Intervention de Annick Girardin

Réunion du 27 novembre 2015 à 21h00
Loi de finances pour 2016 — Compte de concours financiers : prêts à des états étrangers

Annick Girardin :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’année est exceptionnelle, et même historique, pour le développement. Elle est marquée par de grands rendez-vous internationaux, dont certains d’entre vous ont parlé : la conférence internationale sur le financement du développement durable d’Addis-Abeba, la définition des Objectifs de développement durable à New York et, dans quelques heures, la COP 21.

Les attentats du mois de janvier et du 13 novembre dernier qui ont frappé notre pays changent la donne. Face au terrorisme, la France sera implacable et répondra sans faiblesse, tout en restant généreuse, fidèle à ses valeurs, source d’inspiration pour la planète. L’aide au développement, c’est la générosité de la France en actions.

Tel est le sens de la décision du Président de la République de maintenir la COP 21, malgré les attentats. Tel est également le sens des annonces fortes faites à New York lors de l’Assemblée générale des Nations unies.

Plus 4 milliards d’euros de financements pour le développement en 2020. La montée en puissance sera progressive, le volet climat appuyé : sur ces 4 milliards d’euros, 2 milliards d’euros seront affectés au climat, ce qui porte les financements français de 3 milliards d’euros à 5 milliards d’euros en 2020. En complément, le volet « dons » sera important puisqu’il s’établira à 370 millions d’euros.

La France s’adapte à un monde qui change, qui bouge. Elle prend en compte les crises et leurs évolutions, par exemple la crise des réfugiés. Tel est d’ailleurs le sens de l’amendement du Gouvernement visant à augmenter de 50 millions d’euros les crédits du programme 209. Le monde qui bouge, c’est aussi, et on peut s’en féliciter, la fin de la crise Ebola, dans laquelle nous nous sommes beaucoup investis, et la fin des engagements en Afghanistan.

La France s’adapte aussi aux évolutions géopolitiques : elle participera à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures.

Nous construisons le monde de demain, le monde à zéro carbone et zéro pauvreté que nous voulons. Nous sommes mobilisés en faveur des Objectifs de développement durable et des enjeux climatiques. Nous devons traduire dans les faits notre volonté. Tel est le sens de la contribution française de 1 milliard d’euros au Fonds vert pour le climat et de l’amendement visant à affecter 100 millions d’euros issus de la taxe sur les transactions financières à la lutte contre le changement climatique, en particulier l’adaptation.

La France tient ses engagements. Elle maintient l’aide projet et renforce l’aide bilatérale. C’est un message fort que vous nous avez adressé l’an dernier et de nouveau cette année.

L’aide aux réfugiés financera des actions concrètes, pour une grande partie en multilatéral, via le HCR et les agences des Nations unies et l’aide alimentaire. Madame Lepage, vous avez souligné ce point, c’est effectivement ce que nous faisons.

Les fonds climatiques devront cibler, vous l’avez dit, les pays les plus vulnérables et permettre des actions d’adaptation. Une part des actions en faveur du climat sera portée en bilatéral.

J’insiste sur la question de l’adaptation parce que les pays vulnérables, les États insulaires, l’Afrique, le rappellent régulièrement : l’adaptation doit être traitée politiquement et financièrement, de manière équitable, avec l’atténuation.

Tenir ses engagements, c’est aussi soutenir des fonds d’urgence, en faveur de l’aide aux réfugiés bien sûr, mais aussi du renforcement des ONG humanitaires, de l’aide alimentaire, laquelle reste stable, de la sortie de crise, stable également ; c’est encore le soutien aux acteurs du développement dans l’esprit d’Addis-Abeba. Cette conférence marque bien la volonté de travailler tous ensemble pour faire face à ce défi qui est, certes, considérable, mais qui peut être atteint si nous savons travailler collectivement, avec l’ensemble de nos partenaires. C’est pour cela que la France poursuit le doublement de ses crédits en faveur des ONG, plus 8 millions d’euros pour cette année, ce qui porte la somme totale à 79 millions d’euros d’engagements. Les crédits en faveur de la coopération décentralisée sont stables et s’établissent à 9, 2 millions d’euros. À cet égard, on a souvent dit cette année lors de tous ces grands rendez-vous internationaux combien le rôle des collectivités territoriales était important, vous l’avez dit, nous pourrons y revenir. Enfin, les crédits du volontariat restent également stables et s’établissent à 19, 2 millions d’euros. Il est important de soutenir la mobilité des jeunes, car la France veut rester un pays ouvert.

