer les juridictions, en particulier celles qui sont chargées de lutter contre le terrorisme, soit directement, soit indirectement – je pense aux juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS, qui traitent de la délinquance organisée. La commission des finances avait formulé, lors de l’examen des crédits de la mission, le souhait de traiter prioritairement les juridictions plutôt que d’augmenter de nouveau les moyens de l’administration pénitentiaire, même si, en ce domaine aussi, nous le savons, les besoins sont criants. Nous avons en effet considéré qu’il était urgent de donner à l’autorité judiciaire, garante des libertés fondamentales, les moyens de ses missions.
Plus généralement, beaucoup d’entre nous s’inquiètent des difficultés de recrutement que pourrait rencontrer le ministère de la justice ; au total, entre 2015 et 2017, 3 450 postes supplémentaires seraient créés. Votre ministère est-il réellement en mesure de recruter autant de personnes en si peu de temps ? Je pense en particulier à l’administration pénitentiaire, qui « puise » dans le même vivier que la police, la gendarmerie ou le ministère de la défense.
Par ailleurs, les emplois de magistrats, de greffiers, d’éducateurs, de surveillants pénitentiaires que vous proposez de créer nécessitent une formation de qualité. Vous prévoyez de renforcer les moyens des écoles de formation, mais sauront-elles faire face ?
Madame la garde des sceaux, je souhaiterais également vous interroger sur la plate-forme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ, instrument crucial de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Les documents budgétaires indiquent un retard d’un an dans le déploiement de cette plate-forme, dont le coût cumulé devrait s’élever au total à 140 millions d’euros. Pouvez-vous nous indiquer ou en est le déploiement de cette plate-forme, quand elle sera totalement opérationnelle et, le cas échéant, nous préciser à quelles difficultés le ministère fait face aujourd’hui en ce domaine ? Cette plate-forme devrait permettre de réaliser des économies en matière de frais de justice. À ce titre, peut-être pourriez-vous nous préciser les actions envisagées afin de diminuer les frais de justice, qui, selon les documents budgétaires, font partie des postes sur lesquels il est prévu de réaliser des économies ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de budget a été brusquement modifié à la suite des récents attentats et de l’annonce de 2 500 créations d’emplois en 2016 et 2017, qui s’ajoutent aux 1 584 postes déjà programmés sur la période 2015-2017. Nous ne pouvons qu’approuver ces créations indispensables. Je ferai toutefois quelques observations relatives à la manière dont ces emplois vont être pourvus et aux moyens dont vont disposer ces nouveaux personnels judiciaires.
Je note que, ces dernières années, tous les équivalents temps pleins travaillés, ou ETPT, ouverts pour les juridictions n’ont pas été pourvus. En 2014, seuls vingt-quatre emplois de magistrats ont été créés sur les soixante-trois annoncés. Cette année, sur les soixante-quatre ETPT prévus en loi de finances, seuls trente-quatre ont été pourvus à ce jour. Je note également que le bleu budgétaire prévoyait avant les récentes annonces de corriger à la baisse le plafond d’emplois de trois cent vingt-quatre ETPT, afin de l’ajuster aux réalités du recrutement de magistrats et de leur affectation.
La non-consommation de ces emplois permet certes de recruter des vacataires ou des assistants de justice, mais nous ne pouvons plus nous satisfaire de cette situation. Il est urgent que les ETPT prévus en loi de finances soient pourvus dans le domaine judiciaire. Je rappelle que les effectifs réels de magistrats affectés en juridiction sont passés de 7 710 en 2009 à 7 458 en 2014 et que le taux de vacance de ces emplois a augmenté sur la même période de 0, 39 % à 5, 03 %. La situation est comparable pour les effectifs de non-magistrats affectés dans les juridictions et les SAR, les services administratifs régionaux, puisqu’ils ont baissé de 2 %.
Madame la garde des sceaux, la commission des lois souhaiterait obtenir des précisions sur la manière dont vous comptez pourvoir les postes annoncés, sachant qu’il faut trente et un mois pour former un magistrat et que les juges judiciaires vont par ailleurs « hériter » du contentieux de la rétention administrative des étrangers, un contentieux supplémentaire qui peut représenter une charge de travail importante.
Quant à la question de l’aide juridictionnelle, elle nécessite à mon avis une évolution structurelle, au-delà du relèvement de l’unité de valeur prévu par le projet de loi de finances. Cependant, je n’y reviens pas, car nous avons déjà examiné ce point lundi, dans le cadre de la partie recettes.
Pour conclure, j’aimerais rendre hommage à l’ensemble des magistrats et personnels de la justice, qui, avec des moyens budgétaires relativement plus faibles en France que dans beaucoup d’autres pays comparables, font preuve d’un grand sens du service public.
La parole est à M. Yves Détraigne, en remplacement de Mme Cécile Cukierman, rapporteur pour avis.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de notre collègue Cécile Cukierman. Il me revient donc de vous présenter l’avis de la commission des lois sur les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse ».
Dans le projet de budget pour 2016, les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » s’élèvent à 795, 6 millions d’euros, soit une hausse de 2, 34 % par rapport à la loi de finances pour 2015. Le plafond d’emplois de la PJJ augmente également de 196 ETPT, du fait notamment des créations de postes prévues par le plan de lutte antiterroriste. Dans ce cadre, une mission nationale de veille et d’information a été mise en place le 1er avril 2015, afin d’assurer la coordination des personnels concourant à la prévention des risques de radicalisation. De même, un réseau de soixante-neuf référents laïcité et citoyenneté a été créé. Il est chargé de décliner au niveau de chaque direction interrégionale les missions de la cellule nationale.
Si les crédits du secteur public augmentent, les crédits du secteur associatif habilité, dit SAH, continuent de diminuer, alors même que le SAH est essentiel à la diversification des mesures de placement des mineurs. S’il est vrai que ce budget permet de maintenir le financement des établissements exclusivement financés par l’État, il ne permet pas de financer les établissements habilités conjointement par les conseils départementaux. Cela contribue à réduire de manière pérenne le nombre de places disponibles pour le public de la PJJ dans les établissements du secteur associatif habilité.
Je souhaite à présent évoquer brièvement la situation des acteurs de la justice des mineurs, non seulement les personnels de la PJJ, mais également les juges des enfants.
Tous soulignent l’illisibilité et l’incohérence de l’ordonnance du 2 février 1945, dont la réforme n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour du Parlement.
Par ailleurs, les effectifs de la PJJ, malgré des créations d’emplois, ne permettent pas une exécution rapide des mesures de justice. De nombreux magistrats regrettent les retards importants d’exécution des mesures d’investigation en matière pénale et surtout en matière civile.
Ce sentiment se double d’une incompréhension des magistrats vis-à-vis des quotas accordés au SAH pour les mesures d’investigation, alors même que le secteur public apparaît sous-dimensionné. Il s’avère aujourd’hui indispensable de réduire ces délais d’exécution.
Telles sont, mes chers collègues, les éléments que notre collègue Cécile Cukierman souhaitait porter à votre connaissance. Sous réserve de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » pour 2016.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je le dis d’emblée, la commission des lois a émis un avis favorable, à l’unanimité, sur les crédits du programme « Administration pénitentiaire ».
Compte tenu du bref temps de parole qui m’est accordé, je n’aborderai que quatre points.
Premier point : l’augmentation des effectifs de l’administration pénitentiaire a été pour beaucoup dans notre jugement favorable. J’appelle néanmoins l’attention sur le fait que, lorsque l’on soustrait les nombreux emplois qui servent à remplacer les départs à la retraite, le nombre non négligeable de membres de l’administration pénitentiaire qui démissionnent et les lauréats des concours qui renoncent à occuper leur poste, préférant rejoindre une autre administration, on aboutit à une perte sèche, si bien que nous craignons fort, malgré les augmentations de crédits, que les emplois ne soient pas pourvus de manière satisfaisante à la fin de la législature.
Deuxième point : plus on crée de places dans les prisons, plus les juges emprisonnent. Aussi, il importe de se demander si, pour toute une série de condamnations, on ne pourrait pas apporter une autre réponse que la prison. C’est notamment ce que vous faites avec les peines alternatives, madame la garde des sceaux. Il y a cependant un chevauchement entre les différents types de peines alternatives ; le juge, le premier, n’y voit pas très clair. Les sursis à exécution sont incomparablement plus nombreux – ils sont 136 fois plus nombreux en un an ! – que les contraintes pénales. Est-ce uniquement dû à une politique des juges ? Est-ce une habitude ? Ou, au vu de toute la panoplie de mesures dont ils disposent, préfèrent-ils la routine ?
Troisième point : la sécurité dans les prisons. Je ne mentionnerai qu’un aspect, qui a également été souligné par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, je veux parler des téléphones portables. Dans la maison d’arrêt d’Osny, que je connais très bien, ce sont 1 300 téléphones portables qui ont été interceptés en un an ! Est-ce une bonne solution que d’interdire tous les téléphones portables, d’être dans une course permanente à la recherche de systèmes permettant de brouiller les ondes et qui empêchent d’ailleurs les habitants du quartier d’entendre leurs conversations téléphoniques ou de regarder la télévision ? Ne vaudrait-il pas mieux prévoir d’autres dispositifs à l’avenir ?
Quatrième point : vous allez créer – c’est une bonne chose – des postes d’aumôniers musulmans. Par expérience, pour bien connaître les aumôniers protestants et catholiques, je puis vous dire que le prêtre est entouré d’une équipe de travailleurs sociaux, qui sont en contact avec les détenus.
