Séance en hémicycle du 28 novembre 2015 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • culturel
  • monuments
  • monuments historiques

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.

Photo de Jean-Pierre Caffet

La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture ».

La parole est à M. Vincent Eblé, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la mission « Culture » bénéficiera en 2016 d’un traitement que nous pouvons qualifier de favorable au regard de la plupart des autres missions budgétaires. En effet, elle connaît une hausse de l’ordre de 4 % de ses crédits, hors mesure de périmètre, ce qui représente une trajectoire infléchie positivement par rapport à la prévision de la loi de programmation des finances publiques. Je rappelle que cette dernière prévoit une préservation des crédits de la mission sur l’ensemble du triennal.

Cette évolution s’inscrit aussi dans un contexte particulier : la mise en œuvre de la réforme territoriale et l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, que nous appelions de nos vœux l’année dernière.

La mission « Culture » sera ainsi dotée en 2016 de 2, 7 milliards d’euros, crédits auxquels il convient notamment d’ajouter le montant des dépenses fiscales principalement rattachées à la mission. Celui-ci est évalué à 292 millions d’euros, soit un coût stable par rapport à 2015, à périmètre constant.

Toutefois, il convient de considérer ce chiffrage avec prudence. En effet, l’année dernière, le chiffrage initial a été largement dépassé. À cet égard, nous estimons que les documents budgétaires ne sont pas suffisamment précis et qu’ils devraient être enrichis d’informations relatives à l’efficacité et à l’évolution du chiffrage des dépenses fiscales entre la prévision et l’exécution.

Alors que les opérateurs de la mission « Culture » ont été fort sollicités pour participer à l’effort d’assainissement des comptes publics au cours des trois dernières années, en 2016, ils bénéficieront, pour la plupart, de subventions stables, en légère croissance ou en baisse très modérée. Il en sera de même pour leurs effectifs. En contrepartie, le ministère attend un effort de renforcement de leurs ressources propres, dans le sillage des conclusions d’une mission d’inspection menée dans le cadre de la modernisation de l’action publique.

En outre, le ministère souhaite également donner à ses opérateurs les moyens de réaliser des travaux de rénovation, d’accessibilité et de mise en sécurité.

Enfin, il a voulu accompagner l’ouverture sept jours sur sept de trois monuments majeurs – le château de Versailles et les musées d’Orsay et du Louvre – au profit des groupes scolaires.

De surcroît, le budget pour 2016 de la mission « Culture » intègre une mesure de périmètre, à savoir la budgétisation de la redevance d’archéologie préventive, la RAP, à hauteur de 118 millions d’euros. Comme vous le savez, mes chers collègues, le financement de l’archéologie préventive se heurte depuis plusieurs années à l’irrégularité du rendement de la RAP et à la complexité de son affectation et de son recouvrement, au détriment des acteurs de cette politique publique que sont l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, au premier rang, mais aussi le FNAP, le Fonds national pour l’archéologie préventive, et les collectivités territoriales disposant de services archéologiques agréés.

Ces difficultés ont compliqué l’exécution budgétaire de la mission « Culture », puisque le ministère a dû apporter en gestion, de façon récurrente, un soutien non prévu en loi de finances initiale.

Nous estimons donc que cette mesure de budgétisation est pertinente, du point de vue aussi bien qualitatif, puisqu’elle donnera de la prévisibilité aux acteurs concernés et leur permettra d’exercer leurs missions dans de bonnes conditions, que budgétaire, puisqu’elle devrait faciliter l’exécution des crédits du programme 175, « Patrimoines ».

En ce qui concerne les domaines d’action du ministère, que financent les crédits supplémentaires inscrits dans ce budget pour 2016 ?

Nous avons identifié deux grandes priorités transversales : d’une part, un accompagnement des territoires et des publics fragiles dans le contexte de la réforme territoriale et de la baisse des dotations aux collectivités territoriales, et, d’autre part, le soutien à la jeunesse, à l’éducation et à la création.

S’agissant de la première priorité, l’effort en faveur des monuments historiques est globalement maintenu dans le projet de loi de finances initiale, pour la troisième année consécutive. Toutefois, en seconde délibération, l’Assemblée nationale a supprimé 5 millions d’euros de crédits dédiés à la restauration du patrimoine historique. La commission des finances a donc adopté un amendement de rétablissement de ces crédits qui vous sera présenté tout à l’heure, mes chers collègues.

En outre, les crédits destinés aux opérations en région qui représentent plus de 70 % des crédits dédiés aux monuments historiques et soutiennent directement l’attractivité territoriale et l’emploi sont confortés. Dans une perspective de rééquilibrage territorial, les crédits d’investissement et de fonctionnement dédiés aux musées de France seront également maintenus à un niveau élevé.

Dans le contexte de réforme territoriale et de baisse des dotations, l’évolution globale des crédits dédiés au patrimoine témoigne de la constance de l’engagement de l’État auprès de ses partenaires territoriaux. C’est un signal fort et rassurant.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. André Gattolin, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je poursuis la présentation entamée par Vincent Eblé.

En ce qui concerne le soutien à la jeunesse, à l’éducation et à la création, voici les principaux éléments qui nous paraissent positifs, et que nous souhaitons porter à votre attention.

Premièrement, le projet de budget pour 2016 prévoit le rétablissement du soutien aux conservatoires.

Cette évolution nous paraît très importante, dans la mesure où la quasi-disparition de ces aides avait cristallisé l’année dernière le rejet des crédits de la mission « Culture ». En 2016, le ministère de la culture et de la communication dédiera ainsi 8 millions d’euros supplémentaires à ce poste, pour un montant total de 13, 5 millions d’euros, dans le cadre d’un plan Conservatoires.

À ce titre, le rétablissement des crédits doit s’accompagner d’une redéfinition des priorités et d’une refonte des procédures de classement, dont l’objectif global doit être une meilleure ouverture des conservatoires à la diversité. C’est un progrès notable, dans la mesure où ces établissements constituent l’un des principaux réseaux de proximité en ce qui concerne l’accès, l’éducation et la formation du jeune public aux pratiques artistiques.

Certes, nous ne revenons pas encore au niveau de 2012 qui atteignait 27 millions d’euros, mais cette évolution permet d’enrayer la chute très brutale des crédits et de lancer un signal positif aux partenaires territoriaux de l’État.

Deuxièmement, le projet de budget pour 2016 prévoit le financement de plusieurs mesures issues des Assises de la jeune création qui se sont tenues au printemps dernier. Il s’agit de renforcer la formation et l’insertion des artistes, d’améliorer leurs conditions de vie et de travail, et de soutenir les créateurs. Les dépenses d’intervention en faveur du spectacle vivant bénéficieront notamment à ce titre de 12, 5 millions d’euros de moyens nouveaux.

Troisièmement, le projet de loi de finances pour 2016 se caractérise par un renforcement marqué des moyens accordés à l’enseignement supérieur culturel et à l’éducation artistique et culturelle.

Ainsi, les dotations des établissements d’enseignement supérieur culturel progressent globalement de près de 2 %, notamment pour consolider l’intégration des formations qu’ils dispensent dans le schéma licence-master-doctorat, le fameux LMD.

En outre, le ministère souhaite renforcer la diversité sociale des étudiants et améliorer leurs conditions de vie et de travail, par le biais d’aides individuelles et de bourses attribuées sur critères sociaux. Des aides à hauteur de 38, 4 millions d’euros seront ainsi financées à cet effet, marquant une progression de 7 % par rapport à 2015.

Enfin, le plan Éducation artistique et culturelle bénéficiera de 4, 5 millions d’euros supplémentaires, pour un montant global de 14, 5 millions d’euros, augmentation qui conforte la dynamique engagée depuis trois ans en ce domaine. Un effort particulier sera effectué en direction des jeunes éloignés de l’offre culturelle pour des raisons géographiques, sociales ou économiques.

Pour terminer, nous souhaitons attirer votre attention, mes chers collègues, sur deux points particuliers.

D’une part, nous avons constaté avec satisfaction que les résultats de la première année d’exploitation de la Philharmonie de Paris s’avèrent tout à fait encourageants, tant du point de vue budgétaire que pour ce qui concerne la fréquentation. Il conviendra toutefois d’inscrire ce succès dans la durée, sur la base d’un modèle économique solide, reposant notamment sur des ressources propres dynamiques. C’est l’un des enjeux de la fusion de la Cité de la musique et de la Philharmonie de Paris dans un établissement unique, et de l’articulation avec la salle Pleyel.

D’autre part, je regrette à titre personnel qu’un amendement du Gouvernement, adopté par l’Assemblée nationale, ait minoré les crédits de la mission de 10 millions d’euros.

Si l’on peut comprendre que la mission « Culture » ait dû, comme les autres, contribuer au rétablissement de l’équilibre budgétaire, après l’adoption par l’Assemblée nationale de nouvelles mesures dégradant le solde, l’ampleur de cette contribution de la mission me semble contestable.

De plus, les conséquences de cette réduction de crédits, notamment pour ce qui concerne la part affectée au programme 175, « Patrimoines », me semblent insuffisamment documentées par le Gouvernement.

C’est au bénéfice de ces interrogations que la commission des finances a décidé d’adopter un amendement visant à limiter la baisse de crédits de la mission à 5 millions d’euros.

Cela étant dit, même si les crédits de la mission « Culture » ne représentent que 0, 74 % des dépenses du budget général de l’État, pourcentage encore assez éloigné du fameux 1 % historiquement espéré, nous estimons que le projet de loi de finances pour 2016 constitue malgré tout un bon budget pour la présente mission, qui semble désormais être élevée au statut de priorité gouvernementale.

L’augmentation des moyens, même modeste, profitera ainsi aux territoires et aux jeunes de notre pays, notamment les plus fragiles.

La commission des finances a donc suivi la proposition des rapporteurs spéciaux et vous propose, mes chers collègues, d’adopter avec modification les crédits de la mission « Culture ». Nous vous présenterons à l’issue de la discussion générale l’amendement qu’elle a adopté la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de M. Philippe Nachbar.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m’exprime en remplacement de Philippe Nachbar, retenu par un deuil familial. Je vais vous livrer in extenso l’intervention qu’il avait préparée.

« J’ai appelé mes collègues de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à donner un avis défavorable à la mission ″ Culture ″, parce que les crédits ″ Patrimoines ″ affichent une hausse en trompe-l’œil et parce que les défis de l’entretien et de la valorisation du patrimoine demandent une mobilisation bien plus forte des pouvoirs publics.

« La hausse affichée, d’abord, est en trompe-l’œil : plus 166 millions d’euros en autorisations d’engagement et plus 122 millions d’euros en crédits de paiement ; c’est tout à fait remarquable, mais cette hausse tient essentiellement à la budgétisation de 118 millions d’euros pour la redevance d’archéologie préventive. Hors cette budgétisation, les crédits progressent au rythme de l’inflation et, surtout, ils ne rattrapent pas le niveau perdu ces dernières années. Cela est d’autant plus vrai que le programme ″Patrimoines″, comme on pouvait le craindre, fait l’objet d’un coup de rabot de 5 millions d’euros en seconde délibération, sans plus d’explication et à l’encontre des annonces faites dans le débat budgétaire. Je me réjouis que la commission des finances, sur l’initiative d’André Gattolin, ait rétabli ces 5 millions d’euros et j’espère que le Gouvernement laissera son rabot à l’établi.

« Alors, bien sûr, de grands chantiers sont en cours. Il se fait encore de grandes choses en matière de patrimoine – je pense à l’aménagement du Grand Palais, à la restauration du château de Fontainebleau, ou encore à la nouvelle reconstitution de la grotte de Lascaux : ce sont des opérations phares dans notre pays, qui reste la première destination touristique au monde.

