Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a de nombreuses années que les PME et les PMI rencontrent des difficultés en raison de la stagnation économique et du comportement prédateur des banques et des grands donneurs d’ordre. Pourtant, depuis 2008, des aides considérables ont été accordées aux banques, qui ont également bénéficié de fonds de la BCE à de très faibles taux d’intérêt, mais aucun changement dans les critères d’attribution du crédit n’a été opéré. Elles ont ainsi pu réaliser des marges en faisant payer cher le crédit pour les investissements réels et la trésorerie des entreprises, tout en favorisant toujours plus les placements et la spéculation.
Les grands groupes empruntent, eux, sur le marché financier, mais refusent de développer efficacement l’activité en France, continuant de délocaliser ou d’inciter leurs sous-traitants à le faire, tout en distribuant des dividendes.
L’alternative selon nous consisterait donc, d’une part, à obtenir des banques qu’elles assument leur responsabilité sociale en finançant des investissements répondant à des critères précis en matière économique, sociale et environnementale et, d’autre part, à sanctionner les licenciements boursiers, voire à les interdire, à taxer véritablement les transactions financières, à mettre en place une véritable protection douanière des marchandises effectivement produites sur le territoire européen. Nous en sommes loin, tant en matière de politique transversale de soutien aux PME qu’en ce qui concerne les crédits consacrés à la mission « Économie » dont nous débattons aujourd’hui.
Cette mission a vocation à jouer un rôle déterminant pour notre tissu économique. Pourtant, ses crédits sont encore une fois en baisse, de près de 6 %. Les dépenses d’intervention du programme 134, en particulier, connaissent une diminution significative de 9, 5 % par rapport à 2015. Or le développement des entreprises constitue un enjeu essentiel. Dès lors, le désengagement de l’État nous semble aberrant. La réduction régulière des crédits permet de moins en moins aux services déconcentrés de mettre en place une politique économique et industrielle de proximité.
Monsieur le ministre, le levier fiscal ne peut pas remplacer le soutien aux entreprises, d’autant que des outils comme la BPI sont largement sous-dotés. La dépense fiscale à destination des entreprises atteint en effet des sommets, avec pas moins de soixante-dix exonérations rattachées à la mission, représentant 20, 5 milliards d’euros en 2016, soit près de vingt fois les crédits alloués au programme 134. Le principal de ces dispositifs est le CICE, qui pèse à lui seul 13 milliards d’euros. Or nous constatons chaque jour qu’il n’offre aucune garantie de création d’emplois ni d’investissement. De plus, il présente l’inconvénient de bénéficier indifféremment à toutes les entreprises, PME ou grands groupes, exposées ou non à la concurrence internationale.
Malgré l’importance considérable de son montant global, le CICE n’offre un soutien actif à aucune entreprise. Faute d’avoir reçu un ciblage approprié, son bénéfice risque d’être dilué dans l’ensemble de l’économie. La question de l’effet produit par ce dispositif reste ainsi posée. Selon les premières tendances, un tiers seulement des entreprises du secteur industriel indiquent consacrer le CICE à recruter, un autre tiers à augmenter les salaires.
Je ne parlerai pas plus avant des allégements de cotisations sociales, des remises gracieuses, de la réduction de l’ISF au titre des investissements au capital des PME et autres sources de pertes de recettes. Ces exonérations produisent surtout un gaspillage d’argent public !
Nous ne comprenons pas que l’effort budgétaire fourni par le programme 134 repose principalement sur une réduction des dispositifs de soutien aux entreprises, notamment aux PME dans les secteurs de l’industrie. Comment expliquer la baisse des crédits d’intervention de 14 % ? Les baisses atteignent 26 % pour le soutien au commerce, à l’artisanat et aux services, 22 % pour les entreprises industrielles, 14, 6 % pour les subventions attribuées à certains centres techniques industriels, qui jouent pourtant un rôle crucial pour l’animation des filières et la transmission des savoir-faire. Comme le précisait M. Pisani-Ferry lors de son audition, « notre industrie est aujourd’hui menacée […] : à force de reculer, c’est le tissu d’entreprises spécialisées, de sous-traitants et plus généralement de compétences qui disparaît. Une fois passé sous un seuil critique, il sera difficile de revenir en arrière, ne serait-ce qu’en termes de formation, le risque de désaffection pour les métiers industriels étant réel ».
On continue à vider le FISAC de ses moyens, alors que son utilité demeure essentielle dans notre maillage territorial. Nous assistons à la dégradation de l’offre commerciale de proximité, en particulier dans les territoires ruraux, à l’heure où la concentration à l’œuvre dans le secteur de la grande distribution la rend plus que jamais vulnérable.
Dans le même ordre d’idée, si nous saluons la réactivation du Fonds de développement économique et social, nous regrettons qu’il ne s’adresse qu’à des entreprises structurellement rentables. Comme le souligne le rapporteur, l’État ne doit pas renoncer à sa mission de sauvegarde des intérêts économiques et sociaux menacés par la crise. Dès lors, il serait opportun que ce fonds puisse intervenir, y compris à perte, si l’enjeu est de préserver des entreprises et des emplois viables à moyen et long terme.
Les crédits de la mission « Économie » ne permettent pas à l’État d’intervenir réellement pour soutenir les entreprises et favoriser l’emploi et l’investissement. Ils ne permettent pas non plus de renforcer les filières industrielles, voire de permettre la création de nouvelles filières. Les sociétés non financières et les entreprises individuelles sont la richesse de notre pays. La densification du tissu industriel est souvent plus efficace que le soutien à quelques champions nationaux. Les crédits de la mission « Économie » ne répondant pas à ces objectifs, nous ne les voterons pas.