M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis. D’ailleurs, des détenus qui ne sont pas forcément de confession catholique ou protestante se rendent à l’aumônerie, parce qu’ils sont en contact avec eux. Or l’aumônier musulman est seul. Tout le travail social – c’est important ! – qui doit être fait dans les aumôneries n’est donc pas réalisé. Il faut savoir qu’à la prison des Baumettes, 80 % des musulmans font le ramadan, mais 30 % d’entre eux font leur prière chaque semaine.
Applaudissements au banc des commissions. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.
Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Guillaume Arnell.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, gardienne des libertés individuelles et de l’État de droit, la justice est l’attribut démocratique par excellence. Les événements dramatiques survenus le 13 novembre dernier nous rappellent cette nécessité : Thémis doit l’emporter sur Némésis, la justice sur la vengeance, le droit sur la barbarie.
Les crédits de la mission « Justice » ont fait l’objet d’un accroissement constant sous le présent quinquennat ; c’est encore plus nécessaire aujourd’hui. Cela se traduit cette année par une augmentation de 1, 5 % des crédits de la présente mission par rapport à 2015 et de 8 % sur les quatre dernières années. Dans un contexte de restriction budgétaire, nous saluons cet effort notable, largement justifié, en faveur de ce service public régalien.
Les crédits programmés doivent permettre de financer les réformes mises en place sous le présent quinquennat, que le groupe du RDSE a largement approuvées, qu’il s’agisse de la mise en place de la contrainte pénale, du service d’accueil unique du justiciable, de la dématérialisation et de la simplification progressive des procédures ou de la réforme de l’aide juridictionnelle engagée à l’issue d’un dialogue constructif avec les ordres des avocats. Au cœur de ces réformes se trouvent des principes auxquels nous sommes très attachés, qui vont du renforcement de l’accès à la justice à l’efficacité des peines et à leur individualisation.
Comme l’a annoncé le Gouvernement – et nous l’approuvons ! –, la priorité doit aujourd’hui consister à donner à la justice les moyens de mieux lutter contre la criminalité à grande échelle, notamment contre le terrorisme. Les attentats qui ont frappé notre pays en moins d’une année font de la question sécuritaire la principale préoccupation des Français, et c’est bien normal !
Les services de renseignement doivent collaborer avec les forces de l’ordre et travailler avec la justice, afin de lui permettre d’exercer pleinement sa compétence en matière judiciaire, notamment par le renforcement des capacités d’enquête, la prévention de la radicalisation et l’efficacité du renseignement pénitentiaire. Une collaboration active de tous les services ne pourra qu’être positive dans la lutte contre les infractions, la condamnation des personnes qui seront passées à l’acte et, enfin, le suivi de la réinsertion.
Nos établissements pénitentiaires sont aujourd’hui des lieux de radicalisation pour des jeunes désocialisés et en perte de repères, des proies faciles pour des « guides spirituels » autoproclamés. Après les attentats de janvier dernier, des mesures ont été prises pour contrer ce processus. L’expérience qui est menée à Fresnes depuis un an pour regrouper et isoler les détenus identifiés comme islamistes radicaux a été déclinée dans les maisons d’arrêt franciliennes de Fleury-Mérogis et d’Osny. Toutefois, ces procédures ne concernent que les détenus incarcérés pour des faits de terrorisme dès lors qu’ils présentent des signes de radicalisation, alors que ce phénomène est bien plus complexe. Aussi, il semble que ces expériences méritent d’être plus rigoureusement encadrées. Est-il normal que des prisonniers islamistes parviennent à se procurer des téléphones portables sans grande difficulté, restant ainsi en contact avec leurs relations, y compris en Syrie ? Il semblerait même qu’ils puissent disposer, en toute impunité, de publications contenant une propagande incitant à la haine et à la violence.
Ainsi, même si nous avons salué les efforts budgétaires consentis en faveur de cette mission, il n’en demeure pas moins qu’il faut accorder encore plus de moyens à la justice, afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle, notamment en matière de prévention de la récidive.
Par ailleurs, la politique pénale laisse trop souvent de côté la question de l’exécution des peines. Celles-ci sont souvent inappliquées, inutilisées par le juge ou exécutées de manière tellement tardive qu’elles perdent alors tout leur sens. Pour ne pas me focaliser sur les attentats récents, je vais vous parler de mon expérience sur mon territoire de Saint-Martin, où les peines ne sont pas exécutées, et ce pour diverses raisons : surpopulation carcérale, délais de jugement anormalement longs. Il arrive même que des prévenus accompagnés des forces de l’ordre rentrent à Saint-Martin par le même vol retour, et ce malgré les procédures de comparution immédiate récemment instaurées. Même si nous saluons les efforts réalisés en matière de comparution immédiate, tout cela est stupéfiant !
En outre, le suivi des personnes placées sous le contrôle du juge de l’application des peines ou assuré par les services pénitentiaires d’insertion et de probation doit également être renforcé.
De surcroît, il nous semble très important que les peines d’intérêt général, créées depuis trente ans, soient davantage utilisées comme un outil de réinsertion des personnes condamnées à de petites peines ; nous déplorons qu’elles ne représentent que 4 % de l’ensemble des peines prononcées chaque année.
Il serait aussi intéressant de reconsidérer la question de la mise en place de centres éducatifs fermés. Je l’ai déjà précisé l’an dernier, dans le cadre de cette même discussion budgétaire, ce serait, pour Saint-Martin, me semble-t-il, une solution adaptée. Espérons que ma requête soit cette fois-ci mieux entendue…
Enfin, sans m’ériger en défenseur de magistrats ou d’anciens magistrats de l’antiterrorisme, ni même en défenseur de la pérennisation de cette fonction, il me semble que la question de l’inamovibilité de ces magistrats au terme d’une période de dix ans peut légitimement être abordée.
Oui, madame la garde des sceaux, la mission de la justice est incommensurable, et les moyens humains, financiers et matériels mis en œuvre se doivent d’être à la hauteur des enjeux ! Parce que c’est une mission régalienne de l’État, et eu égard à la triste période que nous vivons, les sénateurs du RDSE se prononceront sans hésitation en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Justice » ; ils souhaitent que l’ensemble des sénateurs votent en ce sens.
Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, après trois années de hausses successives, le budget de la justice pour 2016 augmente de 1, 3 %. De manière générale, c’est principalement le plan de lutte antiterroriste qui permet au ministère de la justice de sauvegarder, globalement, ses moyens. D’ailleurs, le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens, que nous voterons, je le dis d’emblée, mais nous y reviendrons ultérieurement.
Outre le renforcement des moyens attribués en matière de politique antiterroriste, que nous ne pouvons qu’approuver, nous nous demandons si les crédits alloués à cette mission en 2016 suffiront à permettre aux services de la justice de fonctionner convenablement pour ce qui concerne le traitement des « affaires courantes ». Pourtant, il est aujourd'hui indispensable d’améliorer le service public de la justice, en réduisant en particulier les délais de traitement dans les juridictions, qui sont quasiment tous en augmentation. En effet, dans un contexte de demandes accrues des justiciables, la médiocrité des moyens de fonctionnement et leur raréfaction ont un impact certain sur les délais de traitement des procédures par les juridictions. Il est donc nécessaire de donner à ces juridictions, notamment aux juridictions judiciaires, les moyens d’accomplir leur mission.
À cet égard, nous regrettons que le premier budget de la justice soit consacré, pour la quatrième année consécutive, à l’administration pénitentiaire. La justice est régulièrement présentée comme une priorité – nous abondons dans ce sens –, mais c’est en réalité l’administration pénitentiaire qui bénéficie en premier lieu de moyens supplémentaires. Reste que la légère hausse de 1 % de son budget est essentiellement due à la poursuite des ouvertures d’établissements, aux autorisations d’engagement de crédits, à la mise en œuvre de la politique pénale et au plan de lutte contre la radicalisation. Si 752 emplois seront créés en 2016 dans l’administration pénitentiaire, cela ne permettra pas de combler l’ensemble des besoins. Le manque de surveillants reste flagrant, et les conditions de travail s’aggravent d’année en année : manque de personnels, surplus d’heures supplémentaires, rythmes de travail harassants, pression hiérarchique. Les personnels pénitentiaires manifestaient d’ailleurs leur mécontentement le mois dernier.
S’agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, son budget augmente de 2, 3 % par rapport à 2015, comme cela a été souligné. Cette augmentation est en grande partie absorbée par les formations contre la radicalisation et l’ouverture d’un nouveau centre éducatif fermé associatif à Marseille. Ce sont soixante emplois qui seront créés pour ce service, dont six pour le plan anti-radicalisation.
Au regard de la situation désastreuse dans laquelle se trouve la protection judiciaire de la jeunesse, les cinquante-quatre emplois restants, qui sont « destinés au renforcement des CEF, du milieu ouvert et de la continuité des parcours des mineurs pris en charge », ne suffiront pas à répondre aux besoins, d’autant que l’on ignore encore à ce jour la répartition de ces postes entre les centres éducatifs fermés et les autres structures. Depuis plusieurs années, rappelons-le, les atteintes aux droits fondamentaux, la faiblesse de l’encadrement, le manque de projets éducatifs dans les centres éducatifs fermés sont pointés du doigt, en particulier par le contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Alors que de nouveaux dysfonctionnements ont été signalés à la rentrée, il est grand temps, nous semble-t-il, de faire le bilan du fonctionnement et de l’efficacité des centres éducatifs fermés. Quant aux mesures à venir, notamment en ce qui concerne la réforme de l’ordonnance de 1945 et la suppression des tribunaux pour mineurs, nous nous réjouissons, comme nous l’avons fait l’an dernier, de l’annonce du dépôt d’un projet de loi en 2016, même si le calendrier, nous le savons toutes et tous, incite à la prudence.