« Mais nous avons de quoi nous inquiéter, cependant, sur les politiques d’entretien et de valorisation de notre patrimoine : l’État donne tous les signes d’un recentrage sur le patrimoine le plus monumental, sur les domaines nationaux, il prescrit davantage de règles tout en focalisant ses moyens sur un plus petit nombre de sites – à charge, pour les collectivités territoriales et pour les propriétaires privés, de trouver de nouvelles ressources pour entretenir le patrimoine historique, cela dans un contexte où le secteur professionnel perd chaque année des emplois très qualifiés et très utiles. Nous en reparlerons en examinant le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Je crois que nous devons tirer le signal d’alarme, trouver de nouvelles solutions pour une mobilisation plus forte en faveur de la valorisation de notre patrimoine – les propositions sont sur la table, depuis un Loto patrimoine jusqu’à une réforme des leviers fiscaux, comme nous y invite Vincent Eblé ; il faut en débattre.

« Deux points, sur lesquels je veux attirer l’attention à l’occasion de l’examen de ce budget.

« Premièrement, Bercy annonce une diminution de moitié pour le produit des successions en déshérence. Ce seraient 4 à 5 millions d’euros de moins pour la Fondation du patrimoine, qui nous aide à rénover du patrimoine vernaculaire, non classé ni inscrit : comment remplacer cette source de financement qui paraît se tarir durablement ?

« Deuxièmement, le Centre des monuments nationaux demande un assouplissement du plafond d’emplois et une prise en compte différente des emplois saisonniers, pour adapter mieux ses horaires d’ouverture à la demande ; cela va dans le sens d’une plus grande autonomie financière de l’établissement public. Quelles solutions lui apporter ?

« En attendant, j’ai demandé à mes collègues de la commission de la culture d’adopter un avis défavorable sur les crédits de la mission ″Culture″. »

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

« À la barbarie des terroristes, nous devons opposer l’invincible humanité de la culture » affirmait François Hollande, à la tribune de l’UNESCO, le mardi 17 novembre.

Le présent budget traduit un engagement fort du Gouvernement en faveur de la culture, même s’il a été décidé avant les tragiques événements qui ont touché la France le 13 novembre dernier. Nous verrons qu’il faudra tout de même prévoir une aide supplémentaire.

La hausse des crédits atteint 2, 7 %. Madame la ministre, vous avez beaucoup travaillé sur le dossier des intermittents, sur la réforme territoriale, sur la préparation du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Avec les Assises de la jeune création, vous avez montré l’attention que l’État porte à la création contemporaine, aux artistes, au spectacle vivant, comme aux arts plastiques. Avec les « pactes culturels », vous garantissez pour trois ans l’aide de l’État aux collectivités territoriales : cet arbitrage en faveur de la culture, quand les moyens reculent partout, est un signe pour les collectivités territoriales, qui, elles aussi, doivent s’adapter aux contraintes nouvelles. Elles peuvent faire le choix de la culture, chercher des solutions et ne doivent pas toujours s’abriter derrière la baisse des dotations pour justifier le recul de leur participation à des projets culturels.

Les crédits du programme « Création » progressent donc de 17 millions d’euros en autorisations d’engagement, avec un plan Création artistique de 15 millions d’euros et un effort marqué pour les arts plastiques, qui ont été trop longtemps le parent pauvre des politiques culturelles. Je salue également le nouveau crédit d’impôt pour le spectacle vivant, destiné aux artistes « en émergence », aux spectacles de jauge moyenne, ceux qui font la richesse de notre vie culturelle au quotidien.

Ces moyens supplémentaires, que le Gouvernement a programmés dès les arbitrages interministériels de l’été, sont particulièrement bienvenus dans l’épreuve que nous traversons. Je crois comme vous, madame la ministre, que, face à l’obscurantisme et au terrorisme, la culture est une arme d’émancipation contre l’ignorance. Les terroristes s’en prennent à notre mode de vie, à nos libertés, notamment à la liberté de création ; ils comptent que la peur nous isole les uns des autres, nous conduise à une guerre des uns contre les autres. La culture, au contraire, à travers la musique, le théâtre, la danse, la peinture, par exemple, c’est la découverte de ses émotions et de celles des autres. C’est l’expérience heureuse et partagée de l’altérité. C’est essentiel dans ce combat !

Je dirai un mot sur les salles de spectacle, très touchées dans le climat actuel. Les professionnels parlent d’un recul de moitié pour la billetterie. Quels moyens pouvons-nous mettre en œuvre pour les aider à passer cette période difficile ? Le soutien doit venir non seulement de l’État, mais aussi de tous les autres acteurs : je pense en particulier aux sociétés de perception et de répartition des droits, dont la contribution pourrait être utile…

J’en viens, enfin, au soutien public au cinéma pour saluer, madame la ministre, votre engagement au bénéfice du septième art : le crédit d’impôt est sensiblement renforcé, afin de favoriser la relocalisation des tournages sur le territoire national, tandis que, pour la deuxième année consécutive, l’affectation des taxes au fonds de soutien du CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, est intégralement préservée. Il est important de le souligner aujourd'hui devant le Sénat.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a malheureusement donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture », alors qu’il s’agit d’un budget en hausse. Vous comprendrez que, à titre personnel, je ne partage pas cette opinion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Luche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue à mon tour la hausse des crédits de la culture, ceux du programme 224 en particulier : l’augmentation de 38 millions d’euros en autorisations d’engagement est une petite hausse rapportée aux 1 100 millions du programme, mais il faut savoir que ce programme est volumineux parce qu’il accueille les 750 millions d’euros des fonctions support, c’est-à-dire les salaires et les locaux du ministère.

Or la hausse des crédits bénéficie surtout à l’autre partie du programme, c’est-à-dire aux écoles d’art et d’architecture, à l’éducation artistique et culturelle, aux actions ciblées en matière de démocratisation culturelle : sur cette partie du programme, les autorisations d’engagement progressent de 29 millions d’euros, soit quasiment de 8 %, ce qui est appréciable.

Vous avez également décidé, madame la ministre, de soutenir de nouveau les conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique : c’est un virage à 180 degrés. Vous avez reconnu que le désengagement de l’État était une erreur et vous présentez un plan Conservatoires de 13, 5 millions d’euros, soit 8 millions de plus que le plancher atteint l’an passé.

Sur le papier, les intentions et les annonces sont donc bonnes, mais nous avons voulu tenir davantage compte des réalités et remettre en perspective les chiffres de ce budget.

Les 13, 5 millions d’euros dédiés aux conservatoires, d’abord, mesure que vous nous présentez comme un succès, ne représentent que la moitié des crédits que l’État mobilisait sur cette ligne budgétaire voilà trois ans : le Gouvernement a diminué les vivres pendant trois ans ; il n’en rétablit que la moitié, et il faudrait que ce soit un succès... Permettez-nous, madame la ministre, d’avoir de la mémoire !

Ensuite, l’État nous annonce que les conditions du soutien vont changer, qu’il faut « ouvrir les conservatoires à la diversité », « moderniser » la pédagogie et l’offre des conservatoires pour « être au plus près des aspirations de nos concitoyens ». Mais la réalité est tout autre : les conservatoires s’ouvrent depuis longtemps à leur environnement. En vérité, le retrait de l’État a provoqué des dégâts : des postes ont été supprimés, les tarifs ont dû être augmentés. C’est cela qui éloigne nos concitoyens des nombreux conservatoires qui maillent notre territoire !

Le raisonnement est le même pour les crédits du plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle : ils augmentent de 45 %. C’est une belle affiche ! Mais on parle de 4, 5 millions d’euros supplémentaires à l’échelle du territoire national, somme très faible par rapport à l’effet mécanique de la baisse des dotations de l’État pour ce qui concerne les dépenses culturelles des collectivités territoriales. Cela dans un contexte où les problèmes vont être aggravés par la réforme territoriale : les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, ne savent pas comment elles fonctionneront demain, les associations sont dans le flou le plus total, les collectivités territoriales vont devoir suppléer les retraits de l’État, et les familles devront consentir plus d’efforts : voilà ce qui va se passer dans les faits...

Qui plus est, le Gouvernement a raboté le programme 224 de 5 millions d’euros, sans plus d’explications. Vous nous dites, madame la ministre, que ces 5 millions d’euros seront pris sur les opérateurs, pas sur les actions, mais cela signifie que les opérateurs verront leurs subventions quasiment stagner l’an prochain, alors qu’on leur annonçait une amélioration.

C’est donc pour marquer notre inquiétude et parce que nous ne sommes pas rassurés par la communication, certes habile, du Gouvernement sur les crédits culturels, que nous avons donné un avis défavorable aux crédits de la mission « Culture ».

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvon Collin.

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il pourrait paraître futile de discuter de la culture en ces temps de menace globale, intérieure et extérieure. Mais il n’en est rien.

C’est ce que démontre la progression importante des crédits de paiement du budget de la mission « Culture » qui sont en hausse de 5, 8 %, après la stabilisation de l’année dernière.

La culture constitue le socle de la civilisation ; elle est cela même qui fait une civilisation. Elle constitue un indispensable investissement sur le long terme en faveur de la vie en collectivité. Les grands projets culturels dans lesquels nous avons investi ces dernières années – l’Opéra Bastille en 1982, la Pyramide du Louvre, l’Institut du monde arabe peu après, le site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France, le musée Louvre-Lens inauguré en 2012, la Philharmonie de Paris, etc. – ont tous eu des effets bénéfiques sur la vie de nos concitoyens et sur le rayonnement de la France.

La culture ne doit pourtant pas rester l’apanage d’une frange de la population, citadine, aisée et cultivée. Elle doit s’exporter comme un mode de vie et de communauté à la française. Face à la désocialisation et à la perte de repères d’une partie de notre jeunesse, voire à sa radicalisation mortifère, je réitère les constats que j’avais faits l’an dernier, ici même : mener une politique culturelle est une nécessité, qui se comprend uniquement en termes de complémentarité avec une véritable politique scolaire.

La culture est de moins en moins un bien partagé par toutes les couches sociales de la population, défiant toute appropriation catégorielle. La fracture est spatiale et territoriale. Comme le soulignait le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles intitulé L’apport de la culture à l’économie en France, il existe une corrélation positive entre les initiatives culturelles et le développement à long terme des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

L’apport de la culture à l’économie a d’ailleurs été chiffré dans le même rapport à 104, 5 milliards d’euros, soit l’équivalent de 5, 8 % de la somme des valeurs ajoutées nationales.

En effet, la culture, ce sont aussi les secteurs liés au rayonnement et à l’attractivité de la France : le luxe, la mode, la gastronomie, les arts décoratifs. Les emplois dans les entreprises culturelles représentaient 670 000 personnes en 2010, soit 2, 5 % de l’emploi total en France. Les événements culturels, tels que les festivals, peuvent avoir des retombées économiques directes équivalant au tiers ou à la moitié de son budget global. L’incidence indirecte, quant à elle, se chiffre à un coefficient multiplicateur de 1, 3 % à 1, 8 %.

Par ailleurs, si l’exception culturelle française, qui constitue l’un des moyens de notre rayonnement dans le monde, a des répercussions marchandes, elle a aussi d’autres effets plus qualitatifs et non quantifiables. Elle est ce qui constitue le cœur de ce capital sympathie de la patrie des Lumières. Elle a notamment été à l’origine de toutes les marques de solidarité que nous ont montrées les autres pays après les attentats des mois de janvier et de novembre de cette année.

Le premier défi de la culture est donc cette résorption des fractures au sein de notre société, morcelée par le communautarisme et les intérêts catégoriels.

