La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d'État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche se lèvent.
, au moment où commence, aux Invalides, l’hommage de la Nation aux victimes des attentats du 13 novembre dernier, je vous propose d’observer un moment de recueillement en leur mémoire.
Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d'État observent un moment de recueillement.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164, avis n° 165 à 170).
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le budget proposé pour la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le projet de loi de finances pour 2016 était initialement stable. À l’issue de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale, l’enveloppe a finalement été réduite de 19 millions d’euros à périmètre constant, avec à la fois une hausse de 100 millions d’euros sur le programme 150, « Formations supérieures et recherche universitaire », et une diminution de 119 millions d’euros sur les programmes dédiés à la recherche.
Cette baisse des moyens accordés à la recherche est contraire à l’engagement du Président de la République de garantir la sanctuarisation des crédits de la recherche. C’est un signal négatif envoyé au monde de la recherche, et nous le regrettons.
Concernant plus spécifiquement les crédits consacrés à l’enseignement supérieur, ils sont préservés pour 2016, malgré la contrainte budgétaire forte. Je m’en félicite.
L’enveloppe supplémentaire de 100 millions d’euros est présentée comme permettant de couvrir les besoins des établissements d’enseignement supérieur, compte tenu de la dynamique du nombre d’étudiants. En réalité, elle correspond surtout au montant du prélèvement opéré par le Gouvernement, en 2015, sur le fonds de roulement de plusieurs établissements et constitue ainsi un rattrapage bienvenu, même s’il faut bien avoir conscience que ce ne sont pas nécessairement les établissements ponctionnés qui bénéficieront de ce retour…
Les subventions pour charges de service public versées aux établissements augmentent, sous l’effet notamment de la création de 1 000 emplois. Je m’interroge toutefois sur la réalité du nombre de postes effectivement pourvus et sur les incidences concrètes de ces créations d’emplois sur l’encadrement des étudiants. Vous savez très bien, mes chers collègues, que l’équilibre budgétaire d’un certain nombre d’universités est construit à partir d’un gel de postes !
Si l’enveloppe contractualisée au titre des contrats de plan État-région, les CPER, pour la période 2014-2020 est modeste, il est surtout à espérer que les collectivités territoriales disposeront des moyens nécessaires pour participer à la hauteur des attentes, alors que leurs dotations sont en baisse.
Le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter, comme le montrent les quelque 40 000 étudiants supplémentaires inscrits à la rentrée 2015. La question de l’orientation de tous ces jeunes devra être posée. En effet, on sait très bien qu’un certain nombre entre eux choisissent davantage un statut qu’un avenir !
Au-delà des crédits budgétaires, dont la hausse est nécessairement contrainte, il est également indispensable de maintenir et de développer les autres ressources.
Parmi les ressources qui diminuent de façon très inquiétante et pour lesquelles une solution pérenne devra être trouvée figure la taxe d’apprentissage. Des études annoncent des baisses moyennes de 37 % des recettes issues de la part « barème » de cette taxe par rapport à 2015.
Monsieur le secrétaire d'État, selon la presse, vous auriez vous-même reconnu avoir été « surpris par la violence de l’impact de la réforme ». Nous vous écouterons donc avec intérêt sur ce sujet.
Ensuite, je le réaffirme, selon moi, les frais d’inscription universitaires devraient être augmentés. Avoir gelé les droits d’inscription à la rentrée 2015 est une erreur. Les frais d’inscription en licence s’élèvent à 184 euros : autant dire que s’inscrire à l’université coûte moins cher que s’inscrire à la plupart des clubs de sport ! Cette augmentation se justifierait encore davantage pour les étudiants étrangers, les montants actuels conduisant même à dévaloriser certaines formations aux yeux d’étudiants, qui, habitués à des frais autrement plus élevés dans leur pays, peuvent douter de la valeur de nos formations.
Les contrats de recherche doivent également être développés. À cet effet, je présenterai, lors de l’examen des articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances, un amendement visant à ce qu’au moins 10 % des dépenses de recherche ouvrant droit au bénéfice du crédit d’impôt recherche – le CIR – réalisées par les plus grosses entreprises le soient dans le cadre de laboratoires universitaires. Actuellement, moins de 5 % de l’assiette du CIR concerne la recherche effectuée par des organismes publics. C’est dommage, car une augmentation de cette part améliorerait considérablement l’efficacité du dispositif, tout en donnant des moyens supplémentaires à l’université, à partir de l’argent de l’État, sans déséquilibrer le budget. Nous y reviendrons tout à l'heure.
Les universités ont amélioré leur gestion et mis à profit l’autonomie qu’elles ont acquise depuis l’adoption de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, ou « loi LRU ». Elles connaissent une situation financière stable, satisfaisante. Toutefois, certaines maintiennent leur équilibre au prix d’arbitrages lourds et engageants pour l’avenir. Je pense à la non-réalisation de certaines opérations d’entretien, ou encore aux gels de postes que j’ai évoqués tout à l'heure. Ce ne sont pas là des solutions d’avenir !
Il est indispensable que l’autonomie soit poursuivie, en particulier dans les domaines des ressources humaines et du patrimoine immobilier. Certes, l’expérimentation de la dévolution du patrimoine ne peut être généralisée, du moins pas dans les conditions actuelles, car la pérennisation de cette charge, dont le coût s’élève aujourd'hui à 850 millions d’euros par an, serait, bien évidemment, très difficile à supporter pour l’État.
Pour autant, monsieur le secrétaire d'État, vous avez indiqué que ce sujet constituait l’une de vos priorités. Nous suivrons donc avec attention les différentes propositions que vous formulerez.
Par ailleurs, la réforme du système de répartition des moyens à la performance et à l’activité, ou SYMPA, est au point mort. Depuis le début de l’année, rien n’a été proposé. La conférence des présidents d’université a fait savoir qu’elle ne souhaitait pas pour l’instant que lui soit appliqué le modèle de répartition des crédits concernant les établissements formant les ingénieurs. Je pense que l’on ne pourra pas en rester là.
Mes chers collègues, je veux également insister auprès de vous tous sur la situation de l’enseignement supérieur privé, aujourd'hui sacrifié, alors qu’il rend un service énorme à notre nation, en formant 80 000 jeunes – c’est tout de même extrêmement important –, sans coûter cher à l’État. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai d’adopter, de nouveau, un amendement tendant à réévaluer la dotation des établissements concernés, comme nous l’avons déjà fait depuis plusieurs années dans cette enceinte.
S’agissant des crédits du programme 231, « Vie étudiante », l’effort budgétaire en faveur des aides sociales directement versées aux étudiants reste élevé – je rappelle que le nombre d’étudiants boursiers a augmenté de plus de 12 % entre 2010 et 2015.
Je regrette vivement que le Gouvernement, après avoir voulu les supprimer, décide, cette année, de réduire de moitié le montant des aides au mérite des nouveaux entrants…
… et de ne plus les maintenir pour le niveau master.
Je constate également que le Gouvernement prélèvera une somme de 50 millions d’euros sur les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS, comme il avait ponctionné, l’an dernier, les établissements d’enseignement supérieur.
Enfin, le plan visant à construire 40 000 nouveaux logements étudiants, ou « plan 40 0000 », semble avancer correctement.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels que modifiés par les amendements qu’elle vous présentera.
Dans un contexte budgétaire très contraint, il faut saluer l’effort réalisé par votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, pour soutenir la recherche dans notre pays et préserver ses crédits.
Il convient toutefois de relativiser la sanctuarisation des crédits alloués à la recherche – ce sera ma première observation.
En 2016, ces crédits devraient diminuer. Le montant total alloué aux programmes consacrés à la recherche dans le projet de loi de finances pour 2016 s’élèverait à 10, 6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 10, 9 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une diminution respective de 3, 3 % et de 1, 1 %, à périmètre constant.
Entre 2011 et 2014, on observe que la part des programmes consacrés à la recherche dans le PIB a connu une baisse de 6 % que les crédits du programme d’investissements d’avenir, le PIA, ont corrigée.
La dynamique des dépenses de fonctionnement et de personnel contraint d’autant plus – à crédits constants – la capacité d’investissement de certains organismes que des diminutions significatives de crédits interviennent en cours de gestion, à travers les « gels ».
Enfin, je voudrais souligner que, comme l’an dernier, l’Assemblée nationale a voté, sur l’initiative du Gouvernement, en seconde délibération, une baisse de 119 millions d’euros concernant plusieurs programmes de la recherche, dont 70 millions d’euros portent sur le programme « Recherche spatiale ». La contribution française à l’Agence spatiale européenne va donc être réduite, augmentant d’autant notre dette à l’égard de l’Agence.
Alors que cette diminution de 119 millions d’euros sur le budget de la recherche s’accompagne d’une augmentation de 100 millions d’euros sur celui de l’enseignement supérieur, je veux répéter en cet instant qu’il est regrettable que les crédits alloués à la recherche servent trop souvent de variable d’ajustement. Ce coup de rabot remet en cause l’engagement d’une sanctuarisation des crédits de la recherche et mine la confiance des chercheurs. C’est pourquoi j’ai proposé à la commission des finances de rétablir les 119 millions d’euros supprimés par l’Assemblée nationale.
Ma deuxième observation porte sur la recherche par projet.
La baisse des crédits et des taux de succès des appels à projet de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, se poursuit. Il en résulte une érosion du taux de projets financés, amplifiée par l’augmentation du nombre de projets soumis. Le taux de succès, tombé à 10 %, est devenu peu incitatif pour les équipes de recherche. Quant au préciput, fixé à 11 %, il est loin des 25 % des programmes européens qui sont la norme. Le taux de préciput de l’ANR devait passer, en 2015, de 11 % à 15 %, mais le règlement financier de l’Agence ne prévoit aucune évolution sur ce point, qui ne semble pas à l’ordre du jour pour 2016.
En outre, la règle demeure la facturation à coût marginal et non à coût complet : elle ne recouvre que l’exact surcoût lié au projet, sans prendre en compte les coûts liés au personnel permanent. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de principe : la faiblesse du préciput et l’absence de facturation à coût complet remettent en cause l’idée même selon laquelle les ressources propres peuvent permettre aux organismes de recherche de trouver des marges de manœuvre budgétaires.
Ma troisième observation concerne l’emploi scientifique, dont la situation demeure préoccupante.
Dans le secteur public, la baisse du nombre de départs à la retraite réduit mécaniquement le nombre d’embauches de chercheurs, d’ingénieurs et de techniciens, quand bien même ces départs seraient tous remplacés, ce qui n’est pas toujours le cas, en raison des contraintes budgétaires très fortes qui pèsent sur les opérateurs.
Dans le secteur privé, la modulation de l’assiette du CIR en faveur de l’embauche de jeunes docteurs ne semble pas vaincre les difficultés rencontrées par ces derniers pour s’insérer dans le secteur de la recherche privée. En effet, le nombre de docteurs recrutés par une entreprise reste faible, de l’ordre de 12 % des chercheurs salariés. C'est la raison pour laquelle je propose de conditionner l’application du taux de CIR de 5 % à l’embauche de docteurs ou à un effectif significatif de docteurs au sein du personnel de recherche salarié.
Ma quatrième observation concerne une autre composante du CIR qui me semble mériter une amélioration.
Depuis une instruction fiscale du mois d’avril 2014, les entreprises sous-traitantes ne peuvent plus déclarer, au titre du CIR, les dépenses de recherche qu’elles effectuent pour le compte d’une autre entreprise, même si l’entreprise donneuse d’ordre ne demande pas, elle, à bénéficier du crédit d’impôt recherche. Cette règle a des conséquences néfastes pour les petites entreprises de recherche et développement, dont la survie repose sur la passation de contrats avec de grands groupes.
Je pense donc que la loi doit préciser que les sous-traitants peuvent bénéficier du CIR, dès lors que la dépense de recherche n’est pas déclarée par l’entreprise donneuse d’ordre parce qu’elle a dépassé ses plafonds de sous-traitance ou qu’elle renonce au CIR.
Ces deux propositions concernant le crédit d’impôt recherche seront examinées dans le cadre des articles non rattachés du présent projet de loi de finances.
Enfin, et ce sera ma dernière observation, le taux de mise en réserve des crédits devient un enjeu crucial pour les opérateurs.
Ces dernières années, ce taux a été augmenté et la plus grande partie des crédits gelés est annulée. Or le taux de mise en réserve diffère selon le ministère de rattachement de l’organisme, critère formel qui dépend de l’histoire de l’organisme de recherche. Il serait préférable qu’il soit modulé au regard des contraintes effectives des opérateurs.
Cette situation traduit les limites de la mise en œuvre de la logique par mission prévue par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances : les missions budgétaires, correspondant chacune à une politique publique de l’État, ne se sont pas complètement imposées et les arbitrages continuent d’être pris à l’échelon ministériel.
Sans rattacher l’ensemble des opérateurs au ministère chargé de la recherche, il me semble nécessaire de réfléchir à des modalités permettant d’organiser des arbitrages globaux et équitables, conduisant à la constitution d’un budget unifié de la recherche.
Sous le bénéfice de ces cinq observations, je suis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels que modifiés par l’amendement que je présenterai, au nom de la commission des finances, visant à rehausser de 119 millions d’euros le budget de la mission.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement sur le volet « recherche » de la MIRES, la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».
Je ne m’attarderai pas sur les crédits, si ce n’est pour regretter, bien évidemment, le substantiel rabotage de l’enveloppe de la MIRES en seconde délibération, par l’Assemblée nationale, pour financer des évolutions de carrières statutaires. Comme vient de le rappeler M. Berson, la mission a ainsi été privée de 119 millions d’euros, essentiellement sur ses programmes consacrés à la recherche.