Concernant les services judiciaires, là encore le nombre de créations de postes apparaît largement insuffisant. Les 157 créations nettes d’emploi ne permettront pas de soutenir les réformes majeures : mise en œuvre de la loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, réformes dans le cadre de la justice du XXIe siècle, poursuite de la mise en place de la loi relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation et mise en place de la loi renforçant le secret des sources des journalistes.
Enfin, en matière d’accès au droit, seul un effort financier important et suivi pourrait être de nature à améliorer la situation en matière d’aide juridictionnelle, pourtant seule à même d’assurer une assistance aux justiciables les plus démunis. Or force est de constater que la solution visant à assurer un financement pérenne de l’aide juridictionnelle n’est pas encore trouvée, malgré le protocole d’accord entre le ministère de la justice et les avocats, qui a abouti au retrait de l’essentiel des propositions introduites dans l’article 15 dans sa rédaction initiale.
Comme nous l’avons déjà fait remarquer au cours de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, les quelques efforts accomplis pour améliorer l’accueil des justiciables dans les palais de justice et les modifications à la marge apportées aux dispositifs d’accès au droit par le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, que nous avons examiné au début de ce mois, ne suffiront pas à masquer cette politique budgétaire. Je réaffirme ce soir qu’il revient à l’État de prendre en charge le financement du système de solidarité nationale grâce auquel toute personne, quels que soient ses moyens, peut accéder au droit et à la justice.
En définitive, si le budget de la justice pour 2016 reste un budget prioritaire, les moyens contraints qui lui seront alloués, la question du financement de l’aide juridictionnelle et la précarité de nombreux agents du service public de la justice conduisent les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, non pas à rejeter les crédits de la mission « Justice », mais à opter pour ce que j’appellerai une abstention d’appel…
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Une abstention bienveillante !
Sourires.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je commencerai par remercier et féliciter nos rapporteurs. Car, si la dernière réforme de notre règlement a quelque chose de bel et bon, je trouve que présenter en trois minutes un rapport qui est souvent le fruit de nombreuses heures de travail relève de la virtuosité… Le fait est qu’il est difficile de déployer une argumentation dans un temps aussi court. C’est pourtant une chose importante que l’argumentation !
Mes chers collègues, je trouve que la loi du chronomètre prend tout de même une place très importante dans nos travaux. Que les dernières évolutions soient bonnes, ce que je reconnais, ne m’empêche pas d’émettre à cet égard quelques réserves, comme dirait Mme Assassi… Moyennant quoi, j’ai déjà consommé une minute de mon temps ! §Mais cette minute n’était peut-être pas inutile.
Dans le temps qui me reste, madame la garde des sceaux, je tiens à souligner que ce budget est la traduction de trois grands textes que vous avez fait voter.
Le premier est la loi sur la prévention de la récidive. Fondée sur une certaine philosophie de la justice, elle vise à rechercher des alternatives à l’emprisonnement chaque fois que cela est légitime et nécessaire. Nos rapporteurs ont fait observer que la contrainte pénale instaurée par cette loi avait démarré à un rythme encore faible ; mais je pense que des efforts seront accomplis pour que la philosophie qui inspire cette grande loi soit toujours davantage mise en pratique.
Le deuxième grand texte dont vous êtes à l’origine, madame la garde des sceaux, est la loi relative à la justice du XXIe siècle. Or le budget dont nous débattons ce soir ouvre la voie à la mise en œuvre de l’un des fondements de cette importante réforme : la facilitation de l’accès au droit.
Le troisième grand texte que nous devons à Mme la garde des sceaux est la loi sur l’indépendance des magistrats. Je continue d’espérer que celle-ci pourra être complétée, le plus vite possible, par une réforme constitutionnelle relative à l’indépendance du parquet. Nécessaire, cette réforme devrait être encore possible, selon moi, nonobstant les considérations politiciennes. Peut-être n’est-ce qu’un vœu pieux ; mais il me semble que cette réforme serait très bonne pour notre pays.
J’en viens à la question des établissements pénitentiaires dans le contexte de la lutte contre le terrorisme.
D’abord, on ne peut pas ne pas constater que les personnels prévus sont beaucoup plus nombreux que par le passé. Les chiffres sont là : 1 584 postes sont prévus pour la période 2015-2017, auxquels il faut ajouter les 2 500 créations de postes annoncées par le Président de la République et que le Gouvernement a prévu d’inscrire dans le projet de loi de finances par voie d’amendement. Au total, 5 100 postes auront été créés depuis 2012. Sans insister lourdement, on peut tout de même faire remarquer que, en d’autres temps, les ouvertures de postes n’atteignaient pas ce niveau… Vous savez bien, mes chers collègues, que je parle par euphémisme !
Pour améliorer les conditions de travail de l’administration pénitentiaire et la situation dans les prisons, les alternatives à la détention sont nécessaires. Nous soutenons tout ce qui va dans ce sens, à commencer par la contrainte pénale. Hugues Portelli a traité de cette question avec clarté.
Permettez-moi de signaler trois enjeux liés à la lutte contre le terrorisme, qui nous préoccupe tous.
S’agissant en premier lieu du traitement des personnes radicalisées et ultra-radicalisées, vous vous souvenez certainement, madame la garde des sceaux, que la commission d’enquête du Sénat sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, dont j’étais le rapporteur, a marqué son désaccord avec le parti qui a été pris à Fresnes de concentrer un grand nombre de personnes radicalisées en un même endroit ; il en est résulté un effet que les surveillants que nous avons rencontrés ont qualifié de « cocotte-minute ».
Dans la mesure où disperser ces personnes aboutirait inéluctablement à disperser la radicalisation, le parti que vous prenez, madame la garde des sceaux, me paraît être le bon : vous proposez des unités de vingt personnes. Notre commission d’enquête avait suggéré dix personnes, mais peu importe ; le tout est que ces personnes soient suivies et bénéficient d’un encellulement individuel.
En ce qui concerne en deuxième lieu les aumôniers, je rappelle qu’ils reçoivent un agrément de l’État, dans les prisons comme dans l’armée et dans les hôpitaux. Je vous demande, madame la garde des sceaux, en sachant que vous y êtes très attachée, que cet agrément soit accordé avec une extrême vigilance, de sorte que les aumôniers soient formés comme il convient.
En matière de renseignement pénitentiaire, en troisième lieu, il y a d’incontestables et nécessaires efforts. M. Portelli, à la page 17 de son rapport pour avis, souligne qu’un certain nombre de fonctionnaires chargés du renseignement pénitentiaire exercent aussi d’autres fonctions. Or il me semble qu’il y a deux missions différentes : le renseignement pénitentiaire, qui doit être confié à des spécialistes du renseignement, et les fonctions des surveillants et d’autres personnes, qui procèdent d’une autre logique. Je sais, madame la garde des sceaux, que vous êtes attachée à cette distinction ; peut-être pourrez-vous introduire encore plus de clarté, ce qui serait très précieux.
Madame la garde des sceaux, je vous félicite pour ce budget, qui traduit une véritable philosophie du droit, celle qui a inspiré les trois grands textes que j’ai mentionnés !
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, en cette période d’épreuve que vit notre nation, nous examinons les crédits de la mission « Justice ». Ce beau nom de « justice » nous renvoie aux principes et aux valeurs de notre République, sauvagement attaquée ces jours-ci. Dans le marbre de notre Constitution est inscrit le principe de la dignité de la personne humaine ; plus que jamais, ce principe doit guider notre action.
Nous avons une justice républicaine : elle protège la dignité et les droits des personnes, garantit les droits de la défense et le droit au procès équitable et doit appliquer des peines justes ; elle n’admet pas la torture, ni les traitements dégradants pour la personne humaine ; elle est au service des victimes et des plus faibles et doit traiter tous les justiciables de manière égale. Tout le contraire de la barbarie que manifestent les assaillants de ces derniers jours !
Je tiens à rendre hommage à notre justice républicaine, aux magistrats et à nos forces de gendarmerie et de police, qui tous ont si bien œuvré ces derniers jours, comme ils le font au quotidien. Madame la garde des sceaux, soyez sûre de notre détermination à leur fournir tous les moyens juridiques et politiques nécessaires à leur action.
Le budget de la justice évolue constamment au gré des événements et des annonces successives, ce qui rend difficile l’appréhension des efforts budgétaires. L’équilibre de la mission « Justice » va être modifié à la suite des mesures que le Président de la République a annoncées devant le Congrès. En 2016, le ministère de la justice devrait disposer de 7, 9 milliards d’euros de crédits de paiement et de plus de 8 milliards d’euros d’autorisations d’engagement. Les crédits de paiement de cette mission, hors dépenses de personnel, diminueront entre 2015 et 2016 de 47, 7 millions d’euros, soit de 1, 6 %. Les économies hors titre 2 ne suffisent pas à respecter la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques, l’écart étant de 58 millions d’euros.
Madame la garde des sceaux, votre budget prévoit le recrutement de magistrats et fonctionnaires supplémentaires. Or les rapporteurs soulignent un écart entre l’annonce de la création de nouveaux postes et les nominations effectives. Ainsi, en 2014, alors que le plafond d’emplois s’élevait à 77 951 ETPT, plus de 1 400 d’entre eux, soit 1, 8 %, n’ont pas été réellement pourvus. Il faudra veiller à ce que ces postes soient effectivement pourvus, surtout dans le cadre des mesures prises contre le terrorisme.
