Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 27 novembre 2015 à 21h00
Loi de finances pour 2016 — Compte de concours financiers : prêts à des états étrangers

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

Je tiens tout d’abord à remercier le Gouvernement et vous-même, madame la secrétaire d'État, d’avoir déposé, lors de la discussion budgétaire à l’Assemblée nationale, un amendement visant à pallier une baisse drastique des crédits consacrés à l’aide publique au développement. Vous en conviendrez, cela aurait été un fort mauvais signal envoyé par le pays organisateur de la COP 21 au reste du monde...

Les tragiques événements qui ont frappé notre pays rendent aujourd’hui l’aide publique au développement encore plus incontournable. La réponse au terrorisme, qui prospère sur la misère sociale et éducative, ne pourra pas être seulement militaire et sécuritaire. Face à ces attaques terroristes, notre pays doit répondre avec encore plus de solidarité. C’est, je crois, madame la secrétaire d'État, le sens premier du budget que vous présentez.

Le budget que nous examinons aujourd’hui est en très légère hausse par rapport à 2015 et met fin à une baisse que nous subissions bon gré mal gré depuis cinq ans. Il faut, au regard du contexte budgétaire, se féliciter de cet effort considérable.

L’année dernière, à la même époque, l’urgence était sanitaire, puisque le virus Ebola frappait durement l’Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, l’épidémie s’est fort heureusement résorbée, mais nous devons faire face à une autre urgence, celle des réfugiés qui fuient la guerre, la misère et qui se tournent vers l’Europe en quête d’un avenir meilleur. Si la réponse à cette crise majeure se doit d’être européenne et mondiale pour être réellement efficace à moyen et long termes, la France doit, dès à présent, accueillir une partie de ces réfugiés et faciliter leur intégration sur notre territoire.

Je me réjouis donc que le Gouvernement ait entrepris un effort supplémentaire et débloqué 50 millions d’euros pour répondre à cette crise et soutenir les organismes qui se trouvent en première ligne, comme le Haut Commissariat aux réfugiés ou le Programme alimentaire mondial. Il me semble important que, aux yeux de tous, l’aide aux réfugiés finance des actions concrètes et identifiables.

Compte tenu des crises qui bouleversent le monde et de l’issue plus qu’incertaine de la guerre en Syrie et en Irak, cet effort devra nécessairement être poursuivi dans les mois et les années à venir et donc trouver sa traduction dans les budgets futurs. Sans ces efforts, y compris financiers, nous ne serons pas en mesure de répondre au défi de la gestion des flux migratoires.

L’urgence est migratoire, mais, bien entendu, elle est aussi climatique. Pendant de longues années, certains ont estimé, à tort, que le changement climatique était une chose lointaine qui ne concernerait que les générations futures. Pourtant, n’en déplaise aux climatosceptiques, le dérèglement climatique est une réalité. L’année 2015 n’a-t-elle pas été la plus chaude jamais enregistrée ? Chaque année, on estime que les catastrophes naturelles déplacent 26 millions de personnes dans le monde.

Lors de son discours du 27 septembre dernier devant l’Assemblée générale des Nations unies, le Président de la République a évoqué sa décision « d’augmenter le niveau d’aide publique au développement pour dégager 4 milliards d’euros à partir de 2020 ». Sur ces 4 milliards d'euros, 2 milliards seront consacrés à des actions de lutte contre le réchauffement climatique.

La France est donc pleinement mobilisée sur cet enjeu majeur, même si je regrette que l’écrasante majorité de ces 4 milliards d'euros soient des prêts et non des dons. Je crains en effet que les pays les plus fragiles, qui ne sont généralement pas en mesure de supporter le poids de la dette, ne puissent être en mesure de bénéficier de ces prêts.

Le Fonds vert pour le climat est également une réponse adaptée à l’urgence climatique. Pour mémoire, la France y a contribué à hauteur de 1 milliard de dollars. Je salue les premiers projets qui ont été dévoilés ces dernières semaines, preuve que ce fonds agit de manière concrète sur le terrain. Je me réjouis également que les populations les plus fragiles soient aidées en priorité. Le Malawi bénéficiera, par exemple, d’un programme d’aide de 12, 3 millions de dollars pour réduire la vulnérabilité des habitants aux phénomènes climatiques extrêmes.

Permettez-moi d’évoquer maintenant l’inquiétude de nos compatriotes qui résident en Asie du Sud-Est et qui font face depuis de nombreux mois au haze. Ces feux de forêts en Indonésie, souvent provoqués par des agriculteurs ou des entreprises, forment un nuage nocif et toxique qui affecte également Singapour, la Thaïlande, la Malaisie. La situation dure depuis de nombreux mois et engendre nombre de conséquences : infections respiratoires pour des dizaines de milliers de personnes, fermetures temporaires d’écoles et graves perturbations du trafic aérien. Ces feux sont également une catastrophe sur le plan écologique puisqu’ils déciment les forêts de Sumatra et Bornéo.

Je compte sur la France pour que, à l’occasion de la COP 21, cette inquiétude soit relayée auprès de l’Indonésie.

Je conclurai en évoquant le choix du Président de la République de rapprocher l’AFD, opérateur principal de la politique de développement française, et la Caisse des dépôts et consignations. Ce rapprochement a pour principal objectif de renforcer l’AFD, en s’inspirant notamment des opérateurs étrangers comme la Kreditanstalt für Wiederaufbau en Allemagne. À ce stade, peu d’informations précises ont été dévoilées, mais des craintes se font déjà jour, notamment quant à son impact sur le développement de l’activité de prêt. À plus long terme, jusqu’où ira cet adossement ? Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, nous apporter plus de précisions sur ce rapprochement ?

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