Un second défi, que doit relever le secteur culturel, est constitué par le numérique. À l’évidence, le numérique bouleverse de manière transversale tous les secteurs en modifiant les habitudes culturelles, du côté tant des supports – ordiphones, tablettes, télévisions connectées –, que du format des produits culturels – programmes plus courts, séries, etc.

Le changement de paradigme s’accompagne de mutations, parfois sociales et souvent douloureuses, liées à l’intensification de la concurrence sur des segments jusque-là épargnés. L’action publique a permis de garder un réseau de librairies actives, ainsi qu’un cinéma français vigoureux, dont la qualité est à la hauteur de la renommée.

Nous avons voté, en 2014, une loi interdisant aux libraires en ligne de cumuler à la fois la remise de 5 % sur le prix des livres et la gratuité de la livraison. Mais cette loi a vite été contournée, puisque les plateformes y ont répondu en fixant les frais de livraison à un centime d’euro par commande contenant des livres.

C’est dire aussi que la France doit mieux devancer la transformation numérique pour l’orienter et la maîtriser, et surtout en tirer les bénéfices. Le retard de l’Europe en la matière lui est préjudiciable par rapport aux États-Unis, qui ont su tirer de ces innovations une croissance plus soutenue que la nôtre.

Aussi, madame la ministre, attendons-nous avec impatience les propositions du projet de loi relatif au numérique, qui a été coélaboré avec la participation du public. Nous espérons que ce texte accordera une large place à l’économie culturelle, en permettant de repenser les droits de propriété intellectuelle qui apparaissent parfois dépassés à l’ère numérique. Je pense notamment à la proposition sur la liberté de panorama qui permettrait aux personnes d’exploiter les reproductions, ainsi que les représentations d’œuvres architecturales et de sculptures réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics.

De même, la logique inhérente à la création de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, l’HADOPI, il y a quelques années, a fait long feu. Comme l’a souligné Jacques Mézard dans le rapport de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes, cette entité « n’a pas apporté la preuve de son efficacité en tant que gendarme de l’internet et les moyens de lutte contre le piratage à travers le mécanisme de la réponse graduée sont inopérants. »

Parce que la culture est un chantier permanent de construction de l’avenir, et après examen des crédits qui lui sont dédiés pour 2016, le groupe du RDSE apportera, sans retenue, son soutien à la présente mission budgétaire.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, lors de la présentation du présent projet de loi de finances, le Gouvernement a largement communiqué sur une hausse de 2, 7 % des crédits consacrés à la culture, marquant sa volonté d’en faire une priorité.

Une telle déclaration est surprenante à plus d’un titre.

Tout d’abord, rappelons que cette progression succède à plusieurs années de coupes sévères dans le budget du ministère accompagnées de prélèvements exceptionnels sur les grands musées et lieux de spectacle pour réduire le déficit public, et ce alors même que le candidat François Hollande avait annoncé pendant sa campagne que ce budget serait préservé.

Le budget consacré à la culture et aux médias a ainsi baissé de 4 % en 2013, puis de 2 % en 2014, avant de se stabiliser en 2015.

Agir sur ces crédits pour redresser les finances publiques remet profondément en cause les équilibres du secteur. Le Premier ministre, Manuel Valls, l’a lui-même reconnu : « Cela a été une erreur au cours des deux premières années du quinquennat de François Hollande de baisser le budget de la culture au-delà des nécessités liées à la lutte contre l’endettement ou les déficits publics. »

En conséquence, nombre des moyens nouveaux n’opèrent qu’un retour en arrière : ils compensent simplement les baisses de ressources des années passées, et nous ne sommes même pas revenus au niveau de 2012 !

Plus grave encore, le chiffre de 2, 7 % repose sur une approximation et traduit un simple affichage. Il est de règle de calculer à périmètre constant, afin de comparer ce qui est comparable. Or, cette année, avec la budgétisation de la redevance d’archéologie préventive, la RAP, le budget de la culture élargit son périmètre. Cela signifie que, hors redevance, les crédits progressent seulement de 1 %, soit le montant prévu pour l’inflation l’année prochaine. Difficile alors de partager le satisfecit du Gouvernement !

Dans ce budget, un exemple est particulièrement éclairant : le Gouvernement se félicite de « donner une nouvelle impulsion à la relation que l’État entend entretenir avec les conservatoires », en se réengageant à hauteur de 13 millions d’euros.

Certes, le projet de budget pour 2016 rétablit le soutien aux conservatoires, mais après une chute de 83 % des crédits entre 2012 et 2015 ! Ce point sensible avait conduit, l’année dernière, au rejet des crédits de la mission par le Sénat, car, pour des raisons de rigueur budgétaire, la subvention de l’État, qui représentait alors 6 % du budget, avait été tout simplement supprimée.

Le retrait du Gouvernement s’annonçait fatal pour certains établissements, les autres financeurs – villes, départements, régions – ayant tendance à revoir également leurs subventions, en raison de la baisse des dotations de l’État aux collectivités.

Il aura fallu la mobilisation de quelque 140 conservatoires à l’échelle nationale, dénonçant cette situation devenue critique, pour que le Gouvernement fasse marche arrière dans le projet de loi de finances pour 2016.

Au final, les crédits ne sont pas ramenés au niveau de 2012, quand ils représentaient le double de ceux que l’on nous propose, 27 millions d’euros. L’« impulsion » est donc bien modeste !

Autre exemple : les crédits de l’action pour le patrimoine monumental sont stabilisés par rapport à 2015, mais à un niveau bien inférieur à celui de 2012, puisqu’ils sont réduits de 50 millions d’euros. Face à cette diminution des crédits, les gestionnaires des monuments historiques retardent leurs investissements et privilégient les opérations d’urgence.

Malgré ce contexte, lors de l’examen du présent projet de loi de finances, en seconde délibération, l’Assemblée nationale a encore diminué de 10 millions d’euros les crédits de la mission « Culture », dont 5 millions d’euros pour le seul programme « Patrimoines ». C’est un bien mauvais signal à l’aube de l’examen par la Haute Assemblée du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine.

Je remarque, d’ailleurs, que ce projet de loi va laisser aux communes la charge de la protection du patrimoine local. Les maires feront-ils les bons choix pour notre patrimoine, alors qu’ils vont devoir gérer l’alourdissement de leurs charges et qu’ils sont susceptibles de subir des pressions locales ?

Il est prévisible que la réduction de 11 milliards d’euros des dotations de l’État prévue sur trois ans aura de lourdes conséquences, dans la mesure où les collectivités sont les premiers contributeurs publics des politiques culturelles.

Concernant en particulier la création, comment pensez-vous, madame le ministre, pouvoir assurer l’égalité d’accès à la culture, dans un contexte où des maires font part de leur renoncement à investir pour construire un théâtre ou maintenir le festival organisé dans leur ville ? Car le spectacle vivant, face à des postes budgétaires importants tels que l’emploi, la sécurité ou l’école, sert bien souvent de variable d’ajustement.

Vous avez rappelé votre objectif : faire en sorte que les Français vivent et fassent vivre la culture dans tous les territoires. L’objectif est bon, mais encore faut-il donner les moyens aux collectivités de s’y employer !

Il ne faut pas oublier que la culture n’est pas seulement un vecteur essentiel de connaissance, d’épanouissement personnel et de socialisation. Il s’agit aussi d’un secteur économique en pleine expansion, particulièrement avec l’arrivée du numérique. Ce secteur, qui représentait 1, 6 % du PIB en 1960, pèse 3, 2 % en 2014 et compte 670 000 emplois.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains rejettera les crédits de la mission « Culture » §pour manifester son désaccord face à ce budget de rattrapage qui, une fois de plus, ne répond pas aux attentes.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous êtes contre l’augmentation ? Pas mal !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

M. Louis Duvernois. Nous sommes convaincus que, en ces temps de crise, la culture demeure un ferment de cohésion sociale essentiel à la France, et non un luxe, ce qui justifie, naturellement, une autre politique.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Culture », sur lequel nous allons voter, ne relève pas, surtout en ces temps troublés, de la seule équation budgétaire.

Que valent toutes les paroles entendues actuellement sur la liberté, l’égalité et la fraternité sans un engagement déterminé à promouvoir en toutes circonstances la liberté de création, sans placer l’artiste, l’art, le geste créateur au centre de notre projet de société, sans garantir à chacune et à chacun le droit à l’émancipation par la culture et l’éducation ?

La réponse solidaire, fraternelle, ouverte au monde et au brassage des cultures qu’appellent les crimes odieux qui ont fauché la vie de cent trente personnes à Paris, le 13 novembre dernier, sera impossible sans l’art et la culture. Toute faiblesse, tout renoncement, toute abdication en la matière seraient non seulement une victoire de la logique de terreur et de guerre, mais laisseraient la porte ouverte à tous les obscurantismes, à tous les crimes contre la pensée.

C’est à l’aune de cet enjeu central qu’il nous faut examiner la place réelle que nous accordons à l’ambition culturelle.

Le Président de la République a eu raison de dire hier, lors de l’hommage national aux victimes des attentats, que la France devrait continuer à chanter.

Comme le clamait avec tant de force poétique Maurice Fanon, dans une chanson réécoutée ces jours-ci sur les réseaux sociaux :

« Pour ceux qui entrent dans la danse

« Au nom de la grande espérance [...]

« Mon fils chante ».

Que penser, alors, du budget qui nous est présenté pour défendre le patrimoine, assurer la liberté de création, permettre la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, puisque tels sont les programmes que nous examinons ? Qu’il est bien trop modeste, à l’évidence, et qu’il n’est pas normal que nous soyons obligés, chaque année, de batailler pour empêcher simplement qu’il ne recule encore.

Oui, nous nous félicitons que ce budget, enfin, se redresse de nouveau, après deux années de baisse dont nous mesurons à quel point elles furent une grave erreur.

Oui, nous voulons croire que cette hausse du budget, après deux années de baisse – 4 % en 2013 et 2% en 2014 –, soit l’annonce d’une relance durable, et non une maigre compensation conjoncturelle.

La culture n’est pas une variable d’ajustement. Elle est le sens même, une pièce maîtresse de notre combat pour la liberté.

Si le verrou de l’austérité a sauté pour la sécurité, qu’attendons-nous pour le faire sauter durablement afin de promouvoir l’art et tous les espaces d’émancipation culturelle, car cette arme-là sera bien plus puissante que toutes les autres ?

Il faut d’ailleurs saluer le combat mené par les artistes de notre pays et par toutes les professions du monde de la création, car, sans eux, sans leur action, le budget aurait continué à baisser. Ce sont eux qui, par leurs luttes et leurs actions, ont arraché l’an dernier au Gouvernement la décision et l’engagement de préserver et d’augmenter les crédits pour 2016.

Toutefois, nos inquiétudes ne sont pas éteintes, car le projet de budget que nous allons voter nous est soumis alors même que des nuages continuent de s’accumuler. La baisse des dotations des collectivités locales, les attaques contre la culture menées par les collectivités de droite – monsieur Duvernois, vous devriez tenir vos propos aux maires du Blanc-Mesnil, de Saint-Ouen et à tous les édiles de droite qui sont en train de sacrifier les budgets de la culture ! – et la réforme des régions qui fait peser de lourdes menaces sur l’avenir des DRAC en sont quelques exemples. Fermeture de lieux, annulation de festivals, non-remplacement de départs à la retraite : les conséquences sont déjà nombreuses.

Ces moyens sont indispensables aux financements croisés de la culture : sans eux, tout l’édifice culturel s’effondrerait. Alors qu’ils sont comprimés à la baisse, les besoins, eux, vont continuer à croître pour les raisons fondamentales que j’évoquais, mais aussi parce que le Gouvernement s’engage, avec l’adoption du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine qui est actuellement en navette, à développer de nouveaux dispositifs. Madame la ministre, comment comptez-vous faire pour répondre à ces nouveaux besoins avec un tel budget ?