Le décret d’avance notifié à la commission des finances le 18 novembre dernier, qui prévoit 18 % d’annulations de crédits, soit 70 millions d’euros mis en réserve l’année dernière pour le budget de la justice, complique encore la compréhension de la cohérence de ce budget, des annonces du Président de la République et de la réalité des chiffres.
Après les attentats de cette année, il est nécessaire de renforcer le pool des magistrats antiterroristes de Paris et de mettre à leur disposition des moyens technologiques modernes. Une soixantaine d’entre eux se consacrent directement à la lutte antiterroriste : trente-sept magistrats au tribunal de grande instance de Paris, vingt-cinq magistrats du siège à la cour d’appel de Paris et plusieurs magistrats du parquet général. Pour réagir efficacement contre la pieuvre terroriste, il est indispensable de mobiliser des moyens supplémentaires. Nous attendons donc la concrétisation budgétaire des annonces du Président de la République : 2 500 postes nouveaux dans l’administration pénitentiaire et les services judiciaires.
De nouvelles modalités de prise en charge des personnes radicalisées sont prévues. Je pense en particulier à la création de cinq unités spécialisées, qu’il faut structurer ; les détenus y suivront des programmes de déradicalisation encadrés par des binômes d’éducateurs-psychologues. La création de trente nouveaux postes d’aumôniers dans les prisons permettra de lutter contre l’extrémisme sur le plan spirituel, auquel les jeunes délinquants sont particulièrement sensibles.
La déradicalisation passe aussi par l’amélioration de la prise en charge des personnes écrouées : les cellules et les espaces communs doivent être rénovés, et l’accent mis sur la hausse des activités en détention et le développement de programmes de réinsertion et de prévention de la récidive. Madame la garde des sceaux, qu’en est-il de la réflexion engagée sur le regroupement des détenus et des condamnés radicalisés ? Pouvez-vous nous préciser vos objectifs actuels et les mesures prises à la suite de cette réflexion ? Sur ces questions, nous formulons depuis de nombreuses années des préconisations restées jusqu’ici sans écho gouvernemental.
Après les récents attentats, l’aide aux victimes du terrorisme s’impose comme une priorité nationale. Il faut organiser la coordination des services compétents en France comme à l’étranger et, surtout en ce moment, informer les victimes sur les modalités de leur indemnisation immédiate et future et de la prise en charge sanitaire des blessés et des personnes en état de stress psychologique. La commission d’indemnisation des victimes d’infraction intervient déjà très concrètement ; elle aura certainement besoin de crédits et de personnels supplémentaires. Qu’avez-vous prévu dans ce domaine, notamment pour appliquer la circulaire du 12 novembre ?
La situation des jeunes délinquants occupe une place importante dans le budget de la mission « Justice ». Malgré le manque de moyens que dénoncent différents acteurs, le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » bénéficie de crédits stables.
M. le rapporteur spécial indique qu’il est difficile de recruter des personnels dans ce secteur et évoque un certain turn-over. Or la présence de personnels sur le terrain est indispensable pour suivre nombre de jeunes à la dérive et pour les accompagner vers une vie plus responsable.
Comment évoluera ce programme après l’examen du projet de loi sur la justice des mineurs qui nous a été annoncé ? Ce texte nécessitera sans doute de nouveaux crédits et moyens en personnel. Pourriez-vous nous parler de vos perspectives dans ce domaine ?
Le budget de l’aide juridictionnelle augmentera de 25 millions d’euros en 2016 et de 50 millions d’euros en 2017. Cela doit permettre aux personnes les plus pauvres et les plus délaissées de bénéficier de l’aide et à leurs avocats de bénéficier d’une juste indemnisation pour leurs interventions. Pourtant, les mesures initiales du présent projet de loi de finances ne remplissaient pas ce second objectif. Ce n’est qu’après une intense mobilisation des avocats que vous avez dû signer un protocole d’accord le 28 octobre dernier, qui s’est concrétisé par l’adoption en première partie des amendements nécessaires à sa réalisation.
Enfin, j’évoquerai le projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle, que le Sénat a voté après l’avoir utilement complété et amendé. Vous nous avez assuré que le financement en serait garanti. Cela sera-t-il bien le cas, compte tenu des modifications apportées au projet de loi de finances et des nouvelles mesures annoncées en matière de terrorisme ?
Une autre question mobilise les élus : le transfert de l’enregistrement des pactes civils de solidarité aux officiers d’état civil. Cette mesure devait alléger la charge des tribunaux d’instance pour un gain évalué à 79 équivalents temps plein et une économie estimée à 2, 5 millions d’euros. Le Sénat a rejeté cette disposition parce qu’aucune compensation financière de l’État n’était prévue. Rien n’empêcherait pourtant l’État de verser cette somme. Quelles sont donc vos intentions à ce sujet ?
Telles sont les quelques observations que je souhaitais formuler au nom de mon groupe sur ce budget en constante évolution. Sous les réserves de principe que je viens d’énoncer, nous suivrons la position de la commission des finances.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, comme pour la plupart des ministères régaliens, le budget du ministère de la justice est examiné dans un contexte particulier, en raison des attentats que la France a subis il y a presque deux semaines.
Le niveau de la menace n’a jamais été aussi élevé, et les magistrats, notamment ceux du parquet de Paris, sont au cœur du dispositif de lutte antiterroriste. Ces jours derniers, on a salué à juste titre l’action de nos forces de sécurité. Pour ma part, je souhaite également rendre un hommage appuyé aux magistrats du siège et du parquet qui participent chaque jour à la lutte contre le terrorisme dans notre pays.
Si leur action doit être saluée, il faut aussi souligner qu’elle s’inscrit dans un contexte budgétaire contraint. Comme le font chaque année les rapporteurs de la mission « Justice », il faut rappeler le dénuement de certaines juridictions, que nous révèlent certains aspects purement matériels. Ainsi, nous devons être conscients que certains juges travaillent – pour donner un exemple – avec du matériel informatique hors d’âge et qu’ils doivent parfois compter jusqu’aux ramettes de papier.
Toutefois, c’est surtout la question du manque de moyens humains qui perdure. Comme depuis de nombreuses années, le nombre des vacances de postes s’est accru cette année, en dépit des créations d’emplois qui ont été décidées. Le décalage qui persiste entre les prévisions du Gouvernement en loi de finances et la réalité telle que nous l’observons à l’issue de l’exercice budgétaire nous interpelle.
Plus largement, ce décalage systématique entre le montant des crédits ouverts et celui des crédits effectivement dépensés affecte la sincérité de la programmation budgétaire. Cette remarque vaut probablement pour d’autres missions que la mission « Justice », mais elle pose, malgré tout, une vraie question de principe dans un domaine particulièrement sensible.
Enfin, le nombre de magistrats qui exercent réellement au sein des juridictions reste insuffisant. Ce constat est d’autant plus vrai que l’on observe, comme le fait notre collègue Yves Détraigne dans son rapport, une « mauvaise prise en compte, par le budget, des réformes en cours ».
Le projet de loi relatif au droit des étrangers en France – la commission mixte paritaire de mardi dernier n’est d’ailleurs pas parvenue à un accord – nous en offre un parfait exemple. Ainsi, les juges des libertés et de la détention seront bientôt compétents pour se prononcer sur la légalité du placement en rétention administrative des étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Or ce sont plus de 25 000 placements de majeurs en rétention qui sont prononcés chaque année ; il est bien évident que cette charge contentieuse nouvelle et très lourde aura des incidences importantes sur l’activité de ces magistrats.
J’aimerais également revenir quelques instants sur les annonces gouvernementales en matière de lutte antiterroriste.
En janvier 2015, après les attentats de Charlie Hebdo, le Gouvernement avait annoncé la création de 950 emplois supplémentaires au sein du ministère de la justice au cours des trois prochaines années. Aujourd’hui, madame la garde des sceaux, vous nous présentez un amendement qui prévoit la création de 1 175 postes pour les services judiciaires, 1 100 postes pour l’administration pénitentiaire, 75 postes pour la protection judiciaire de la jeunesse et enfin 150 postes pour renforcer les moyens informatiques des interceptions judiciaires et la consolidation des applications pénales. On ne peut que soutenir cette mobilisation exceptionnelle. Gardons malgré tout à l’esprit que la création d’un poste ne signifie pas, tant s’en faut, un magistrat ou un greffier en plus dans une juridiction. En effet, la formation d’un magistrat à l’École nationale de la magistrature obéit à ses propres impératifs et dure trente et un mois.
Le volet pénitentiaire du plan de lutte antiterroriste du ministère de la justice est également très important : il doit renforcer les capacités de renseignement de l’administration pénitentiaire, créer des modules spécifiques de prise en charge et de prévention des phénomènes de radicalisation en prison et contribuer à former les agents. En tant que sénateur du Lot-et-Garonne, département dans lequel se trouve l’ENAP, l’École nationale de l’administration pénitentiaire – qui se situe plus précisément à Agen –, je peux témoigner ici de la motivation des équipes d’encadrement et de formation de cette école. Elles seront prêtes à accueillir ces futurs nouveaux agents.
La prévention de la radicalisation constituant un point central dans la lutte contre le terrorisme, nous ne pouvons donc qu’approuver ces mesures et soutiendrons l’amendement du Gouvernement.
