Intervention de Jean-Claude Luche

Réunion du 28 novembre 2015 à 10h00
Loi de finances pour 2016 — Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés

Photo de Jean-Claude LucheJean-Claude Luche :

Madame la présidente monsieur le ministre, mes chers collègues, j’axerai mon intervention sur deux questions – le FISAC et le plan France très haut débit – qui sont très importantes pour l’ensemble de nos départements comme pour notre économie. D’abord, parce que les enjeux et les difficultés qui leur sont propres me sont familiers et que les réponses apportées par le projet de loi de finances ne me paraissent pas complètement adaptées aux observations de terrain des élus, notamment dans les départements ruraux ; ensuite, parce que le traitement dont ces questions font l’objet me semble représentatif de l’esprit général des crédits de la mission « Économie ».

Les dotations de l’action n° 2, Commerce, artisanat et services, diminuent de 21 % en crédits de paiement et de 18 % en autorisations d’engagement par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cette baisse s’explique en grande partie par la réduction des crédits du FISAC. Doté de 32, 3 millions d’euros en 2013, ce fonds-ci ne bénéficie plus que de 10 millions d’euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2016. Les autorisations d’engagement connaissent, elles aussi, une baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

Il est bien sûr rassurant de voir que les crédits pour 2015 ont permis de financer la plus grande partie des stocks de dossiers résultant de l’ancien dispositif, permettant ainsi que les crédits pour 2016 soient concentrés sur le dispositif réformé. Le recentrage du FISAC vers les communes rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la ville n’apparaît néanmoins pas suffisant pour amortir la baisse des dotations. Cette inquiétude est d’autant plus forte que ces crédits doivent aujourd’hui prendre le relais des financements à destination des stations-service, jusqu’alors assumés par le Comité professionnel de la distribution de carburants, désormais supprimé. Une enveloppe de 2, 5 millions d’euros sera donc consacrée au soutien des stations-service de carburant, représentant autant de possibilités de financement en moins pour les autres entreprises des secteurs du commerce, de l’artisanat et des services. Il s’agira également de déterminer avec précision quels fonds permettront la gestion des dossiers en stock, dont le coût est estimé à 12, 5 millions d’euros.

Dans ce contexte, je suis profondément inquiet de la baisse drastique à laquelle est soumis le FISAC. C’est pourquoi je remercie notre collègue Élisabeth Lamure d’avoir déposé un amendement au nom de la commission des affaires économiques visant à augmenter les crédits du FISAC d’un montant de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Une autre source d’inquiétude concerne le fonctionnement même du FISAC. La logique de guichet, qui avait mené à une impasse budgétaire, a certes été abandonnée et un nouveau ciblage des territoires prioritaires a bien été effectué, mais qu’en est-il des délais d’instruction des dossiers ?

Le décret fixant les nouvelles modalités d’attribution des crédits du FISAC, consécutives au passage à la sélection sous forme d’appels à projets, s’est fait attendre pendant près d’un an, paraissant finalement au Journal officiel le 17 mai 2015. En cela, il s’inscrit dans la continuité du fonctionnement du FISAC avant la réforme, marqué par des retards importants dans le traitement des dossiers, avec un effet pénalisant pour de nombreux projets. Les délais doivent absolument être raccourcis dans le cadre du nouveau fonctionnement du FISAC.

Enfin, monsieur le ministre, la question de l’efficacité du FISAC dans son organisation actuelle est posée, alors que l’objectif de la refonte – nécessaire – dont il a fait l’objet en 2014 était de lui permettre de faire face aux contraintes budgétaires et aux dysfonctionnements de l’ancien dispositif. D’envergure nationale, il n’est pourtant doté que de 10 millions d’euros en crédits de paiement. Sa capacité est donc limitée.