Pour cette raison, nous ne voudrions pas que les moyens gagnés d’un côté soient repris d’un autre, en maintenant, par exemple, la pression sur les grandes institutions au prétexte qu’elles devraient financer leur développement par leurs ressources propres. Je pourrais en citer d’autres, mais l’exemple du projet de budget pour 2016 de l’Opéra national de Paris est parlant : prétendre pallier la réduction de 1 million d’euros de la subvention d’équilibre par une démarche dite d’« optimisation » n’est pas fait pour nous rassurer.

Concernant le patrimoine, il est heureux que l’INRAP bénéficie de nouveau d’une subvention pour charges de service public. Cette réforme, qui constitue le gros de l’augmentation du programme avec 118 millions d’euros, ne doit pas être boudée, face aux limites atteintes par le financement de l’INRAP.

Nous nous interrogeons, en revanche, sur la baisse des crédits alloués au patrimoine linguistique, au moment même où la promotion des langues régionales et minoritaires est remise à l’ordre du jour.

Sur le programme 131, « Création », on ne peut que constater la modestie de l’augmentation des dotations, après les années de baisse.

Le programme 224, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » nécessite lui aussi une explication. On peut se féliciter qu’il y ait un réel investissement sur les actions n° 1 et 2 relatives respectivement au soutien aux établissements d’enseignement supérieur et à l’insertion professionnelle et au soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle, notamment pour ce qui concerne le développement des bourses spécifiques aux étudiants des établissements d’arts et des classes préparatoires publiques, la création de cursus de troisième cycle, la formation continue et les dispositifs d’éducation et d’accessibilité artistiques dans les zones rurales et prioritaires. Si ces mesures sont effectivement mises en place, ce sera positif.

En revanche, nous sommes plus circonspects sur le transfert d’une partie de l’action n° 3, Action culturelle internationale, vers le programme 334, « Livre et Industries culturelles ». Pourriez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur le sens de ce transfert en nous indiquant où vont se retrouver les 2 millions d’euros soustraits du programme 224 ?

Dernier élément, si l’on peut se réjouir de l’augmentation de 137 équivalents temps plein pour 2016, je note toutefois qu’il s’agit davantage d’un jeu de vases communicants que de la création ad hoc d’emplois, malgré les 90 apprentis prévus dans le cadre du plan de développement de l’apprentissage dans la fonction publique.

Au total, si, à nos yeux, la hausse du budget de la mission « Culture » est bien évidemment une bonne nouvelle, elle semble toujours en deçà, à la fois, des défis que notre société doit relever, particulièrement en ce moment, des ambitions nécessaires et des besoins et manques criants qui demeurent exprimés par les professionnels.

C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce budget.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, certes, la budgétisation de la redevance d’archéologie préventive, l’élargissement des missions de certains opérateurs ou le rabotage par l’Assemblée nationale de 5 millions d’euros sur le programme 175 contribuent à minorer l’élan que nous avions senti sur ce projet de budget. Mais ne boudons pas notre plaisir : il augmente ! Et les écologistes, convaincus que la culture est un champ essentiel du bien commun, soutiendront par leur vote ce budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Dans une interview à un grand quotidien, vous avez parlé avec sensibilité, madame la ministre, de l’accès à la culture, de votre expérience, et de la nécessité de rééquilibrer nos champs d’intervention. Or le poids des habitudes, la difficulté à amorcer des mutations nécessitent une volonté inédite pour que ces changements soient lisibles.

Les musiques actuelles restent le parent très pauvre du spectacle vivant : quelques scènes de musiques actuelles, les SMAC, supplémentaires, ce dont nous nous félicitons, ne rendent pas justice à cette pratique qui concerne plus de 80 % des Français, alors qu’elle ne perçoit que 0, 37 % du budget de votre ministère.

Le débat n’est pas entre l’excellence et le bricolage, entre l’élite et le médiocre ; il est entre la culture de quelques-uns pour quelques-uns et la culture de tous, dans sa diversité, avec de multiples chemins d’accès qui mènent à l’universalité, mais n’empruntent pas les mêmes itinéraires.

Après l’exemple des musiques actuelles, encore trop souvent coincées entre risque de tapage nocturne – faute de lieux insonorisés – et menace d’accusation d’emploi dissimulé – faute de souplesse dans la réglementation –, je prendrai le cas des pôles des arts et du cirque : intergénérationnels, mobiles, au plus près des quartiers comme des zones rurales, transversaux dans leurs esthétiques, voilà qu’ils se découvrent les seuls à ne pas bénéficier du petit souffle de hausse ayant profité au spectacle vivant. Ce sont de tels détails qui désarment les plus courageux, ceux qui agissent au plus près des populations.

Pour les quarante ans de l’Orchestre national de Lille, le chef Jean-Claude Casadesus, qui n’a jamais ménagé sa peine, ni pour l’excellence ni pour les publics « empêchés » – en particulier les prisonniers –, dirigeait une symphonie de Gustav Mahler : la salle était comble, mais ô combien homogène, comme si une porte de verre tenait certains publics à distance : la faute à personne, mais la faute à nous tous si les droits culturels, c’est-à-dire la reconnaissance de chacun dans son égale dignité, ne sont pas mis en œuvre avec soin et ne sont pas déclinés avec attention dans les choix budgétaires.

Une autre alerte que je voudrais porter concerne la pauvreté de l’éducation aux médias. Vous le disiez vous-même, madame la ministre, parlant de l’effort significatif que vous accomplissez pour l’éducation artistique et culturelle, dont nous nous félicitons. En ces temps violents, on ne peut pas laisser les jeunes sans outils de décryptage. L’éducation à l’image est un enjeu de société majeur, un facteur d’inclusion et un vecteur de cohésion.

En matière de photographie, je me félicite du renouvellement de l’engagement en faveur du plan pour la photographie, afin de financer des acquisitions et des commandes publiques, des manifestations et festivals, parmi lesquels les Rencontres d’Arles ou l’excellent festival de photojournalisme Visa pour l’image, à Perpignan, qui rencontrent un véritable succès populaire et international.

Sur le volet « Patrimoines », en soutien à la proposition du rapporteur spécial André Gattolin, les écologistes ont déposé un amendement visant à revenir sur le coup de rabot de 5 millions d’euros : son adoption serait un signal fort pour ce secteur.

Une telle mesure permettrait de maintenir les efforts de sauvegarde à un niveau minimal, afin de répondre aux besoins des collectivités. L’inquiétude est grande chez certains professionnels, le risque étant que la baisse des financements n’affecte considérablement des métiers liés à la restauration : fontainiers, maîtres verriers, parqueteurs, doreurs pourraient être frappés de plein fouet par ce désengagement, entraînant une réduction des chantiers, une impossibilité de former des apprentis et une menace de disparition de nombre de savoir-faire. Ces métiers font partie de notre patrimoine immatériel, que la France s’est engagée à préserver.

La culture est la réponse à la violence et à la barbarie obscurantiste, comme au risque d’amalgame et de peur de l’autre. Aux attentats, vous opposez les clowns, le slam, le rock, les marionnettes, le mime, le théâtre populaire, l’opéra, les cafés-concerts, les ateliers d’écriture, les bandes dessinées, avec tous les professionnels, mais aussi les amateurs qui se retrouvent, le soir après le travail ou le week-end, pour permettre au plus grand nombre de s’épanouir et de s’ouvrir à toutes les cultures.

Madame la ministre, une bonne inflexion pour la culture se fait jour. Mais le virage doit être encore plus serré, dans lequel l’attention à tous sera une priorité qui dépasse les mots.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Mme Morin-Desailly, au nom du rapporteur pour avis Philippe Nachbar, a employé le terme « trompe-l’œil » pour qualifier l’évolution des crédits de la mission « Culture » qui résume parfaitement notre sentiment.

En effet, à première vue, il y a embellie. Après deux années de baisses sévères et une année de stagnation, les crédits de la mission sont en hausse. Cependant, la satisfaction ne résiste pas longtemps à l’analyse.

Il faut, comme toujours, prendre en compte les évolutions de périmètre ; en l’occurrence, l’incidence de la budgétisation de la redevance d’archéologie préventive, à hauteur de 118 millions d’euros.

Nous soutenons cette mesure, qui améliorera la sécurité financière de celle-ci. Mais, corrigée de la rebudgétisation de la RAP, l’évolution des crédits de la mission apparaît déjà un peu plus modeste, ce qui resterait tout de même encore significatif, à moins de replacer ce chiffre dans une perspective plus large.

Une perspective temporelle d’abord : le budget de la mission ne fait, en réalité, que retrouver son niveau de 2012.

Une perspective territoriale ensuite : l’augmentation des crédits de la mission doit être mise en regard de la baisse des dotations aux collectivités. Que pèse-t-elle face à la réduction du tiers de la DGF ?

La question est d’autant plus fondamentale que le Sénat a fait inscrire dans la loi que les droits culturels des citoyens sont garantis par l’exercice conjoint de la compétence par l’État et les collectivités.

De fait, le budget culturel de l’État est de moins en moins représentatif de l’effort de la nation en la matière. Les financements des collectivités locales sont aujourd’hui largement majoritaires.

M. Assouline nous disait à l’instant que les collectivités « ne doivent pas toujours s’abriter derrière la baisse des dotations pour justifier le recul de leur participation à des projets culturels ». C’est un peu fort ! Comme si elles avaient le choix !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Mon cher collègue, je vous invite à sortir de Paris et à venir avec moi faire le budget d’une collectivité !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce n’est pas le moment de dire ça, après ce qui s’est passé à Paris !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Justement ! Un peu d’humilité…

Face à la baisse brutale de leurs ressources et avec des charges de fonctionnement contraintes, que peuvent faire les collectivités ?

Elles ne peuvent qu’augmenter les impôts locaux, qui explosent, réduire leurs investissements et couper dans la vie associative et culturelle. Dans quelle proportion ? C’est la question, madame la ministre, que je vous posais déjà l’année dernière. Votre réponse est très attendue, parce qu’elle seule donnera un aperçu crédible de l’évolution du financement national de la culture.

Cet effet de trompe-l’œil qui affecte les grandes masses de la mission se retrouve naturellement dans la ventilation de ses crédits.

Ainsi en est-il, par exemple, de la restauration des crédits des conservatoires, une mesure dont nous ne pouvons que nous réjouir et qui est hautement symbolique puisque, l’année dernière, le Sénat avait rejeté les crédits de la mission « Culture » du fait, justement, de la quasi-disparition de ces aides.

Entre temps, le Gouvernement a reconnu que cela avait été une erreur. Nous vous en donnons acte, madame la ministre. C’est courageux.

Le plan Conservatoires sera donc doté en 2016 de 13, 5 millions d’euros, 8 millions de plus que l’année dernière, mais deux fois moins qu’en 2012 ! Depuis, des postes ont été supprimés, les tarifs augmentés, et des familles ont renoncé à inscrire leurs enfants…

Encore une fois, l’analyse ne résiste pas à la mise en perspective pluriannuelle, ni territoriale, d’ailleurs, puisque, comme l’a très bien exprimé Jean-Claude Luche, avec la mise en place des schémas départementaux, des intercommunalités pourraient ne pas reconduire leur compétence sur les conservatoires.