Par ailleurs, 70 millions d’euros ont été prélevés sur la contribution du Centre national d’études spatiales, le CNES, à l’Agence spatiale européenne, à l’égard de laquelle notre dette est déjà très élevée. Le Gouvernement avait déjà agi de la sorte l’année passée, pour un montant comparable. Aussi, je soutiens l’amendement par lequel nos collègues de la commission des finances rétablissent ces 119 millions d’euros dans leur répartition initiale.
Je souhaite à présent faire quelques remarques d’ordre plus général sur le budget de la recherche.
J’observe tout d’abord l’absence de ligne claire du Gouvernement en la matière.
Au-delà de la présentation d’une stratégie nationale de la recherche restant très formelle, il n’existe aucune dynamique portée dans ce domaine. Ma collègue Valérie Létard alertait déjà, voilà deux ans, sur un « empilement d’instruments devenu totalement illisible ».
Je remarque que le rapport de la commission des finances évoque, lui aussi, une « mission budgétaire complexe » rassemblant neuf programmes, six ministères et des dizaines d’opérateurs de nature diverse. Quelle vision stratégique avez-vous, monsieur le secrétaire d’État, dans un environnement aussi peu lisible ?
Par ailleurs, j’observe que si les dotations dédiées à la recherche sont globalement reconduites cette année, à l’instar de l’année précédente, l’évolution est négative en termes réels.
En outre, il n’est ici rendu compte que des dotations en loi de finances initiale, lesquelles sont bien souvent affectées par des mesures de régulation budgétaires en cours d’année.
Enfin, cette évolution généralement négative vise des organismes, qui, pour beaucoup d’entre eux, ont déjà « rogné » au maximum leurs dépenses courantes et risquent de voir remise en cause la pérennité de leurs actions d’intérêt général. Tel est le cas de l’Institut français du pétrole-énergies nouvelles, l’IFP-EN, ou de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, l’IRSTEA, dont j’ai reçu les représentants.
Je dirai maintenant un mot du crédit d’impôt recherche, devenu incontournable avec une dépense fiscale estimée à 5, 5 milliards d’euros pour l’an prochain.
Si je ne remets pas en cause son effet bénéfique sur l’emploi des chercheurs, je m’interroge en revanche quant à son incidence réelle sur l’activité de recherche dans notre pays. Il existe là un point d’incertitude que la non-adoption du rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le sujet, au mois de juin dernier, n’a pas contribué à éclaircir.
Telles sont, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les analyses et propositions que m’a inspirées la présente mission.
La commission des affaires économiques a fait preuve de souplesse en proposant de s’abstenir sur le vote des crédits correspondants. J’y insiste toutefois, le contexte actuel, qui exige un accroissement des dépenses en matière de sécurité et de défense, joue pour beaucoup dans cette indulgence.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement propose un budget de l’enseignement supérieur « préservé » cette année. Mais nous savons tous dans cet hémicycle que l’État est à bout de souffle pour accompagner le développement de l’enseignement supérieur.
Nous savons aussi que, dans le contexte que nous connaissons – crise depuis 2008, impératif de réduction des déficits et, depuis ce triste vendredi 13 novembre, réorientation de nos priorités –, nous ne pourrons aller bien au-delà.
Je ne suis pas de ceux qui considèrent qu’un « bon budget » est forcément un budget qui augmente. Toutefois, les enjeux sont immenses ! Ils concernent tout simplement la place de la France dans le monde pour les vingt, trente, quarante prochaines années. Quelle part de la richesse nationale voulons-nous, pouvons-nous, consacrer à notre enseignement supérieur ? C’est la question que s’est posée la commission de la culture, de l’éducation et de la communication présidée par Mme Catherine Morin-Desailly, que je salue et remercie de sa remarquable implication sur l’ensemble des dossiers.
Le Gouvernement est aujourd’hui dans l’incapacité d’accompagner seul le développement de l’enseignement supérieur à la hauteur de nos ambitions communes. D’un côté, il maintient les crédits, mais, de l’autre, il ponctionne les fonds de roulement, diminue de moitié son engagement dans les CPER, siphonne les crédits des collectivités territoriales et des chambres de commerce et d’industrie, les CCI, laisse des ardoises impayées aux établissements, réforme la taxe d’apprentissage et fragilise ainsi les rares ressources propres des établissements…
Si l’objectif annoncé dans le cadre de la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur, la STRANES, et par le secrétaire d’État est de passer, en 2025, à 2 % du PIB consacré chaque année à l’enseignement supérieur – nous n’en sommes pas encore à 1, 5 %, et les États-Unis et le Canada sont au-delà de 2, 5 % –, c’est une marche de 40 milliards d’euros que nous devons franchir. Cela suppose d’y dédier chaque année, pendant dix ans, 2, 5 milliards d’euros supplémentaires.
Face à l’essoufflement des financements publics, il est indispensable de repenser le modèle économique de notre enseignement supérieur. Le Gouvernement agite le mirage des fonds de la formation professionnelle continue, alors que ces derniers ne pourront représenter, dans le meilleur des cas, que 1 % des 40 milliards d’euros nécessaires.
Nous devons nous montrer réalistes et responsables pour sortir des postures idéologiques et des tabous, et envisager avec sérénité, d’une part, la hausse des frais d’inscription et, d’autre part, le développement des établissements privés à but non lucratif.
Comme mon collègue Philippe Adnot, dont je salue le remarquable travail, je plaide aujourd’hui pour une hausse raisonnable des frais d’inscription, de l’ordre de 500 euros par an, ce qui porterait le coût d’inscription en licence à moins de 700 euros par an. Nous sommes loin du modèle américain !
J’y pose toutefois deux conditions : premièrement, que cette augmentation soit compensée à due concurrence pour les familles modestes par un élargissement des bourses sur critères sociaux, afin de ne pas détourner leurs enfants de l’enseignement supérieur ; deuxièmement, que cette hausse ne soit pas l’occasion pour l’État de se désengager.
Enfin, n’oublions pas la contribution de l’enseignement privé à but non lucratif en France à la mission de service public de l’enseignement supérieur. Le secteur privé entend en effet y prendre sa part : il accueille 500 000 étudiants, soit près d’un sur cinq.
Or les crédits consacrés à ces établissements atteignent aujourd’hui leur niveau d’étiage en deçà duquel la pérennité de ces établissements n’est plus garantie. C'est la raison pour laquelle j’ai tenu à déposer un amendement identique à celui de Philippe Adnot. Sachons faire appel à l’esprit de service public des intervenants du secteur privé.
La commission de la culture émet un avis favorable sur l’adoption des crédits de la MIRES, sous réserve de l’adoption des deux amendements identiques que je viens d’évoquer.
Comme s’y était engagé le secrétaire d’État, le montant alloué aux programmes de recherche relevant du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans le projet de loi de finances initial pour 2016, était stable par rapport à 2015.
Toutefois, il conviendrait que cette sanctuarisation touche les programmes de tous les ministères contribuant au financement des organismes de recherche de la MIRES relevant de la double tutelle.
Au chapitre des points favorables, je citerai la subvention pour charges de service public des opérateurs de recherche, laquelle est stabilisée. Je citerai également les programmes d’investissements d’avenir, ou PIA, qui ont un effet positif : d’une part, les 11, 7 milliards d’euros du PIA 1, entre 2010 et 2020, représentent une ressource non négligeable pour les organismes de recherche ; d’autre part, avec la loi pour l’enseignement supérieur et la recherche, dite « loi ESR », du 22 juillet 2013, ces programmes constituent un formidable levier pour renforcer la visibilité de la recherche française et induire de nouvelles pratiques, propices à l’interdisciplinarité, facteur de cohésion et d’intégration des projets soutenus.
Je serai moins optimiste concernant les crédits de l’ANR : reconduits pour 2016, ils constituent un budget plancher qui ne doit pas être réduit davantage, sauf à s’interroger sur l’utilité d’une agence de recherche. J’invite à la vigilance parlementaire pour obtenir un budget conforme aux engagements du secrétaire d’État.
J’encourage la communauté scientifique française à profiter des opportunités financières liées au programme européen Horizon 2020, en répondant plus systématiquement aux appels à projet.
L’année 2015 a été marquée par la publication de la stratégie nationale de recherche. Je souhaiterais que le Conseil stratégique de la recherche affirme son rôle d’impulsion et de conseil auprès du Premier ministre pour la mise en œuvre de cette stratégie.
Par ailleurs, l’État, qui devra nécessairement s’impliquer, pourra s’appuyer sur le Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle pour l’amplification du partage de la culture scientifique.
Concernant la valorisation de la recherche, l’État, comme les organismes de recherche et de nombreux scientifiques qui y travaillent, a pris conscience du renfort et de la professionnalisation nécessaires. Toutefois, le foisonnement des outils rend le dispositif complexe et difficilement lisible, notamment pour les entreprises désirant bénéficier des découvertes des laboratoires et les déployer.
Le devenir des sociétés d’accélération du transfert de technologies, les SATT, suscite des interrogations. Quid de leur intégration dans un système où les grands organismes de recherche disposent déjà de leur propre structure de valorisation et où de grands groupes développent des politiques d’innovation, soit à partir de la recherche publique, soit à partir de leur propre recherche et développement, soit en étant tuteur de start-up ? Peut-être faudrait-il une évaluation transparente des secteurs couverts ou non, des chevauchements et des synergies mises en œuvre.
En conclusion, je rappelle que la commission de la culture a émis un avis favorable sur les crédits de la recherche au sein de la MIRES.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » a pour objet de financer des actions de recherche de six opérateurs de l’État dans le domaine du développement durable.
Les crédits pour 2016, de 1, 4 milliard d’euros, sont en légère hausse, ce dont nous pouvons nous féliciter. Cette augmentation s’explique par la forte élévation des crédits versés au CEA, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, pour la couverture des charges nucléaires de long terme de ses installations et le financement des opérations de démantèlement et d’assainissement en cours.
Dans le court délai qui m’est imparti, je souhaiterais attirer votre attention, mes chers collègues, sur deux opérateurs qui ne bénéficient pas de la même évolution positive : l’IRSN et l’IFP Énergies nouvelles.
L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire va se trouver, dans les années à venir, confronté aux défis du vieillissement et du démantèlement des réacteurs nucléaires actuels. Je me réjouis que ses dotations soient à peu près stabilisées cette année, après avoir connu une forte baisse les années précédentes. Pour autant, cela reste insuffisant pour que l’Institut puisse faire face à ses missions. Une piste serait de faire évoluer le dispositif des contributions qu’il perçoit des exploitants d’installations nucléaires de base. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement pourrait-il engager une réflexion sur ce sujet ?
Deuxième sujet de préoccupation, l’IFP Énergies nouvelles est l’opérateur du programme qui enregistre la plus forte baisse de crédits, avec une diminution de 6, 6%.
La réduction constante de sa subvention depuis 2002 l’a contraint à réduire ses effectifs de près de 150 personnes et d’arrêter des projets de recherche aux débouchés à long terme. C’est d’autant plus regrettable que cet établissement mène des projets fondamentaux – je pense notamment à l’éolien offshore – et qu’il fait figure de bon élève, avec des ressources propres dynamiques, issues des produits des dividendes de ses filiales et de redevances pour exploitation de licences.
Il conviendrait donc, à tout le moins, monsieur le secrétaire d’État, d’éviter de nouveaux gels de crédits en cours d’année, pour lui permettre de maintenir ses travaux de recherche.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure de la mise en œuvre de la loi relative à la transition énergétique et à la veille de la COP 21, il est plus que jamais nécessaire d’insister sur l’importance du programme 190. C’est par la recherche et l’innovation que la France pourra changer de modèle en matière d’énergie, de bilan carbone ou encore de mobilité et d’aménagement durables.
Ces crédits étant globalement stabilisés, en légère augmentation dans un contexte financier contraint, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a donné un avis favorable à leur adoption.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Enseignement supérieur et recherche » pour l’année 2016 traduisent la volonté du Gouvernement de préserver les moyens dont elle a besoin pour demeurer une politique publique fondamentale pour notre pays.
Si les crédits de la mission sont globalement préservés, avec environ 25, 89 milliards d’euros, ce dont nous nous réjouissons au vu du contexte budgétaire actuel, l’effort consenti n’est peut-être pas à la hauteur des enjeux, comme en témoignent les investissements d’autres pays de l’OCDE.
Les dépenses de personnel augmentent inéluctablement en raison de l’évolution du glissement vieillesse technicité, le GVT, les opérateurs concernés devant alors maîtriser leurs dépenses d’intervention.
Avec environ 15, 6 milliards d’euros, le budget de l’enseignement supérieur demeure stable. Il représente 1, 5 % de notre produit intérieur brut, soit un niveau très inférieur à ce qu’il est dans des pays comme le Canada, les États-Unis ou la Corée, où il dépasse les 2 %. La Stratégie nationale de l’enseignement supérieur vise cet objectif, mais encore faut-il s’en donner les moyens.
Il y a urgence au regard tant de la hausse des effectifs des étudiants, qui atteignent désormais la barre symbolique de 2, 5 millions, que de l’objectif du Gouvernement de permettre à 60 % d’une classe d’âge d’obtenir un diplôme d’enseignement supérieur, contre un taux de 43, 6 % aujourd'hui.
Certaines universités se voient contraintes de tirer au sort leurs inscrits. Il faut admettre que nous avons de réels problèmes d’orientation.
Monsieur le secrétaire d’État, cet investissement s’impose si l’on veut réduire efficacement le taux d’échec des étudiants et colmater les fractures sociales de notre système éducatif. Bien sûr, cela doit commencer dès l’école. Les étudiants arrivent en première année de licence avec leurs lacunes, accumulées tout au long de leur scolarité. L’université ne peut être considérée comme seule responsable.
La situation financière des établissements d’enseignement supérieur est inquiétante. L’accueil des étudiants et leurs conditions de travail continuent à se dégrader. Aussi l’abondement de 100 millions d’euros proposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale n’est-il pas un luxe : il convient en effet de rappeler que cette somme correspond au prélèvement effectué en 2015 sur les fonds de roulement des universités. Il s’agit d’un juste retour !