Dans son rapport d’octobre 2015, établi au nom de la commission des finances sur la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2016, le député de votre majorité, Jean-Louis Gagnaire, a estimé nécessaire que l’État fasse un choix : « soit les dispositifs nationaux disposent de suffisamment de moyens pour être efficaces et répondre aux besoins, soit il convient de les transférer aux collectivités territoriales avec le budget correspondant, à défaut de quoi se multiplient et s’empilent des dispositifs sans véritable impact pour des coûts de gestion devenus prohibitifs. » À mon sens, il serait pertinent de transférer le FISAC aux collectivités territoriales qui exercent aussi une compétence en matière d’aménagement du territoire, notamment en ce qui concerne le développement économique. Elles sont, par ailleurs, les mieux placées pour intervenir sur les questions d’offre commerciale et artisanale de proximité sur leur territoire.

Baisse des crédits, difficultés des milieux ruraux et retards dans le traitement des demandes de financement : c’est également ce que connaît aujourd’hui le plan France très haut débit. Parce qu’il révolutionne nos échanges, nos services, nos loisirs et conditionne pour une grande part notre développement économique, le très haut débit doit faire partie de l’avenir de chacun de nos territoires, urbains ou ruraux. Ce défi doit être relevé ensemble. Il est compliqué, certes, mais également important, dans un environnement naturel exigeant, avec des contraintes géographiques et démographiques lourdes, comme celles que connaissent les départements ruraux.

Je me réjouis que le Gouvernement ait pris la mesure à la fois de cet enjeu et des inégalités structurelles qui pèsent sur les plus ruraux de nos départements. Il serait terrible de ne pas s’attaquer à une fracture numérique qui s’ajoute, trop souvent, aux difficultés spécifiques des zones les moins denses.

Le Premier ministre a donc annoncé, le 28 février 2013, le plan France très haut débit. Il faut maintenant aller très vite, car le temps joue contre ces territoires où l’on peine encore à rendre le très haut débit disponible, ajoutant un obstacle sur le chemin de leur attractivité. Ce retard se compte en entreprises qui hésitent à y investir, en habitants qui hésitent à s’y installer. Or, on le sait, ce sont les entreprises, par leur activité créatrice de richesses, d’emplois et de cohésion sociale, ce sont les habitants, par leur mode de vie, leurs besoins en services, en infrastructures et en loisirs qui dynamisent et font vivre les territoires.

Pourtant, les réponses aux demandes de financement des réseaux d’initiative publique tardent. Le guichet consacré aux réseaux d’initiative publique dans le plan France très haut débit, ouvert en 2013 afin d’examiner les demandes des collectivités territoriales, et l’accord préalable de principe du Premier ministre, qui est normalement prévu, n’ont apparemment pas permis un traitement rapide des dossiers. Le Gouvernement a d’ailleurs reconnu, dans les objectifs et indicateurs de performance du programme 343, que « les délais d’instruction des projets sont légèrement supérieurs aux anticipations ». Ces délais retardent encore le moment où les citoyens pourront bénéficier du très haut débit, au détriment, en priorité, des milieux ruraux, dans lesquels les opérateurs n’investissent pas, car ils ne sont pas rentables.

C’est donc aux collectivités de proximité que revient la charge de financer des innovations technologiques qui leur parviennent toujours plus tard que dans les zones plus urbanisées. Pourtant, les milieux ruraux ont montré, ainsi que je le constate au quotidien dans l’Aveyron, une totale détermination à l’échelle locale. Bien souvent, les contribuables ont payé seuls la note et attendent aujourd’hui un soutien de l’État récompensant justement leur motivation et garantissant leur droit légitime à bénéficier, comme leurs concitoyens des zones urbaines, du haut débit et du très haut débit.

L’amendement adopté par le Sénat tendant à rendre éligibles au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée les travaux des collectivités territoriales dans le cadre du plan France très haut débit va dans ce sens. Ce n’est bien sûr pas suffisant. Aujourd’hui, l’État doit rapidement susciter la confiance, par un soutien effectif aux zones rurales, s’agissant d’un service véritablement d’intérêt général. Il y va de la solidarité territoriale, dans ce qui doit être une ambition collective.

Monsieur le ministre, malgré l’ensemble de ces incertitudes, le groupe UDI-UC votera les crédits de cette mission.

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