Intervention de Jeanny Lorgeoux

Réunion du 27 novembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Défense

Photo de Jeanny LorgeouxJeanny Lorgeoux :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour conduire l’évolution de notre armée, que commandent les bascules stratégiques, ainsi que l’irruption de l’irrationnel sur la scène internationale – je veux parler du terrorisme lâche et aveugle –, il fallait d’abord réviser la loi de programmation militaire. Cela est fait !

Il fallait ensuite inscrire dans le projet de budget pour 2016 la tranche des crédits additionnels, dont nos collègues Daniel Reiner et Jacques Gautier viennent de décrire parfaitement les contours et le contenu. Cela est fait !

Il nous fallait enfin flécher financièrement la prise en compte de la montée en puissance des champs nouveaux de la guerre moderne : renseignement et transmissions, cyber-défense et drones, dont la panoplie devra être encore étendue dans le futur. Cela est fait !

La guerre n’est pas un leurre, la guerre n’est pas un écran virtuel : elle est réelle, même si l’action psychologique et la bataille médiatique sont devenues, de l’amont à l’aval, une composante de la belligérance.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement consacre des financements supplémentaires à la consolidation de nos troupes au sol, à la reconfiguration des dispositifs, à nos capacités d’intervention sur terre, en mer et dans les airs.

Certains esprits chagrins critiquent les OPEX, sous divers prétextes, notamment financiers. Mais, outre les raisons politiques et diplomatiques qui les justifient, que serait une défense si elle n’était pas en même temps une capacité d’attaque ? Notre dissuasion nucléaire, colonne vertébrale de l’indépendance nationale, bouclier de fait de l’Europe occidentale, doit être nécessairement complétée par une armée de protection et de projection, bien et mieux entraînée, et dotée de matériels appropriés.

À un moment où de nouveaux empires se dessinent, mondialisant les enjeux, à un moment où le creusement des inégalités fragilise le pacte social, où l’Europe hésitante, souvent frileuse, parfois tétanisée, hoquète au lieu d’aller de l’avant, l’armature de notre État doit être garantie, densifiée, blindée par une défense solide. Dans le bouillonnement sociétal qui chavire nos certitudes, qui dilate et fait éclater notre cadre de vie, qui égare les consciences civiques, l’armée reste un rempart de la République et de son intégrité.

Et si l’Europe ne veut pas réellement d’une défense européenne, eh bien qu’elle participe, au-delà des pétitions de principe, financièrement à l’effort de la France, quand celle-ci brandit l’étendard de la liberté, de nos valeurs, de notre conception de l’histoire, de Tombouctou à Bamako, de Beyrouth à Raqqa, de N’Djamena à Bangui !

L’Europe ne peut se limiter à un conclave renouvelé de questionnement économique ; elle doit dire que le progrès humain ne se déploie que dans la sécurité. Et en tirer les conséquences !

Aujourd’hui, il nous faut prendre par ailleurs en compte la mutation insolite du terrorisme, notre ennemi intime, à la fois surgi d’un terreau laissé en déshérence par l’aventure américaine en Irak, de Bagdad à Mossoul, mais aussi dissimulé dans des replis de diasporas prises en otage et actionnant des filets mafieux pour se financer.

Et comme ce terrorisme se nourrit des errances de jeunes en quête d’absolu, qui sont-ils ces jeunes, nos jeunes, qui en arrivent à jeter par-dessus bord leurs parents, leur humanité, leur pays ? Des guerriers d’Allah ? Des anticolonialistes ? Des anti-impérialistes ? Non. Ce sont des révoltés, des nihilistes, des individualistes, à peine pratiquants, coupés de leurs coreligionnaires, individus non intégrés issus d’une deuxième génération musulmane ou des égarés fraîchement convertis à des slogans extrémistes, habités par l’instinct de mort.

Car notre ennemi n’est pas l’islam. En France, il y a d’ailleurs, selon la belle formule d’Olivier Roy, non pas « radicalisation de l’islam », mais « islamisation de la radicalité ».

Cela commande donc que l’effort de destruction de l’ancrage territorial de Daech soit adossé naturellement à l’intense travail diplomatique, mais aussi qu’en France l’islam modéré, tel le fil à plomb dans sa verticalité, maîtrise l’enseignement et la transmission du message religieux.

Pour mettre fin à ces folles équipées, la réponse est nécessairement globale, militaire sur le terrain, diplomatique à l’international, sociétale et policière chez nous.

Notre appareil de défense s’adapte à cette nouvelle donne : nos technologies d’écoute, d’analyse et nos moyens d’action directe sont – et seront – renforcés. Et puisque chacun comprend que cette guerre asymétrique et sauvage va hélas ! durer, chacun comprend ici que les efforts budgétaires importants consentis par le Gouvernement s’inscrivent dans le processus de reconquête, nécessaire et long, d’un budget de la défense jusqu’à hauteur de 2 % du PIB.

Qui ne souscrirait, ici, à la prééminence sécuritaire énoncée par le Président de la République lors du Congrès de Versailles ?

Au-dedans, il y a matière et urgence à réorganiser, à redynamiser notre réserve territoriale, pour peut-être en faire une garde nationale. Le raffermissement du lien armée-nation, le déploiement de Sentinelle, l’attention portée au moral de nos soldats, le besoin de mobiliser, notamment dans l’armée de terre, les citoyens au service de la patrie, l’enseignement de l’histoire, l’instruction civique et morale dès l’école primaire et le travail mémoriel viendront compléter l’ensemble du dispositif de défense, qui est aussi une reconquête des esprits.

L’avenir et le rang de la France, notre unité et notre dignité passent par là : ne pas baisser la garde et ne pas baisser la tête.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes fiers de voter un budget debout, un budget qui, non seulement, a stoppé une attrition dangereuse, mais qui, surtout, réenclenche une dynamique patriotique vertueuse.

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