Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mercredi dernier, le débat sur la demande d’autorisation de prolongation de l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien a permis de rappeler combien notre sécurité intérieure se jouait aussi au-delà de nos frontières. Les deux derniers Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale avaient intégré ce paradigme dont la pertinence a, malheureusement, trouvé une tragique illustration vendredi 13 novembre, à Paris et au Stade de France, à Saint-Denis.
Dans ces conditions, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen de la première partie du présent projet de loi de finances, le pacte de sécurité peut effectivement occulter, pour un temps, le pacte de stabilité. Oui, l’urgence de la situation – pour ne pas dire l’état d’urgence dans lequel se trouve la France – appelle un effort budgétaire exceptionnel.
D’ailleurs, le traité sur l’Union européenne le permet et j’observe que le Premier ministre britannique vient tout juste d’annoncer un « plan de défense » prévoyant 17 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sur dix ans. Cela tend à prouver que nous ne sommes pas seuls à avoir pris la mesure des menaces.
Le RDSE, comme vous le savez, monsieur le ministre, soutient la décision du Gouvernement d’octroyer rapidement des moyens supplémentaires à la justice, à la police et à la défense, domaine qui nous intéresse directement aujourd’hui. Nous le devons à tous nos concitoyens, qui attendent des décisions concrètes. Nous le devons avant tout, bien sûr, à toutes les victimes des attentats terroristes. À ce propos, je m’associe à mon tour à l’hommage national particulièrement émouvant qui leur a été rendu ce matin aux Invalides. Je salue le dévouement de tous nos militaires, policiers et secouristes, qui sont actuellement plus que jamais sollicités.
En conséquence, nous ne pouvons que nous satisfaire des 2 300 créations de postes annoncées pour 2016, ainsi que de la stabilisation des effectifs du ministère de la défense jusqu’en 2019, qui va également dans le bon sens.
Cet effort, monsieur le ministre, s’ajoutera à celui déjà entrepris dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire pour la période 2014-2019. Je rappellerai notamment que nous avions voté, avant l’été, la sécurisation des ressources du ministère de la défense. Il en résulte que le montant des recettes exceptionnelles est de l’ordre de 250 millions d’euros dans le projet de budget pour 2016, contre 1, 9 milliard d’euros initialement prévus. Les recettes exceptionnelles se voient ainsi ramenées à moins de 0, 8 % des ressources totales de la mission.
La trajectoire globale du budget est renforcée au-delà des prescriptions de la loi de programmation militaire. En effet, les crédits ont été fixés à 32 milliards d’euros ; il faut y ajouter 100 millions d’euros de crédits supplémentaires prévus par un amendement du Gouvernement que la commission des finances unanime a accueilli favorablement.
Il s’agit d’un budget responsable et je salue, monsieur le ministre, l’énergie que vous avez toujours déployée pour qu’il en soit ainsi. Il me faut aussi souligner que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat exerce une vigilance très utile. Nos collègues sont en effet souvent à l’initiative de clauses de revoyure ou de mesures de sécurisation budgétaire qui tracent la voie à suivre.
Une nouvelle fois, d’ailleurs, la commission pointe la sous-évaluation récurrente du coût des OPEX. S’y ajoutent les incertitudes liées aux modalités de financement des opérations intérieures, elles aussi insuffisamment provisionnées.
En ce qui concerne les priorités définies au sein de ce projet de budget – effort sur les programmes d’armement, renforcement de la préparation opérationnelle et hausse des moyens dédiés au renseignement et à la cyberdéfense –, sachez, monsieur le ministre, que le RDSE partage ces choix, qui sont de nature à assurer la prise en compte des nouvelles menaces, en particulier celles liées au terrorisme.
Permettez-moi de revenir, pour conclure, sur les conséquences des attentats sur le débat public. Devant la gravité des événements, l’idée d’un retour du service national obligatoire ressurgit. Pour ma part, comme vous le savez, je suis à l’initiative, avec mon groupe, de la création du service civique, que je souhaitais obligatoire. D’une façon générale, tout ce qui concourt à la cohésion nationale est évidemment positif. De fait, au-delà de la mission de défense, le service national répondait à cet objectif.
C’est donc un débat que nous pouvons avoir, même s’il faut garder à l’esprit que nous sommes confrontés à des conflits asymétriques, qui exigent avant tout qu’une armée professionnelle soit aux avant-postes. Le modèle de guerre clausewitzien est derrière nous. La nation en armes n’est par conséquent pas la solution, même si, en ces temps difficiles, nous cherchons à trouver les moyens de la puissance.
C’est pourquoi, afin de définir la meilleure formule pour un service national adapté aux enjeux contemporains, qui soit un véritable creuset des valeurs républicaines, il convient de prendre le temps de la réflexion, une fois passé celui de la légitime émotion.