Comme le souligne la commission de la culture dans son rapport pour avis, la création de 1 000 emplois sera malheureusement grignotée pour un tiers par les fonctions administratives des nouvelles communautés d’universités et d’établissements, ces COMUE censées permettre une mutualisation des moyens.
Nous constatons également une forte baisse des crédits alloués dans le cadre des contrats de plan État-régions.
De plus, nous n’approuvons pas l’amendement déposé par le rapporteur spécial visant à relever les crédits des établissements d’enseignement supérieur privés. Un tel amendement n’est pas acceptable, puisqu’il prévoit en contrepartie une réduction de 5, 59 millions d’euros du programme « Vie étudiante », qui, parce qu’il contribue à garantir un égal accès de tous les jeunes aux études supérieures et à améliorer leurs conditions de vie et leur pouvoir d’achat, participe à leur réussite.
Au-delà de ces réserves, je me réjouis de la poursuite du plan de construction de 40 000 logements étudiants d’ici à 2017.
Le budget de la recherche est, quant à lui, presque stabilisé, avec un peu plus de 10 milliards d’euros. Toutefois, nous regrettons la baisse de crédits de 119 millions d’euros, votée en seconde délibération à l’Assemblée nationale, qui pèse notamment sur le programme « Recherche spatiale », à l’heure du développement du futur lanceur européen Ariane 6. C’est un très mauvais signal envoyé à nos chercheurs. C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons l’amendement de M. le rapporteur spécial Michel Berson.
Il convient par ailleurs de renforcer l’efficacité de cette politique publique. On le sait, la recherche d’aujourd’hui, ce sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain.
À l’heure actuelle, la France n’est à l’origine que de 3, 5 % des publications scientifiques mondiales, et la part de la recherche privée ne parvient pas à rattraper son retard, bien que l’État consacre 2, 23 % du PIB à la recherche et développement.
Le crédit d’impôt recherche, le CIR, qui représente la moitié des crédits du budget de la recherche, mériterait un meilleur suivi. S’il favorise l’investissement des entreprises innovantes en matière de recherche et développement, son coût doit être contenu en ciblant les PME, l’embauche de jeunes doctorants et, véritablement, la recherche.
Il ne suffit pas de donner « plus » pour obtenir « mieux ». Comme l’a rappelé la Cour des comptes, l’encadrement du CIR doit être réalisé uniquement grâce à des corrections à la marge, afin d’assurer visibilité et stabilité aux entreprises.
Mes chers collègues, l’investissement de la Nation dans ces dépenses d’avenir est un message positif adressé à nos jeunes et à toute notre société. Il constitue le principal moyen pour reconstituer le tissu industriel de notre pays, relancer la croissance et créer des emplois à forte valeur ajoutée.
Parce que nous soutenons une politique ambitieuse, tant pour nos universités que pour notre recherche, nous nous prononcerons sur les crédits de cette mission en fonction du sort qui sera réservé aux amendements déposés. (
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre discussion intervient alors que notre pays est en état d’urgence, après les terribles attentats qui l’ont à nouveau endeuillé. Je m’associe à l’hommage national rendu ce matin aux victimes.
Dans ce contexte, l’urgence est aussi de lutter contre l’ignorance, contre tout rétrécissement de la pensée, par l’éducation et la culture. Les moyens accordés à l’enseignement supérieur et la recherche y participent pleinement.
En septembre dernier, la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur a été remise au Président de la République. Elle porte, à juste titre, une grande ambition pour l’enseignement supérieur et la recherche de notre pays.
Or, à la lecture des documents budgétaires, je constate une véritable déconnexion entre le niveau d’ambition affiché et la faiblesse des moyens mobilisés.
Concernant les crédits alloués aux universités pour « assurer la réussite de tous les étudiants », un « effort » de 100 millions d’euros, qualifié d’« exceptionnel », est consenti sur les crédits du programme 150, alors que l’on comptait 45 000 étudiants supplémentaires à la rentrée 2015.
Si l’on fait le ratio entre cette somme et le nombre de nouveaux étudiants, on arrive à une enveloppe annuelle, pour chaque étudiant, de 2 000 euros, alors que les universités consacrent annuellement par étudiant 8 300 euros en moyenne.
Une telle inégalité creusera les disparités déjà existantes entre filières et d’une université à l’autre, avec des budgets par étudiant variant de 6 000 à 13 000 euros. À titre d’exemple, dans les écoles d’ingénieurs publiques, le budget moyen par étudiant est de 16 300 euros.
Comment, dans ces conditions, assurer la réussite de tous ? Comment amener, d’ici à 2025, 60 % d’une classe d’âge à un diplôme de l’enseignement du supérieur – l’un des objectifs de la STRANES -, alors que le taux de réussite en L1 a encore baissé cette année ?
On nous parle de « sanctuarisation des moyens », mais il est clair que l’augmentation de la démographie étudiante est sous-budgétisée et que les 1 000 postes budgétés feront de nouveau l’objet d’un gel dans les universités, pour affronter le quotidien.
On rogne sur la vie étudiante, et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS, auront du mal à faire face au nouvel effort demandé, notamment dans le domaine du logement.
Ce budget ne permet même pas, de mon point de vue, de maintenir la situation en l’état, et le risque de paupérisation est bien réel. L’objectif fixé dans la STRANES de consacrer 2 % du PIB à l’enseignement supérieur, soit 40 milliards d’euros par an, paraît bien lointain.
Je m’inquiète aussi du coût des fusions, non budgété, alors même que les budgets des contrats de plan État-régions ont baissé de 48 % et que se dessine un nouveau paysage, avec treize grandes régions.
Monsieur le secrétaire d’État, vous invitez à repenser le « modèle économique de notre enseignement supérieur » et appelez au développement des ressources propres.
Certaines des solutions avancées – l’organisation de summer schools ou le développement de la formation continue – ne sauraient combler les besoins de financement des universités, sans compter que ces activités supplémentaires auront elles-mêmes un coût, en termes de fonctionnement.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, et M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, suggèrent une hausse des frais d’inscription. Je n’approuve pas cette recommandation. La hausse des frais d’inscription serait au contraire le pire des messages à envoyer.
Nous le voyons bien : l’exercice que représente la réduction des dépenses publiques est inextricable. De ce point de vue, l’invocation incessante de la notion de « réalisme» confine au dogmatisme.
Je soutiens, a contrario, l’une des propositions formulées par la STRANES, à savoir engager l’Europe à reconnaître l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à son avenir. Concrètement, il s’agirait de porter, au niveau européen, une autre vision de la dépense publique, en excluant l’enseignement supérieur des normes de la Commission européenne pour le calcul des déficits publics.
Il y a urgence.
Quant à la recherche, les plafonds d’emplois des EPST, les établissements publics à caractère scientifique et technologique, ne traduisent plus la réalité. Pour reprendre la formule d’un enseignant-chercheur, on « sanctuarise du virtuel ».
Contrairement aux engagements pris, tous les départs en retraite ne sont pas remplacés – c’est le cas, par exemple, à l’INRA -, et les postes libérés pour d’autres motifs de départ ne le sont souvent pas plus. On oublie ainsi que, s’il faut deux ans pour fermer un laboratoire de recherche, il en faut dix pour en ouvrir un !
Dans le même temps, la précarité reste massive dans les laboratoires et dans les services, où l’on compte plus de 70 000 précaires.
Cette situation engendre un profond désarroi et alimente un sentiment d’apathie au sein des équipes de recherche.
Il faut faire davantage sur le terrain pour résorber la précarité, et donc ouvrir davantage de postes de titulaires.
Prenons le cas des jeunes docteurs. Il existe, là encore, un décalage entre le budget et l’objectif annoncé dans le rapport de la STRANES, qui consiste à porter à 20 000 par an le nombre de doctorats délivrés.
La France forme aujourd’hui, chaque année, environ 12 000 docteurs. Mais, avec un taux de chômage de 8 % déjà, qu’en sera-t-il demain, sans nouvelles dispositions ?
La STRANES préconise de conditionner l’octroi du CIR à l’embauche de nouveaux docteurs et de créer des voies d’accès réservées aux concours de la fonction publique.
Le budget ne comporte aucune proposition en ce sens, alors même que la dépense publique mobilisée au travers du crédit d’impôt recherche connaît une nouvelle progression de 240 millions d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, ce dispositif fiscal doit être, a minima, sécurisé. J’ai tenté par voie d’amendement, lundi dernier, de mettre fin à une première anomalie : la possibilité pour les entreprises de cumuler, sur une même base éligible, grâce à un chevauchement des deux assiettes, les bénéfices du CIR et du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Vous l’aurez compris, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne sont pas à la hauteur des enjeux auxquels sont confrontés l’enseignement supérieur et la recherche. Ils ne permettront de répondre ni au défi de la démocratisation ni à celui du changement de notre modèle de développement, nécessaire pour éradiquer les inégalités et garantir la préservation de notre planète.
Ces crédits ne recueilleront donc pas l’assentiment de notre groupe.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, madame la présidente de la commission des finances, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, nous sommes ici ensemble, mais notre cœur est aux Invalides.
Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels qu’ils sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2016 étaient initialement la reconduction du montant voté pour 2015. Ces crédits, que nous jugions insuffisants eu égard à la hausse des effectifs à la rentrée universitaire de 2015, ont été augmentés au profit de l’enseignement supérieur, sous l’impulsion de nos collègues de l’Assemblée nationale.
Quant aux crédits de la recherche, deux amendements, l’un présenté par M le rapporteur spécial Michel Berson, l’autre par M. le rapporteur pour avis Jacques Grosperrin, ont pour objet de les rétablir au niveau prévu avant la seconde délibération de l’Assemblée nationale.
Une augmentation plus importante des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » aurait été souhaitable ; l’effort, cependant, est incontestable ; nous le saluons.
Suite à la publication du rapport du comité STRANES Pour une société apprenante, le Président de la République annonçait à la rentrée universitaire 2015 un objectif très ambitieux : atteindre 60 % de diplômés de l’enseignement supérieur dans chaque classe d’âge. Cette ambition est louable à plusieurs égards, et nous l’encourageons tout particulièrement parce qu’elle répond à la volonté de réussite de toutes les étudiantes et de tous les étudiants, quelle que soit leur origine sociale.
Pour atteindre cet objectif, il conviendrait d’augmenter le budget du programme « Formations supérieures et recherche universitaire », de sorte que les moyens par étudiant restent stables.
Néanmoins, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, l’obtention par chaque étudiant d’un diplôme de l’enseignement supérieur ne dépend pas uniquement de la qualité de la formation reçue. Les crédits alloués au programme « Vie étudiante » jouent, de ce point de vue, un rôle fondamental : ils ont vocation à faciliter l’accès des étudiants au logement, à la nourriture et à la santé.
Les projets de loi de finances à venir devront donc constituer des leviers d’accessibilité sociale et d’action pour l’inclusion de tous les étudiants, pour que les deux dimensions de l’enseignement supérieur, la formation et la vie étudiante, soient reliées, ou mieux reliées.
En plus d’accueillir davantage d’étudiants, l’université de demain sera confrontée à un défi de taille : continuer de proposer une formation de qualité. La population estudiantine augmente beaucoup plus rapidement que le budget. Cette dissymétrie doit attirer notre vigilance, afin que le budget par étudiant soit maintenu à un niveau correct. Des économies d’échelle sont certes possibles, monsieur le secrétaire d’État ; mais cette logique atteint ses limites dès lors que l’on accueille 65 étudiants dans une salle de travaux dirigés conçue pour 40 !
Par ailleurs, il convient de rapprocher plus et mieux les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles des étudiants des premiers cycles des universités. Les uns et les autres doivent se rencontrer plus fréquemment, et leurs enseignants doivent plus souvent travailler ensemble. Vous savez comme moi que les premiers bénéficient actuellement, chacun, de trois à quatre fois plus de moyens que les seconds. Il y a là une véritable injustice, à laquelle il convient de remédier.
Les classes préparatoires doivent apporter davantage à l’université, et l’université doit s’enrichir en s’inspirant de certaines méthodes en vigueur dans les classes préparatoires, qui ont beaucoup évolué depuis vingt ans.
De manière très symptomatique – nous sommes, nous législateurs, en cause sur ce point –, la double inscription n’est pas obligatoire pour les étudiants des classes préparatoires de l’enseignement privé, qui n’apportent donc pas leur l’obole à l’université au titre des frais d’inscription.
Il y a là une injustice que nous avons tous laissé passer. Monsieur le secrétaire d’État, à quand une solution, dans le dialogue avec les établissements concernés ?
Augmenter le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur est un objectif ambitieux ; nous le partageons. Son corollaire doit être la bonne insertion des diplômés dans la vie active.
Comme l’a rappelé le comité STRANES dans son rapport, un des leviers de cette insertion professionnelle réside dans le développement de l’apprentissage ou de l’alternance, voire des deux. Nous sommes convaincus que les marges existent pour faire mieux et plus, notamment à l’université, et notamment pour les étudiants qui préparent un doctorat – ces derniers gagneraient également à pouvoir accéder à ces modes de formation.
Vous nous avez répondu en commission, monsieur le secrétaire d’État, que 140 000 étudiants sont déjà accueillis en apprentissage en France. C’est bien, mais ce n’est pas assez : il faut aller plus loin, sans déshabiller l’université pour autant.
L’internationalisation des parcours constitue un autre levier de l’insertion professionnelle. Elle permet la maîtrise d’une ou de plusieurs langues étrangères, la connaissance d’autres cultures, mais aussi le développement de qualités personnelles, et favorise ainsi l’adaptation au changement.
Malheureusement, certains programmes, comme le programme Erasmus, ne sont toujours pas accessibles à tous les étudiants, et le sont en particulier très difficilement pour les étudiants d’origine modeste.
