Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, voter ce budget de l’État est pour nous l’occasion de concrétiser les promesses exprimées depuis deux semaines, qui touchent à l’idéal de solidarité, ce grand principe à la rencontre des valeurs cardinales d’égalité et de fraternité.
Les grands équilibres de ce projet de loi de finances ont malheureusement été bouleversés par les événements tragiques du 13 novembre dernier.
La conséquence budgétaire, c’est que des priorités sont réaffirmées dans un contexte global d’assainissement des finances publiques. Puisque la sécurité de nos concitoyens n’est pas négociable, il nous faut tenir le cap sur tout le reste. C’est un impératif politique et moral.
C’est avec cet objectif en tête que mon collègue Bernard Lalande, également rapporteur spécial de la commission des finances, et moi-même avons abordé la mission « Économie » et les trois articles rattachés, sur lesquels mon propos se concentrera ce matin.
L’article 52, d’abord, vise à créer un fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière de 20 millions d’euros au bénéfice des chambres de commerce et d’industrie, les CCI.
Comme vous le savez, mes chers collègues, un effort important est demandé aux CCI depuis 2013, avec un plafonnement de leur taxe affectée – 925 millions d’euros cette année –, auquel sont venus s’ajouter deux prélèvements exceptionnels de 170 millions d’euros en 2014 et de 500 millions d’euros en 2015.
Je rappellerai simplement que les CCI ont bénéficié de 40 % d’augmentation de la fiscalité qui leur est affectée entre 2002 et 2012, ce qui a permis à certaines d’entre elles de constituer des réserves substantielles. Cette situation, pour le moins généreuse, n’incitait pas à des formes de gestion très rigoureuses et peut expliquer pourquoi, dans l’ensemble, ces structures ont peu joué le jeu de la régionalisation qui leur était demandée depuis 2010.
Depuis, la contrainte imposée aux CCI les a conduites à s’engager dans un grand mouvement de réorganisation et de rationalisation, qui a permis de mettre fin à certains excès. Toutefois, cette situation a également provoqué des difficultés financières ponctuelles pour les chambres les plus fragiles. D’autres ont dû repousser ou annuler des investissements, même si l’intervention du Sénat, l’année dernière, a permis d’en préserver certains, notamment en matière de formation professionnelle.
La création de ce fonds de 20 millions d’euros, alimenté par la taxe affectée aux CCI, constitue une réponse à ces défis.
Cela étant, compte tenu de la capacité d’intervention relativement modeste de ce fonds, il est impératif d’éviter tout « saupoudrage » entre des dizaines, voire des centaines de projets, et de concentrer les aides sur les CCI connaissant des difficultés temporaires et, surtout, sur les projets les plus porteurs en matière de rationalisation et de modernisation à l’échelle régionale ou nationale.
L’autre avancée permise par cet article est la création d’une ressource propre pour CCI France, constituée d’une fraction de la taxe pour frais de chambre.
Cette disposition revient à doter la tête de réseau des CCI de l’autonomie financière, ce dont elle a bien besoin au moment où il faut porter des projets courageux de modernisation et de rationalisation. Auparavant, CCI France était financée par une contribution des CCI régionales, votée chaque année en assemblée générale. Je précise que la ressource propre est d’un montant identique à celui de la contribution, soit 20 millions d’euros pour 2016.
Je terminerai en précisant que l’adoption de cet article ne devrait pas nous empêcher, à terme, de procéder à une refonte globale des modalités de répartition de la taxe affectée entre CCI. En effet, sa répartition actuelle repose sur des critères « historiques », figés en 2010, qui ne tiennent pas compte de la dynamique économique réelle des territoires ni des besoins des entreprises. Il apparaît toutefois plus pertinent d’attendre le regroupement des CCI prévu en 2017 pour procéder à une telle réforme, en pleine cohérence avec la nouvelle carte des régions.
L’article 53, ensuite, vise à créer trois taxes affectées au profit de trois centres techniques industriels, dits CTI : le Centre technique des industries de la fonderie, l’Institut des corps gras et le nouveau CTI de la plasturgie et des composites.
La création de ces trois taxes affectées s’inscrit dans le prolongement de la pratique classique en la matière, qui voit le basculement d’un financement des CTI par dotation budgétaire de l’État vers un autofinancement par les acteurs du secteur. Cette solution fonctionne bien et présente plusieurs avantages : stabilité des assiettes, donc des recettes ; assujettissement des importations – c’est un élément très important, car cela bénéficie aux entreprises françaises – ; plus grande implication des entreprises.
L’article 53 tend aussi à procéder à l’harmonisation des procédures applicables à l’ensemble des taxes affectées aux CTI et aux comités professionnels de développement économique, ou CPDE, qui leur sont assimilés.
Je souligne que ces taxes sont conformes à l’article 16 de la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, prévoyant que les taxes affectées sont justifiées dès lors qu’elles répondent à une logique sectorielle. C’est précisément le cas ici. Par ailleurs, ces taxes sont plafonnées par l’article 14 du projet de loi de finances.
Dans sa rédaction initiale, l’article 53 avait aussi pour effet de restreindre le champ des opérations finançables par la taxe affectée aux seules missions de recherche et développement, et de transfert de technologie.
Nous avions alors présenté un amendement, adopté à l’unanimité par la commission des finances, afin de supprimer cette disposition inquiétante. Depuis longtemps, en effet, le succès des CTI et des CPDE repose sur des actions bien plus larges – campagnes de promotion en France et à l’international, aides à l’exportation, etc. – qui s’adressent à l’ensemble des entreprises de leur filière, comme en témoignent, par exemple, les réalisations au niveau de la filière du cuir.
Les modifications apportées par l’Assemblée nationale, qui rétablissent le champ des missions des CTI et des CPDE, ainsi que leur modèle de gouvernance par les professionnels, nous donnent à cet égard satisfaction.
La commission des finances a décidé de supprimer cet article pour des raisons de principe. Sur le fond, toutefois, notre analyse sur l’utilité des CTI et des CPDE était largement partagée. Nous reviendrons ultérieurement sur ce point.
L’article 53 bis, enfin, vise à corriger une différence de traitement entre titres de capital, parts sociales et certificats mutualistes dans le calcul d’une contribution à l’Autorité des marchés financiers, l’AMF. Nous sommes favorables à cette mesure de cohérence.
Globalement, si nous proposons d’améliorer à la marge certains dispositifs qui peuvent l’être, nous soutenons l’économie générale du projet de loi de finances. C’est un budget cohérent, courageux, solidaire et, surtout, à la hauteur des enjeux.