Enfin, je veux évoquer le problème de l’aide juridictionnelle et déplorer les multiples hésitations et renoncements que nous avons observés depuis près de deux ans sur cette question, qui témoignent d’une véritable improvisation.
En janvier 2014, le Gouvernement a supprimé la contribution pour l’aide juridique. Or, depuis lors, il n’a cessé d’augmenter les taxes avec la revalorisation de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance de protection juridique, des droits fixes de procédure et de la taxe forfaitaire prévue sur les actes effectués par les huissiers de justice, puis avec la hausse du droit de timbre dû par les parties à l’instance d’appel. Il aura fallu un mouvement de grève sans précédent des avocats pour que le Gouvernement renonce à financer l’augmentation de l’aide juridictionnelle par un prélèvement sur les CARPA, les caisses des règlements pécuniaires des avocats, dispositif que l’Assemblée nationale avait pourtant voté une semaine auparavant.
L’amendement du Gouvernement à l’article 15 du présent projet de loi de finances, qui a été adopté par le Sénat lundi dernier, prend acte du protocole d’accord signé entre la Chancellerie et les représentants de la profession d’avocat le 28 octobre 2015. D’une part, il fixe l’unité de valeur de référence à 26, 50 euros au lieu de 22, 50 euros actuellement et élargit la rétribution de l’avocat lors d’auditions libres ou de mesures de retenues et de rétention. D’autre part, il supprime le prélèvement sur les produits financiers des fonds qui transitent par les CARPA.
Compte tenu de ce retournement in extremis mais salutaire du Gouvernement, les protestations des avocats se sont calmées. Néanmoins, la question du financement pérenne de l’aide juridictionnelle reste posée. D’autant plus que vous avez souhaité, madame la garde des sceaux, accroître le nombre de bénéficiaires de cette aide en relevant à hauteur de 1 000 euros le plafond des ressources pour y prétendre, ce qui permettra à près de 100 000 nouveaux justiciables d’être éligibles à ce dispositif. Le chantier du financement de l’aide juridictionnelle reste donc ouvert.
Pour conclure, tout en réaffirmant les réserves que je viens de formuler, j’indique que le groupe UDI-UC soutiendra l’adoption des crédits de la mission « Justice », afin de marquer son adhésion aux mesures importantes présentées par le Gouvernement en matière de lutte antiterroriste.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, après le drame des attentats, notre commission des lois n’a pas discuté longtemps de la nécessité de voter la prorogation de l’état d’urgence. Pourquoi ? Parce que, de Jean-Jacques Hyest à Philippe Bas, en passant par Jean-Pierre Sueur, il existe une continuité : le Sénat n’est pas seulement le représentant constitutionnel des collectivités territoriales ; il est aussi l’un des garants des libertés publiques, comme l’autorité judiciaire.
Soit dit par parenthèse, M. le ministre de l’intérieur ferait lui aussi un excellent ministre de la justice, …
… tant il est scrupuleux en matière de droit.
Nous avons débattu pour déterminer si, dans le cadre de la procédure de l’état d’urgence, un autre ordre de juridiction, à savoir la juridiction administrative – qui, je ne vous le cacherai pas, mes chers collègues, ne me laisse pas insensible –, pouvait également défendre les libertés publiques. Il suffit de voir le référé-liberté que le Conseil d’État a rendu sur la « jungle » de Calais pour s’en convaincre. Plutôt que de longs discours, cette ordonnance montre que le vice-président du Conseil d’État avait vu juste lorsque, auditionné par notre collègue François-Noël Buffet au sujet du droit d’asile, il avait déclaré qu’il était possible d’obtenir justice dans des délais de procédure restreints.
Cela étant, inutile d’ajouter que nous nous sommes tous mobilisés, collectivement – car il n’y a pas d’un côté la nuit et de l’autre la lumière –, pour défendre ces libertés. M. Bas, que je salue une nouvelle fois, a eu quant à lui la lourde responsabilité de poser ses conditions au nom du Sénat, afin que le déplacement du curseur entre police administrative et police judiciaire ne se fasse pas au détriment de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle. Je salue donc Philippe Bas pour ce qu’il a fait, comme je salue son homologue de l’Assemblée nationale, notre collègue député Jean-Jacques Urvoas, d’avoir eu l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître.
Au sujet des chiffres, je ne demande qu’une seule chose : que soit installé sur la façade principale du ministère de la justice – parée bien entendu des couleurs de la France – un compteur qui égrène, comme ce chronomètre
M. René Vandierendonck montre l’horloge du Sénat destinée à décompter le temps de parole des orateurs.
Je veux vous dire les yeux dans les yeux, mes chers collègues, qu’après avoir observé les choses telles qu’elles sont, je n’ai jamais connu – si vous m’en trouvez un, je vous rembourse la différence ! §– de budget de la justice avec une telle ambition. Évidemment, certains de nos collègues, que l’on entend plutôt du côté droit de l’hémicycle – je ne suis pourtant pas hémiplégique –, affirment que 600 millions d’euros ne représentent pas grand-chose.
Monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des lois, si vous vous mettiez d’accord, sous l’autorité du président du Sénat, et si Mme la garde des sceaux, qui est ici chez elle, agréait la méthode, nous pourrions mettre en place un outil de mesure de ce plan de rattrapage dans la clarté et la transparence.
Pour conclure, je remercie le Premier ministre ainsi que vous-même, madame la garde des sceaux, et, à travers vous, tous ceux qui rendent la justice au nom du peuple français, d’avoir décidé ce renforcement sans précédent du parquet antiterroriste. Je sais que cela ne s’est pas fait tout seul.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Henri Tandonnet applaudit également.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après la réunion extrêmement dense qui s’est tenue voilà quarante-huit heures à la commission des lois, je me retrouve une nouvelle fois devant vous pour présenter le budget de la mission « Justice ». Je connais votre intérêt pour ce sujet, en particulier pour les actions que le ministère de la justice conduit et les politiques publiques qu’il définit. C’est pour cela qu’en même temps que j’exposerai la cohérence de ce budget je répondrai à vos questions au fil de l’eau.
Ne disposant que d’un temps de parole de vingt minutes du fait de l’organisation de cette discussion, je ne serai pas en mesure de répondre en détail à toutes les questions qui m’ont été posées. J’aurai néanmoins le scrupule d’apporter des précisions écrites à chacun d’entre vous, par exemple sur la plate-forme des interceptions judiciaires. En tant que parlementaires, vous avez tout à fait le droit de vouloir savoir comment s’effectue le déploiement et connaître nos attentes en matière de performance et de rationalisation budgétaires.
Il m’incombe donc aujourd'hui de vous présenter la logique et la cohérence du budget de la mission « Justice ».
Ce budget évolue, car la circonstance est particulière : le Président de la République, devant le Parlement réuni en Congrès lundi 16 novembre, vous a informés directement de sa décision d’octroyer 2 500 emplois supplémentaires au ministère de la justice, lesquels s’accompagnent d’une dotation budgétaire supplémentaire de 251 millions d’euros. Par conséquent, pendant ces derniers jours, il nous a fallu travailler pour parvenir à une répartition optimale des effectifs et dotations budgétaires. Celle-ci sera effective si vous adoptez l'amendement du Gouvernement que je défendrai à l’issue de la discussion générale.
Dans cette circonstance difficile de lutte contre le terrorisme, le ministère de la justice prend toute sa part. Il a ainsi la charge de l’enquête judiciaire, c’est-à-dire de la conduite de toutes les actions nécessaires pour que cette enquête soit diligente et efficace. Cela concerne non seulement les effectifs de magistrats et de greffiers, mais également les frais de justice, afin que les magistrats puissent commander toutes les études et expertises dont ils ont besoin. Vous avez d’ailleurs noté que l’enquête allait vite, car, à la suite des attentats du mois de janvier, les effectifs de magistrats et de greffiers ont déjà été renforcés et les frais de justice abondés, pour que le pôle antiterroriste de Paris dispose des marges de manœuvre nécessaires.
Le ministère de la justice prend également toute sa part avec la prise en charge des victimes.
En outre, le ministère de la justice prend toute sa part en assurant l’efficacité des programmes de prévention et de lutte contre la radicalisation dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse et du suivi des personnes confiées à l’administration pénitentiaire.
Ce budget était déjà en augmentation avant le deuxième plan de lutte antiterroriste. Il a franchi cette année le cap symbolique des 8 milliards d’euros. Il est vrai qu’il était légèrement plus élevé voilà quelques semaines, mais le Gouvernement a dû entre-temps prendre des décisions réclamant un effort à tous les ministères – celui du ministère de la justice a été proportionné. Je le répète, ce budget s’accroîtra de façon substantielle si vous adoptez l’amendement du Gouvernement.
Le ministère de la justice conserve une grande capacité de création d’emplois. Lors de la campagne présidentielle, le candidat François Hollande s’était engagé à créer chaque année 300 postes nouveaux, soit 1 500 emplois en fin de législature. En réalité, nous atteindrons 6 100 emplois nouveaux à cette date. En effet, dans la programmation triennale, nous avions prévu la création de 1 584 emplois ; dans le cadre du premier plan de lutte antiterroriste de janvier 2015, nous avons obtenu la création supplémentaire de 950 emplois. Par conséquent, nous disposons dorénavant de 2 500 emplois supplémentaires. Ce n’est pas négligeable. La répartition de ces emplois nouveaux se fait selon les besoins.
