Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après la réunion extrêmement dense qui s’est tenue voilà quarante-huit heures à la commission des lois, je me retrouve une nouvelle fois devant vous pour présenter le budget de la mission « Justice ». Je connais votre intérêt pour ce sujet, en particulier pour les actions que le ministère de la justice conduit et les politiques publiques qu’il définit. C’est pour cela qu’en même temps que j’exposerai la cohérence de ce budget je répondrai à vos questions au fil de l’eau.
Ne disposant que d’un temps de parole de vingt minutes du fait de l’organisation de cette discussion, je ne serai pas en mesure de répondre en détail à toutes les questions qui m’ont été posées. J’aurai néanmoins le scrupule d’apporter des précisions écrites à chacun d’entre vous, par exemple sur la plate-forme des interceptions judiciaires. En tant que parlementaires, vous avez tout à fait le droit de vouloir savoir comment s’effectue le déploiement et connaître nos attentes en matière de performance et de rationalisation budgétaires.
Il m’incombe donc aujourd'hui de vous présenter la logique et la cohérence du budget de la mission « Justice ».
Ce budget évolue, car la circonstance est particulière : le Président de la République, devant le Parlement réuni en Congrès lundi 16 novembre, vous a informés directement de sa décision d’octroyer 2 500 emplois supplémentaires au ministère de la justice, lesquels s’accompagnent d’une dotation budgétaire supplémentaire de 251 millions d’euros. Par conséquent, pendant ces derniers jours, il nous a fallu travailler pour parvenir à une répartition optimale des effectifs et dotations budgétaires. Celle-ci sera effective si vous adoptez l'amendement du Gouvernement que je défendrai à l’issue de la discussion générale.
Dans cette circonstance difficile de lutte contre le terrorisme, le ministère de la justice prend toute sa part. Il a ainsi la charge de l’enquête judiciaire, c’est-à-dire de la conduite de toutes les actions nécessaires pour que cette enquête soit diligente et efficace. Cela concerne non seulement les effectifs de magistrats et de greffiers, mais également les frais de justice, afin que les magistrats puissent commander toutes les études et expertises dont ils ont besoin. Vous avez d’ailleurs noté que l’enquête allait vite, car, à la suite des attentats du mois de janvier, les effectifs de magistrats et de greffiers ont déjà été renforcés et les frais de justice abondés, pour que le pôle antiterroriste de Paris dispose des marges de manœuvre nécessaires.
Le ministère de la justice prend également toute sa part avec la prise en charge des victimes.
En outre, le ministère de la justice prend toute sa part en assurant l’efficacité des programmes de prévention et de lutte contre la radicalisation dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse et du suivi des personnes confiées à l’administration pénitentiaire.
Ce budget était déjà en augmentation avant le deuxième plan de lutte antiterroriste. Il a franchi cette année le cap symbolique des 8 milliards d’euros. Il est vrai qu’il était légèrement plus élevé voilà quelques semaines, mais le Gouvernement a dû entre-temps prendre des décisions réclamant un effort à tous les ministères – celui du ministère de la justice a été proportionné. Je le répète, ce budget s’accroîtra de façon substantielle si vous adoptez l’amendement du Gouvernement.
Le ministère de la justice conserve une grande capacité de création d’emplois. Lors de la campagne présidentielle, le candidat François Hollande s’était engagé à créer chaque année 300 postes nouveaux, soit 1 500 emplois en fin de législature. En réalité, nous atteindrons 6 100 emplois nouveaux à cette date. En effet, dans la programmation triennale, nous avions prévu la création de 1 584 emplois ; dans le cadre du premier plan de lutte antiterroriste de janvier 2015, nous avons obtenu la création supplémentaire de 950 emplois. Par conséquent, nous disposons dorénavant de 2 500 emplois supplémentaires. Ce n’est pas négligeable. La répartition de ces emplois nouveaux se fait selon les besoins.
J’ai bien conscience que l’administration pénitentiaire absorbe parfois une quantité importante de ces effectifs. Ce ne sera pas le cas pour les 2 500 emplois nouveaux. J’appelle votre attention sur le fait que, proportionnellement, l’administration pénitentiaire est la direction du ministère de la justice la plus lourde en effectifs, mais aussi en besoin d’investissements, puisque les crédits immobiliers affectés à cette direction sont importants. Toutefois, en pourcentage, l’augmentation la plus élevée concerne la protection judiciaire de la jeunesse, devant la direction des services judiciaires. Grâce à l’adoption de l’amendement du Gouvernement, les services judiciaires connaîtront aussi une forte augmentation.
Je suis toujours surprise d’entendre qu’il n’y a pas suffisamment de surveillants, alors que l’administration pénitentiaire absorbe une part importante du budget. En d’autres termes, il faudrait encore doter budgétairement cette administration. Il est vrai que les moyens restent insuffisants, que nos établissements pénitentiaires sont confrontés à la question de la surpopulation carcérale. Vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, vous soulignez les besoins. Au reste, vous avez raison, la question de l’attractivité de ces métiers est importante ; il faut mettre en place des dispositifs à même de conserver ces personnels.
Le budget du ministère de la justice sert des politiques publiques parfaitement identifiées.
La justice civile représente 70 % de l’activité judiciaire. Vous avez adopté massivement sa réforme, puisque le texte qui vous a été soumis voilà quelques jours a recueilli 310 voix. C’est un résultat extrêmement significatif dont je vous remercie encore. Cette réforme appelle bien entendu une traduction en termes d’effectifs, notamment d’effectifs fléchés, …