Je souhaite enfin attirer votre attention sur les rapprochements entre universités. Ils peuvent certes présenter un certain nombre d’avantages, en termes de visibilité, de masse critique pour les bibliothèques, d’économies d’échelle. Il nous semble néanmoins nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, de conduire une étude minutieuse des coûts que ces rapprochements induisent.
Au-delà de leur coût, ces rapprochements peuvent constituer aussi, en région, un danger pour certaines universités de taille moyenne, qui risquent de devenir de simples pôles d’enseignement, alors qu’elles doivent être des pôles d’enseignement et de recherche.
Je tiens, pour conclure, à souligner le rôle prépondérant des ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, dans les universités ; ce rôle doit être préservé et développé. La formation des enseignants, y compris de l’enseignement supérieur, doit être enrichie si nous voulons relever le défi du numérique.
Favorables aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2016 tel qu’ils ont été modifiés par l’Assemblée nationale, nous les voterons, mais nous conditionnons notre soutien au maintien de réels efforts budgétaires.
Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames les présidentes de commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention sera brève et tiendra en quelque sorte du billet d’humeur, l’état de l’enseignement supérieur et de la recherche n’étant pas aussi réjouissant que nous pourrions le souhaiter.
Alors que la rentrée universitaire 2015 a été marquée, pour la septième année consécutive, par une augmentation substantielle du nombre d’étudiants – environ 40 000 étudiants supplémentaires –, le Gouvernement affirme que les budgets des universités pour 2016 seraient en augmentation.
Cette augmentation, annoncée en fanfare par le Premier ministre comme un « effort exceptionnel » de 100 millions d’euros supplémentaires en faveur des universités, ne représente en réalité que l’annulation du prélèvement effectué en 2015 sur leurs fonds de roulement !
Je rappelle en effet que l’État a opéré, en 2015, une ahurissante ponction de 100 millions d’euros sur le budget des universités et des grandes écoles, ponction dont ma région, Nord -Pas-de-Calais - Picardie, a dû assumer plus du tiers !
Je précise, pour que vous preniez bien la mesure de la colère des élus, que cette région aura la dette cumulée la plus élevée de France, les taux de pauvreté, de chômage et d’illettrisme les plus importants, et sera placée en queue de peloton s’agissant de la plupart des indicateurs de formation.
Cette ponction, une véritable hérésie, a été très durement vécue par les universités de ma région.
J’ajoute que, dans le temps même où le Gouvernement accordait, en seconde délibération à l’Assemblée nationale, 100 millions d’euros supplémentaires aux universités, il a supprimé 119 millions d’euros de crédits au détriment de la recherche, plus particulièrement du programme 193, « Recherche spatiale », qui voit ses crédits réduits de près de 5 % !
Depuis plusieurs années, les crédits alloués à la recherche servent ainsi de variable d’ajustement aux augmentations décidées dans d’autres domaines, ce qui remet en cause l’engagement d’une sanctuarisation desdits crédits.
Notre groupe soutiendra donc l’amendement déposé par la commission des finances visant à rétablir les 119 millions d’euros supprimés par l’Assemblée nationale.
Nous soutiendrons également l’amendement tendant à augmenter les crédits de l’enseignement supérieur privé, lequel accueille, je le souligne, 500 000 étudiants, soit près d’un étudiant sur cinq.
Depuis 1998, ses effectifs ont augmenté de 75 %, contre une augmentation de 6 % pour ceux du public.
Bien que l’enseignement supérieur privé revienne moins cher à l’État, ses crédits ont été réduits de 36 % depuis 2011, ce qui les ramène à un niveau en deçà duquel la pérennité des établissements risque de ne plus être garantie.
De l’adoption de ces deux amendements dépendra donc, vous l’aurez compris, notre vote final.
Quoi qu’il en soit, nous ne voterons pas ce budget sans protester contre le positionnement plutôt idéologique de ce gouvernement.
Le scandale de la suppression des bourses destinées aux meilleurs bacheliers et diplômés de licence est particulièrement révélateur. Il s’agissait d’un dispositif de mérite républicain, peu coûteux pour le budget de l’État et à forte portée symbolique ; vous avez préféré le supprimer, au profit d’un nouveau système généralisé de bourses sur critères sociaux, totalement déconnecté des performances scolaires. Le montant de ces bourses s’est d’ailleurs effondré : les futurs bacheliers, au lieu de recevoir, comme leurs prédécesseurs, 1 800 euros, n’auront plus droit qu’à 900 euros !
Or le principal investissement d’une nation est celui qu’elle sait consacrer aux femmes et aux hommes qui la composent, et qu’elle peut contribuer à former, car l’éducation et la recherche constituent l’un des leviers essentiels du redressement d’un pays, en l’occurrence le nôtre.
À l’heure où nous devons nous préoccuper du problème de la fuite à l’étranger de nos forces vives, le signal envoyé à la jeunesse la plus engagée et la plus travailleuse est désastreux.
Je le rappelle, un certain nombre de nos doctorants ne trouvent aucun débouché en France ; les crédits pour la recherche étant toujours aussi peu efficients, ces doctorants finissent par s’expatrier pour aller travailler dans des laboratoires étrangers.
La contribution de l’État aux universités est, de fait, gelée depuis 2010. Les étudiants rencontrent pourtant, à la mesure de la croissance de leur nombre, des difficultés récurrentes pour s’inscrire dans les filières de leur choix, et les universités peinent à les accueillir dans les amphithéâtres, comme certains de mes collègues l’ont déjà signalé.
Se pose aussi la question de leur orientation, avec l’échec de nombre d’entre eux en fin de première année !
La volonté affichée d’une démocratisation toujours plus importante des études supérieures et le manque de sélectivité du baccalauréat actuel créent un engorgement des universités et suscitent une déception grandissante chez nos jeunes, qui n’y trouvent ni perspectives ni débouchés.
Tout ceci fait douter de la pertinence du système en place.
Enfin, la baisse des dotations, tant de l’État que des collectivités locales, constitue, et à juste titre, un motif d’inquiétude pour les universités : elle aura pour conséquence d’aliéner la capacité des régions à investir dans les infrastructures, par le biais notamment des contrats de plan.
Sous réserve de l’adoption des deux amendements que j’ai évoqués, notre groupe votera les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’enseignement des savoirs et la recherche participent à la transmission d’un modèle de valeurs qu’il importe plus que jamais de défendre. L’enjeu est majeur, et il convient d’analyser les moyens alloués à ce titre par l’État.
Cette mission semble ne pas subir les réductions budgétaires que d’autres connaissent. Au cours de la première lecture à l’Assemblée nationale, un abondement supplémentaire de 100 millions d’euros a été introduit par voie d’amendements pour tenir compte des conditions de la rentrée universitaire. Un autre amendement présenté par le Gouvernement augmente les crédits de la recherche, mais il s’agit en fait d’une opération technique neutre.
Le niveau des crédits nous préoccupe, car, récemment, nous avons pu constater qu’entre l’affichage d’un budget et la réalité de son exécution, il pouvait exister plus qu’un simple écart.
S’agissant des universités, la loi Fioraso de 2013 n’entendait pas remettre en cause l’autonomie des établissements instituée par la loi de 2007. Nous nous en sommes réjouis, mais nous avons vite déchanté : nous assistons à une recentralisation insidieuse qui s’est notamment manifestée par le prélèvement sur les fonds de roulement des universités et des écoles qui disposaient de quelques réserves. Grâce à cela, le Gouvernement a pu distribuer généreusement quelques subsides à des universités en difficulté.
Ce jeu de vases communicants organisé par l’État en 2014 est tout à fait discutable.
Aujourd’hui, nous constatons toujours que l’État se désengage du volet « enseignement supérieur, recherche » des contrats de plan État-régions, bloquant ainsi nombre de projets structurants pour les établissements. La politique que votre gouvernement conduit à l’égard des collectivités territoriales prive aussi nos universités de soutiens locaux indispensables.
Notre visibilité sur l’exécution du budget de 2015 n’est pas très claire. Si les crédits de la recherche culturelle et de la culture scientifique augmentent de 4, 8 %, tous les autres programmes sont en baisse.
Monsieur le secrétaire d’État, vous affirmez renoncer à de nouveaux prélèvements – du moins sur les universités –, mais vous n’évoquez pas le sort des grandes écoles. Le doute subsiste.
En application de la loi de 2013, les universités sont désormais regroupées en communautés d’universités et d’établissements. Sur les 1 000 emplois que vous destinez à ces COMUE, un tiers environ sont déjà destinés à la gestion administrative. Les fusions ambitionnent de mieux rationaliser les fonctions support, mais la tâche est bien plus complexe pour les communautés d’universités en réseau, pour lesquelles l’éloignement géographique demeure un obstacle.
Afficher des ensembles de taille imposante n’est pas une garantie de pertinence en matière d’efficacité.
Dans un contexte budgétairement contraint, ces recompositions structurelles et ces flux nouveaux interrogent sur les moyens qu’il convient de fournir aux acteurs publics et privés de l’enseignement supérieur.
Les universités ont plus que jamais besoin d’autonomie. Elles doivent être en mesure de développer des stratégies locales adaptées à leur territoire pour atteindre les objectifs que vous leur assignez. Vous ne pouvez pas, dans le même temps, les priver de marges de manœuvre et les exhorter à optimiser leurs moyens et à développer leurs ressources propres, notamment via la formation professionnelle continue.
Nous regrettons également que les universités soient plongées dans l’incertitude quant aux évolutions, promises mais jamais précisées, du modèle d’allocation des ressources en fonction de leur activité et de leurs performances. Il s’agit de respecter leurs démarches lorsqu’elles préparent, par exemple, leur projet d’établissement, étape clé de la contractualisation avec l’État. Cela permettrait aussi un suivi parlementaire mieux éclairé quant à la stratégie que l’État poursuit dans le domaine de l’enseignement supérieur.
Pour en revenir au contexte spécifique de cette rentrée 2015, les augmentations d’effectifs que les universités doivent assumer mériteraient d’être mieux renseignées tant elles ne semblent pas toujours correspondre à une évolution de la démographie locale des lycées. Nous souhaitons une analyse plus précise de cette situation.
Ces flux nouveaux, qui doivent se poursuivre au cours des années à venir, conduisent vers les universités des publics dont il nous paraît nécessaire de mieux connaître les aspirations, les profils et les parcours. Plus que jamais, ces flux exigent un travail majeur sur l’orientation et la liaison entre le lycée et l’université, tout autant que sur l’adaptation des formations, notamment aux besoins des entreprises.
Nous aimerions être convaincus que des solutions concrètes sont engagées. Il ne s’agit pas d’autoproclamer l’attractivité de l’université. Les jeunes doivent pouvoir réussir une insertion professionnelle, car l’échec nourrit des frustrations, des tensions et des sentiments d’exclusion.
La bourse au mérite ne nous rassure pas sur l’accompagnement que vous entendez accorder aux plus méritants de nos étudiants. Après avoir suspendu le dispositif, vous avez créé l’illusion de son rétablissement sous la pression de la société civile et des sénateurs, mais en réduisant drastiquement -de moitié -, leur montant. Un réel soutien social aux étudiants est pour nous incontournable. Dans ce domaine, beaucoup reste à faire.
Nous nous inquiétons également quant aux droits d’inscription des étudiants. Nous en débattrons, entre autres, dans le cadre de la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur, la STRANES.
S’agissant de la recherche, on ne peut que regretter l’absence d’une stratégie à long terme, qui constitue un frein à l’innovation et ne peut que creuser encore le retard de notre pays par rapport à ses partenaires étrangers. Ainsi, le numérique se développe dans tous les domaines, mais les moyens des organismes de recherche français ne permettent pas de développer suffisamment de projets d’avant-garde, alors que nous en avons pourtant la compétence.
Dans le domaine scientifique, nous manquons d’opportunités pour les jeunes chercheurs, qu’il s’agisse du recrutement ou du signal donné aux futurs doctorants. L’Agence nationale de la recherche, acteur national majeur pour le financement sur projets, conserve le niveau de ses crédits pour 2016, mais elle avait subi de fortes baisses qui l’ont fragilisée, en 2014 comme en 2015.
Par ailleurs, il convient de renforcer la protection des universités – et je veux me faire ici l’écho de l’hommage qui est rendu en cet instant même aux victimes des attentats de ces dernières semaines.
Protéger les universités a un coût. Ainsi, Cergy-Pontoise a déjà déboursé 180 000 euros en janvier, après les premiers attentats. À Créteil, le renfort est estimé à 8 000 euros par jour depuis les attentats du 13 novembre. Or l’état d’urgence est prolongé de trois mois. Les universités qui ont engagé des moyens supplémentaires pour la sécurisation de leurs sites assurent que, sans une aide de l’État, elles ne pourront pas la financer. Elles ne disposent pas des moyens budgétaires pour faire face à cette situation.
Monsieur le secrétaire d’État, quels moyens l’État est-il prêt à dégager pour la sécurisation de nos universités dans ce contexte d’état d’urgence prolongé ?
Pour finir, nous sommes surpris que l’amendement du Gouvernement voté en première lecture par l’Assemblée nationale soit un mouvement technique interne au budget concernant les financements de l’État pour le démantèlement d’installations nucléaires, pour un montant de 321 millions d’euros, un transfert des missions qui ne saurait constituer des moyens supplémentaires pour la recherche.
Toutes ces imprécisions confortent nos interrogations et nos inquiétudes sur le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Pour ces raisons, le groupe UDI-UC sera attentif à la suite du débat et au vote des amendements pour arrêter une position définitive. À ce stade, notre groupe est plutôt enclin à s’abstenir.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette rentrée universitaire a été marquée par les commentaires sur l’augmentation du nombre d’étudiants. En fait, ils sont 38 700 étudiants de plus cette année.
