Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes ici, mais nos pensées sont aux Invalides.
En cette journée particulière d’hommage national, le présent débat sur les crédits consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche, et demain sur ceux de la culture, prend indiscutablement une tonalité particulière.
Oui, nous avons besoin de la culture et de l’éducation pour lutter contre la barbarie. Oui, nous devons agir pour développer l’émancipation individuelle et collective, car la liberté de penser, de créer et d’agir est nécessaire pour éclairer plus que jamais notre compréhension d’un monde qui se complexifie.
Que le budget de l’éducation nationale soit le premier budget de l’État témoigne de la responsabilité et de l’engagement du Gouvernement en la matière, surtout dans la période budgétaire que nous connaissons.
La massification scolaire est un phénomène sociétal indéniable. Le taux d’accès au baccalauréat est passé de 25, 9 % en 1980 à 77, 1 % en 2014. Quant au taux de réussite global, il a atteint un nouveau sommet en 2014, culminant à plus de 87 %.
Il s’ensuit, et nous devons grandement nous en réjouir, que de plus en plus d’étudiants obtiennent un diplôme du second degré et suivent des études supérieures. Cette capacité à offrir à la jeunesse une formation de qualité, avec des savoirs diversifiés, est tout à fait révélatrice de la maturité d’une société démocratique.
Ainsi, la démocratisation de l’enseignement est à la fois un enjeu majeur, mais aussi un défi imposant, en particulier pour les universités. Au cours de cette rentrée, pour la première fois, le nombre d’étudiants a été supérieur à 2, 5 millions. Les projections font même état de 3 millions d’étudiants à l’horizon de 2020.
Devant cette augmentation démographique, les universités et plus généralement les acteurs de la communauté éducative du supérieur ont dû s’ajuster rapidement. Le Gouvernement a accompagné ce mouvement.
Cette volonté politique met en lumière la priorité constante de l’exécutif depuis 2012 : la jeunesse. Des moyens importants déployés pour l’école primaire à la réforme du collège, sans oublier la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, la réflexion est et doit être globale, articulée autour d’une vision précise de l’avenir du système éducatif, au service des jeunes de notre pays.
Car il s’agit bien de renforcer le continuum éducatif en liant enseignement scolaire et supérieur, en facilitant les transitions, en multipliant les passerelles, en décloisonnant les enseignements par plus de transversalité, et en préparant ainsi mieux l’insertion professionnelle. En un sens, il s’agit d’adapter notre système éducatif, dans son intégralité, aux évolutions du monde, faites de mutations brutales et d’aléas soudains.
La modernisation du fonctionnement des établissements supérieurs participe donc de cette dynamique éducative d’ensemble, dont l’un des objectifs, primordial, est de sensibiliser les étudiants à la vélocité, mais aussi à la profondeur des bouleversements sociétaux et internationaux actuels.
Leur donner un bagage de connaissances élevé afin de s’adapter, mais aussi les préparer à affronter les tribulations du monde du travail et les habituer à la mobilité professionnelle : telle est notre responsabilité partagée. Telle est aussi la vision que nous devons porter, de la formation à l’insertion professionnelle, en nous adaptant aux grandes mutations d’hier et d’aujourd’hui, et en anticipant celles de demain.
Depuis le début du quinquennat, cette priorité accordée à la jeunesse s’est traduite, pour l’enseignement supérieur, par une sanctuarisation de ses crédits, et ce dans le contexte économique que l’on sait. Ce choix politique, assumé par le Gouvernement, est à saluer.
Pour l’année 2016, le budget consacré à l’enseignement supérieur est préservé, et il ne faut pas omettre les efforts réalisés par les opérateurs de l’État, les établissements et leur personnel afin d’accueillir les nouveaux étudiants dans des conditions satisfaisantes.
Comme vous l’avez rappelé lors de votre audition devant la commission de la culture du Sénat, monsieur le secrétaire d'État, nous devons persévérer dans notre démarche de « démocratisation exigeante ».
Pour autant, amener 60 % d’une classe d’âge au niveau de l’enseignement supérieur, comme l’ambitionne le Président de la République dans le cadre de la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur, nécessite de se focaliser sur ce qu’Antoine Prost appelle la démocratisation « qualitative », en somme, l’égalité des chances.
Aujourd’hui, le système éducatif français est encore fondamentalement inégalitaire.
Sans revenir sur toutes les réformes engagées, le Gouvernement, mû par une détermination absolue, s’est attaché à enrayer cette funeste spirale et à agir en faveur de l’égalité des chances. Les conditions de vie des jeunes y participent.
Ainsi, en ce qui concerne l’enseignement supérieur, près de 500 millions d’euros ont été mobilisés pour les bourses sur critères sociaux depuis 2012. Deux échelons ont été créés, si bien que 132 000 étudiants ont pu bénéficier d’un soutien financier pour la première fois. L’année prochaine, l’État investira 1, 96 milliard d’euros et les bourses seront très légèrement revalorisées.
Le logement est également un enjeu important. Il peut être un problème dans les zones tendues où les loyers sont onéreux. Sur ce point, la construction de 40 000 logements sociaux destinés aux étudiants, d’ici à 2017, se poursuit. À la fin de l’année, ce sont plus de 20 000 logements qui auront été mis à disposition des étudiants.
Par ailleurs, les étudiants logés dans le parc locatif privé peuvent recourir à la caution locative étudiante, ou CLE, depuis la rentrée 2014. Cette dernière a pour objet d’aider les étudiants dépourvus de garant personnel à accéder à un logement. En cette rentrée, environ 6 000 demandes de CLE ont d’ores et déjà été validées, soit le double de dossiers par rapport à 2014 !
Au-delà, les trente-cinq mesures du plan national de la vie étudiante, présentées le mois dernier, apportent des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par les étudiants.
Combattre les inégalités passe également par la mise à disposition d’espaces de travail et de savoir pour celles et ceux qui ne peuvent en avoir à leur domicile, et par l’ouverture des campus le week-end ou l’élargissement des horaires d’ouverture des bibliothèques universitaires, sujet qui me tient à cœur. Ces horaires ont certes déjà beaucoup évolué, mais l’effort est encore insuffisant. À l’échelle d’un territoire, une meilleure coordination, voire une coopération avec les bibliothèques publiques est d’ailleurs à rechercher.
Pour finir, je souhaiterais appeler l’attention du Gouvernement sur la situation du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS. La baisse des crédits alloués à leur investissement et à leur fonctionnement risque de peser directement sur la vie des étudiants : leurs deux premiers postes de dépenses, en l’occurrence le logement et la restauration, pourraient augmenter sous l’effet d’une hausse des loyers et de la restauration universitaire.
Je sais, monsieur le secrétaire d'État, l’attachement qui est le vôtre à l’amélioration des conditions de vie des étudiants. Je ne doute donc pas que vous serez vigilant à ce qu’elles ne s’aggravent pas, car c’est affaire de justice sociale.
Au moment où nous avons collectivement besoin de dresser un idéal commun, de donner de l’espoir et des perspectives aux jeunes qui se sentent désœuvrés, comme mis à l’écart, l’égalité des chances constitue un leitmotiv permanent, un guide indépassable, notre espoir et notre volonté à tous.