Autre exemple, les moyens du plan consacré à l’éducation artistique et culturelle augmentent de 45 %, mais cette hausse représente en réalité 4, 5 millions d’euros à l’échelle nationale, à diviser entre tous les départements ; je vous laisse faire le compte…

De même – cette fois, je reprends une démonstration de M. le rapporteur pour avis –, sur 3 millions d’euros d’actions nouvelles pour les arts plastiques, 1 million d’euros vont au déménagement du Centre national des arts plastiques et 1 million d’euros sont affectés à la tour Médicis de Montfermeil. Il ne reste donc plus que 1 million d’euros supplémentaires à partager entre les vingt-deux fonds régionaux d’art contemporain, les FRAC, les quarante-huit centres d’art conventionnés, le réseau des résidences et l’ensemble de la commande publique. Il y a par conséquent beaucoup d’effets d’affichage dans ces crédits…

Néanmoins, nous en convenons, il n’y a pas que cela. Ainsi, nous ne pouvons que nous réjouir de la poursuite de l’effort, pour la troisième année consécutive, en faveur des monuments historiques. De même, nous ne pouvons que nous féliciter des bons résultats de la première année d’exploitation de la Philharmonie de Paris.

Toutefois, tout cela ne peut pas dissiper l’impression de fragilité, d’incertitude qui se dégage de l’ensemble des orientations présentées, incertitude liée à l’absence de priorités clairement définies. Nous attendions du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine qu’il nous fasse sortir du paradigme du saupoudrage, mais ce texte ne semble pas, hélas, évoluer dans cette direction…

L’incertitude touche aussi l’articulation entre grands projets et politique des territoires. La précédente ministre de la culture avait déclaré que le temps des grands investissements était terminé et que l’heure était à l’accompagnement des collectivités. Nous savons que tel n’est pas le cas, de grands chantiers étant encore devant nous ; mais ceux-ci concernent principalement Paris et l’Île-de-France : rénovation du Grand Palais, restauration du château de Fontainebleau, modernisation du musée de Cluny. Dans ces conditions, quelle place restera-t-il à l’accompagnement des territoires, surtout quand on connaît la fâcheuse tendance du financement de ces grands travaux à déraper ?

Tout cela remet en cause la soutenabilité et la sincérité du budget. Cette remise en cause est en outre accentuée par le coup de rabot de 10 millions d’euros – excusez du peu – passé par l’Assemblée nationale sur les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

À ce stade, peut-on encore parler de coup de rabot ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

En effet, mon cher collègue, on est au-delà !

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC se prononcera contre l’adoption des crédits de la mission « Culture ».

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – M. Louis Duvernois applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord avoir une pensée pour un grand metteur en scène européen qui nous a quittés aujourd’hui, Luc Bondy. Il dirigeait un théâtre tout proche du palais du Luxembourg. On se souvient notamment de sa mise en scène de la pièce de Marivaux L es Fausses Confidences, qui nous a tous marqués, je pense.

« Pour chaque euro supplémentaire investi dans la sécurité, il faut un euro de plus investi dans la culture. Il faut se souvenir de qui nous sommes et investir dans l’innovation, la culture, le sport. » Ces paroles, qui auraient pu être celles d’un artiste habitué à défendre avec ferveur l’importance de l’art et de la culture pour nos sociétés, ont été prononcées par Matteo Renzi, le président du Conseil italien. Bien sûr, si la concentration des efforts sur la sécurité intérieure et extérieure est fondamentale – on le sait –, à long terme, l’investissement dans la culture et l’éducation est aussi essentiel pour permettre à l’homme d’exercer sa liberté.

L’éducation et la culture sont les deux piliers intangibles de l’émancipation de l’individu et de la cohésion collective. En même temps qu’elles ouvrent des horizons et les esprits de chacun, elles créent du commun en luttant contre les amalgames, les préjugés, les dogmes et l’ignorance. Elles abattent les murs invisibles et participent à la destruction de ceux qui se dressent et qui, malheureusement, sont encore nombreux aujourd’hui en Europe et partout dans le monde.

Aussi, face à la barbarie, à la destruction, il faut répliquer par la création, par la vie, par l’imaginaire, car la création est un geste existentiel par lequel l’homme affirme sa présence au monde tout en s’en détachant et en le dépassant. Oui, aujourd’hui, nous avons besoin d’art et de culture pour combattre l’intolérance. Puisque les obscurantistes cherchent à étouffer notre liberté, à décrire le monde de manière manichéenne, consacrons la liberté de création, la liberté de pouvoir représenter le monde sous toutes ses formes !

Le premier article du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, que nous examinerons en début d’année prochaine, proclame ainsi que « la création artistique est libre ». Cela trouve bien sûr un écho tout particulier dans le monde actuel ; il s’agit non plus de simples mots, mais d’un véritable acte de résistance.

Aussi, madame la ministre, dans un contexte économique contraint, je me réjouis de voir que le budget de la culture est aussi un budget de résistance, car il croît de 2, 5 %. D’ailleurs, n’oublions pas que la culture et la création représentent 1, 3 million d’emplois en France, deux fois plus que le secteur de l’automobile !

L’une des traductions d’une politique publique de la culture réside bien sûr dans le soutien aux artistes. C’est pourquoi l’augmentation des crédits alloués au programme 131, « Création » est bienvenue. Elle doit se traduire par le soutien aux équipes, aux nouvelles écritures, aux institutions, mais aussi aux lieux de création et de diffusion, toutes esthétiques confondues, sans oublier les arts visuels et plastiques, qui restent les parents pauvres du programme.

Je souhaite aussi saluer les mesures en faveur de la jeune création. Cette nouvelle ligne budgétaire, dotée de 3, 5 millions d’euros, sera de nature à apporter une aide précieuse aux résidences d’artistes ; en outre, c’est aussi le signe d’une attention aux jeunes générations, au renouvellement des esthétiques, aux projets faits de croisements, d’hybridations

La création est un mouvement perpétuel, universel, qui innerve chaque lieu, chaque espace, chaque territoire. Ce formidable maillage de la France, constitué d’initiatives multiples, de rêves devenus possibles grâce à l’action concertée des collectivités territoriales et aux financements croisés de l’État, doit être entretenu et conforté ; il y va de notre responsabilité collective.

N’oublions pas non plus les DRAC ; les crédits déconcentrés s’élèveront ainsi à 293 millions d’euros. Ces directions participent à l’engagement public collectif et elles ont besoin de stabilité, de visibilité, à l’heure où de profondes réorganisations sont en cours, à l’instar de la réforme territoriale. J’y insiste, la culture irrigue les territoires et se révèle dans chacun d’eux ; aussi, comme les droits culturels sont désormais une réalité, n’oublions pas de les y mettre en œuvre.

Les investissements importants et continus du Gouvernement au titre de l’éducation artistique et culturelle sont exemplaires. En 2016, le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » continue de croître. En trois ans, les crédits de ce programme ont ainsi progressé de 30 %. La question de la transmission demeure donc une priorité.

La reconnaissance de l’altérité dans les arts et la culture est une richesse importante. L’artiste embrase et embrasse le monde, nous invitant à refuser ses manquements et à le façonner différemment. Aujourd’hui plus que jamais, mes chers collègues, nous avons besoin des artistes pour sublimer le réel et donner de l’espoir à l’humanité. C’est pourquoi nous voterons les crédits de la mission « Culture ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le texte voté par l’Assemblée nationale, les crédits de paiement du programme « Patrimoines » progressent de 15 %, soit une augmentation de 116 millions d’euros par rapport au projet de loi de finances pour 2015.

Tout d’abord, je me réjouis qu’une solution ait été enfin trouvée au problème de sous-financement de l’archéologie préventive, notamment de l’INRAP, problème principalement lié aux difficultés de recouvrement de la RAP. Cette situation mettait l’INRAP dans l’incapacité de mener à bien l’ensemble de ses missions de service public en faveur de l’archéologie préventive.

La budgétisation de la RAP, pour un montant de 118 millions d’euros en 2016, offrira ainsi davantage de prévisibilité à l’INRAP, au Fonds national pour l’archéologie préventive et aux collectivités territoriales dotées de services archéologiques agréés. Cela devrait épargner à la mission « Culture » les aléas récurrents de gestion de cet institut et cela mettra fin à quinze années de rallonges budgétaires sous forme de dotations exceptionnelles de l’État finançant l’archéologie préventive.

À cet égard, je vous félicite, madame la ministre, d’avoir su user de votre force de persuasion pour que, enfin, un gouvernement décide de budgétiser entièrement la RAP. Dorénavant, malgré la pression des lobbies, il faut s’attaquer aux trop nombreuses dérogations à l’acquittement, par les aménageurs, de la RAP.

Ensuite, en tant qu’élue d’un territoire rural, je suis très attachée au maintien de la vitalité des offres culturelles et à la sauvegarde du patrimoine local qui doivent absolument faire l’objet d’un accompagnement dans les territoires ruraux. Pour ces communes, le patrimoine culturel est, vous le savez, un enjeu économique fort.

C’est pourquoi je me réjouis que 70 % des crédits dédiés aux monuments historiques soient destinés aux opérations en région. Ce sont des crédits qui soutiennent directement l’attractivité territoriale et l’emploi. Cet effort rendra possible, en 2016, la poursuite de chantiers importants sur des monuments majeurs.

Certes, on peut regretter la réduction de 5 millions d’euros du programme « Patrimoines » votée en seconde délibération par l’Assemblée nationale ; néanmoins, on ne peut à la fois demander au Gouvernement de maîtriser les dépenses publiques et lui reprocher de prendre des dispositions qui visent à respecter le niveau cible qu’il s’est fixé. D’ailleurs, je note avec satisfaction que ce coup de rabot ne pénalisera pas les crédits déconcentrés ; en effet, madame la ministre, vos services m’ont confirmé que l’intervention de l’État dans les territoires en faveur des monuments historiques serait strictement préservée.

Pour ce qui concerne les crédits déconcentrés, je dois souligner que les DRAC sont confrontées à des situations financières délicates, tenant au manque de visibilité sur le montant réel de leur enveloppe annuelle et à leur niveau d’endettement. Cette situation ne leur permet pas – convenez-en, madame la ministre – d’exercer pleinement leurs missions de sauvegarde du patrimoine et de dynamisme culturel. Pouvez-vous m’apporter des éléments de réponse sur ce point précis, sachant que ce problème est récurrent depuis de très nombreuses années ?

Par ailleurs, pour ce qui concerne les musées de France, après neuf années de baisse, les subventions aux musées nationaux sont en légère hausse, ce que je tiens à saluer. Un petit regret toutefois : le rééquilibrage des crédits en faveur des musées de province, amorcé en 2015, n’est pas confirmé pour 2016.

Enfin, j’aimerais saluer la priorité marquée en faveur de la jeunesse et de l’éducation. En effet, le présent projet de loi de finances affecte des moyens à l’expérimentation de l’ouverture de certains grands musées sept jours sur sept ; cela concernera le Louvre, le musée d’Orsay et le château de Versailles. Cette expérience bénéficiera à des publics scolaires ou éloignés de la culture, ce qui constitue une démarche particulièrement bienvenue.

Ce projet en faveur de l’éducation artistique et culturelle et de de la diversification des publics s’inscrit totalement dans les valeurs que nous défendons, et je m’en réjouis.

J’en termine en disant que, dans le contexte de réforme territoriale et de baisse des dotations, la stabilité, voire la progression, de la plupart des crédits dédiés au patrimoine témoigne de la constance de l’engagement de l’État auprès des acteurs de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine si cher aux Français. C’est pourquoi le groupe socialiste soutiendra ce budget.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, selon Milan Kundera, « la culture est la mémoire du peuple, la conscience collective de la continuité historique, le mode de penser et de vivre ». Dans la période tragique que traverse notre pays, ces mots résonnent aujourd’hui avec force et ils nous rappellent l’absolue nécessité que constitue la culture pour notre société.

Certes, nous examinons aujourd’hui le budget de la culture, mais comment ne pas évoquer aussi, en de telles circonstances, les valeurs qui lui sont intrinsèques ? Le budget est le moyen d’en assurer la traduction et, en l’augmentant, madame la ministre, le Gouvernement envoie un signal politique fort aux professionnels et à la société civile. Bien sûr, on peut toujours demander davantage, mais sachons aussi reconnaître l’effort qui est fait !