Anticipé à 8, 5 % entre 2012 et 2020 par les systèmes d’information et d’études du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, cet afflux est un défi à relever sur trois aspects : la démocratisation de l’enseignement supérieur qui oblige, en termes de budget, de statut social des étudiants, d’accompagnement vers la réussite de tous ; l’hétérogénéité des publics accueillis qui, conjuguée au rejet de la sélection et de l’augmentation des droits d’inscription, pose la question du modèle économique de l’enseignement supérieur à moyen terme ; enfin, la révolution numérique, l’autonomie plus ou moins forte des étudiants, l’agilité et l’adhésion plus ou moins grandes des enseignants et des enseignants-chercheurs, qui bouleversent la construction de la connaissance et la transmission des savoirs.
Le premier constat qui s’impose est celui d’un enseignement supérieur français attractif, ouvert sur la Cité, proposant des formations d’excellence, adossé à la recherche, assumant son rôle d’acteur de transformation sociale.
Le second constat, c’est que le diplôme d’enseignement supérieur constitue, pour les jeunes et leurs familles, un atout pour l’insertion dans l’emploi et la carrière professionnelle.
Cette augmentation du nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur, particulièrement à l’université, n’est pas seulement le fruit d’une démographie dynamique. Cette appétence de la jeunesse pour les études répond également à la priorité « Jeunesse » fixée comme cap du quinquennat et que le Gouvernement traduit notamment en refondant les aides sociales étudiantes.
Depuis le début du quinquennat, ce sont plus de 500 millions d’euros supplémentaires qui ont été accordés pour les bourses, un investissement qui a permis d’élargir l’assiette des bénéficiaires tout en introduisant de la progressivité dans le système d’attribution.
De nombreuses aides indirectes ont été développées qui bénéficient aux enfants dits « de la classe moyenne » : caution locative étudiante, centres de santé universitaires, plan de 40 000 logements, développement de plateformes, de guichets uniques, non-augmentation des frais d’inscription.
Ce sont des choix politiques, assumés par la gauche pour démocratiser l’enseignement supérieur en favorisant l’égalité des droits, pour rester dans la course internationale, permettre l’émancipation intellectuelle, sociale et culturelle des jeunes et élever le niveau global de connaissances de la population.
Cela implique une qualité renouvelée des enseignements par un meilleur accompagnement du premier cycle, l’évaluation des expérimentations et bonnes pratiques en vue de leur généralisation, la mobilisation du ministère de l’éducation nationale pour une meilleure orientation fondée sur le lien « Bac-3/Bac+3 » qui vise, en étroite complicité avec l’étudiant, sa réussite personnelle et son épanouissement.
Cela implique également une introduction de la méthode scientifique d’observation des évolutions à l’œuvre, à savoir le suivi de cohortes de diplômés ainsi que l’identification des blocages, universitaires, pédagogiques ou conceptuels.
Mais la démocratisation de l’accès au savoir et l’égalité des possibles ont leurs détracteurs – nous les avons entendus -, qui appellent à une sélection académique et à une augmentation des frais d’inscription que nous combattons.
Pour l’élaboration de la STRANES, qui sera bientôt présentée au Parlement, le comité a conduit des études scientifiques comparatives qui concluent que construire une société apprenante et soutenir notre économie ne sont des objectifs compatibles ni avec une augmentation des frais d’inscription ni avec des prêts à remboursement différé.
Construire une société apprenante, c’est garantir à chacun la possibilité d’apprendre et de maîtriser les savoirs utiles à son épanouissement. Et s’il est un dogme concernant les frais d’inscription, il est porté par ceux qui veulent toujours faire payer plus les étudiants et qui n’adhèrent pas au principe d’un enseignement supérieur intégrateur, accessible, bien public profitable à l’ensemble de la société.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis, s’exclame.
Ne cédant pas aux antiennes simplistes, le projet de loi de finances pour 2016 préserve le budget de l’enseignement supérieur dans le cadre de l’effort de maîtrise des dépenses publiques.
Favoriser la réussite étudiante se traduit par la création de 1 000 emplois nouveaux, fléchés sur le premier cycle. L’an dernier, sur les 1 000 postes attribués, un tiers avaient été affectés aux fonctions support administratives, un tiers à l’enseignement et un tiers à l’équilibre budgétaire. L’année 2016 devrait voir une meilleure affectation des postes créés, ouverts au recrutement.
La compensation boursière est prévue et une part significative du GVT, le glissement vieillesse technicité, est inscrite en base, ce qui redonne des marges aux établissements.
Aucun prélèvement n’est prévu sur les fonds de roulement.
Grâce au soutien méthodologique engagé par le ministère, la situation financière de certaines universités, dégradée après leur passage aux responsabilités et compétences élargies, s’est bien redressée. L’exercice de l’autonomie a entraîné l’organisation de gouvernances maîtrisant les fonctions support et inscrivant les établissements dans une gestion de plus en plus prospective, y compris des ressources humaines, qui appelle toutefois quelques assouplissements et simplifications utiles. Je sais que vous y êtes sensible, monsieur le secrétaire d’État.
Conformément à l’engagement du Gouvernement, le programme 150 de la MIRES bénéficie, dès la rentrée universitaire, d’une augmentation de 165 millions d’euros. Ces nouveaux crédits sur la ligne Formation devront bénéficier de la vigilance parlementaire jusqu’à l’amendement d’équilibre qui sera examiné en toute fin de marathon budgétaire.
Pour favoriser la réussite étudiante, les crédits de la formation initiale et continue, qui correspondent aux trois premières années de licence, passent à 2, 93 milliards en 2016. Les formations par alternance sont justement encouragées ; elles feront, avec la formation tout au long de la vie, évoluer les offres universitaires vers plus de pragmatisme et d’ouverture, vers davantage de démarches de projet, aussi, pour atteindre les objectifs énoncés.
Ce budget de la MIRES est aussi orienté dans le cadre d’une politique de site ambitieuse. Les rapprochements entre universités, écoles et organismes de recherche permettent maintenant, sur tous les territoires, l’émergence de pôles forts, favorisant les décloisonnements.
Les contrats de sites, garants d’une offre de formation coordonnée, permettent aux étudiants de suivre la formation de leur choix, et pas seulement la formation la plus proche du lieu d’habitation de la famille.
L’enseignement supérieur est un levier décisif pour le développement économique, mais aussi pour le progrès social. Les universités sont les laboratoires de la société. La loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a instauré cette approche, en investissant la responsabilité sociale des universités, indissociable des missions de formation et de recherche, afin de promouvoir systématiquement une interaction transformatrice entre l’université et la société.
Dans la période tragique que traverse la France, dans cette guerre d’un nouveau genre que nous ont déclarée des extrémistes déterminés, lourdement armés, sans aucune considération pour la vie humaine, l’apport de la recherche est indispensable.
Indispensable pour comprendre, indispensable pour prévenir, indispensable pour appuyer les décisions politiques, indispensable pour faire triompher les valeurs de la vie qui identifient notre société.
L’enjeu est de faire de la France « une société apprenante ». Le programme 150 en est la traduction opérationnelle.
En conclusion, le groupe socialiste et républicain votera le projet de budget de la recherche et de l’enseignement supérieur tel que présenté.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes ici, mais nos pensées sont aux Invalides.
En cette journée particulière d’hommage national, le présent débat sur les crédits consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche, et demain sur ceux de la culture, prend indiscutablement une tonalité particulière.
Oui, nous avons besoin de la culture et de l’éducation pour lutter contre la barbarie. Oui, nous devons agir pour développer l’émancipation individuelle et collective, car la liberté de penser, de créer et d’agir est nécessaire pour éclairer plus que jamais notre compréhension d’un monde qui se complexifie.
Que le budget de l’éducation nationale soit le premier budget de l’État témoigne de la responsabilité et de l’engagement du Gouvernement en la matière, surtout dans la période budgétaire que nous connaissons.
La massification scolaire est un phénomène sociétal indéniable. Le taux d’accès au baccalauréat est passé de 25, 9 % en 1980 à 77, 1 % en 2014. Quant au taux de réussite global, il a atteint un nouveau sommet en 2014, culminant à plus de 87 %.
Il s’ensuit, et nous devons grandement nous en réjouir, que de plus en plus d’étudiants obtiennent un diplôme du second degré et suivent des études supérieures. Cette capacité à offrir à la jeunesse une formation de qualité, avec des savoirs diversifiés, est tout à fait révélatrice de la maturité d’une société démocratique.
Ainsi, la démocratisation de l’enseignement est à la fois un enjeu majeur, mais aussi un défi imposant, en particulier pour les universités. Au cours de cette rentrée, pour la première fois, le nombre d’étudiants a été supérieur à 2, 5 millions. Les projections font même état de 3 millions d’étudiants à l’horizon de 2020.
Devant cette augmentation démographique, les universités et plus généralement les acteurs de la communauté éducative du supérieur ont dû s’ajuster rapidement. Le Gouvernement a accompagné ce mouvement.
Cette volonté politique met en lumière la priorité constante de l’exécutif depuis 2012 : la jeunesse. Des moyens importants déployés pour l’école primaire à la réforme du collège, sans oublier la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, la réflexion est et doit être globale, articulée autour d’une vision précise de l’avenir du système éducatif, au service des jeunes de notre pays.
Car il s’agit bien de renforcer le continuum éducatif en liant enseignement scolaire et supérieur, en facilitant les transitions, en multipliant les passerelles, en décloisonnant les enseignements par plus de transversalité, et en préparant ainsi mieux l’insertion professionnelle. En un sens, il s’agit d’adapter notre système éducatif, dans son intégralité, aux évolutions du monde, faites de mutations brutales et d’aléas soudains.
La modernisation du fonctionnement des établissements supérieurs participe donc de cette dynamique éducative d’ensemble, dont l’un des objectifs, primordial, est de sensibiliser les étudiants à la vélocité, mais aussi à la profondeur des bouleversements sociétaux et internationaux actuels.
Leur donner un bagage de connaissances élevé afin de s’adapter, mais aussi les préparer à affronter les tribulations du monde du travail et les habituer à la mobilité professionnelle : telle est notre responsabilité partagée. Telle est aussi la vision que nous devons porter, de la formation à l’insertion professionnelle, en nous adaptant aux grandes mutations d’hier et d’aujourd’hui, et en anticipant celles de demain.
Depuis le début du quinquennat, cette priorité accordée à la jeunesse s’est traduite, pour l’enseignement supérieur, par une sanctuarisation de ses crédits, et ce dans le contexte économique que l’on sait. Ce choix politique, assumé par le Gouvernement, est à saluer.
Pour l’année 2016, le budget consacré à l’enseignement supérieur est préservé, et il ne faut pas omettre les efforts réalisés par les opérateurs de l’État, les établissements et leur personnel afin d’accueillir les nouveaux étudiants dans des conditions satisfaisantes.
Comme vous l’avez rappelé lors de votre audition devant la commission de la culture du Sénat, monsieur le secrétaire d'État, nous devons persévérer dans notre démarche de « démocratisation exigeante ».
Pour autant, amener 60 % d’une classe d’âge au niveau de l’enseignement supérieur, comme l’ambitionne le Président de la République dans le cadre de la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur, nécessite de se focaliser sur ce qu’Antoine Prost appelle la démocratisation « qualitative », en somme, l’égalité des chances.
Aujourd’hui, le système éducatif français est encore fondamentalement inégalitaire.
Sans revenir sur toutes les réformes engagées, le Gouvernement, mû par une détermination absolue, s’est attaché à enrayer cette funeste spirale et à agir en faveur de l’égalité des chances. Les conditions de vie des jeunes y participent.
Ainsi, en ce qui concerne l’enseignement supérieur, près de 500 millions d’euros ont été mobilisés pour les bourses sur critères sociaux depuis 2012. Deux échelons ont été créés, si bien que 132 000 étudiants ont pu bénéficier d’un soutien financier pour la première fois. L’année prochaine, l’État investira 1, 96 milliard d’euros et les bourses seront très légèrement revalorisées.
Le logement est également un enjeu important. Il peut être un problème dans les zones tendues où les loyers sont onéreux. Sur ce point, la construction de 40 000 logements sociaux destinés aux étudiants, d’ici à 2017, se poursuit. À la fin de l’année, ce sont plus de 20 000 logements qui auront été mis à disposition des étudiants.
Par ailleurs, les étudiants logés dans le parc locatif privé peuvent recourir à la caution locative étudiante, ou CLE, depuis la rentrée 2014. Cette dernière a pour objet d’aider les étudiants dépourvus de garant personnel à accéder à un logement. En cette rentrée, environ 6 000 demandes de CLE ont d’ores et déjà été validées, soit le double de dossiers par rapport à 2014 !
Au-delà, les trente-cinq mesures du plan national de la vie étudiante, présentées le mois dernier, apportent des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par les étudiants.
Combattre les inégalités passe également par la mise à disposition d’espaces de travail et de savoir pour celles et ceux qui ne peuvent en avoir à leur domicile, et par l’ouverture des campus le week-end ou l’élargissement des horaires d’ouverture des bibliothèques universitaires, sujet qui me tient à cœur. Ces horaires ont certes déjà beaucoup évolué, mais l’effort est encore insuffisant. À l’échelle d’un territoire, une meilleure coordination, voire une coopération avec les bibliothèques publiques est d’ailleurs à rechercher.
Pour finir, je souhaiterais appeler l’attention du Gouvernement sur la situation du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS. La baisse des crédits alloués à leur investissement et à leur fonctionnement risque de peser directement sur la vie des étudiants : leurs deux premiers postes de dépenses, en l’occurrence le logement et la restauration, pourraient augmenter sous l’effet d’une hausse des loyers et de la restauration universitaire.
Je sais, monsieur le secrétaire d'État, l’attachement qui est le vôtre à l’amélioration des conditions de vie des étudiants. Je ne doute donc pas que vous serez vigilant à ce qu’elles ne s’aggravent pas, car c’est affaire de justice sociale.
