Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 28 novembre 2015 à 10h00
Loi de finances pour 2016 — Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Économie » pour 2016 s’inscrivent dans une trajectoire qui conjugue deux objectifs étroitement liés : le redressement économique et productif de la France ainsi que la contribution à la restauration progressive des comptes publics de la nation.

Compte tenu du temps qui m’est imparti, je centrerai mon propos sur l’appréciation qui peut être faite du projet de budget pour 2016 consacré à la politique industrielle à partir de l’examen des crédits du programme 134, « Développement des entreprises et du tourisme ». J’aborderai également la question de l’équipement en infrastructures numériques des territoires, le programme 343, « Plan France très haut débit ».

L’appréciation du budget consacré en 2016 à la politique industrielle de la France ne peut, tant s’en faut, se limiter à l’analyse du programme 134.

Sur la question de la place de l’industrie dans notre production, nous partons de loin tant la régression de la part de la production industrielle au cours des décennies passées a été considérable, se traduisant par une perte de plus de 3 millions d’emplois depuis 1980, puisqu’il y en avait alors 5, 7 millions, contre 2, 4 millions aujourd’hui. Ces emplois nous font défaut, a fortiori dans un contexte de croissance encore trop faible et de solde net d’arrivée sur le marché du travail de l’ordre de plus de 150 000 actifs par an. Les derniers chiffres du chômage nous le rappellent.

Ni ces chiffres ni leurs tendances ne doivent nous faire dévier de la trajectoire qui a été engagée par le Gouvernement et le ministre de l’industrie pour la reconstruction d’un tissu industriel performant ; celui-ci est nécessaire au nouveau monde industriel qui naît et dont nous devons être activement partie prenante.

Perte de compétitivité, destruction d’emplois, croissance encore insuffisante, concurrence exacerbée au niveau européen comme mondial, la question que pose l’examen des crédits de cette mission, au-delà de l’évolution des chiffres, est de savoir si la réorientation de notre stratégie nationale en matière d’économie est pertinente et prometteuse. Je réponds oui à cette question, et je m’en explique.

Deux dispositifs complémentaires contribuent à l’amélioration de la compétitivité globale de notre industrie : d’une part, les mesures fiscales d’allégements de charges prises dans le cadre du pacte de responsabilité ; d’autre part, le déroulement des PIA, les programmes d’investissements d’avenir, dont les soutiens s’ajoutent aux enveloppes budgétaires préexistantes.

Aux côtés des programmes 134 et 192 de la mission « Économie », le PIA est devenu le principal canal financier de soutien à l’innovation industrielle. Ainsi, 13, 5 milliards d’euros sont engagés à 80 %. En cinq ans, le PIA a injecté 2 milliards d’euros par an de dotations publiques vers l’amont du secteur industriel.

Deux autres composantes du PIA ont une dimension plus transversale mais soutiennent aussi fortement le secteur industriel : le programme « Économie numérique », pour une dotation de 4, 5 milliards d’euros, dont 2, 6 milliards d’euros d’aides aux entreprises du secteur hors réseaux très haut débit et transition numérique de l’État, engagés à 61 % ; le programme « Développement durable », pour 2 milliards d’euros concernant directement l’industrie, engagés à 45 %.

Au total, les enveloppes des PIA fléchées vers l’industrie représentent 18, 2 milliards d’euros, engagés à hauteur de 74 %, ce qui représente un effort annuel de 2, 7 milliards d’euros depuis la fin de l’année 2011.

Après avoir cru, pendant plus de trente ans, que les pays industrialisés s’acheminaient tous, à plus ou moins long terme, vers une société post-industrielle dans laquelle les activités de service supplanteraient les activités de production, que l’industrie serait supplantée par le tertiaire, on constate aujourd’hui l’émergence d’un modèle hyperindustriel qui allie production industrielle et activités de service. L’émergence d’une telle société hyperindustrielle représente une chance pour notre pays, d’autant plus – c’est le cas – si elle s’inscrit dans un objectif de transition écologique.

La stratégie des PIA et de la Nouvelle France industrielle sert cette ambition majeure, qui nous permet de créer les emplois durables pour aujourd’hui et plus encore pour demain. Je salue la constance et la résolution du Gouvernement et du ministre de l’économie dans le pilotage efficient de cette stratégie essentielle pour redresser notre appareil productif.

En parallèle de la Nouvelle France industrielle, les dépenses fiscales figurant dans ce budget constituent un appui majeur au rétablissement à très court terme de notre compétitivité-prix. Trois dispositifs principaux ont un impact financier important sur le secteur industriel : le crédit d’impôt recherche, par un abaissement de la charge fiscale des entreprises de l’ordre de 5, 5 milliards d’euros par an, dont 3, 3 milliards d’euros pour l’industrie ; le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, avec un impact estimé à 14, 2 milliards d’euros pour 2014, dont 2, 9 milliards pour l’industrie ; enfin, le dispositif de suramortissement, qui représente 500 millions d’euros par an en année pleine, dont 100 millions d’euros par an pour l’industrie.

À ce dispositif s’ajoutent d’autres dépenses fiscales qui ont un impact financier sur le secteur industriel, notamment l’ensemble des mesures qui entrent dans le pacte de responsabilité et de solidarité, hors CICE : les exonérations de cotisations patronales versées aux URSSAF, la révision du barème des allégements existants jusqu’à 1, 6 fois le SMIC et la baisse des cotisations familiales pour les salaires compris entre 1, 6 et 3, 5 SMIC. À ces dépenses fiscales, il faut ajouter la disparition progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, et la suppression, dès 2016, de la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés.

L’ensemble de ces mesures représentera un allégement fiscal pour les entreprises de l’ordre de 13 milliards d’euros en 2016, dont 2 milliards d’euros pour les entreprises du secteur industriel. Au total, le cumul des dispositifs fiscaux pour l’industrie s’élèvera à plus de 8 milliards d’euros.

Si l’on met bout à bout les financements budgétaires, ceux qui sont dédiés au PIA et les dépenses fiscales, l’effort financier global consenti pour soutenir les politiques industrielles atteint 11, 2 milliards d’euros. Il s’agit là d’un montant considérable, que la lecture directe des programmes de la mission ne permet pas d’appréhender à sa juste mesure.

Même si certaines enveloppes sont, il est vrai, en baisse, il n’en demeure pas moins que l’analyse des données budgétaires ramenées dans le champ de l’industrie montre sans ambiguïté que la nation investit de nouveau massivement dans le redressement industriel de notre pays. D’ailleurs, les premiers effets de ces actions se font sentir. Depuis la fin de l’année 2014, nos coûts unitaires salariaux sont inférieurs à ceux de notre voisin, l’Allemagne.

Pour terminer, je tiens à saluer l’action du Gouvernement et, au-delà, de toutes les collectivités locales pour ce qui concerne l’équipement de nos territoires en matière de très haut débit.

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