Vecteur d’ouverture d’esprit, de tolérance, garante du vivre ensemble et de la cohésion sociale, la culture est l’arme privilégiée contre toutes les formes d’obscurantisme, de sectarisme et de crispation qui agitent notre monde contemporain. C’est pour cela qu’elle a toujours été la cible prioritaire des régimes terroristes et dictatoriaux. Souvenons-nous ainsi des périodes sombres de notre histoire, où l’on brûlait les livres, les œuvres d’art, voire les artistes !

Aujourd’hui, Daech détruit systématiquement culture, éducation et femmes, c’est-à-dire tout ce qui est facteur d’ouverture et d’émancipation ! De même, alors que la liberté d’expression, de création, de pensée nous apparaît bien souvent comme acquise, des actes de vandalisme culturel, survenus récemment dans nos territoires, nous rappellent que nous devons être très vigilants !

Pour résister à cette barbarie, nous devons continuer de fréquenter tous les lieux de culture qui permettent la rencontre, le dialogue, le partage. Faisons-en notre acte de résistance, soutenons plus que jamais le secteur culturel ! Face à la peur qu’ils tentent d’instiller, ne renonçons jamais à ce que nous sommes !

Le budget que vous nous présentez, madame la ministre, va dans cette direction, non seulement parce qu’il est en hausse par rapport à l’année dernière, mais également parce que vous avez mobilisé un fonds de solidarité de 4 millions d’euros pour accompagner les acteurs culturels touchés.

L’accessibilité, la démocratisation et la médiation culturelles sont des enjeux plus que jamais d’actualité. L’ancrage fort des lieux d’accès à la culture en tous points du territoire n’est rendu possible que par la collaboration étroite entre l’État et les collectivités.

Notre ancien collègue Robert Badinter le disait, la culture, c’est l’affaire de tous ! Les pactes, partenariats et autres contrats territoriaux que vous avez signés avec les collectivités et les autres ministères en témoignent.

L’accessibilité, c’est aussi celle de tous les publics. Quels que soient l’âge, le handicap, le milieu social, le niveau d’éducation, la situation géographique, chacun doit pouvoir pratiquer une activité ou simplement assister à un spectacle.

Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », en hausse, affiche une nette priorité pour les jeunes, que ce soit dans les établissements d’enseignement supérieur ou dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle, et c’est bien cela qui leur donnera les outils du sens critique, l’imaginaire, le souci du collectif et, ainsi, en fera les citoyens et citoyennes de demain.

Je n’oublie pas les pratiques amateurs, mais nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen d’un prochain texte de loi.

Mes chers collègues, je ne peux qu’exprimer ma satisfaction face à l’augmentation globale de cette mission budgétaire. Je suis de celles et ceux qui affirment que les difficultés actuelles rendent la culture encore plus nécessaire. Celle-ci fait émerger et subsister, pour les réinventer en permanence, les contours d’une société dans toute sa diversité.

D’aucuns affirmeront peut-être que, dans le contexte que nous connaissons, ce budget ne devrait pas être une priorité. Voici ce que répondit Winston Churchill, à qui l’on demandait de couper le budget des arts pour financer l’effort de guerre : « Mais alors, pourquoi nous battons-nous ? »

Mes chers collègues, la bataille que nous devons mener contre le fanatisme et l’intégrisme ne se fera pas seulement par les armes ; elle se fera aussi par la promotion de l’éducation, des idées, de la liberté et par notre goût de la vie à la française !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin

Mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie tout d’abord Sylvie Robert d’avoir rendu hommage à Luc Bondy et je tiens également à saluer sa mémoire avant de commencer à évoquer le budget.

Luc Bondy s’est éteint ce matin, à Zurich. C’est une perte immense pour l’Europe, pour la communauté théâtrale, pour toutes celles et ceux qui ont eu la chance de le côtoyer, de travailler avec lui, mais aussi, bien sûr, pour le public qu’il a servi jusqu’au bout, avec un engagement et un courage forçant l’admiration – certains d’entre vous ont sans doute eu l’occasion de le constater.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin

Depuis 2012, il avait fait de l’Odéon-Théâtre de l’Europe l’un des creusets les plus vibrants, les plus brûlants de la création contemporaine, en y transposant l’esprit qui avait fait les beaux jours de la Schaubühne ou des Wiener Festwochen, qu’il avait magnifiquement dirigées.

Nombre de ses spectacles – Sylvie Robert en a rappelé certains – nous ont marqués : Ivanov, les Fausses Confidences, le Retour ou Tartuffe à l’Odéon, mais aussi, plus éloignées, ses mises en scène historiques comme Terre étrangère, à Nanterre, en 1984.

En cet instant, j’ai une pensée pour sa femme, Marie-Louise, ses enfants, sa famille, pour le personnel du théâtre national de l’Odéon, qui est bouleversé. Je veux dire la tristesse qui nous étreint et leur présente – en mon nom, mais également, je n’en doute pas, en votre nom – mes plus sincères condoléances.

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, madame la présidente de la commission de la culture, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous remercier avant toute chose pour la très grande qualité de vos prises de parole. Je vais m’efforcer de répondre à mon tour aux interrogations que vous avez formulées.

Chacun mesure, je le sais, la gravité des circonstances dans lesquelles il vous revient d’examiner le projet de budget de mon ministère pour l’année 2016. Vous y avez tous fait référence.

Hier, la Nation tout entière a rendu hommage à celles et ceux qui ont perdu la vie dans les attentats du 13 novembre.

Ces femmes et ces hommes, qui étaient la jeunesse de France, ont été assassinés alors qu’ils prenaient part à la vie culturelle de notre pays, à ces moments de joie, de liberté, de partage, d’émotion, de convivialité qui donnent de l’épaisseur à notre existence et nous rassemblent par-dessus tout. C’est aussi cet esprit que les terroristes ont voulu abattre. Ils n’y sont pas parvenus, et je crois qu’ils n’y parviendront pas.

La France, en effet, est déterminée à combattre les fanatiques qui ont ordonné et perpétré ces attentats, tout comme l’obscurantisme qui les a inspirés. Ce combat s’incarne aussi, et surtout, dans la culture.

Plus que jamais, la France doit demeurer cette terre de création qu’elle veut être, et n’a jamais cessé d’être. Au fanatisme, nous opposerons donc toujours plus de spectacles, toujours plus de musique, de films ou de livres, toujours plus de diversité, toujours plus de renouvellement créatif.

Plus que jamais, la culture doit être accessible à tous. Auprès de ceux qui se vivent loin de la vie culturelle, mais n’aspirent qu’à y participer, nous devons faire venir la culture.

C’est grâce à une vie culturelle toujours plus riche, plus intense, plus diverse, toujours plus créative et ouverte, que nous pourrons opposer, à ceux qui s’en prennent à la France, un pays toujours plus uni et des citoyens toujours plus libres. Telle est la conviction du Gouvernement, conviction que traduit concrètement ce projet de loi de finances pour 2016.

Pour tendre vers cet objectif, il vous est donc proposé d’augmenter de 2, 7 % le budget de mon ministère, en le portant à 7, 3 milliards d’euros, auxquels il convient d’ajouter le fonds de soutien du Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, qui disposera, en 2016, de 672 millions d’euros.

Avant d’évoquer plus précisément les politiques publiques de la culture que je souhaite abonder en priorité et le montant des crédits que le Gouvernement vous propose de leur consacrer, permettez-moi de m’attarder un instant sur les mesures d’urgence que nous avons prises pour protéger la culture et l’aider à faire face aux conséquences des attaques qui nous ont frappés.

J’ai d’abord voulu m’assurer que la sécurité soit renforcée dans les lieux de culture.

En lien avec le ministère de l’intérieur et la préfecture de police de Paris, mon ministère a pris une série de mesures dès le lendemain des attentats. Il les a complétées au fil des jours, en fonction des besoins des établissements publics et privés, des services et des entreprises de spectacle.

Les sites les plus sensibles, qu’ils soient donc publics ou privés, ont fait l’objet d’une attention particulière. Ces mesures de sécurité sont mises en œuvre grâce aux nouveaux moyens financiers et humains déployés, à la demande du Président de la République, dans le cadre de l’état d’urgence.

Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, le renforcement de la sécurité ne s’oppose pas au renforcement de la culture. Je vous sais convaincus comme moi sur ce point : si l’on veut que les Français se rendent dans les lieux de culture, que les artistes continuent de jouer toujours davantage, il faut commencer par les rassurer et leur garantir qu’ils pourront le faire en toute sérénité.

À la suite des attentats du 13 novembre, les lieux de culture ont connu une baisse sensible de leur fréquentation.

Même si la situation s’est redressée au cours des derniers jours, cette baisse peut menacer la viabilité économique de certaines entreprises, notamment pour le spectacle vivant. C’est pourquoi j’ai annoncé, dès le 16 novembre, la création d’un fonds de soutien exceptionnel dédié au spectacle vivant, pour faire face aux annulations comme au financement de nouvelles mesures de sécurité.

Pour l’instant, ce fonds est doté de 4 millions d’euros, dont 500 000 euros apportés par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM. Ce n’est qu’un début, et j’invite fortement ceux qui le peuvent, contributeurs du monde culturel, donateurs privés, à venir l’abonder. Un amendement au projet de loi de finances rectificative sera d’ailleurs prochainement proposé par le Gouvernement en ce sens.

J’ajoute, avec un soupçon de fierté, que le vendredi même où ces événements tragiques ont eu lieu, l’Assemblée nationale adoptait un amendement parlementaire tendant à créer un crédit d’impôt pour le spectacle vivant. Les professionnels du spectacle peuvent compter sur l’accompagnement et le soutien de mon ministère.

S’agissant des salles de cinéma, les dépenses d’équipement supplémentaires pour la sécurité seront désormais éligibles aux fonds de soutien du CNC. Enfin, un service en ligne est disponible pour tous les organisateurs de manifestations culturelles et les artistes qui en auraient besoin.

Ces efforts s’articulent, bien sûr, avec d’autres dispositifs de financement interministériel et avec les fonds débloqués par le Gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence.

Le ministère de la culture est donc mobilisé, aux côtés des artistes, des publics et de l’ensemble des professionnels de la culture, pour aider chacun à passer ces moments difficiles et douloureux.

Mais l’urgence n’est pas tout. Il nous faut également agir sur le moyen et le long terme. C’est tout particulièrement l’ambition de la mission « Culture », dont le Gouvernement vous propose de porter les crédits à 2, 7 milliards d’euros.

Conformément aux priorités définies par le Président de la République, et en cohérence avec la réforme de l’intermittence que nous avons engagée, j’ai choisi d’agir prioritairement pour renforcer la participation de tous à la vie culturelle, pour accompagner davantage la création et pour moderniser les politiques publiques du ministère, et ce afin de mieux préparer l’avenir.

Ce projet de budget, enrichi en première lecture par l’Assemblée nationale, est le reflet de ce triple objectif.

Pour renforcer la participation de tous à la vie culturelle, ce qui est notre première priorité, les crédits que nous affectons à la démocratisation culturelle atteindront près de 100 millions d’euros en 2016, contre 75 millions d’euros en 2012.

L’éducation artistique et culturelle représente plus de la moitié de nos financements en la matière : 54, 6 millions d’euros y seront consacrés, soit 35 % d’augmentation par rapport à 2015.

Ces crédits en hausse viennent notamment appuyer le retour de l’État dans le financement des conservatoires conventionnés – en progression de 8 millions d’euros –, le renforcement du plan d’éducation artistique et culturelle – porté l’an prochain à 14, 5 millions d’euros – ou encore le soutien à des projets d’accès à la pratique orchestrale, comme le Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale, ou DEMOS, qui verra ses crédits augmenter de 1 million d’euros.