Au moment où nous avons collectivement besoin de dresser un idéal commun, de donner de l’espoir et des perspectives aux jeunes qui se sentent désœuvrés, comme mis à l’écart, l’égalité des chances constitue un leitmotiv permanent, un guide indépassable, notre espoir et notre volonté à tous.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, notre séance s’est ouverte au moment où débutait l’hommage national rendu aux victimes des actes terroristes du 13 novembre dernier.
L’enseignement supérieur a été profondément touché par ces attentats, puisque onze étudiants ont perdu la vie, dont quatre étrangers, et six enseignants-chercheurs, ce qui porte à dix-sept le nombre des victimes que l’enseignement supérieur et de la recherche doit déplorer, soit le chiffre le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale.
Je me suis demandé si j’aurais l’esprit à défendre ce matin devant vous ce budget. Finalement, je me suis dit que c’était une heureuse coïncidence : il est utile, au moment où nous rendons à ces victimes l’hommage national qu’elles méritent, que nous réfléchissions ensemble à cette forme d’hommage particulier qu’est le soutien budgétaire apporté à notre système universitaire et à notre recherche nationale, en qui nous avons tous foi ici, quelles que soient nos convictions par ailleurs. La vitalité durable de notre université et de notre recherche constitue, sur un autre terrain, une forme de réponse aux attentats.
L’université, c’est le plus beau des projets démocratiques de notre pays, celui qui s’adresse à tous, qui permet à chacun de s’élever au-dessus de sa condition sociale initiale pour postuler aux plus belles fonctions de la société. C’est, en termes de valeurs, le développement de l’esprit critique. C’est l’endroit où l’on apprend à ne pas considérer tout ce qui est affirmé comme une vérité que l’on doit accepter sans questionner. C’est le lieu où l’on interroge sans arrêt la réalité. C’est aussi celui où l’on apprend le travail en équipe.
Chaque parcours étudiant est fait bien souvent de rencontres, avec des professeurs ou avec d’autres étudiants, et de destins qui se révèlent à eux-mêmes. C’est le moment de l’ouverture, celui où l’on découvre d’autres cultures, et parfois d’autres pays, aussi.
Ce sont toutes ces valeurs que certains ont voulu tuer il y a quelques jours.
Le système universitaire doit aussi et surtout redevenir un intellectuel collectif. Les hommes et les femmes qui font l’université sont des gens qui parlent à la société, qui étanchent sa soif de sens, seule façon in fine de vaincre les peurs. Car si l’on a peur quand on se sent en insécurité, on a peur aussi quand la réalité que l’on vit se dérobe sous nos pieds.
Idem pour la recherche, dont nous avons plus que jamais besoin afin de comprendre le sens de ces événements, pour identifier les poches de violence latente dans notre société, pour essayer de concevoir comment, finalement, un jeune peut, très brutalement, basculer dans les formes les plus extrêmes d’engagement qui l’amèneront à tuer d’autres jeunes, sans même parfois avoir suivi un parcours religieux, lui qui va tuer au nom d’une religion !
C’est aussi la recherche qui peut nous apprendre comment ce formidable outil qu’est internet peut également être vecteur de fascination pour le morbide et se transformer en véritable instrument de manipulation mentale.
Ce matin, dans vos interventions, vous avez tous et toutes, malgré des positions parfois différentes, fait cet acte de foi, véritable hommage que nous devons aux victimes des attentats. Je voulais très chaleureusement vous en remercier.
Vous n’avez pas à avoir honte de vous prononcer sur ce budget, car les crédits de cette mission progressent. Ils marquent même une inflexion dans l’histoire du quinquennat puisque, tous secteurs confondus, les crédits de la MIRES progressent de 400 millions d’euros du PLF 2015 au PLF 2016, ce qui est très significatif dans la période que nous connaissons. À l’intérieur de ces budgets, la recherche est protégée et l’enseignement supérieur voit ses crédits progresser de 165 millions d’euros, ce qui est également significatif.
Avant de répondre précisément à chacune de vos questions, permettez-moi deux remarques liminaires.
Premièrement, il ressort manifestement de vos interventions que le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche est en très profonde évolution. Ce n’est pas un phénomène à la marge, uniquement sur une année, mais c’est une très profonde évolution démographique et organisationnelle, avec la mise en place de cet outil formidable que sont les vingt-cinq COMUE, qui désormais structurent nos paysages. Indépendamment de leur capacité à définir des stratégies, à mener des politiques mutualisées et donc à réaliser des économies, ces communautés présentent surtout l’intérêt de faire travailler des universités et des écoles aux cultures différentes, de les rapprocher et donc d’hybrider qualitativement le système.
La toile de fond de tout cela, nous le verrons dans les mois qui viennent, c’est la réforme territoriale. Si elle se joue sur un terrain institutionnel différent de celui de l’organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche, elle ouvrira naturellement des voies nouvelles en matière de coopération entre acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche et acteurs territoriaux.
Deuxièmement, j’aperçois à travers ces évolutions très profondes de nouveaux défis : chacun doit avoir la modestie de reconnaître que nul ne détient seul la réponse. Nous devrons probablement, sur certains terrains, les trouver ensemble.
Il nous faudra relever le défi de la qualité – ce que j’appelle la démocratisation exigeante du système –, de la réussite en premier cycle universitaire, et réfléchir aux conditions pour réussir l’entrée dans l’enseignement supérieur. Nous devons davantage nous pencher sur l’orientation et le contenu même des études ainsi que sur les parcours collectifs au cours du premier cycle universitaire.
Bien souvent, en effet, les étudiants se trouvent seuls, livrés à eux-mêmes, ne sachant vers qui se tourner ou à qui s’adresser, dans un univers qu’il leur est complètement dédié, mais qui reste d’une approche encore complexe.
Il nous faudra également relever le défi social, qui accompagne la démocratisation. Je pense aux bourses, aux logements, à l’accès aux soins, à la lutte contre certaines souffrances comme la solitude, qui existe aussi sur les campus, et contre tous les maux issus d’un modèle économique déstabilisé, notamment par la puissance de la montée démographique.
Je pense aussi aux besoins d’investissement pour adapter les campus au numérique, sans parler des questions de rénovation et de réhabilitation pour un immobilier de qualité. Tout cela constitue pour nous tous un challenge.
Pour ce qui concerne l’emploi scientifique, vous avez tous à l’esprit le fameux paradoxe français : alors que 60 % de la recherche se fait dans les entreprises et 40 % dans le secteur public, plus de la moitié des chercheurs formés dans nos universités travaillent dans le public et 25 % seulement en entreprise.
Cette problématique de l’emploi scientifique, qui dépasse donc celle de la démographie des chercheurs, réside dans le désajustement entre une recherche majoritairement privée et des emplois majoritairement publics.
Nous devons également faire face à un défi transversal, que nous n’avons pas le temps d’évoquer aujourd’hui, mais que nous aborderons de nouveau dans les prochains mois : celui du numérique.
Je répondrai brièvement, mais le plus précisément possible, aux questions que vous avez posées.
M. Adnot, que je remercie pour la grande précision de son intervention, m’a demandé ce qu’étaient devenus les 1 000 emplois. Il s’agit en fait de 3 000 emplois au total, sur les trois années 2013, 2014 et 2015.
Ces 3 000 emplois se décomposent ainsi : 2 450 emplois pour les universités, 127 pour les écoles d’ingénieurs, 37 pour les instituts universitaires professionnalisés, et 230 pour une dizaine d’établissements spécifiques : les écoles supérieures d’agriculture, le centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte, le Muséum national d’histoire naturelle, etc.
L’essentiel de ces emplois, soit 2 048, ont été affectés aux universités et aux établissements, au titre du rééquilibrage des dotations entre établissements, plutôt dans l’optique de favoriser la réussite des établissements. Sur la période, le taux de création effectif de ces emplois est supérieur à 89 %.
Les emplois réellement créés sur l’année 2015 représentent 93 % du total, 7 % ayant été différés. Pour la période 2013 à 2014, ils représentaient 88 % du total, soit 12 % de différés, ce qui est un chiffre assez important.
M. Adnot m’a interrogé, par ailleurs, sur l’évolution de la taxe d’apprentissage et le choc considérable que celle-ci représente pour les établissements.
Je suis actuellement en train d’examiner, établissement par établissement, les raisons profondes de cette évolution pour envisager les éventuels points d’inflexion d’une situation qui est très problématique pour certains établissements. Ainsi, 17 millions d’euros ont été perdus par les écoles d’ingénieurs, 35 millions d’euros par les autres écoles.
Ce sont des sommes considérables ! Il convient d’analyser de près les chiffrages pour que cette situation n’ait pas, à terme, d’impact négatif sur l’objectif que la Nation doit se fixer, je veux dire l’augmentation du nombre d’apprentis dans l’enseignement supérieur.
M. Adnot m’a également interrogé sur l’immobilier. Le temps me manquant, je ne peux que vous redire qu’il s’agit, selon moi, du dossier majeur des six prochains mois. Nous ne pouvons pas procéder à la dévolution sur les bases existantes ; pourtant, il faut la faire, car elle est indispensable.
Nos universités doivent franchir une nouvelle étape vers l’autonomie. Cette étape, c’est la propriété de leur immobilier, que cette propriété soit directe ou organisée par une puissance publique de substitution. Nous avons d’ores et déjà quelques idées sur ces modalités. Je vous associerai à ces travaux, qui seront notre priorité dans les six mois qui viennent.
Pour ce qui concerne le modèle SYMPA, que nous avions eu l’occasion d’évoquer lorsque j’ai été auditionné par la commission, je redis qu’il est difficile de le réformer pour l’instant, car les universités sont dans des situations très hétérogènes. Il existe, par ailleurs, des situations acquises.
Il nous faut donc retrouver des dynamiques budgétaires positives afin de mieux prendre en compte cette hétérogénéité et de faire évoluer les situations acquises.
M. Berson a identifié des problématiques extrêmement précises sur l’état de la recherche et mis le doigt là où ça fait mal... Je ne peux pas, là non plus, répondre à toutes ses questions, mais je tiens, à l’occasion de ce débat, à donner à votre assemblée des informations précises sur la question du gel des crédits et des mises en réserve.
Premièrement, je rappelle que le taux de gel des crédits, tous ministères confondus, est passé progressivement de 5 % à 8 %. Pour ce qui concerne notre ministère, nous avons négocié et conservé depuis des années un taux dérogatoire au profit des organismes qui est de l’ordre de 0, 35 % sur la part de la masse salariale et de 4, 85 % sur la part « fonctionnement » des subventions. Il s’agit donc de taux réduits par rapport au taux de gel de droit commun. Je peux d’ores et déjà vous dire que, pour 2016, nous avons la garantie de pouvoir maintenir ces taux réduits.
Deuxièmement, les universités bénéficient, elles aussi, d’un traitement spécifique puisque, sur 12 milliards d’euros, c’est un montant global forfaitaire de 70 millions d’euros qui est gelé. Là encore, nous avons obtenu voilà peu la garantie que ce montant forfaitaire très bas – comparé aux 12 milliards d’euros – serait conservé l’année prochaine.
Troisièmement, les crédits pour 2016 des universités comme des organismes de recherche seront préservés de tout coup de rabot : zéro euro pour les universités, zéro euro pour les organismes de recherche !
Vous disant cela, je souhaite revenir plus précisément sur l’un des engagements dont nous avions eu l’occasion de parler en commission. La ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a voulu, au moins pour l’enseignement supérieur et la recherche, que le budget que vous allez voter soit le plus proche possible de celui qui s’appliquera. Vous me rétorquerez que c’est la moindre des choses. Certes, mais ce n’est pas le cas partout et c’est une bataille à livrer. Cette garantie, nous vous la donnons.
M. Tandonnet m’a interrogé sur la question du coup de rabot, à laquelle je viens de répondre, et sur l’évolution à la baisse de la contribution du Centre national d’études spatiales à l’Agence spatiale européenne.
Premièrement, grâce au choix que nous avons fait, dans la discrétion – sans doute avons-nous eu tort, d’ailleurs, d’être aussi discrets ! –, la France est, à la fin de 2015, pour la première fois depuis des années, créditrice auprès de l’ESA. En effet, elle ne « traîne » plus la dette qu’elle lui devait au titre de sa participation.
Deuxièmement, la contribution du CNES à l’ESA augmentera significativement cette année, passant de 775 millions à 850 millions d’euros, afin de contribuer au financement d’Ariane 6.
Du fait de ces deux données, l’augmentation significative de cette contribution à l’ESA et le solde créditeur du CNES, les crédits que nous vous proposons d’inscrire définitivement au budget sont largement suffisants.
M. Grosperrin a posé, entre autres questions, celles de l’enseignement supérieur privé et des droits d’inscription.
S’agissant de la première question, nous avons veillé à ce que les crédits de l’enseignement supérieur privé pour 2016 soient strictement identiques à ceux de 2015, ce qui représente, là encore, une petite inflexion par rapport aux dernières années.
Il faut ajouter aux crédits de 73 millions d’euros destinés à l’enseignement privé les bourses qui sont versées aux étudiants du supérieur, lesquelles représentent plus de 150 millions d’euros chaque année. Il n’y a donc pas de désengagement budgétaire par rapport à l’enseignement privé, lequel est pour bonne partie sous contrat et contribue à l’effort du service public.
S’agissant maintenant des droits d’inscription, il faut aborder franchement la question, même au prix de désaccords, car il n’y a aucune raison de faire comme si le débat n’existait pas.
Vous connaissez la position du Gouvernement, qui n’est d’ailleurs pas seulement française, puisque les Allemands la partagent, de même que les pays nordiques. Selon nous, les droits d’inscription doivent être les plus faibles possible. L’Allemagne a même adopté le régime de la gratuité totale.
En effet, des études très précises établissent que tout « signal prix » donné à l’accès à l’université a immédiatement pour effet de limiter la démocratisation du système.