J’ai bien conscience que l’administration pénitentiaire absorbe parfois une quantité importante de ces effectifs. Ce ne sera pas le cas pour les 2 500 emplois nouveaux. J’appelle votre attention sur le fait que, proportionnellement, l’administration pénitentiaire est la direction du ministère de la justice la plus lourde en effectifs, mais aussi en besoin d’investissements, puisque les crédits immobiliers affectés à cette direction sont importants. Toutefois, en pourcentage, l’augmentation la plus élevée concerne la protection judiciaire de la jeunesse, devant la direction des services judiciaires. Grâce à l’adoption de l’amendement du Gouvernement, les services judiciaires connaîtront aussi une forte augmentation.
Je suis toujours surprise d’entendre qu’il n’y a pas suffisamment de surveillants, alors que l’administration pénitentiaire absorbe une part importante du budget. En d’autres termes, il faudrait encore doter budgétairement cette administration. Il est vrai que les moyens restent insuffisants, que nos établissements pénitentiaires sont confrontés à la question de la surpopulation carcérale. Vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, vous soulignez les besoins. Au reste, vous avez raison, la question de l’attractivité de ces métiers est importante ; il faut mettre en place des dispositifs à même de conserver ces personnels.
Le budget du ministère de la justice sert des politiques publiques parfaitement identifiées.
La justice civile représente 70 % de l’activité judiciaire. Vous avez adopté massivement sa réforme, puisque le texte qui vous a été soumis voilà quelques jours a recueilli 310 voix. C’est un résultat extrêmement significatif dont je vous remercie encore. Cette réforme appelle bien entendu une traduction en termes d’effectifs, notamment d’effectifs fléchés, …
… et de dotation budgétaire.
L’amendement n° II-207 du rapporteur pour avis Yves Détraigne a pour objet la médiation familiale. En effet, dans le cadre de cette réforme, un effort particulier est destiné à la promotion des modes alternatifs de règlement des litiges, notamment par la conciliation et la médiation.
La réforme de la justice civile contient des innovations particulières qui appellent des affectations d’emploi, en particulier de greffiers. Nous avons expérimenté et généralisé le service d’accueil unique du justiciable ainsi que le greffier assistant du magistrat, nouvelle méthode de travail par équipe permettant au magistrat de se concentrer sur ses fonctions juridictionnelles et au greffier de mieux valoriser ses compétences au sein de la juridiction.
Cette réforme de la justice civile prévoit encore la fusion des juridictions sociales. Alors que le Gouvernement a souhaité attendre la remise du double rapport de l’Inspection générale des services judiciaires et de l’Inspection générale des affaires sociales de façon à préciser les procédures et les périmètres de ces contentieux, vous avez souhaité aller plus loin, mesdames, messieurs les sénateurs, et, au lieu de nous accorder l’habilitation qui était demandée, vous avez décidé de décrire plus précisément la fusion des juridictions sociales, à savoir les tribunaux des affaires de sécurité sociale, les tribunaux du contentieux de l’incapacité et une partie des contentieux des commissions départementale d’aide sociale.
Ce budget traduit les engagements du Gouvernement pour la justice civile, comme dans la lutte contre le terrorisme. Avant même le plan de lutte contre le terrorisme décidé et annoncé par le Premier ministre au mois de janvier, après les attentats horribles qui s’étaient produits à cette époque, un programme de lutte contre le terrorisme avait déjà été mis en place. Ainsi, j’ai diffusé une circulaire recensant les détenus particulièrement surveillés au mois de novembre 2012, qui a été actualisée en novembre 2013.
Par ailleurs, au mois de juin 2013, un plan de sécurisation des établissements pénitentiaires de 33 millions d’euros a été décidé, qui a été mis en place au second semestre de la même année. Il prévoyait un vaste programme de formation spécialisée sur les institutions de la République, sur la laïcité et la citoyenneté, sur les emprises sectaires, sur l’enseignement de la religion, à destination des personnels pénitentiaires et des aumôniers, assuré par des universitaires issus de l’École pratique des hautes études, la préfecture de police de Paris, l’École nationale d’administration pénitentiaire.
Ce programme de formation que nous avons développé dans le domaine pénitentiaire a été élargi : il entreprend également de former les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse ainsi que tous les personnels employés par le secteur associatif habilité. Nous avons déjà formé 3 800 personnes et, dans le cadre de la programmation triennale, nous en aurons formé 11 000.
Pour la protection judiciaire de la jeunesse, nous avons mis en place un réseau de 69 référents laïcité et citoyenneté, comme Cécile Cukierman l’a rappelé dans son rapport. Il assure un encadrement et un support aussi bien aux services des éducateurs et des psychologues que nous avons recrutés également en surcroît qu’auprès des jeunes eux-mêmes.
Tous les engagements trouvent donc leur traduction dans le budget de la mission « Justice ». Certains avaient déjà été mis en place avant le plan de lutte contre le terrorisme et ont été poursuivis et renforcés après. Avant même ce premier plan, nous avions lancé à la mi-2014 un appel d’offres pour une recherche-action, c’est-à-dire une recherche qui produit en même temps des outils de mise en œuvre. Il a été remporté par l’Association française des victimes du terrorisme.
Engagée depuis le début du mois de janvier, cette action nous permet déjà, avec la formation qui est faite sur certains détenus, de déterminer des éléments permettant de mieux détecter les personnes qui sont en voie de radicalisation ou qui sont très fortement radicalisées. Je vous signale que les personnes très radicalisées sont mises à l’isolement et font l’objet de contrôles fréquents. Lorsque cela s’impose, elles font même l’objet de transferts d’un établissement à un autre aussi souvent que nécessaire. Pour les autres actions, un autre programme est prévu, notamment le programme des quartiers dédiés, qui permet une double séparation par rapport à la population carcérale et entre détenus radicalisés eux-mêmes, puisque ceux-ci se trouvent alors placés dans des cellules individuelles.
Dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme de janvier 2015, 950 emplois supplémentaires et 102 millions d’euros de crédits, hors masse salariale, ont été octroyés à la justice : 114 magistrats, 114 greffiers, ainsi que des assistants spécialisés, des assistants de justice ont été affectés aux juridictions. Des postes d’informaticiens et des traducteurs-interprètes ont également été affectés à l’administration pénitentiaire. De nouveaux métiers ont été créés, tel celui d’analyste-veilleur. Les moyens de la cellule pluridisciplinaire que nous avons mise en place pour accompagner le renseignement pénitentiaire ont été fortement renforcés. Cette cellule, dont les effectifs sont passés de 70 à 159 agents spécialisés, compteront 185 personnels l’année prochaine.
Si vous le voulez bien, je reviendrai tout à l’heure sur le nouveau plan de lutte antiterroriste lors de la présentation de mon amendement. Ce plan nous permettra de disposer de 2 500 emplois supplémentaires, ainsi que d’une dotation de 251 millions d’euros. Il s’appuiera sur l’action qui a été engagée avant et depuis le plan de 2015 en faveur tant des juridictions que de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse.
J’en viens maintenant à l’aide juridictionnelle, sur laquelle des choses essentielles ont été dites. La réforme trouverait sa source dans le mouvement des avocats… Oui et non. On sait depuis 2001 par de nombreux rapports, dont ceux de l’Assemblée nationale et du Sénat, qu’il s’agisse de celui de M. du Luart de 2006 ou de celui de Mme Joissains et de M. Mézard de 2014, que le système de l’aide juridictionnelle est à bout de souffle. Or rien n’a été fait entre 2001 et 2006.
Pour ma part, j’ai engagé depuis 2012 des discussions avec la profession sur la réforme de l’aide juridictionnelle. Cela ne nous a pas empêchés d’augmenter régulièrement, chaque année, le budget de l’aide juridictionnelle. Il est ainsi passé de 275 millions d’euros en 2010 à 394 millions d’euros cette année, après les répartitions auxquelles il a été procédé ces dernières semaines, au lieu des 400 millions d’euros initialement prévus. Il est toutefois à noter que ces nouvelles répartitions ne pénaliseront personne, la décision ayant été prise de différer la mise en œuvre de la contractualisation, à laquelle la profession préfère continuer de réfléchir.
Pour commencer, nous avons supprimé le droit de timbre de 35 euros, car cette taxe avait réduit l’accès au droit, à la justice. Dans certains ressorts, l’accès à la justice a ainsi connu une baisse de 10 %. Pour ma part, je ne suis pas indifférente au fait que, dans une période où la situation économique s’aggrave, où de plus en plus de nos concitoyens sont dans la précarité, certains d’entre eux aient moins accès au droit et à la justice. Les personnes qui étaient pénalisées par ce droit de timbre n’étaient pas en situation de faire appel à la justice pour des raisons financières. Les pertes résultant de la suppression de ce droit de timbre, qui rapportait 60 millions d’euros à l’aide juridictionnelle, sont compensées par l’État.
Nous avons ensuite relevé à 1 000 euros le plafond de ressources permettant aux justiciables de bénéficier de l’aide juridictionnelle. Un revenu de 1 000 euros, c’est modeste ! Ce relèvement permet à 100 000 personnes d’avoir accès à l’aide juridictionnelle à 100 %. De plus, nous avons indexé ce plafond sur l’évolution des prix hors tabac.
Nous avons par ailleurs décidé d’augmenter la rétribution des avocats par un relèvement de l’unité de valeur. Cette revalorisation, de 12, 6 % en moyenne, sera applicable par référence à trois groupes de barreaux au lieu de dix actuellement. L’unité de valeur passera ainsi à 26, 50 euros pour le premier groupe, à 27, 50 euros pour le deuxième et à 28, 50 euros pour le troisième.