Ce budget porte un message fort. D’abord, il stoppe la baisse, nous nous accordons tous sur ce point. Depuis cinq ans, les crédits avaient diminué de 500 millions d’euros. Cette baisse est aujourd'hui arrêtée. Ensuite, ce budget permet de reprendre une trajectoire croissante vers le 0, 7 %. Enfin, il assume l’accent mis sur les plus vulnérables. À Addis-Abeba, la France et l’Europe ont pris l’engagement de 0, 2 % pour les PMA.

Ce budget a évolué depuis le bleu budgétaire de septembre. Chacun ici a énoncé un certain nombre de chiffres. Pour équilibrer ce budget, le Gouvernement a proposé deux amendements. Le premier visait à accroître de 50 millions d’euros les crédits de la mission « Aide publique au développement » pour les réfugiés, pour la Syrie bien sûr, mais aussi les financements via les organisations des Nations unies. Le second amendement tendait à augmenter de 100 millions d’euros les crédits pour le climat du Fonds de solidarité pour le développement.

Les députés ont voulu aller plus loin et donner dès 2016 un signal de hausse des crédits de la mission « Aide publique au développement », en affectant 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières à l’Agence française de développement, pour que l’année 2016 marque une augmentation de ces crédits.

Le Gouvernement a entendu ce message, mais il a souhaité ramener cette augmentation à un volume compatible avec ses objectifs de maîtrise des comptes publics. C’est notre responsabilité. Le projet de budget qui vous est soumis aujourd'hui augmente de 106 millions d’euros par rapport aux crédits de 2015, soit 256 millions d’euros de plus que la version initiale du projet de loi de finances pour 2016.

Ces 106 millions d’euros supplémentaires nous permettront d’honorer nos engagements internationaux, notamment en matière de santé et d’éducation. J’ai entendu à la fois les députés et vous-mêmes aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l’importance de tenir nos engagements, en particulier dans le domaine de la santé et de l’éducation.

Tout cela va dans le même sens et c’est une bonne nouvelle pour le développement ! Mais c’est aussi pourquoi, compte tenu de la responsabilité qui est celle du Gouvernement, les amendements que vous proposerez tout à l’heure ne pourront pas recevoir son soutien.

Je tiens ici à souligner que ce budget participe d’une stratégie générale. D’abord, il y a eu la loi que vous avez votée et le cadre qui y est fixé pour la politique de développement et de solidarité, en 2014. Puis, il y a eu l’appel à l’efficacité que nous avons lancé à l’ensemble de nos opérateurs pour assurer une meilleure utilisation des fonds publics ; nous le devons aux Français. Il y a aujourd'hui ce budget, en augmentation de 106 millions d’euros. Or certains ce soir ont tenu des propos plus durs que les années précédentes, quand le budget était en baisse. Enfin, il y a des réformes institutionnelles. Je citerai trois volets : le rapprochement de l’Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations ; la création et la mise en œuvre d’Expertise France, que vous avez voulue ; et la réforme de la gouvernance.

Nous avons adopté cette année les Objectifs de développement durable. Nous devons donc nous mettre en ordre de bataille pour les mettre en œuvre.

Messieurs de Raincourt et Hue, vous craignez que les crédits affectés au climat le soient au détriment du développement. Or il ne faut pas opposer climat et développement. Les Objectifs de développement durable adoptés à New York sont transversaux, six d’entre eux concernant également le climat.