Vous proposez, monsieur Grosperrin, de multiplier par trois, voire par quatre les droits d’inscription. J’y insiste, ce « signal prix » très fort se paierait immanquablement par un ralentissement de la démocratisation, quand bien même vous compenseriez cette augmentation – je ne sais pas trop comment, d’ailleurs, mais on peut l’imaginer en théorie – par des bourses nouvelles ou un système de prêts.
J’attire votre attention sur le fait que des pays dans lesquels les droits d’inscription sont élevés se demandent à l’heure actuelle s’ils n’ont pas eu tort de procéder ainsi. C’est l’un des thèmes de la campagne pour l’élection présidentielle américaine. M. Obama a en effet expliqué devant le Congrès des États-Unis que le pays faisait peut-être fausse route en maintenant ce niveau de droits pour le college, c’est-à-dire les trois années consécutives à l’équivalent de notre baccalauréat. En effet, les études étant très coûteuses et nécessitant souvent l’obtention de prêts, les défaillances de remboursement se multiplient.
Il faut donc être très prudent sur ce point. Je tenais à vous le dire, loyalement, même au risque d’un désaccord avec vous.
Lors de sa première intervention, Mme Gillot a évoqué, notamment, la situation de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR.
Je ne peux que reprendre les chiffres qu’elle a cités : le montant de 500 millions d’euros est un plancher en deçà duquel il n’est pas possible d’aller. J’espère que nous trouverons, dans les années qui viennent, le moyen d’augmenter un peu ces crédits ; c’est très important.
Sur le rôle du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle, le CNCSTI, vous avez raison, il faut, plus que jamais, diffuser la culture scientifique, technologique et industrielle dans la société. C’est un objectif majeur qui doit accompagner le mouvement de démocratisation.
Pour ce qui concerne la valorisation des politiques d’innovation, je vous confirme, madame Gillot, que nous procédons actuellement à une évaluation très précise des dispositifs de soutien à l’innovation qui ont été mis en place au cours des dix dernières années. Il me semble indispensable d’examiner ces dispositifs avec le souci d’un juste retour des outils mis en place sur les fruits de la recherche publique.
On sait qu’un effort considérable a été fait pour drainer les technologies et les savoirs à partir des laboratoires publics vers les entreprises : il commence à produire des effets. Tant mieux, car c’était indispensable, mais il ne faut pas que cet effort se paie par une absence de retour pour les laboratoires publics. C’est le sens du travail que nous menons.
Mme Herviaux a insisté, à propos du programme 190, sur le rôle de la recherche. Je ne peux que partager sa préoccupation et sa volonté.
La discussion qui s’est ouverte à l’issue des propos liminaires des rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis a permis de mettre au jour les bornes de ce que seront nos efforts, dans les prochaines années, en matière d’enseignement supérieur et de recherche.
Notre enseignement supérieur a besoin d’un nouveau modèle économique. À cet égard, je vais sans doute me répéter, mais c’est ce que j’ai toujours dit.
S’il y a davantage d’étudiants, la Nation devra nécessairement faire des efforts plus importants pour soutenir l’enseignement public. L’engagement de la Nation est donc le premier pilier de toute action en ce domaine, ce qui se traduit dès cette année dans le projet de loi de finances, puisque 165 millions d’euros viennent abonder le programme 190.
Si les droits d’inscription ne sont pas, de notre point de vue, un levier, pour les raisons que j’ai dites, en revanche, les ressources propres le sont.
Dans le domaine de la formation professionnelle, les pistes sont considérables. Nous avons travaillé sur la base d’un rapport et nous lançons actuellement un appel à candidatures pour expérimenter en grandeur nature, dans une dizaine d’universités françaises, l’apport que peut représenter la formation professionnelle.
D’autres idées peuvent être avancées. Ainsi, les universités doivent mieux suivre le parcours de leurs anciens étudiants. Contrairement aux écoles, elles ne savent pas ce que leurs anciens élèves sont devenus. Peut-être certains sont-ils aujourd’hui milliardaires et seraient tout à fait heureux d’aider l’université qui leur a permis de réussir dans la vie... Il y a un gros travail à faire en la matière.
Enfin, et ce sera ma conclusion, le numérique doit être investi pleinement par notre système d’enseignement supérieur, car il permet d’adapter et de personnaliser les enseignements tout en suscitant des économies significatives de dépenses publiques.
J’ai commencé mon propos en rappelant que l’hommage national de la Nation aux victimes des attentats du 13 novembre, qui a dû s’achever il y a quelques minutes, s’ouvrait en même temps que la présente séance.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le plus bel hommage à rendre aux victimes, et la meilleure façon d’éviter que notre pays ne vive à nouveau des heures aussi sombres, c’est de consentir des efforts pour défendre et protéger nos concitoyens ; c’est également de consacrer à l’enseignement supérieur et à la recherche des crédits supplémentaires, du même montant que ceux qui sont consacrés à la défense des Français. Car c’est par ce moyen, aussi, que nous préviendrons des actes que chacun d’entre nous condamne.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Recherche et enseignement supérieur
Formations supérieures et recherche universitaire
Dont titre 2
494 783 080
494 783 080
Vie étudiante
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche spatiale
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle
Dont titre 2
104 883 002
104 883 002
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Enseignement supérieur et recherche agricoles
Dont titre 2
205 371 337
205 371 337
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-139 est présenté par M. Berson, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-202 rectifié est présenté par M. Grosperrin, au nom de la commission de la culture.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2
Vie étudiante
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche spatiale
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Michel Berson, rapporteur spécial.
Cet amendement de la commission des finances vise à rétablir les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels qu’ils étaient prévus avant la seconde délibération à l’Assemblée nationale.
En seconde délibération, sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté, comme l’an dernier, une réduction des crédits de la mission, réduction à hauteur de 119 millions d’euros cette année. Cette réduction porte essentiellement sur cinq programmes de recherche pour un montant de 49, 6 millions d’euros, et sur le programme « Recherche spatiale » pour 70 millions d’euros, ce qui représente pour cette seule ligne budgétaire une réduction de 5 % tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.
Ces réductions de crédits concernent le périmètre « Recherche » ; parallèlement, le budget du périmètre « Enseignement supérieur » connaît une augmentation de 100 millions d’euros.
Comme je l’ai dit l’an dernier, les crédits alloués à la recherche ne peuvent et ne doivent pas servir de variable d’ajustement aux augmentations décidées dans d’autres domaines.
Ce « coup de rabot », pour employer une expression familière, est critiquable sur le fond, car il remet en cause l’engagement d’une sanctuarisation des crédits de la recherche. Il l’est aussi sur la forme, dans la mesure où la seconde délibération est une procédure par laquelle le Gouvernement demande à une chambre de modifier des crédits déjà votés…
… par des amendements que lui seul peut déposer, sans laisser aux parlementaires le temps d’examiner l’opportunité et la portée de ces changements.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances propose cet amendement qui vise à rétablir les 119 millions d’euros supprimés par l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-202 rectifié.
La commission de la culture présente un amendement identique à celui de la commission des finances, car elle désapprouve la méthode employée par le Gouvernement qui, en déposant des amendements lors de la seconde délibération, ne laisse pas assez de temps aux parlementaires pour étudier les modifications proposées.
Sur le fond, M. le secrétaire d'État a parlé tout à l’heure de sanctuarisation : c'est un signal fort envoyé au secteur de la recherche. Mais l’amendement déposé par le Gouvernement en seconde délibération à l'Assemblée nationale constitue, pour sa part, plutôt un signal défavorable. C'est la raison pour laquelle la commission de la culture a souhaité s’associer à la commission des finances en déposant un amendement identique à l’amendement n° II-157.
Je serai très bref puisque j’ai évoqué, dans mon intervention en réponse aux orateurs, l’essentiel des crédits dont il est question.
Les crédits relatifs à l’Agence spatiale européenne sont en progression très forte ; le montant qui figure désormais dans le budget suffit.
Par ailleurs, je me réjouis que le rabot épargne cette année tant les universités que les organismes de recherche, ce qui est une nouveauté. Compte tenu de cet effort, je serais sensible au fait que ces amendements soient retirés. Si tel n’était pas le cas, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Notre groupe soutiendra ces deux amendements, présentés par la commission des finances et par la commission de la culture, qui visent à rétablir les crédits de la mission amputés par un amendement du Gouvernement lors de la lecture du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.
Je voudrais faire trois observations.
Premièrement, nous sommes plusieurs ici à invoquer le fait que les crédits dédiés à cette mission ne peuvent être des variables d’ajustement, notamment pour ce qui concerne la recherche.
Deuxièmement, une fois de plus, nous voyons bien dans quelles difficultés nous placent les contraintes budgétaires, qui nous obligent à des redéploiements.
Troisièmement, j’observe, monsieur le secrétaire d'État, que vous n’avez pas répondu sur l’utilisation du crédit impôt recherche, alors que nous avons été plusieurs à vous interpeller sur ce point. Un meilleur pilotage et une meilleure gestion du dispositif permettraient pourtant de mettre sur la table quelques millions d’euros.
Monsieur le secrétaire d'État, vous dites que les 119 millions d’euros dont il est question portent presque uniquement sur l’Agence spatiale européenne. Pourtant, si j’en crois le tableau, l’agence est concernée à hauteur de 70 millions d’euros, le reste portant sur la recherche économique ou pluridisciplinaire.
Vous avez dit tout à l’heure dans votre intervention que la recherche était un élément fondamental pour protéger nos concitoyens, pour investir et pour préparer la France de demain. Il faut donc conserver les crédits de recherche au niveau prévu.
Mes chers collègues, nous pourrions faire confiance à M. le secrétaire d'État qui nous donne des assurances. Mais nous avons déjà vu, au cours de précédents exercices budgétaires, le ministre du budget, en présentant au dernier moment un amendement d’équilibre, donner de sérieux coups de rabot !
Nous apporterons donc notre soutien à la préservation des crédits en matière de recherche, de telle sorte que si, par malheur, il devait y avoir à la fin de la discussion budgétaire un amendement prévoyant des coups de rabot, …
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste.
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-139 et II-202 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-211, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2
Vie étudiante
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche spatiale
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Michel Bouvard.
Je reviens cette année encore sur la problématique des opérateurs, au travers du budget du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Ces opérateurs représentent un poids très lourd, ce qui nous amène à nous interroger sur leur utilité, et notamment sur celle de la chancellerie des universités de Paris.
Monsieur le secrétaire d'État, comme vous avez pris vos fonctions récemment, je serai indulgent en répétant les reproches cumulés déjà adressés à vos prédécesseurs, de la majorité comme de l’opposition, au cours des années précédentes.
Je rappelle simplement que la chancellerie gère un patrimoine de 15 500 mètres carrés de locaux à usage d’habitation, avec des loyers souvent en dessous des loyers du marché. Son patrimoine locatif, qui est évalué à 123 millions d’euros, est composé de divers biens dont la chancellerie n’a absolument pas l’utilité et qui n’ont rien à voir avec ses missions, à commencer par le domaine de Richelieu avec sa chasse et ses terres agricoles, et par une villa à Casablanca.
Je propose tout d’abord, par mon amendement n° II-211, de supprimer l’équivalent du budget de la chancellerie des universités de Paris et, partant, la chancellerie elle-même, comme cela est réclamé depuis plusieurs années par la Cour des comptes, qui s’interroge aussi sur l’utilité de cet organisme. À titre de repli, je propose, dans l’amendement n° II-210, de réduire à zéro la subvention pour charges de service public attribuée à la chancellerie des universités de Paris.
Il apparaît en effet que la chancellerie a principalement une activité immobilière, pour gérer, certes, en partie des biens des universités utilisés par celles-ci, mais surtout des biens extérieurs aux universités utilisés non par ces dernières, mais parfois par d’autres opérateurs. Elle distribue même parfois des subventions à d’autres opérateurs de l’État – je pense aux subventions à l’Institut national d’histoire de l’art. Elle est donc un facteur d’opacité dans la transparence budgétaire que nous devons avoir en matière de gestion des fonds publics.
Ces deux amendements ont d’abord pour but d’inciter l’État à réformer enfin la chancellerie des universités de Paris et à s’interroger sur l’utilité d’un outil qui a été créé il y a un certain nombre de décennies et qui ne correspond plus à l’organisation universitaire actuelle.
L'amendement n° II-210, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2
Vie étudiante
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche spatiale
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2
TOTAL
SOLDE
Cet amendement vient d’être défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mon cher collègue, nous sommes un certain nombre à partager votre sentiment sur cet outil qui ne remplit pas vraiment aujourd’hui une mission essentielle.
Cela étant, votre amendement aurait comme conséquence de supprimer 14 millions d’euros du budget du programme 150 : vous comprendrez donc que la commission des finances ne puisse y être favorable.
Dans ce programme 150, 200 000 euros sont effectivement affectés au financement de la chancellerie. Ils font l’objet de votre second amendement, sur lequel la commission des finances émet un avis de sagesse bienveillante, sous réserve que le Gouvernement s’engage à doter la chancellerie des 200 000 euros normalement prévus.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
Chacun sait ici que la chancellerie des universités de Paris a un rôle très important et particulier par rapport aux autres chancelleries. Elle gère le plan campus, ainsi qu’un patrimoine privé de dons et de legs considérable. La solution radicale que vous proposez dans votre premier amendement nous causerait de grands tracas.
Par ailleurs, je tiens à dire que le recteur a fait, à la suite des différentes suggestions de la Cour des comptes, un énorme travail pour rationaliser les procédures de gestion de la chancellerie. Il serait très intéressant qu’il puisse vous expliquer l’état exact des choses et vous présenter le travail accompli. C'est la raison pour laquelle votre second amendement doit être rejeté. En effet, son adoption gênerait grandement le fonctionnement de l’immobilier universitaire en région parisienne. En revanche, il serait intéressant de creuser les efforts réalisés ces derniers temps en matière de gestion de la chancellerie.
Je vais retirer mon premier amendement, qui était à l’évidence un amendement d’appel destiné à poser le problème.