Nous créerons aussi 65 postes supplémentaires entre 2015 et 2016 pour accompagner l’ouverture, aux enfants et aux publics les plus éloignés de la culture, des musées d’Orsay et du Louvre, ainsi que du château de Versailles.

Les territoires pourront compter sur le soutien de l’État pour développer l’accès de tous à la culture. De fait, les crédits en région augmenteront de 2, 2 % par rapport à 2015, pour atteindre 780 millions d’euros.

Je précise, à l’attention de Mme Marie-Pierre Monier qui m’interrogeait sur la visibilité des crédits des DRAC, que les conférences de stratégie et de gestion, telles que l’on nomme ces réunions internes au ministère de la culture, viennent juste de se terminer. Par conséquent, les DRAC se verront notifier le montant annuel de leurs crédits d’ici la mi-décembre. Cela leur permettra, bien évidemment, d’anticiper au mieux la gestion desdits crédits pour 2016.

Par ailleurs, les moyens consacrés aux pactes culturels que j’ai signés avec les collectivités territoriales qui maintiennent leurs efforts en matière de culture, seront renforcés. Les élus qui ont fait, font ou feront le choix de la culture pourront donc compter sur le soutien de l’État.

Je précise qu’à ce jour 45 pactes ont été signés avec des collectivités territoriales pour couvrir environ 3, 6 millions d’habitants, ce qui représente 400 millions d’euros de dépenses culturelles stabilisées pour les trois prochaines années.

Bien sûr, l’État n’a pas vocation à se substituer aux collectivités qui réduisent leurs engagements en faveur de la culture, mais je compte beaucoup sur ces pactes, et sur l’implication des collectivités territoriales en faveur de la culture, pour pouvoir rassurer l’ensemble des acteurs culturels locaux.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre

La deuxième priorité du Gouvernement est le soutien à la création, dans sa diversité et dans son renouvellement. Elle est cohérente avec la reconnaissance législative du régime de l’intermittence, qui prend en compte la spécificité des métiers du spectacle.

Ainsi, l’intervention de l’État en faveur de la création s’élèvera à 400 millions d’euros, dont 365 millions d’euros pour le spectacle vivant et 35 millions d’euros pour les arts plastiques. C’est 4 % de plus qu’en 2015.

Nous avons affecté ces crédits en priorité à la jeunesse, en consacrant en particulier plus de 7 millions d’euros à la mise en œuvre des conclusions des Assises de la jeune création.

Les moyens que nous dédions à la formation des artistes seront en hausse de 4, 9 millions d’euros. Pour accompagner un recrutement plus juste et plus diversifié, cette hausse viendra, entre autres mesures, financer la mise en place de classes préparatoires aux écoles de l’enseignement supérieur « Culture » et l’accès aux bourses et à un logement universitaire pour les élèves de ces classes. Ainsi, nous entendons réparer une injustice sociale manifeste.

Je dirai quelques mots sur les musiques actuelles et le cirque, en réponse à Mme Marie-Christine Blandin.

L’État consacre chaque année plus de 25 millions d’euros aux musiques actuelles, pour le soutien à la création, aux structures de diffusion, aux festivals et aux ensembles musicaux. Ces crédits vont augmenter de 2 millions d’euros en 2016 pour achever le plan de développement des scènes de musiques actuelles, ou plan SMAC, et atteindre l’objectif d’une centaine de structures labellisées sur l’ensemble du territoire.

Cela étant, madame Blandin, j’entends évidemment votre interpellation sur le rééquilibrage nécessaire des crédits en faveur d’esthétiques qui, jusqu’à présent, ont pu être moins considérées que les autres.

Par ailleurs, deux nouveaux pôles nationaux des arts du cirque – Auch depuis 2014 et Châlons-en-Champagne l’an prochain – viennent renforcer le réseau des institutions dédiées au cirque. J’ai en outre consacré 4 millions d’euros de crédits à la rénovation du Centre national des arts du cirque, afin que notre école nationale ait les moyens de rester l’une des premières au monde, garante de la formation des artistes de demain.

Enfin, nous financerons à hauteur de 1 million d’euros la programmation « Avant les murs » du projet Médicis Clichy-Montfermeil, qui est emblématique de la politique menée par le Gouvernement en faveur des arts et de la culture : hybridation des esthétiques, renouvellement de la création, accès de tous aux œuvres et aux pratiques culturelles.

Nous continuerons également de protéger la diversité du cinéma et d’améliorer sa compétitivité en France, en stabilisant les financements que nous lui consacrons et en élargissant les crédits d’impôt.

Ainsi les moyens du CNC seront-ils stabilisés en 2016 : il n’y aura ni ponction ni plafonnement des taxes prélevées sur le marché de la diffusion audiovisuelle.

En 2016, le crédit d’impôt sera amélioré, pour mieux soutenir les entreprises françaises du cinéma et relocaliser les tournages sur notre territoire. Il vous est notamment proposé de l’élargir aux œuvres tournées en langue étrangère pour des raisons artistiques – en particulier pour respecter le scénario –, aux films d’animation et aux films à fort effet visuel.

Le taux sera majoré à 30 % pour les œuvres tournées en français, et le plafond, pour une même œuvre, sera relevé à 30 millions d’euros, contre 4 millions d’euros auparavant.

Enfin, la troisième priorité du Gouvernement est de donner à mon ministère les moyens de son ambition à long terme.

Préparer l’avenir, c’est sécuriser les outils de financement, en particulier pour l’archéologie préventive. Afin de stabiliser le financement des activités de diagnostic réalisées par l’INRAP, le projet de loi de finances prévoit de budgétiser la redevance d’archéologie préventive.

Préparer l’avenir, c’est préserver les crédits consacrés aux investissements. L’an prochain, ils seront portés à 524 millions d’euros, soit 1, 5 % de plus qu’en 2015.

Pour la troisième année consécutive, nous maintiendrons nos efforts en faveur des monuments historiques. Malgré les 5 millions d’euros de rabot votés par l’Assemblée nationale, les crédits de paiement seront quasi stabilisés l’an prochain à 308 millions d’euros, et les autorisations d’engagement portées à 333 millions d’euros.

Les crédits bénéficiant aux territoires, via les services déconcentrés, ne seront pas pénalisés. Dans un contexte où certaines collectivités territoriales se désengagent de la politique de soutien aux monuments historiques, je veillerai à ce que l’intervention de l’État soit strictement préservée. Le rabot sera appliqué avec discernement. Il portera sur de grosses opérations engagées sur les monuments dont la responsabilité relève de l’État.

Compte tenu de la complexité technique des chantiers en question, un glissement naturel des opérations dans le temps est courant. Dans d’autres cas, les fonds de roulement des établissements publics concernés par ces chantiers permettront d’absorber ce rabot.

Nous continuerons enfin à lancer ou à poursuivre des chantiers importants : archives, schémas directeurs du château de Versailles, de celui de Fontainebleau, du Centre Pompidou, lancement des études consacrées au relogement du Centre national des arts plastiques, réaménagement des Ateliers Berthier...

Ce budget, mesdames, messieurs les sénateurs, est ambitieux, et je suis fière d’appartenir à un gouvernement qui a fait le choix de la culture et qui assume ses priorités, comme s’y était engagé le Premier ministre, Manuel Valls, dans ce contexte si difficile.

À l’heure où des pays voisins s’engagent à leur tour dans une offensive culturelle, n’oublions pas que nous avons la chance d’avoir, en France, le ministère de la culture le plus puissant et le mieux doté d’Europe. Et réjouissons-nous que certains de nos partenaires se reconnaissent dans la voie que nous avons prise.

La culture apporte des réponses essentielles pour l’avenir de notre pays. Si elle est un remède contre l’obscurantisme – je l’ai évoqué, et vous avez été nombreux à le redire aujourd’hui –, elle est aussi très précieuse pour mettre à distance les peurs qui parfois nous assaillent, ces peurs dont se nourrissent les marchands de fausses solutions qui n’attendent que l’occasion d’entonner à nouveau le chant du repli. Notre responsabilité – la mienne, la vôtre – est bien de leur opposer toujours plus de culture.

C’est donc avec la pleine conscience de tout cela que je vous soumets ce projet de budget, avec l’espoir qu’il puisse être très largement adopté par votre assemblée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du RDSE.

culture

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Culture

Patrimoines

Création

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

Dont titre 2

668 755 781

668 755 781

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-156 est présenté par M. Gattolin, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-244 est présenté par Mmes Blandin, Bouchoux, Aïchi, Archimbaud et Benbassa et MM. Dantec, Desessard, Labbé et Placé.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Patrimoines

Création

Transmission des savoirs et démocratisation de la culturedont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. André Gattolin, rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-156.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Comme je l’ai rappelé dans la discussion générale, l’Assemblée nationale, en seconde délibération, a adopté un amendement du Gouvernement visant à minorer les crédits de la mission « Culture » de 10 millions d’euros.

Cette réduction de crédits porte, pour 5 millions d’euros, sur le programme 175 « Patrimoines », l’objet de l’amendement indiquant que « cette diminution est permise par une priorisation sur les subventions finançant la restauration des monuments historiques ». Mme la ministre nous a en partie répondu, précisant que les crédits déconcentrés du programme « Patrimoines » n’affecteraient pas ces travaux, mais une partie concentrée de ces crédits concerne les monuments historiques de province. Sans aller trop loin dans la rhétorique et la technique financière, je rappelle que ces décisions ne sont pas sans effet, tant s’en faut, sur la politique patrimoniale.

Le présent amendement vise à limiter la réduction des crédits de la mission « Culture » à 5 millions d’euros, au lieu de 10 millions d’euros, en rétablissant les crédits du programme 175 « Patrimoines ». En effet, nous nous interrogeons sur les critères de la « priorisation » mentionnée et souhaiterions obtenir des informations du Gouvernement à cet égard.

En outre, la préservation de crédits dédiés à la protection et à la valorisation du patrimoine, notamment au niveau déconcentré, a constitué pour la commission des finances un élément important dans sa décision d’adopter les crédits de la mission « Culture ». Par cohérence, il est donc important de rétablir ces crédits.

Plus généralement, la baisse globale des crédits adoptée à l’issue de la seconde délibération représente 0, 17 % des dépenses du budget général, tandis que la réduction de 10 millions d’euros des crédits de la mission « Culture » représente 0, 36 % de ses dépenses. Si on limite la baisse des crédits à 5 millions d’euros, cette proportion retombe à 0, 18 %, ce qui paraît plus équitable au regard de la proportion de la baisse globale des dépenses du budget général résultant des amendements adoptés par l’Assemblée nationale en seconde délibération.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances vous propose d’adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° II-244.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Puisque cet amendement est identique au précédent et que je n’ai pas la technicité budgétaire de la commission des finances, je me contenterai de dire que les écologistes soutiennent cette rectification.

Nous nous intéressons à la nature, et donc aux matériaux, à la géologie ou à la botanique, qui permettent de constituer notre patrimoine. La culture, le patrimoine immatériel des savoir-faire de tous ceux qui exercent la restauration d’art, tout cela nous concerne également.

