Intervention de Cédric Perrin

Réunion du 27 novembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Défense

Photo de Cédric PerrinCédric Perrin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette année marquée par le terrorisme en France et dans le monde, le vote du budget de la défense est un moment évidemment important.

Important pour nos armées, important aussi pour notre communauté nationale, qui, au vu des tragiques événements qui s’enchaînent, est dans l’attente de réponses claires.

La protection de nos compatriotes contre les agressions extérieures doit être au cœur de nos préoccupations. C’est ce qu’attendent les Français dans un monde où nos alliés européens nous laissent bien seuls pour assurer la défense au Levant.

Il est donc capital, monsieur le ministre, que vous ayez fait le choix de mettre un terme aux coupes budgétaires et aux baisses d’effectifs qui ont touché la défense.

Nos forces armées ne pouvaient subir une nouvelle baisse de leurs crédits sans que la cohérence globale et irréversible de notre outil de défense en soit affectée.

Les événements de janvier et novembre 2015, mais aussi la tension qui règne sur la scène internationale, incitent à rééquilibrer la situation dans le cadre du budget pour 2016.

En effet, les coupes budgétaires opérées dans le budget de la défense ont fait perdre de la cohérence en termes d’organisation à nos armées. Elles se retrouvent, aujourd’hui, amputées et déséquilibrées dans l’ensemble de leurs forces.

La déflation des effectifs s’interrompt.

Cette décision s’imposait, mais la programmation et son actualisation renvoient à l’après-2017 de lourds enjeux.

Nous serons alors face à un challenge redoutable entre les économies qui n’auront pas été faites et les investissements importants à consentir pour préparer l’avenir, en particulier moderniser la dissuasion.

Le gel de la déflation est donc un progrès indéniable, mais insuffisant. Des questions restent en suspens pour concrétiser nos engagements et rassurer nos armées.

Concernant le maintien des effectifs, les forces armées s’interrogent légitimement sur la cohérence de l’organisation qu’elles ont repensée sur un nouveau modèle de ressources humaines déflaté.

Vers quelles fonctions ces effectifs vont-ils être affectés, monsieur le ministre ? Comment seront-ils équipés et de quels moyens disposeront-ils pour s’entraîner ?

Concernant la situation au Proche-Orient et au Moyen-Orient, les récents développements de la crise montrent clairement qu’elle comporte des risques importants de contagion régionale : au Liban, en Jordanie, en Égypte et peut-être même dans le reste de la péninsule arabique.

Ces risques semblent avoir été largement sous-estimés par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.

Au-delà de l’inévitable réactualisation de la loi de programmation militaire, la LPM, n’est-il pas nécessaire de relancer une nouvelle appréciation stratégique, un nouveau Livre blanc ?

À long terme, avons-nous une programmation militaire adaptée aux enjeux à venir ?

Prenons l’exemple du Rafale : la cible actuelle du nombre de Rafale a été réduite de façon significative.

Avec un seul porte-avions, nous ne disposerons plus de moyen de réaction aéronaval pendant dix-huit mois d’IPER – indisponibilité périodique pour entretien et réparation – à partir du début de 2017, soit jusqu’à la mi-2018.

La crise s’inscrit dans la durée. Ces brèches capacitaires ne doivent-elles pas être comblées dans ce contexte lourd de menaces ?

Par ailleurs, les événements de janvier dernier ont été le déclencheur de l’opération Sentinelle. Cela a été abordé, à de nombreuses reprises, cet après-midi ; 10 000 hommes ont été mobilisés et 63 000 auront, en 2015, participé à cette opération. Ce dispositif se poursuit dans un contexte où le risque est encore plus élevé.

Cette pérennisation ne sera pas sans conséquence sur le niveau d’entraînement de nos forces, en particulier celui de l’armée de terre, au moins le temps que cette dernière ait recruté et formé les 11 000 hommes destinés à sa remontée en puissance.

C’est d’autant plus vrai que le dispositif actuel est de nature statique et que les capacités opérationnelles de nos unités ne sont donc pas exploitées de manière optimale.

Dans le climat international actuel, est-il raisonnable de figer dans la durée le cœur de notre armée de terre dans des missions de protection du bas du spectre, confiées, il y a peu, à des forces de police ?

Ne serait-il pas plus sage de pérenniser cette surveillance en créant une force dédiée qui n’amputerait pas nos forces armées ?

N’est-il pas temps de repenser, monsieur le ministre, la manière d’employer nos soldats sur le terrain, en cohérence avec les modes d’action qu’ils mettent en œuvre en opérations extérieures ?

En parallèle, n’est-il pas urgent de rendre plus facile l’emploi des réservistes ? Leur engagement constituerait une réponse citoyenne à la menace actuelle, et nous avons tous des témoignages nombreux de gens qui souhaiteraient s’investir.

Compte tenu de nos engagements, quelle est notre crédibilité si nous ne disposons plus d’une réserve stratégique capable d’être engagée dans un nouveau soubresaut de la crise ?

Pour conclure, je veux, à mon tour, rendre hommage à l’engagement et au courage de nos soldats.

Malgré les difficultés matérielles, ils sont présents sur de multiples théâtres d’opérations, extérieures comme intérieures. Ils interviennent au péril de leur vie.

L’actualité récente nous le rappelle cruellement puisque l’un de nos soldats d’un commando parachutiste de l’air, le CPA 10, blessé au Mali, est décédé hier.

Ils sont les premiers défenseurs de la démocratie et de la liberté.

Ils méritent notre respect et notre admiration et ils méritent surtout qu’on prenne de bonnes décisions.

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