Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, lors de la présentation du présent projet de loi de finances, le Gouvernement a largement communiqué sur une hausse de 2, 7 % des crédits consacrés à la culture, marquant sa volonté d’en faire une priorité.
Une telle déclaration est surprenante à plus d’un titre.
Tout d’abord, rappelons que cette progression succède à plusieurs années de coupes sévères dans le budget du ministère accompagnées de prélèvements exceptionnels sur les grands musées et lieux de spectacle pour réduire le déficit public, et ce alors même que le candidat François Hollande avait annoncé pendant sa campagne que ce budget serait préservé.
Le budget consacré à la culture et aux médias a ainsi baissé de 4 % en 2013, puis de 2 % en 2014, avant de se stabiliser en 2015.
Agir sur ces crédits pour redresser les finances publiques remet profondément en cause les équilibres du secteur. Le Premier ministre, Manuel Valls, l’a lui-même reconnu : « Cela a été une erreur au cours des deux premières années du quinquennat de François Hollande de baisser le budget de la culture au-delà des nécessités liées à la lutte contre l’endettement ou les déficits publics. »
En conséquence, nombre des moyens nouveaux n’opèrent qu’un retour en arrière : ils compensent simplement les baisses de ressources des années passées, et nous ne sommes même pas revenus au niveau de 2012 !
Plus grave encore, le chiffre de 2, 7 % repose sur une approximation et traduit un simple affichage. Il est de règle de calculer à périmètre constant, afin de comparer ce qui est comparable. Or, cette année, avec la budgétisation de la redevance d’archéologie préventive, la RAP, le budget de la culture élargit son périmètre. Cela signifie que, hors redevance, les crédits progressent seulement de 1 %, soit le montant prévu pour l’inflation l’année prochaine. Difficile alors de partager le satisfecit du Gouvernement !
Dans ce budget, un exemple est particulièrement éclairant : le Gouvernement se félicite de « donner une nouvelle impulsion à la relation que l’État entend entretenir avec les conservatoires », en se réengageant à hauteur de 13 millions d’euros.
Certes, le projet de budget pour 2016 rétablit le soutien aux conservatoires, mais après une chute de 83 % des crédits entre 2012 et 2015 ! Ce point sensible avait conduit, l’année dernière, au rejet des crédits de la mission par le Sénat, car, pour des raisons de rigueur budgétaire, la subvention de l’État, qui représentait alors 6 % du budget, avait été tout simplement supprimée.
Le retrait du Gouvernement s’annonçait fatal pour certains établissements, les autres financeurs – villes, départements, régions – ayant tendance à revoir également leurs subventions, en raison de la baisse des dotations de l’État aux collectivités.
Il aura fallu la mobilisation de quelque 140 conservatoires à l’échelle nationale, dénonçant cette situation devenue critique, pour que le Gouvernement fasse marche arrière dans le projet de loi de finances pour 2016.
Au final, les crédits ne sont pas ramenés au niveau de 2012, quand ils représentaient le double de ceux que l’on nous propose, 27 millions d’euros. L’« impulsion » est donc bien modeste !
Autre exemple : les crédits de l’action pour le patrimoine monumental sont stabilisés par rapport à 2015, mais à un niveau bien inférieur à celui de 2012, puisqu’ils sont réduits de 50 millions d’euros. Face à cette diminution des crédits, les gestionnaires des monuments historiques retardent leurs investissements et privilégient les opérations d’urgence.
Malgré ce contexte, lors de l’examen du présent projet de loi de finances, en seconde délibération, l’Assemblée nationale a encore diminué de 10 millions d’euros les crédits de la mission « Culture », dont 5 millions d’euros pour le seul programme « Patrimoines ». C’est un bien mauvais signal à l’aube de l’examen par la Haute Assemblée du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine.
Je remarque, d’ailleurs, que ce projet de loi va laisser aux communes la charge de la protection du patrimoine local. Les maires feront-ils les bons choix pour notre patrimoine, alors qu’ils vont devoir gérer l’alourdissement de leurs charges et qu’ils sont susceptibles de subir des pressions locales ?
Il est prévisible que la réduction de 11 milliards d’euros des dotations de l’État prévue sur trois ans aura de lourdes conséquences, dans la mesure où les collectivités sont les premiers contributeurs publics des politiques culturelles.
Concernant en particulier la création, comment pensez-vous, madame le ministre, pouvoir assurer l’égalité d’accès à la culture, dans un contexte où des maires font part de leur renoncement à investir pour construire un théâtre ou maintenir le festival organisé dans leur ville ? Car le spectacle vivant, face à des postes budgétaires importants tels que l’emploi, la sécurité ou l’école, sert bien souvent de variable d’ajustement.
Vous avez rappelé votre objectif : faire en sorte que les Français vivent et fassent vivre la culture dans tous les territoires. L’objectif est bon, mais encore faut-il donner les moyens aux collectivités de s’y employer !
Il ne faut pas oublier que la culture n’est pas seulement un vecteur essentiel de connaissance, d’épanouissement personnel et de socialisation. Il s’agit aussi d’un secteur économique en pleine expansion, particulièrement avec l’arrivée du numérique. Ce secteur, qui représentait 1, 6 % du PIB en 1960, pèse 3, 2 % en 2014 et compte 670 000 emplois.
Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains rejettera les crédits de la mission « Culture » §pour manifester son désaccord face à ce budget de rattrapage qui, une fois de plus, ne répond pas aux attentes.