Par ailleurs, comme je l’ai déjà indiqué, la profession a accepté de continuer à discuter de la contractualisation et de prendre sa part à la modernisation des outils, notamment Portalis, l’application civile pour la justice, et l’application pour la gestion de l’aide juridictionnelle.
Nous avons introduit des simplifications afin d’accroître l’efficacité de l’aide juridictionnelle, s’agissant notamment des procédures sur les niveaux de ressources. Nous travaillons sur l’accès aux informations sociales et fiscales de façon à réduire les délais d’instruction des dossiers d’aide juridictionnelle. Nous avons supprimé le prélèvement de 5 millions d’euros que nous avions prévu sur les produits financiers dégagés par les fonds des clients transitant par les CARPA. Nous avons maintenu la diversification des ressources et donc du financement de l’aide juridictionnelle. Nous continuons de discuter avec la profession, avec qui nous avons d’ailleurs signé un protocole le 28 octobre dernier.
Enfin, je dirai quelques mots sur l’aide aux victimes. Vous connaissez notre volontarisme dans ce domaine, car l’aide aux victimes est une responsabilité forte du ministère.
C’est une responsabilité que nous avons dû assumer dans des proportions sans précédent à la suite des attentats du 13 novembre. J’ai tenu, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous apporter toutes les précisions sur la prise en charge des victimes de ces attentats devant la commission des lois, mais je n’ai pas assez de temps pour le faire aujourd'hui en séance publique. J’indiquerai simplement que, au début de notre quatrième année budgétaire aux responsabilités, le budget de l’aide aux victimes a doublé, pour atteindre 20 millions d’euros aujourd'hui, contre 10 millions d’euros précédemment.
Dans le cadre du plan de lutte antiterroriste, nous souhaitons renforcer les associations. À cet effet, nous vous proposons de voter une augmentation de 7 millions d’euros du budget de l’aide aux victimes, afin de le porter à 25 millions d’euros.
Nous avons mis en place un dispositif de prise en charge et d’accompagnement individualisé des victimes, que nous vous avons demandé d’inscrire dans la loi. Cela a été fait dans la loi du 17 août 2015, après que le dispositif a été expérimenté dans huit tribunaux de grande instance durant toute l’année 2014.
Nous continuons le déploiement sur tout le territoire du téléphone grand danger pour les femmes victimes de violences.
Nous avons ouvert dans tous les tribunaux de grande instance un bureau d’aide aux victimes, chargé de les accueillir, de les informer, de les accompagner et de leur permettre d’accéder à tous les dispositifs que nous avons mis en place.
Nous avons également créé avec les associations un réseau de référents pour les victimes du terrorisme sur l’ensemble du territoire.
Notre politique d’aide aux victimes est donc très volontariste, innovante et de qualité. Les crédits qui lui sont alloués sont très substantiels. Le dispositif qui a été expérimenté et généralisé est très intéressant pour les victimes.
En conclusion, je veux vous remercier de l’intérêt constant que vous portez au budget et à l’action du ministère de la justice, aux projets de loi que nous vous présentons, car ils nous permettent de mener très précisément les politiques publiques que nous souhaitons dans chaque secteur. Je vous remercie surtout pour la qualité de vos travaux. Les rapports que vous produisez nous servent beaucoup. Ils ont ainsi beaucoup servi à la préparation de la réforme pénale et du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, et ils continueront de nous servir. Encore une fois, merci pour la qualité du travail que vous produisez régulièrement !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Henri Tandonnet applaudit également.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Justice
Justice judiciaire
Dont titre 2
2 180 499 244
2 180 499 244
Administration pénitentiaire
Dont titre 2
2 186 888 295
2 186 888 295
Protection judiciaire de la jeunesse
Dont titre 2
475 012 693
475 012 693
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justice
Dont titre 2
137 284 096
137 284 096
Conseil supérieur de la magistrature
Dont titre 2
2 629 003
2 629 003
L'amendement n° II-240, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Justice judiciairedont titre 2
139 319 58348 849 583
134 919 58348 849 583
Administration pénitentiairedont titre 2
156 375 02735 933 352
83 375 02735 933 352
Protection judiciaire de la jeunessedont titre 2
6 896 0002 765 000
6 896 0002 765 000
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justicedont titre 2
40 513 7804 643 780
36 753 7804 643 780
Conseil supérieur de la magistraturedont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement pour la justice judiciaire nous permettront de disposer de 2 500 postes nouveaux, dont 1 175 seront attribués aux juridictions, en priorité au pôle antiterroriste évidemment, à la fois au siège et au parquet. Il s’agira de postes de magistrats et de greffiers, ces derniers étant importants pour les magistrats – je pense en particulier à la mise en place du greffier assistant du magistrat.
Quant à l’administration pénitentiaire, madame Assassi, elle bénéficiera de 1 100 postes, soit un peu moins que la justice judiciaire. La protection judiciaire de la jeunesse se verra octroyer 75 postes. Enfin, 150 postes seront affectés aux services généraux, notamment aux services informatiques, à la PNIJ, mais pas seulement, à la consolidation de Cassiopée et d’autres applications informatiques, que ce soit le casier judiciaire ou la gestion des détenus par exemple.
Il nous faut réellement faire un bond technologique et informatique afin d’être plus performants que les cyberterroristes et les cybercriminels. Il se trouve malheureusement que le ministère de la justice était très en retard d’un point de vue informatique. Le plan que j’ai décidé pour le ministère public a permis l’année dernière d’octroyer à titre expérimental des tablettes et des téléphones portables à des magistrats afin de leur permettre d’assumer les contraintes liées à leurs fonctions en termes de permanence et de mobilité. Cette année, nous en distribuerons 4 000.
L’expérimentation que nous avons menée nous a permis d’ajuster à la fois le niveau de sécurité et le type de matériels, d’apprécier et d’évaluer les logiciels, les bases de données et les fonds documentaires que nous y avons installés. Il y a un fort rattrapage à faire en matière informatique dans ce ministère. Telle est la raison pour laquelle nous avons décidé d’octroyer des crédits et des effectifs spécifiquement pour passer ce cap. Ce bond technologique permettra à nos juridictions d’être plus performantes encore. Alors que nous avons l’intelligence, l’expérience, la connaissance, la capacité d’anticipation, il serait dommage que nous soyons fragilisés parce que nous ne maîtrisons pas suffisamment l’informatique, quand d’autres, on le voit, savent parfaitement l’utiliser.
Comme je le disais précédemment, il est important non seulement que la justice bénéficie d’effectifs, mais également qu’elle ait les moyens de conduire des enquêtes. Nous augmentons donc le budget des frais de justice de 54 millions d’euros de façon à ce que les magistrats puissent commander toutes les enquêtes et les expertises nécessaires.
Nous faisons un effort en faveur des JIRS. J’avais déjà décidé il y a deux ans de les renforcer considérablement, parfois même en affectant du personnel en surnombre dans les juridictions ; d’abord, parce que la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées est un objectif majeur ; ensuite, parce qu’il existe, nous le savons, une véritable interconnexion entre la criminalité organisée et le terrorisme. Il faut traquer les criminels et les terroristes par tous les chemins.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous enverrai au fur et à mesure les précisions sur les crédits de l’administration pénitentiaire, car nous sommes actuellement en discussion avec les représentants des personnels pénitentiaires. Nous faisons des efforts non seulement en termes d’effectifs, mais également de moyens logistiques et d’investissements immobiliers. Nous faisons également des efforts pour rendre les métiers attractifs et pour conserver les personnels, en travaillant sur les primes et le régime indemnitaire. Vous le savez, une compétition est possible entre le recrutement de policiers et celui de surveillants pénitentiaires. Il faut donc que le régime salarial et indemnitaire soit attractif pour ces derniers.
Voilà, pour l’essentiel, l’objet de cet amendement. Pour le reste, les chiffres traduisent les propos que je vous ai tenus à la tribune. Je vous demande donc de bien vouloir voter cet amendement, qui nous permet d’intégrer l’effort annoncé en termes budgétaires et en termes d’effectifs pour le ministère de la justice.
La commission des finances a émis un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement. Je formulerai toutefois plusieurs remarques.
Ce sont d’abord les juridictions qui voient leurs moyens augmenter grâce à cet amendement puisque 135 millions d'euros leur sont consacrés. J’avais recommandé dans le cadre du rapport spécial que, contrairement au plan de lutte antiterroriste renforçant très fortement les moyens de l’administration pénitentiaire, il soit donné davantage de moyens aux juridictions judiciaires. Le Gouvernement nous a entendus.
Concernant l’administration pénitentiaire, outre les 500 emplois prévus, la construction des trois établissements pénitentiaires sera accélérée. Pouvez-vous nous indiquer, madame la garde des sceaux, comment vous comptez accélérer de tels projets ? Par ailleurs, dans quelle mesure cette dépense pourrait-elle être prévue dans le budget initial ?
Je vous confirme que la commission des finances a émis un avis très favorable sur cet amendement, notamment sur les créations d’emplois, à savoir 607 postes dans les services judiciaires et 500 postes dans l’administration pénitentiaire en 2016.
Je me demande cependant combien de temps nécessite la formation d’un magistrat ou d’un personnel pénitentiaire, en tenant compte de l’organisation des concours et du passage en école. Cette question permet de déterminer la correspondance entre le nombre de postes et la traduction budgétaire. Combien de temps la Chancellerie prévoit-elle pour que les magistrats et les personnels pénitentiaires soient effectivement en poste ?
