Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 27 novembre 2015 à 10h30
Loi de finances pour 2016 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, madame la présidente de la commission des finances, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, nous sommes ici ensemble, mais notre cœur est aux Invalides.

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels qu’ils sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2016 étaient initialement la reconduction du montant voté pour 2015. Ces crédits, que nous jugions insuffisants eu égard à la hausse des effectifs à la rentrée universitaire de 2015, ont été augmentés au profit de l’enseignement supérieur, sous l’impulsion de nos collègues de l’Assemblée nationale.

Quant aux crédits de la recherche, deux amendements, l’un présenté par M le rapporteur spécial Michel Berson, l’autre par M. le rapporteur pour avis Jacques Grosperrin, ont pour objet de les rétablir au niveau prévu avant la seconde délibération de l’Assemblée nationale.

Une augmentation plus importante des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » aurait été souhaitable ; l’effort, cependant, est incontestable ; nous le saluons.

Suite à la publication du rapport du comité STRANES Pour une société apprenante, le Président de la République annonçait à la rentrée universitaire 2015 un objectif très ambitieux : atteindre 60 % de diplômés de l’enseignement supérieur dans chaque classe d’âge. Cette ambition est louable à plusieurs égards, et nous l’encourageons tout particulièrement parce qu’elle répond à la volonté de réussite de toutes les étudiantes et de tous les étudiants, quelle que soit leur origine sociale.

Pour atteindre cet objectif, il conviendrait d’augmenter le budget du programme « Formations supérieures et recherche universitaire », de sorte que les moyens par étudiant restent stables.

Néanmoins, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, l’obtention par chaque étudiant d’un diplôme de l’enseignement supérieur ne dépend pas uniquement de la qualité de la formation reçue. Les crédits alloués au programme « Vie étudiante » jouent, de ce point de vue, un rôle fondamental : ils ont vocation à faciliter l’accès des étudiants au logement, à la nourriture et à la santé.

Les projets de loi de finances à venir devront donc constituer des leviers d’accessibilité sociale et d’action pour l’inclusion de tous les étudiants, pour que les deux dimensions de l’enseignement supérieur, la formation et la vie étudiante, soient reliées, ou mieux reliées.

En plus d’accueillir davantage d’étudiants, l’université de demain sera confrontée à un défi de taille : continuer de proposer une formation de qualité. La population estudiantine augmente beaucoup plus rapidement que le budget. Cette dissymétrie doit attirer notre vigilance, afin que le budget par étudiant soit maintenu à un niveau correct. Des économies d’échelle sont certes possibles, monsieur le secrétaire d’État ; mais cette logique atteint ses limites dès lors que l’on accueille 65 étudiants dans une salle de travaux dirigés conçue pour 40 !

Par ailleurs, il convient de rapprocher plus et mieux les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles des étudiants des premiers cycles des universités. Les uns et les autres doivent se rencontrer plus fréquemment, et leurs enseignants doivent plus souvent travailler ensemble. Vous savez comme moi que les premiers bénéficient actuellement, chacun, de trois à quatre fois plus de moyens que les seconds. Il y a là une véritable injustice, à laquelle il convient de remédier.

Les classes préparatoires doivent apporter davantage à l’université, et l’université doit s’enrichir en s’inspirant de certaines méthodes en vigueur dans les classes préparatoires, qui ont beaucoup évolué depuis vingt ans.

De manière très symptomatique – nous sommes, nous législateurs, en cause sur ce point –, la double inscription n’est pas obligatoire pour les étudiants des classes préparatoires de l’enseignement privé, qui n’apportent donc pas leur l’obole à l’université au titre des frais d’inscription.

Il y a là une injustice que nous avons tous laissé passer. Monsieur le secrétaire d’État, à quand une solution, dans le dialogue avec les établissements concernés ?

Augmenter le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur est un objectif ambitieux ; nous le partageons. Son corollaire doit être la bonne insertion des diplômés dans la vie active.

Comme l’a rappelé le comité STRANES dans son rapport, un des leviers de cette insertion professionnelle réside dans le développement de l’apprentissage ou de l’alternance, voire des deux. Nous sommes convaincus que les marges existent pour faire mieux et plus, notamment à l’université, et notamment pour les étudiants qui préparent un doctorat – ces derniers gagneraient également à pouvoir accéder à ces modes de formation.

Vous nous avez répondu en commission, monsieur le secrétaire d’État, que 140 000 étudiants sont déjà accueillis en apprentissage en France. C’est bien, mais ce n’est pas assez : il faut aller plus loin, sans déshabiller l’université pour autant.

L’internationalisation des parcours constitue un autre levier de l’insertion professionnelle. Elle permet la maîtrise d’une ou de plusieurs langues étrangères, la connaissance d’autres cultures, mais aussi le développement de qualités personnelles, et favorise ainsi l’adaptation au changement.

Malheureusement, certains programmes, comme le programme Erasmus, ne sont toujours pas accessibles à tous les étudiants, et le sont en particulier très difficilement pour les étudiants d’origine modeste.

Je souhaite enfin attirer votre attention sur les rapprochements entre universités. Ils peuvent certes présenter un certain nombre d’avantages, en termes de visibilité, de masse critique pour les bibliothèques, d’économies d’échelle. Il nous semble néanmoins nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, de conduire une étude minutieuse des coûts que ces rapprochements induisent.

Au-delà de leur coût, ces rapprochements peuvent constituer aussi, en région, un danger pour certaines universités de taille moyenne, qui risquent de devenir de simples pôles d’enseignement, alors qu’elles doivent être des pôles d’enseignement et de recherche.

Je tiens, pour conclure, à souligner le rôle prépondérant des ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, dans les universités ; ce rôle doit être préservé et développé. La formation des enseignants, y compris de l’enseignement supérieur, doit être enrichie si nous voulons relever le défi du numérique.

Favorables aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2016 tel qu’ils ont été modifiés par l’Assemblée nationale, nous les voterons, mais nous conditionnons notre soutien au maintien de réels efforts budgétaires.

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