Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me semble important d’évoquer ici la politique actionnariale de l’État, tant certains choix qui y président ont de quoi surprendre.
Comme l’a rappelé Maurice Vincent, notre rapporteur spécial, l’État est très exposé à l’évolution du secteur énergétique, qui constitue plus de 60 % de son patrimoine coté.
EDF, dont le cours de l’action a baissé d’environ un tiers en six mois, en représente à elle seule 43 %. C’est à cette aune qu’il convient d’apprécier l’effondrement d’Areva.
Ses causes sont multiples.
D’abord, à la suite de Fukushima, les nouvelles normes de sécurité induisent de considérables surcoûts, tandis que la demande baisse.
Ensuite, l’opacité de la gouvernance de l’entreprise, l’omnipotence de son directoire, les carences et contradictions des représentants de l’État ont permis des décisions désastreuses, comme le fiasco de l’EPR de Finlande ou les investissements hasardeux, sinon frauduleux, dans des mines sans minerai.
Enfin, alors qu’EDF va investir plus de 1 milliard d’euros dans l’activité « réacteur » d’Areva NP, on est incapable de trouver, par ailleurs, les 25 millions d’euros qui permettraient de préserver Nexcis, sa prometteuse filiale dédiée au photovoltaïque.
Mitsubishi devrait également entrer au capital d’Areva NP pour continuer à développer le réacteur franco-japonais ATMEA, concurrent direct d’un EPR qui ne s’exporte déjà pas.
Ensuite, ce qui reste d’Areva sera, vraisemblablement, repris en partie par la China National Nuclear Corporation. Ce groupe, il faut le savoir, constitue le cœur du complexe militaro-industriel chinois, et c’est à lui que nous allons donc donner les dernières clés d’une filière hautement stratégique.
Enfin, pour compléter le tour de table, le Gouvernement va recapitaliser l’entreprise à hauteur d’environ 3 milliards d’euros, en soldant notre patrimoine et nos infrastructures, par exemple l’aéroport de Toulouse-Blagnac, pourtant crucial pour Airbus.
Qui peut sérieusement prétendre qu’Areva constitue un investissement d’avenir, que ces choix d’alliances répondent à une logique industrielle et stratégique ?
Même face à l’échec avéré, à la faillite patente, l’impéritie gestionnaire d’une industrie nucléaire qui, depuis des décennies, vampirise l’État le dispute aujourd’hui à l’aveuglement politique face aux nouvelles réalités énergétiques.
Au-delà des problèmes de gouvernance, il faut désormais avoir le courage de prendre acte de l’obsolescence de nos orientations technologiques en matière de nucléaire. Si le risque d’accident, la pollution des déchets et la dépendance géostratégique ne convainquent pas, l’argument économique devrait pouvoir suffire.
L’électricité produite par certaines énergies renouvelables est, aujourd’hui, d’un coût moindre que l’électricité issue de l’EPR. Encore faudrait-il pour cela ne pas délaisser la filière des énergies renouvelables au profit d’une filière dépassée.
Areva pourrait alors s’approprier le colossal marché du démantèlement, assurément plus promoteur en termes d’emplois que la politique actuelle qui planifie 3 000 suppressions de postes d’ici à 2017.
Face à l’effondrement programmé de notre industrie nucléaire, je crois qu’un sursaut politique est aujourd’hui nécessaire.