Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, d’abord, à saluer le travail des rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires étrangères et de la défense sur ce projet de loi.
Ce débat budgétaire s’ouvre dans un contexte sécuritaire inédit.
Longtemps mal comprise, son parc d’équipements vieillissant, ses effectifs rognés, la défense a souvent servi de variable d’ajustement : une solution de simplicité, peut-être, accompagnée parfois d’un certain angélisme vis-à-vis des questions de sécurité.
La dégradation de la situation internationale, la multiplication des attentats ont fait entrer la France et l’Europe dans une dure réalité.
Dans ces moments difficiles, c’est vers la nation, le drapeau, l’armée – des symboles parfois jugés « surannés » par certains – que les Français se tournent. Et l’on assiste aujourd’hui au retour en grâce de l’armée, que de nombreux jeunes souhaitent désormais intégrer.
Nos soldats, dont je salue l’engagement total, sont présents sur tous les fronts.
Dans un conflit asymétrique, je voudrais m’arrêter un instant sur le travail très difficile accompli par nos forces spéciales, dont je rappelle qu’elles paient un lourd tribut aux opérations : trois commandos parachutistes de l’armée de l’air ont été très gravement blessés en octobre dernier, et l’un d’eux est décédé hier.
Les récents événements ont montré le besoin de poursuivre les opérations militaires extérieures. Dans ce contexte, on comprend mal le mode de financement des OPEX, notamment leur surcoût toujours insuffisamment provisionné et les modalités de son financement par la solidarité interministérielle, qui pénalisent le ministère de la défense. Le rapporteur spécial l’a d'ailleurs très bien souligné.
Les opérations intérieures aussi coûtent cher et mobilisent de nombreux personnels, en particulier pour l’armée de terre, dont les effectifs vont quelque peu remonter – cela a été dit –, mais qui devra faire face au défi du recrutement et de la fidélisation.
L’engagement dans le cadre de Sentinelle érode aussi la préparation opérationnelle de l’armée de terre. Il y aura probablement encore une à deux années difficiles sur lesquelles il faudra être attentif.
Je voudrais dire également quelques mots plus spécifiques des problématiques de la marine.
En octobre dernier, nous avons pu, avec quelques collègues emmenés par le président Raffarin, embarquer sur le Charles-de-Gaulle et constater le professionnalisme de son équipage. Aujourd’hui, le déploiement de notre groupe aéronaval, en démultipliant nos capacités de frappe et de renseignement, par l’intérêt aussi qu’il suscite de la part des marines étrangères, valide la pertinence du maintien des capacités de premier rang au sein du modèle d’armée issu des Livres blancs et les lois de programmation militaire successives.
Il y a néanmoins des problèmes de disponibilité pour certains aéronefs de la marine et la nécessité d’accélérer le remplacement des plus anciens, singulièrement des hélicoptères légers.
Des difficultés existent aussi pour les avions Atlantique II, dont l’utilité opérationnelle n’est plus à démontrer, en particulier en matière de renseignement. Il y aura lieu de rester vigilant.
Par ailleurs, la France dispose d’un domaine maritime important, lequel s’est encore étendu récemment, qu’il faut surveiller et protéger. Certains patrouilleurs hauturiers qui participent à ces missions présentent des signes de fatigue après plus de trente ans de service. De plus, les patrouilleurs océaniques assurent la défense maritime du territoire au large, ce qui, dans un contexte sécuritaire dégradé comme il l’est actuellement, doit nous convaincre de l’importance d’anticiper le programme BATSIMAR, bâtiment de surveillance et d’intervention maritime.
Plusieurs bâtiments manquent déjà à l’appel outre-mer et nous arriverons à un déficit plus important en 2020, alors que le programme est prévu pour 2024.
Dans un contexte de globalisation des opérations maritimes, de globalisation économique et de retour en force des puissances maritimes, une marine française moderne est un atout majeur pour notre pays.
De plus, alors que nous peinons déjà à trouver des financements, nous ne pourrons pas toujours « courir » seuls après les effectifs et les moyens. « L’Europe désarme, mais le monde réarme », notaient dans un rapport nos collègues Jacques Gautier et Daniel Reiner, alors que la menace s’accroît.
Il faut aussi faire face à l’augmentation du coût des équipements militaires, qui rend indispensable un meilleur partage à l’échelle européenne.
Ainsi, en matière de sécurité et de défense, nous payons les atermoiements de l’Union européenne et de certains États membres.
Le Président français a choisi d’invoquer le traité de l’Union européenne pour demander l’assistance des autres États membres. Les ministres européens de la défense ont récemment exprimé leur soutien à la France. Je sais et je salue, monsieur le ministre, votre engagement sur ce dossier. Mais au-delà des mots, nous attendons de nos partenaires des actes concrets perceptibles par les personnels engagés sur le terrain.