Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Remboursements et dégrèvements » est la mission la plus lourde du budget de l’État : en 2016, quelque 100, 2 milliards d’euros de crédits sont demandés, un montant quasiment stable par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 2015.
Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État devraient s’élever à 88, 2 milliards d’euros en 2016, en baisse d’environ 3 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2015.
Cette baisse prévisionnelle de 2, 9 milliards d’euros, soit une diminution de 3, 2 %, fait suite à deux années consécutives de forte augmentation des crédits alloués au programme. La baisse attendue en 2016 s’explique par deux facteurs principaux.
D’une part, l’augmentation anticipée du bénéfice fiscal des entreprises entre 2014 et 2015 s’élève à près de 10 % en raison de la reprise de la croissance. Aussi, les premiers acomptes versés par les entreprises en 2016 au titre des revenus de 2015 devraient être dans l’ensemble inférieurs au total de l’impôt dû et donner lieu à moins de restitutions.
D’autre part, les remboursements liés à la prime pour l’emploi connaissent une baisse drastique qui résulte de la suppression du dispositif, à compter de 2016, par la seconde loi de finances rectificative pour 2014.
En ce qui concerne les impôts locaux, les crédits demandés au titre des remboursements et dégrèvements s’élèvent en 2016 à quelque 11, 97 milliards d’euros, traduisant une hausse de 325 millions d’euros, soit de 2, 8 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.
Les dégrèvements de taxe foncière et de taxe d’habitation permettent notamment de constater une hausse du contentieux sur ces deux taxes, sans que celle-ci soit compensée par une baisse des demandes gracieuses. Peut-être faut-il voir dans ce phénomène une plus grande vigilance des collectivités territoriales quant à l’évolution de leurs bases fiscales, dans un contexte de forte diminution des concours de l’État.
Je souhaite également insister de nouveau sur l’importance de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation. Au-delà des effets qu’elle aura en matière de justice fiscale et de justice entre collectivités, cette révision pourrait avoir des conséquences très importantes sur les dégrèvements d’impôts locaux si elle se traduisait par une baisse relative de la valeur locative des logements des ménages de condition modeste.
Enfin, mes chers collègues, je voudrais vous faire part des premières conclusions du contrôle budgétaire que j’ai commencé en 2015 et qui a porté sur le crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE. Je souhaite faire quatre remarques à cet égard.
En premier lieu, il est important d’avoir en tête que le CICE constitue une dépense fiscale extrêmement coûteuse : avec plus de 13 milliards d’euros en 2016, c’est la niche fiscale la plus importante du budget de l’État. La créance fiscale devrait ainsi atteindre près de 18 milliards d’euros en 2015, pour s’élever à plus de 20 milliards d’euros en 2017.
En deuxième lieu, le CICE fait peser une charge de gestion très importante sur l’administration fiscale. J’ai pu le constater lors d’une visite sur place à la direction régionale des finances publiques d’Île-de-France : le travail préalable de vérification d’un dossier de demande de CICE est très lourd.
En troisième lieu, l’analyse du profil des bénéficiaires du CICE fait ressortir que la présentation du dispositif ne correspond pas à la réalité de son fonctionnement. En effet, le CICE n’est pas concentré sur les entreprises effectivement soumises à la concurrence internationale, c’est-à-dire sur celles qui exportent.
En quatrième lieu, et enfin, l’efficacité du CICE n’est pas prouvée. Je tiens à signaler que ni le rapport de Jean Pisani-Ferry ni le récent rapport, abondamment cité par la presse, de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, ne concluent à l’efficacité du dispositif. Les études montrent seulement que le CICE a baissé le coût de l’emploi ; c’est la moindre des choses pour un crédit d’impôt qui équivaut à un allégement de charges ! Toutefois, en ce qui concerne la compétitivité des entreprises françaises, qui ne dépend pas seulement du coût du travail, ainsi que l’emploi, le ton est nettement plus prudent, voire réservé.
Permettez-moi de faire quelques citations. Dans le rapport de l’INSEE, les économistes indiquent que le CICE devrait « se répercuter sur le taux de marge, mais [que son] impact précis est complexe à évaluer. » Le rapport du comité de suivi est plus circonspect encore ; il y est écrit, à la page 45, que « dans les grands groupes interrogés, notamment dans l’industrie, le CICE pèse peu dans les processus de décision » et, à la page 47, que « dans les [petites et moyennes entreprises] et plus encore [dans les très petites entreprises, le CICE] entre difficilement comme un élément prévisible dans les business plans. »
Ces éléments – issus de travaux non partisans, je le rappelle –, invitent à examiner plus en détail l’efficacité réelle du CICE en faveur de la compétitivité et de l’emploi sur nos territoires. Je poursuivrai donc ce contrôle en 2016 et pourrai ainsi compléter ces premières observations.
Je précise pour finir que la commission des finances propose d’adopter les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ». En revanche, à titre personnel, comme les autres membres de mon groupe, je voterai contre ces crédits.