Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 26 novembre 2015 à 21h30
Loi de finances pour 2016 — Justice

Christiane Taubira  :

Pour la protection judiciaire de la jeunesse, nous avons mis en place un réseau de 69 référents laïcité et citoyenneté, comme Cécile Cukierman l’a rappelé dans son rapport. Il assure un encadrement et un support aussi bien aux services des éducateurs et des psychologues que nous avons recrutés également en surcroît qu’auprès des jeunes eux-mêmes.

Tous les engagements trouvent donc leur traduction dans le budget de la mission « Justice ». Certains avaient déjà été mis en place avant le plan de lutte contre le terrorisme et ont été poursuivis et renforcés après. Avant même ce premier plan, nous avions lancé à la mi-2014 un appel d’offres pour une recherche-action, c’est-à-dire une recherche qui produit en même temps des outils de mise en œuvre. Il a été remporté par l’Association française des victimes du terrorisme.

Engagée depuis le début du mois de janvier, cette action nous permet déjà, avec la formation qui est faite sur certains détenus, de déterminer des éléments permettant de mieux détecter les personnes qui sont en voie de radicalisation ou qui sont très fortement radicalisées. Je vous signale que les personnes très radicalisées sont mises à l’isolement et font l’objet de contrôles fréquents. Lorsque cela s’impose, elles font même l’objet de transferts d’un établissement à un autre aussi souvent que nécessaire. Pour les autres actions, un autre programme est prévu, notamment le programme des quartiers dédiés, qui permet une double séparation par rapport à la population carcérale et entre détenus radicalisés eux-mêmes, puisque ceux-ci se trouvent alors placés dans des cellules individuelles.

Dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme de janvier 2015, 950 emplois supplémentaires et 102 millions d’euros de crédits, hors masse salariale, ont été octroyés à la justice : 114 magistrats, 114 greffiers, ainsi que des assistants spécialisés, des assistants de justice ont été affectés aux juridictions. Des postes d’informaticiens et des traducteurs-interprètes ont également été affectés à l’administration pénitentiaire. De nouveaux métiers ont été créés, tel celui d’analyste-veilleur. Les moyens de la cellule pluridisciplinaire que nous avons mise en place pour accompagner le renseignement pénitentiaire ont été fortement renforcés. Cette cellule, dont les effectifs sont passés de 70 à 159 agents spécialisés, compteront 185 personnels l’année prochaine.

Si vous le voulez bien, je reviendrai tout à l’heure sur le nouveau plan de lutte antiterroriste lors de la présentation de mon amendement. Ce plan nous permettra de disposer de 2 500 emplois supplémentaires, ainsi que d’une dotation de 251 millions d’euros. Il s’appuiera sur l’action qui a été engagée avant et depuis le plan de 2015 en faveur tant des juridictions que de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse.

J’en viens maintenant à l’aide juridictionnelle, sur laquelle des choses essentielles ont été dites. La réforme trouverait sa source dans le mouvement des avocats… Oui et non. On sait depuis 2001 par de nombreux rapports, dont ceux de l’Assemblée nationale et du Sénat, qu’il s’agisse de celui de M. du Luart de 2006 ou de celui de Mme Joissains et de M. Mézard de 2014, que le système de l’aide juridictionnelle est à bout de souffle. Or rien n’a été fait entre 2001 et 2006.

Pour ma part, j’ai engagé depuis 2012 des discussions avec la profession sur la réforme de l’aide juridictionnelle. Cela ne nous a pas empêchés d’augmenter régulièrement, chaque année, le budget de l’aide juridictionnelle. Il est ainsi passé de 275 millions d’euros en 2010 à 394 millions d’euros cette année, après les répartitions auxquelles il a été procédé ces dernières semaines, au lieu des 400 millions d’euros initialement prévus. Il est toutefois à noter que ces nouvelles répartitions ne pénaliseront personne, la décision ayant été prise de différer la mise en œuvre de la contractualisation, à laquelle la profession préfère continuer de réfléchir.

Pour commencer, nous avons supprimé le droit de timbre de 35 euros, car cette taxe avait réduit l’accès au droit, à la justice. Dans certains ressorts, l’accès à la justice a ainsi connu une baisse de 10 %. Pour ma part, je ne suis pas indifférente au fait que, dans une période où la situation économique s’aggrave, où de plus en plus de nos concitoyens sont dans la précarité, certains d’entre eux aient moins accès au droit et à la justice. Les personnes qui étaient pénalisées par ce droit de timbre n’étaient pas en situation de faire appel à la justice pour des raisons financières. Les pertes résultant de la suppression de ce droit de timbre, qui rapportait 60 millions d’euros à l’aide juridictionnelle, sont compensées par l’État.

Nous avons ensuite relevé à 1 000 euros le plafond de ressources permettant aux justiciables de bénéficier de l’aide juridictionnelle. Un revenu de 1 000 euros, c’est modeste ! Ce relèvement permet à 100 000 personnes d’avoir accès à l’aide juridictionnelle à 100 %. De plus, nous avons indexé ce plafond sur l’évolution des prix hors tabac.

Nous avons par ailleurs décidé d’augmenter la rétribution des avocats par un relèvement de l’unité de valeur. Cette revalorisation, de 12, 6 % en moyenne, sera applicable par référence à trois groupes de barreaux au lieu de dix actuellement. L’unité de valeur passera ainsi à 26, 50 euros pour le premier groupe, à 27, 50 euros pour le deuxième et à 28, 50 euros pour le troisième.

Par ailleurs, comme je l’ai déjà indiqué, la profession a accepté de continuer à discuter de la contractualisation et de prendre sa part à la modernisation des outils, notamment Portalis, l’application civile pour la justice, et l’application pour la gestion de l’aide juridictionnelle.

Nous avons introduit des simplifications afin d’accroître l’efficacité de l’aide juridictionnelle, s’agissant notamment des procédures sur les niveaux de ressources. Nous travaillons sur l’accès aux informations sociales et fiscales de façon à réduire les délais d’instruction des dossiers d’aide juridictionnelle. Nous avons supprimé le prélèvement de 5 millions d’euros que nous avions prévu sur les produits financiers dégagés par les fonds des clients transitant par les CARPA. Nous avons maintenu la diversification des ressources et donc du financement de l’aide juridictionnelle. Nous continuons de discuter avec la profession, avec qui nous avons d’ailleurs signé un protocole le 28 octobre dernier.

Enfin, je dirai quelques mots sur l’aide aux victimes. Vous connaissez notre volontarisme dans ce domaine, car l’aide aux victimes est une responsabilité forte du ministère.

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