Intervention de Michel Berson

Réunion du 27 novembre 2015 à 10h30
Loi de finances pour 2016 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Michel BersonMichel Berson :

Dans un contexte budgétaire très contraint, il faut saluer l’effort réalisé par votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, pour soutenir la recherche dans notre pays et préserver ses crédits.

Il convient toutefois de relativiser la sanctuarisation des crédits alloués à la recherche – ce sera ma première observation.

En 2016, ces crédits devraient diminuer. Le montant total alloué aux programmes consacrés à la recherche dans le projet de loi de finances pour 2016 s’élèverait à 10, 6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 10, 9 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une diminution respective de 3, 3 % et de 1, 1 %, à périmètre constant.

Entre 2011 et 2014, on observe que la part des programmes consacrés à la recherche dans le PIB a connu une baisse de 6 % que les crédits du programme d’investissements d’avenir, le PIA, ont corrigée.

La dynamique des dépenses de fonctionnement et de personnel contraint d’autant plus – à crédits constants – la capacité d’investissement de certains organismes que des diminutions significatives de crédits interviennent en cours de gestion, à travers les « gels ».

Enfin, je voudrais souligner que, comme l’an dernier, l’Assemblée nationale a voté, sur l’initiative du Gouvernement, en seconde délibération, une baisse de 119 millions d’euros concernant plusieurs programmes de la recherche, dont 70 millions d’euros portent sur le programme « Recherche spatiale ». La contribution française à l’Agence spatiale européenne va donc être réduite, augmentant d’autant notre dette à l’égard de l’Agence.

Alors que cette diminution de 119 millions d’euros sur le budget de la recherche s’accompagne d’une augmentation de 100 millions d’euros sur celui de l’enseignement supérieur, je veux répéter en cet instant qu’il est regrettable que les crédits alloués à la recherche servent trop souvent de variable d’ajustement. Ce coup de rabot remet en cause l’engagement d’une sanctuarisation des crédits de la recherche et mine la confiance des chercheurs. C’est pourquoi j’ai proposé à la commission des finances de rétablir les 119 millions d’euros supprimés par l’Assemblée nationale.

Ma deuxième observation porte sur la recherche par projet.

La baisse des crédits et des taux de succès des appels à projet de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, se poursuit. Il en résulte une érosion du taux de projets financés, amplifiée par l’augmentation du nombre de projets soumis. Le taux de succès, tombé à 10 %, est devenu peu incitatif pour les équipes de recherche. Quant au préciput, fixé à 11 %, il est loin des 25 % des programmes européens qui sont la norme. Le taux de préciput de l’ANR devait passer, en 2015, de 11 % à 15 %, mais le règlement financier de l’Agence ne prévoit aucune évolution sur ce point, qui ne semble pas à l’ordre du jour pour 2016.

En outre, la règle demeure la facturation à coût marginal et non à coût complet : elle ne recouvre que l’exact surcoût lié au projet, sans prendre en compte les coûts liés au personnel permanent. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de principe : la faiblesse du préciput et l’absence de facturation à coût complet remettent en cause l’idée même selon laquelle les ressources propres peuvent permettre aux organismes de recherche de trouver des marges de manœuvre budgétaires.

Ma troisième observation concerne l’emploi scientifique, dont la situation demeure préoccupante.

Dans le secteur public, la baisse du nombre de départs à la retraite réduit mécaniquement le nombre d’embauches de chercheurs, d’ingénieurs et de techniciens, quand bien même ces départs seraient tous remplacés, ce qui n’est pas toujours le cas, en raison des contraintes budgétaires très fortes qui pèsent sur les opérateurs.

Dans le secteur privé, la modulation de l’assiette du CIR en faveur de l’embauche de jeunes docteurs ne semble pas vaincre les difficultés rencontrées par ces derniers pour s’insérer dans le secteur de la recherche privée. En effet, le nombre de docteurs recrutés par une entreprise reste faible, de l’ordre de 12 % des chercheurs salariés. C'est la raison pour laquelle je propose de conditionner l’application du taux de CIR de 5 % à l’embauche de docteurs ou à un effectif significatif de docteurs au sein du personnel de recherche salarié.

Ma quatrième observation concerne une autre composante du CIR qui me semble mériter une amélioration.

Depuis une instruction fiscale du mois d’avril 2014, les entreprises sous-traitantes ne peuvent plus déclarer, au titre du CIR, les dépenses de recherche qu’elles effectuent pour le compte d’une autre entreprise, même si l’entreprise donneuse d’ordre ne demande pas, elle, à bénéficier du crédit d’impôt recherche. Cette règle a des conséquences néfastes pour les petites entreprises de recherche et développement, dont la survie repose sur la passation de contrats avec de grands groupes.

Je pense donc que la loi doit préciser que les sous-traitants peuvent bénéficier du CIR, dès lors que la dépense de recherche n’est pas déclarée par l’entreprise donneuse d’ordre parce qu’elle a dépassé ses plafonds de sous-traitance ou qu’elle renonce au CIR.

Ces deux propositions concernant le crédit d’impôt recherche seront examinées dans le cadre des articles non rattachés du présent projet de loi de finances.

Enfin, et ce sera ma dernière observation, le taux de mise en réserve des crédits devient un enjeu crucial pour les opérateurs.

Ces dernières années, ce taux a été augmenté et la plus grande partie des crédits gelés est annulée. Or le taux de mise en réserve diffère selon le ministère de rattachement de l’organisme, critère formel qui dépend de l’histoire de l’organisme de recherche. Il serait préférable qu’il soit modulé au regard des contraintes effectives des opérateurs.

Cette situation traduit les limites de la mise en œuvre de la logique par mission prévue par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances : les missions budgétaires, correspondant chacune à une politique publique de l’État, ne se sont pas complètement imposées et les arbitrages continuent d’être pris à l’échelon ministériel.

Sans rattacher l’ensemble des opérateurs au ministère chargé de la recherche, il me semble nécessaire de réfléchir à des modalités permettant d’organiser des arbitrages globaux et équitables, conduisant à la constitution d’un budget unifié de la recherche.

Sous le bénéfice de ces cinq observations, je suis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels que modifiés par l’amendement que je présenterai, au nom de la commission des finances, visant à rehausser de 119 millions d’euros le budget de la mission.

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