Monsieur le rapporteur spécial, treize établissements pénitentiaires sont concernés. Les 72 millions d'euros d’autorisations d’engagement et les 4 millions d'euros de crédits de paiement prévus pour 2016 vont permettre d’accélérer les études techniques pour lancer les marchés. Nous allons notifier les Baumettes et Koné. L’appel d’offres pour Lutterbach vient d’être lancé.
Au sujet des nouvelles constructions pénitentiaires, nous effectuons un travail que je veux mentionner brièvement devant vous. Nous avons vu les difficultés que suscite la conception de certains établissements ; vous en entendez parler à travers l’actualité.
En janvier 2013, j’ai mis en place le Conseil national de l’exécution des peines, composé de personnalités de très grande qualité, que je réunis, pas assez régulièrement à mon goût, et qui travaille avec l’administration pénitentiaire. Il s’agit de réfléchir à l’architecture pénitentiaire, à la localisation des établissements pénitentiaires, à leur dimension, au nombre de personnes détenues qu’ils accueillent.
Ces dernières années, par exemple, on a plutôt construit en dehors des villes, mais les endroits lointains comportent l’inconvénient majeur de compliquer les visites des familles. Or nous savons que le maintien des liens familiaux contribue à la réinsertion et, dans notre politique de prévention de la récidive, il est important de créer les conditions de la réinsertion.
Ce travail de réflexion que nous avons engagé depuis plus de deux ans nous permet aujourd'hui de savoir comment mieux construire. Les résultats s’en ressentiront aussi bien sur la qualité des conditions de travail des personnels que sur les conditions d’activité et de vie à l’intérieur des établissements pénitentiaires, donc sur les conditions de réinsertion sociale.
Vous m’avez interrogée, monsieur le rapporteur général, sur la durée des formations. C’est un vrai sujet, au point que, voilà près de deux ans, on m’avait demandé de la réduire, ce que j’ai absolument refusé de faire.
Ce qu’il faut retenir surtout, en plus de ces créations de postes, c’est que nous avons réalisé d’importants efforts de promotions depuis le début de la législature, en sachant qu’il faut trente et un mois pour former un magistrat.
Aujourd'hui, lorsque je dis, par exemple, que je renforce la lutte antiterroriste sur Paris en augmentant les effectifs de 16 % en janvier 2016, je déplace évidemment des magistrats professionnels en exercice ailleurs. Cependant, cet ailleurs-là ne sera pas complètement dépouillé dans la mesure où l’arrivée des nouvelles promotions permet de remédier aux vacances de postes.
Depuis 2013, nous organisons des promotions de plus de 300 élèves magistrats. Ils étaient 354 élèves en 2013. En 2010, j’ai les chiffres en tête, ils étaient 144 élèves. Or, sur la totalité de la législature, 1 500 départs à la retraite sont prévus, soit en moyenne 300 départs à la retraite par an. Pour simplement combler ces 300 départs à la retraite, il aurait fallu, sous le précédent quinquennat, compte tenu de la durée de formation des magistrats de trente et un mois, prévoir chaque année des promotions de 300 magistrats, voire d’un nombre supérieur pour augmenter le corps de la magistrature. Nous, nous constituons des promotions de 354 magistrats en 2013, 368 en 2014, 382 en 2015 et même 482, ce qui est absolument sans précédent, l’année prochaine.
Nous commençons à être récompensés de nos efforts puisque, pour la première fois cette année, nous avons plus d’arrivées que de départs dans les juridictions. Ce solde positif est modeste - quarante-neuf - parce qu’il a fallu combler beaucoup de retard, mais il s’élèvera à une centaine de magistrats l’année prochaine. Nous compensons les départs et nous commençons à augmenter le corps de la magistrature.
Effectivement, il faudra trente et mois pour former les magistrats pour les postes que nous créons. Cependant, l’augmentation des promotions depuis 2013 nous permet de combler les vacances et de pourvoir ces nouveaux postes.
Pour ce qui est des personnels pénitentiaires, la durée de la formation est moins importante, puisqu’elle est de huit mois pour les surveillants. Les recrutements seront donc assez rapides, madame Assassi.
Sourires.
Je comprends très bien la question sur la gestion prévisionnelle des effectifs. C'est la raison pour laquelle je m’étais permis de suggérer l’existence d’un travail en commun. D’autres sujets pourraient également être mis sur la table. Je pense, par exemple, au financement de l’immobilier, au partenariat public-privé. Le PPP, c’est un beau sujet, sur lequel un rapport d’information a d'ailleurs déjà été produit. Nous sommes à votre disposition pour un travail en commun de ce type.
Le groupe socialiste votera cet amendement, mes chers collègues.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° II-207, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Justice judiciairedont titre 2
Administration pénitentiairedont titre 2
Protection judiciaire de la jeunessedont titre 2
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justicedont titre 2
Conseil supérieur de la magistraturedont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.
Cet amendement a pour objet d’abonder les crédits prévus pour la médiation, notamment la médiation familiale et les espaces de rencontre, au sein du programme « Accès au droit et à la justice ».
Je rappelle que l’un des axes du projet de loi pour la justice du XXIe siècle est le développement des modes de traitement des contentieux non juridictionnels, tels que la médiation. C’est une formule qui évite les lenteurs d’un procès. Les juridictions se trouvent soulagées d’un certain nombre de litiges, et c’est un mode alternatif de traitement qui obtient de bons résultats.
Il vous est donc proposé, au travers de cet amendement, d’abonder de 300 000 euros l’action Médiation familiale et espaces de rencontre du programme 101, « Accès au droit et à la justice », en diminuant d’autant les crédits de l’action Évaluation, contrôle, études et recherche du programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice ». Ce transfert représente un prélèvement d’un peu moins de 2 % sur ces derniers, mais une augmentation de près de 10 % des crédits de l’action que nous souhaitons développer.
La commission des finances a émis un avis favorable sur cet amendement, qui s’inscrit dans la perspective souhaitée par tous de promotion de la médiation judiciaire et de réduction des délais de traitement des contentieux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous le dis d’emblée, sans entretenir le suspense, j’apprécie cet amendement. Je vais tout de même vous chercher querelle, monsieur le rapporteur pour avis, car vous jouez avec les chiffres.
Sourires.
Vous prétendez que vous ne prélevez que 2 % des crédits ; en réalité, c’est 24 %... hors rémunérations ! Même si j’approuve l’idée d’améliorer les moyens consacrés à la médiation, à laquelle je suis très attachée, comme vous le savez, nous n’allons pas procéder de cette manière.
Vous avez récemment voté, dans le cadre de la réforme de la justice civile, mesdames, messieurs les sénateurs, des dispositions pour promouvoir les modes alternatifs de règlement des litiges que sont la conciliation et la médiation. Nous avons également procédé à une expérimentation dans deux juridictions, Bordeaux et Arras, dont l’évaluation a été très positive. Le rapport Tasca-Mercier montre d’ailleurs l’importance de la médiation. Vous avez donc parfaitement raison, monsieur Détraigne, de prêter attention à ce mode de règlement des différends.
Si je dis que nous n’allons pas procéder de cette manière, c’est parce que je suis très attentive aux dotations réservées aux études et à la recherche. Je pense en effet que les bonnes politiques publiques sont éclairées par la recherche, les expérimentations et les échanges entre les chercheurs, les professionnels, les praticiens. Depuis que je suis aux responsabilités, je me suis efforcée de stimuler la recherche : j’ai donné davantage de moyens à notre groupement d’intérêt public, j’ai sollicité davantage les organismes de recherche, avec qui de nouvelles conventions ont été signées, j’ai fait intervenir les universitaires dans nos formations. Nous avons besoin de cette pensée dynamique, qui se nourrit des éléments factuels que nous mettons à la disposition des chercheurs et qui nourrit à son tour notre propre réflexion afin que nous puissions prendre les meilleures décisions.
Contrairement à ce que vous proposez, je ne vais donc pas sacrifier les efforts que je fais pour la recherche. Nous allons effectivement affecter 300 000 euros supplémentaires à la médiation – j’émets donc un avis favorable sur votre amendement –, mais nous nous débrouillerons pour trouver les sous ailleurs.
Je voudrais vous dire combien je me réjouis de votre engagement en faveur de la médiation, madame la garde des sceaux. Pendant des années, les ministres qui se sont succédé ont eu du mal à l’intégrer comme une dimension de la justice, pensant qu’il s’agissait surtout d’une lubie d’associations féministes.
Si la justice n’est pas au cœur de cette médiation, celle-ci ne pourra pas fonctionner correctement. Elle restera le fait d’associations, qui agiront de façon plus ou moins positive. Je me réjouis donc que les expérimentations dont vous avez parlé aient fait l’objet d’une évaluation positive.
Entre nous, je suis très satisfaite des deux amendements que nous avons examinés ce soir. L’amendement n° II-240 témoigne en particulier de votre réactivité. En tant que présidente de la commission des finances, je veux remercier le Gouvernement d’avoir déposé cet amendement ainsi que les deux amendements relatifs aux crédits de la mission « Sécurités » dans les meilleurs délais.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Justice », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Ces crédits sont adoptés.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 27 novembre 2015, à dix heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
Projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (n° 163, 2015-2016) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 164, 2015-2016) ;
- Recherche et enseignement supérieur ;
- Défense ;
- Engagements financiers de l’État ;
- Régimes sociaux et de retraite ;
- Remboursements et dégrèvements ;
- Aide publique au développement (+ article 48).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures quinze.