En revanche, je me réjouis de la position de la commission sur mon second amendement. Monsieur le secrétaire d'État, je pense que nous ne pouvons pas nous en tenir au statu quo dans ce dossier. Je suis tout prêt à vous faire confiance quant à votre volonté de réformer cette structure, voire de la supprimer ou de la transformer. Mais de trop nombreux dossiers comme celui-ci stagnent depuis des années, alors même que l’on a constaté la nécessité de faire des réformes, singulièrement en matière de gestion immobilière de l’État, qui est un sujet important.
Des dizaines de millions d’euros d’actifs existants ne sont pas utilisés pour la finalité qui leur a été dévolue et sont une source d’opacité dans la gestion publique. Si nous voulons progresser, singulièrement au moment où votre ministère aborde, avec courage, la problématique de la dévolution immobilière aux universités puisqu’il va falloir sortir du moratoire, il faudrait envoyer à l’ensemble des opérateurs le signal d’un meilleur contrôle et d’une plus grande efficacité en matière de gestion immobilière.
Madame la présidente, je retire donc mon premier amendement. Je maintiens le second, qui me paraît pouvoir progresser durant la navette.
M. Roger Karoutchi. Pour une fois, je serai en désaccord avec mon ami Michel Bouvard ; cela peut arriver…
Sourires.
En effet, si l’on en croit les rapports de la Cour des comptes, sincèrement, on pourrait pratiquement tout fermer dans ce pays
Nouveaux sourires.
La plupart des universités, et du secteur de l’enseignement supérieur en général, de province reçoivent des aides financières considérables des régions, parce qu’il existe des conventions entre les conseils régionaux et les rectorats ou les universités. Ces dernières sont donc largement bénéficiaires de fonds publics régionaux. En revanche, en ce qui concerne les universités parisiennes, l’intervention du conseil régional est, pour diverses raisons, très faible. La chancellerie des universités de Paris se débrouille donc par ses propres moyens, avec son patrimoine et sa gestion.
Certes, je comprends que M. Bouvard demande à M. le secrétaire d’État de supprimer cette subvention de 200 000 euros. Néanmoins, à titre de comparaison, j’aimerais savoir combien les universités de province reçoivent d’argent public par le biais des régions, par rapport à l’ensemble des universités d’Île-de-France, lesquelles accueillent, je le rappelle, 25 % des étudiants de France. Je pense que cette comparaison serait extrêmement désagréable pour les universités provinciales.
Je préfère donc que l’État maintienne cette subvention de 200 000 euros et qu’on ne demande pas trop d’argent public aux collectivités. En effet – pardon de vous le dire, monsieur le rapporteur spécial Adnot –, je ne suis pas sûr que, si ces 200 000 euros venaient à disparaître, l’État les compenserait ; les universités se tourneraient alors vers les collectivités ! Or comme celles-ci n’en peuvent mais, par pitié, laissez l’État maintenir cette subvention !
Je veux juste répondre très rapidement à notre collègue Roger Karoutchi.
Honnêtement, il ne me semble pas opportun de procéder, sur la question des moyens, à une opposition entre universités parisiennes et universités des régions. Il y aurait bien des choses à dire à ce sujet ; ce n’est pas le moment d’entrer dans ce débat mais on pourrait parler de nombreux aspects issus de l’histoire, notamment des dotations en enseignants.
C’est donc, selon moi, un sujet plus complexe que ce que vous avez bien voulu décrire, mon cher collègue.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-157 est présenté par M. Adnot, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-201 est présenté par M. Grosperrin, au nom de la commission de la culture.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2
Vie étudiante
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche spatiale
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.
Je crois que tout le monde connaît bien le sujet et sait la contribution de l’enseignement supérieur privé à la formation de notre jeunesse, avec un peu plus de 80 000 étudiants par an. Cet enseignement entraîne un allégement de charges pour l’État : si celui-ci devait assumer cette formation à son coût actuel, cela représenterait pratiquement 1 milliard d’euros supplémentaire par an. Nous devons donc tenir compte de cette réalité et de l’intérêt représenté par cette formation.
Toutefois, depuis quelques années, le financement de l’État a systématiquement baissé, pour atteindre un niveau inférieur à 800 euros par étudiant et par an, alors qu’il dépassait 1 000 euros en 2013. L’objet de cet amendement est donc de rétablir le soutien à l’enseignement supérieur privé à son niveau de 2013.
Je sais très bien que, pour un amendement de cette nature, il faut trouver l’argent quelque part ; je connais les réserves d’un certain nombre de nos collègues, d’accord pour voter cet amendement mais s’inquiétant de son financement. Cela ne sera pas pris sur la partie du programme « Vie étudiante » relative à la qualité de vie des étudiants, mais sur l’action 2, par exemple sur le logement étudiant – non pas sur le soutien au logement mais sur l’investissement dans le logement.
C’est un sujet que je défends régulièrement ; je pense pour ma part que le cœur de métier de l’université n’est pas de construire des logements ; il y a des offices qui en sont chargés. Dans le département dont je suis l’élu, c’est le conseil départemental qui construit les logements estudiantins puis les fait administrer par le CROUS, et cela ne coûte rien à personne ! Il est donc tout à fait possible de trouver les 5 590 000 euros nécessaires.
Tel est l’objet de cet amendement.
La parole est à M. Grosperrin, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-201.
Je veux simplement ajouter que l’enseignement supérieur non lucratif joue un rôle important, mais que l’investissement public y afférent représente moins de 800 euros par étudiant et par an, ce qui me semble dérisoire.
Augmenter les droits d’inscription, en les faisant passer de 500 euros à 700 euros, ne permettrait pas d’atteindre un niveau comparable à celui d’autres pays. Il y a eu, depuis 2011, une baisse importante, de l’ordre de 38 % ; il est donc intéressant d’agir dans cette direction.
Il est défavorable, pour deux raisons.
Premièrement, je le disais tout à l’heure, les crédits de l’enseignement supérieur privé ont été maintenus cette année, pour la première fois depuis quelques années, malgré un contexte budgétaire difficile.
Secondement, alors que ces crédits sont maintenus, c’est principalement dans l’enseignement supérieur public, notamment dans les universités, que les effectifs d’étudiants ont augmenté. Généralement, c’est plutôt l’enseignement supérieur privé qui voit ses élèves augmenter ; cette année, il y a une inversion.
Pour ces deux raisons – maintien des crédits pour l’enseignement supérieur privé et flux d’étudiants plutôt tournés vers l’enseignement supérieur public –, l’augmentation contenue dans ces amendements ne me semble pas judicieuse.
J’ajoute que financer cette augmentation en prélevant sur les crédits des CROUS semble vraiment contraire à ce que j’ai entendu tout à l’heure, quand tout le monde demandait que l’on remette de l’argent dans ces organismes.
Mme Maryvonne Blondin opine.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous reprochez de prendre 5 590 000 euros aux CROUS mais vous-même venez de leur prélever 50 millions d’euros ! Vos reproches sont donc assez étonnants, et votre argument plutôt malvenu !
L’amendement est bien sûr maintenu.
Monsieur le rapporteur spécial Adnot, votre présentation de l’amendement en commission des finances a été assez différente, car vous n’aviez pas gagé les fameux 5 millions d’euros sur l’action 2 du programme « Vie étudiante » ; en tout cas, nous ne l’avions pas entendu ainsi, ce qui explique notre vote en commission.
En effet, après avoir voté les 119 millions d’euros, on pouvait fort bien, en utilisant une lame de rabot relativement fine, trouver ces 5 millions d’euros supplémentaires, qui constitueraient une forme de reconnaissance pour une partie – j’y insiste – de l’enseignement supérieur privé.
Il faudrait en effet faire le ménage dans l’aide apportée à l’enseignement supérieur privé. Certains établissements relèvent franchement du service public, qu’ils assurent correctement, quand d’autres, vu notamment le niveau de leurs droits d’inscription, posent un réel problème. Aussi, apporter 5 millions d’euros de plus d’une façon indifférenciée me gêne ; mais c’est surtout le prélèvement sur le programme « Vie étudiante » qui emportera mon vote contre cet amendement.
Il semble en effet incroyable de vouloir diminuer les moyens affectés à la vie estudiantine, dans le contexte que l’on connaît ; cela aurait en particulier pour effet de nuire à l’accessibilité des études supérieures. L’effort de 5 millions d’euros demandé à ce programme est donc inadmissible.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mon intervention sera exactement dans la même tonalité. Il me semble qu’une ponction sur l’action 2 du programme « Vie étudiante » serait vraiment un mauvais signal, surtout aujourd’hui. Le motif invoqué est la trop forte participation des établissements considérés à l’effort de redressement des comptes publics ; mais ces établissements ne sont pas non plus sans disposer de ressources, en particulier grâce aux frais d’inscription, qu’ils fixent à leur guise et à un niveau parfois très élevé. Adopter cet amendement serait donc vraiment la pire des choses à faire aujourd’hui. Malheureusement, j’ai l’impression que c’est ce qui va se passer…
Je serai pour ma part beaucoup plus nuancée dans mon explication de vote. Sans doute, nous n’allons pas voter cet amendement pour les raisons mentionnées : cela enverrait un signal très négatif concernant la vie estudiantine, malgré la volonté de prélever plutôt sur la partie logement du programme ; mais le logement fait aussi partie de la vie estudiantine.
Le Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, a admis, contraint, la nécessité de contribuer à l’effort de redressement des finances publiques, en acceptant un prélèvement de 50 millions d’euros sur son fonds de roulement. Un prélèvement supplémentaire de 5 millions d’euros ne semblerait pas correct ; nous ne pouvons y procéder.
En revanche, je n’ai pas un avis aussi tranché sur l’enseignement supérieur privé. Il existe aussi des écoles privées à but non lucratif, qui bénéficient d’ailleurs maintenant du label d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général, ou EESPIG, sur le fondement de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi ESR ».
M. Daniel Raoul opine.
Ces écoles entrent dans les communautés d’universités et d’établissements, les COMUE, et on se rend compte qu’elles ont les mêmes intérêts, les mêmes ambitions – la réussite des étudiants – et une volonté de modération des droits d’inscription, qui ne représentent pas pour elles qu’une variable d’ajustement. Pour ma part, je souhaiterais que l’on soit beaucoup plus attentif à ces écoles, qui contribuent à la qualité de l’enseignement supérieur et qui en sont un complément, comme on en a dans le secteur de la santé, avec les hôpitaux privés participant au service public de santé.
Dans l’éducation, dans l’enseignement supérieur, nous aurions intérêt à considérer ces écoles comme des partenaires et à répondre à leurs attentes, pour qu’elles puissent modérer leurs frais d’inscription et entrer de plain-pied dans les COMUE, établissements d’avenir pour la visibilité de l’enseignement supérieur français.
Ces amendements me semblent procéder d’une fausse bonne idée. Comme ma collègue Dominique Gillot, dont je partage les vues, je viens d’un département où l’on s’échine à faire travailler les secteurs privé et public en bonne intelligence ; ce n’est pas toujours facile mais on y arrive.
On comprend le sens de cet amendement, mais il s’agit ici de déshabiller Pierre pour habiller Jacques, et c’est une ineptie qui ne sera comprise par personne sur le terrain. Empiéter sur la vie estudiantine, sur le logement des boursiers et des plus démunis, pour donner au privé, en touchant indistinctement des boîtes qui ne sont pas très sérieuses et des écoles de grande qualité, me semble contre-productif et dangereux.
Le groupe écologiste votera donc, sans état d’âme, contre cet amendement, et j’irai expliquer à des amis du public comme du privé que ce n’est pas comme cela, selon nous, qu’il faut raisonner !
Autant je partage l’avis de Mme Gillot sur les qualités et l’apport de l’enseignement supérieur privé, autant nous devons cesser de constamment l’opposer à l’enseignement supérieur public. Dans les deux, on trouve des gens très bien, de parfaites réussites, mais aussi des nuls et des échecs... De ce point de vue, les choses sont partagées !
En revanche, monsieur le secrétaire d’État, je vous disais tout à l’heure que les régions interviennent peu dans le financement des universités en tant que tel.
Mais en Ile-de-France, qui regroupe 25 % des étudiants, nous avons pris la construction des logements étudiants à notre charge.
En 2010, le président de la région, M. Jean-Paul Huchon, a fait campagne sur l’engagement de construire, en un mandat, 15 000 logements étudiants. En tant que président de la commission des finances du conseil régional, j’ai suivi cela de très près, et nous avons effectivement construit 15 000 logements étudiants en Île-de-France sur les fonds de la région.
À chacun son métier ! Je comprends très bien qu’on dise que le budget de l’enseignement supérieur est destiné à faire fonctionner les universités. Dans le même temps, c’est aux collectivités territoriales qui s’occupent de logement, notamment en construisant des logements sociaux, dont les régions, d’exercer leurs compétences. Dans notre programme des dernières élections régionales, nous avions bien, en ce qui nous concerne, la construction de logements pour les étudiants.
Nous ne voterons pas ces amendements pour toutes les raisons qui viennent d’être indiquées. Il me semble important de le préciser, car, grâce au scrutin public, ils seront finalement adoptés. Il ne faudrait pas croire que c’est la majorité des personnes présentes qui les voteront ; c’est bien la majorité sénatoriale !
Je ne peux pas laisser croire que je n’aurais pas présenté en commission l’amendement tel qu’il est rédigé aujourd’hui. Ce dernier n’a pas changé d’une ligne. C’est exactement le même ! Je vous donne à nouveau son objet : réduire de 5, 59 millions d’euros le programme 231, en faisant porter cette baisse sur l’action 02 « Aides indirectes ».
Tous les membres de la commission des finances, qui ont pris position lors de la réunion au cours de laquelle cet amendement a été adopté, l’ont fait en connaissance de cause. Chacun a le droit d’évoluer, mais c’est en tout cas ce qui a été présenté en commission.
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-157 et II-201.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 75 :
Le Sénat a adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits, modifiés.
Ces crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.