Le monde que nous voulons, celui que nous construisons actuellement pour 2030, est à zéro carbone et zéro pauvreté. L’annonce de 4 milliards d'euros supplémentaires n’aurait pu être faite s’il n’y avait eu que le volet développement.

Sur cette augmentation de 4 milliards d'euros en 2020, 2 milliards d'euros vont à la lutte contre le changement climatique et 2 milliards d'euros à l’aide au développement. On n’aurait pas eu 4 milliards d'euros pour le développement. Il nous faut effectivement, aujourd'hui, combattre sur les deux volets financiers, en faisant en sorte, en 2016, que l’ensemble de ces financements ait le même objectif : la lutte contre le dérèglement climatique, la lutte contre la pauvreté, pour ce monde meilleur, plus juste, plus équitable que nous voulons.

Il faut se dire aussi que la cible climat pour la France, celle que je défends puisque j’ai été chargée, sur cette question du climat, de travailler avec les pays les plus vulnérables, c'est-à-dire les pays africains, les États insulaires, c’est l’adaptation ; quand on fait de l’adaptation, on fait aussi du développement. C’est ainsi que nous devons construire le parcours 2016–2030 que nous avons à mener ensemble.

Messieurs de Raincourt et Pozzo di Borgo, vous avez aussi parlé de la TTF. Comment la portons-nous au niveau de l’Union européenne ?

D’abord, et il faut s’en féliciter, la France est tout même le premier pays à avoir mis en place cette taxe. Ensuite, je souligne que les discussions techniques et politiques se font aujourd'hui à onze pays. Les échanges sur le champ de cette taxe sont encore en cours. Nous parlons de dérivés, de méthodes de calcul. La France met toute son énergie sur cette question. Normalement, au début de décembre, un accord devrait être, au travers du conseil Ecofin, validé par ces onze pays. Nous insistons pour que non seulement cette taxe soit mise en place, mais aussi pour qu’une allocation substantielle soit allouée au développement, notamment à la lutte contre les pandémies et les dérèglements climatiques, ainsi que le Président de la République a déjà eu l’occasion de le déclarer.

Le rapprochement de l’Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations traduit une ambition : pouvoir changer d’échelle sur un plan financier. C’est l’outil dont nous avons aujourd'hui besoin pour aller au-delà des engagements financiers ou des annonces que nous avons pu obtenir. Comment construire cet outil qui va nous permettre d’accompagner nos Objectifs de développement durable ? Comment faire en sorte qu’il permette à tous les acteurs qui ont été cités à Addis-Abeba – les collectivités territoriales, les entreprises, les ONG – d’agir ensemble à l’international.

La Caisse des dépôts et consignations mène de longue date un travail avec les entreprises et les collectivités territoriales. Ce savoir-faire, conjugué à celui de l’Agence française de développement, qui a des savoir-faire importants en matière d’accompagnement d’ONG, de pays, va nous permettre d’aller beaucoup plus loin.

Des questions, bien sûr, demeurent : l’identité de l’Agence française de développement, de PROPARCO – n’oublions pas cet outil –, la gouvernance.

Sur ces questions plusieurs scénarios sont aujourd'hui à l’étude. Le préfigurateur se tient à la disposition des députés et des sénateurs pour en débattre. Cette discussion est prévue parce que, en tant que sénateurs, vous êtes, comme les députés, représentés au sein de la Commission nationale de la coopération décentralisée, la CNCD, et du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, le CNDSI. Il est important que tous les partenaires participent à cette réflexion.

La francophonie, vous avez raison, est un sujet qui me tient à cœur. La Française d’Amérique du Nord que je suis a toujours lutté pour que la langue française soit davantage parlée dans les organisations internationales, qu’il s’agisse des Nations unies, de l’Europe ou de l’ensemble des bassins maritimes.

La France est le premier contributeur, avec plus de 47 millions d’euros en 2016

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