J’indique cependant que, pour restaurer le patrimoine, il faut organiser des tours de table entre l’État et différentes collectivités autour de projets souvent validés par les Architectes des bâtiments de France. Toute régression dans une subvention a pour conséquence de remettre en route le tour de table, provoquant parfois des retards de un à deux ans.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre

L’Assemblée nationale a adopté, en première lecture de la seconde partie du projet de loi de finances, un amendement visant à l’équilibre des comptes publics et mettant à contribution le programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture », à hauteur de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous inquiétez de son impact sur le parc des monuments protégés, notamment au niveau déconcentré. Bien évidemment, j’aurais préféré que le programme « Patrimoines » puisse conserver ses crédits. Toutefois, après le vote de l’Assemblée nationale, les crédits affectés aux monuments historiques s’élèvent à 333 millions d’euros en autorisations d’engagements, soit une hausse de 5 millions d’euros par rapport à 2015, et à 308 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 3 millions d’euros par rapport à 2015.

Le niveau des crédits déconcentrés destinés aux monuments historiques sera, en revanche, maintenu à 227 millions d’euros en autorisations d’engagement, dont 149 millions d’euros pour les monuments historiques appartenant aux collectivités territoriales ou aux propriétaires privés, et à 224 millions d’euros en crédits de paiement, dont 159 millions d’euros pour les monuments historiques appartenant aux collectivités territoriales ou aux propriétaires privés.

J’ai choisi de ne pas pénaliser ces crédits déconcentrés, je le répète, car la conservation et la restauration des monuments historiques pour leur transmission aux générations futures sont au cœur des missions patrimoniales de l’État. Ces actions participent à l’attractivité territoriale de notre pays et créent de l’activité économique directe et indirecte.

Le ministère veillera à préserver strictement l’intervention de l’État sur les territoires, notamment dans un contexte où l’on constate malheureusement le désengagement de certaines collectivités territoriales dans la politique de soutien aux monuments historiques.

Le rabot de 5 millions d’euros du programme « Patrimoines » sera donc appliqué avec discernement, sur de grosses opérations visant des monuments historiques appartenant à l’État et financées par des crédits centraux : soit ces opérations feront l’objet d’un glissement naturel dans le temps compte tenu de la complexité technique des chantiers en question, soit les fonds de roulement des établissements publics concernés par ces chantiers permettront d’absorber ce rabot.

Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable, à regret, vous l’aurez compris, sur ces amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous sommes tous ici, comme Mme la ministre, convaincus que, si l’on pouvait faire plus pour le budget de la culture, qui est déjà en augmentation, ce serait encore mieux.

La mission est très large, mais les sénateurs et sénatrices de droite, durant les débats au sein de la commission de la culture, ont trouvé dans cette seule ponction la justification de leur rejet de l’ensemble des crédits de la culture !

Mme Françoise Férat le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mme la ministre elle-même aurait souhaité éviter ce rabot, mais, si l’on sait ce qu’est un arbitrage, on a compris que les choix opérés ont été globalement favorables à la culture, qui disposera de moyens plus importants, en dépit de quelques concessions probables, ici ou là.

Face à ces amendements identiques, et dans l’hésitation où nous nous trouvons les uns et les autres, je veux plaider un autre choix.

Comme cela a été souligné à de multiples reprises, nous vivons depuis ces attentats une situation exceptionnelle, qui a inévitablement suscité le besoin de lever des fonds exceptionnels pour soutenir les lieux culturels dont la billetterie est en baisse et pour mieux les sécuriser, aussi.

Aujourd’hui, un secteur est très durement menacé et, si nous devons demander des crédits supplémentaires et soutenir Mme la ministre, notamment au moment des prochains arbitrages après la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, ce n’est pas pour abonder ce programme de 5 millions ou de 10 millions d’euros. À mon sens, si négociation il doit y avoir, elle doit concerner de manière privilégiée cette aide exceptionnelle décidée, pour l’année en cours, en faveur des salles de spectacle, du spectacle vivant, de la musique, sans oublier les galeries d’art, qui ont vu aussi leur affluence baisser de manière significative.

Évidemment, nous aurions apprécié, comme Mme la ministre, que ce coup de rabot n’ait pas lieu, mais si l’arbitrage reste en faveur d’une augmentation du budget de la culture, nous préférons que la négociation de 5 millions d’euros supplémentaires porte aujourd’hui sur cette aide exceptionnelle, et pas sur autre chose.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous nous abstiendrons donc sur ces amendements identiques.

Quant à ceux qui, au titre de nos divergences politiques, ont pris l’habitude de nous reprocher de ne pas assez sortir de Paris, qu’ils cessent cette démagogie, au moment où c’est Paris qui est principalement touchée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Madame la ministre, nous avons bien compris que, selon vous, la conservation patrimoniale était une mission centrale de l’État.

J’ai en revanche été quelque peu étonné de votre charge répétée contre les collectivités territoriales qui se désengageraient. Un certain nombre d’entre elles, aujourd’hui, s’interrogent pour prendre la compétence « patrimoine », quand la région, qui peut la prendre prioritairement, ne le fait pas.

Envisageant de prendre cette compétence pour les deux départements savoyards, nous avons été amenés à demander un inventaire et une estimation des crédits consacrés par l’État au patrimoine de la région Rhône-Alpes, et singulièrement de nos deux départements.

Vos propres services, madame la ministre, ont attiré notre attention sur le fait que, dans le cadre des fusions de régions, nous n’étions pas sûrs d’obtenir de l’État des crédits équivalents dans les années à venir, si l’État conserve la compétence « patrimoine ». En effet, il faudrait rattraper des retards très importants dans la région Auvergne – je le dis très amicalement à la Mme la présidente de la commission des finances –, retards représentant plusieurs années de programmation.

Cela met en évidence les besoins importants qui sont les nôtres aujourd’hui. Malheureusement, et la Cour des comptes a rédigé plusieurs rapports sur ce thème, l’état du patrimoine français, de nos monuments, continue de se dégrader. C’est un constat. Qui en est responsable ? Nous n’allons pas faire de l’archéologie politique pour le savoir…

Nous avons donc besoin de crédits pour le patrimoine, à la fois pour assurer des sauvetages et pour garantir l’activité des filières des métiers du patrimoine, lesquelles se sont d’ailleurs retrouvées au centre des Journées du patrimoine voilà quelques années. Les emplois dans ces filières sont non délocalisables et ils sont hautement qualifiés, et ceux qui sont actuellement en formation dans ces métiers ont besoin de savoir que les investissements continueront. C’est le signal qu’il faut leur adresser.

C’est la raison pour laquelle je soutiens pleinement cette proposition de la commission des finances, en souhaitant d’ailleurs que l’on ne s’inscrive pas – ce serait le pire ! – dans une logique d’arbitrage en obligeant à sacrifier le patrimoine pour le spectacle vivant ou à laisser mourir ce dernier, qui connaît effectivement de graves difficultés. C’est un mauvais débat dans lequel il ne faut surtout pas s’engager !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je vous l’avoue, la tonalité de ce débat m’étonne un peu.

Certains ont dénoncé le désengagement de telle ou telle collectivité – de droite, naturellement ! Pour ma part, j’appartiens à une collectivité de gauche, la région d’Île-de-France, qui a fait de même, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

… pour une simple et bonne raison : lorsque l’État réduit ses dotations, il faut bien trouver des économies où l’on peut !

Monsieur Laurent, l’année dernière, la région d’Île-de-France a perdu environ 100 millions d’euros de dotations à ce titre. Elle perd 100 millions d’euros supplémentaires cette année. Qu’a fait l’exécutif régional, qui, je le répète, est de gauche ? Il a tenté de maintenir à niveau les crédits consacrés au spectacle vivant, à la vie culturelle stricto sensu. En revanche, il a abaissé son degré d’intervention en faveur du patrimoine.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

C’est pour ainsi dire la mesure la plus simple : limiter, faute de moyens, les actions dans un certain nombre de châteaux ou de domaines.

Madame la ministre, vous déclarez avoir peu ou prou réussi à maintenir les crédits à leur niveau. Mais ce n’est pas vrai ! Si l’on examine dans leur globalité les fonds affectés à la culture dans notre pays, on constate la part considérable assumée par les collectivités territoriales. Or ces dernières ont moins de moyens à lui consacrer du fait de la baisse très importante des dotations. Dans certains cas, elles n’en ont même plus du tout !

Même si elles souhaitent continuer à financer la vie culturelle quotidienne, les collectivités territoriales prélèvent des crédits au détriment du patrimoine.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voilà pourquoi les fonds consacrés au patrimoine se sont amenuisés dès 2014. Leur réduction s’est poursuivie en 2015 et elle continuera en 2016.

Nous allons, logiquement, voter ces amendements : toute mesure permettant d’augmenter un tant soit peu les crédits consacrés au patrimoine est la bienvenue. Mais, même avec 5 millions d’euros supplémentaires, le compte n’y sera pas !

M. Assouline attire notre attention sur les nouveaux impératifs de sécurité. Toutefois, la protection renforcée des musées, des théâtres et plus largement des lieux publics relèvera d’un plan global financé via les crédits de la sécurité. S’il faut reprendre de l’argent sur chaque mission, nous n’y arriverons pas !

M. David Assouline manifeste sa circonspection.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Bref, sécurisons sur le chapitre « sécurité » et, parallèlement, dégageons des moyens supplémentaires en faveur du patrimoine, qui est la première victime de la baisse des dotations aux collectivités et du quasi-gel des crédits de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, pour notre part, nous soutiendrons ces amendements identiques. En effet, nous ne pouvons pas, aussitôt après avoir salué unanimement la volonté de redresser le budget de la culture, accepter le grignotage d’un effort qui n’est déjà pas si manifeste.

Par ailleurs, monsieur Karoutchi, vous le savez très bien, nous débattons en l’occurrence de deux questions différentes.

Certes, il faut faire la part des contraintes budgétaires ; vous savez d’ailleurs ce que je pense des baisses de dotations aux collectivités territoriales. Vous continuez d’ailleurs de les prôner, et dans des proportions bien supérieures à ce qu’elles sont aujourd’hui, même si, dans le même temps, vous tenez des propos démagogiques quand vous êtes dans l’opposition...

M. Roger Karoutchi manifeste son incompréhension.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Quoi qu’il en soit, il faut également faire la part des choix politiques. La suppression tant du Forum du Blanc-Mesnil que du Festival de jazz de Saint-Ouen n’est pas liée à des impératifs budgétaires : ce sont des décisions politiques argumentées, s’inscrivant dans une réduction délibérée des politiques culturelles localement suivies.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Or il s’agit de deux villes dont la droite a pris la direction !

C’est tout particulièrement ces situations que je visais, il y a quelques instants, à la tribune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Différents orateurs l’ont rappelé, la France compte plus de 44 000 monuments historiques classés ou inscrits, dont un grand nombre d’églises. C’est une véritable richesse nationale. Beaucoup de communes, petites, moyennes ou grandes, ont, sur leur territoire, des édifices de cette nature. Il faut se donner les moyens de les entretenir ; à ce titre, une somme de 5 millions d’euros peut paraître modeste, mais elle constituerait malgré tout une augmentation substantielle des crédits dédiés au patrimoine.

Madame la ministre, aux côtés des collectivités territoriales dont, en particulier les communes, l’État est l’un des partenaires de cette politique. Il finance des actions en faveur du patrimoine depuis de nombreuses années : vous l’avez rappelé en septembre dernier à Charleville-Mézières – je saisis cette occasion pour vous remercier de nouveau de votre venue dans les Ardennes –, où l’État soutient le musée Rimbaud et le festival mondial des théâtres de marionnettes. En effet, il faut prendre en compte la culture sous toutes ses formes !

Naturellement, je soutiens ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Madame la ministre, la commission des finances travaillant dans une logique de responsabilité, elle n’a pas voté le rétablissement systématique des crédits réduits par nos collègues députés.

En l’occurrence, nous avons choisi à l’unanimité de rétablir ces crédits-ci, pour des raisons que les uns et les autres ont évoquées.

Michel Bouvard vient de mentionner l’impact sur l’emploi. À l’heure actuelle, le secteur du patrimoine connaît encore de graves difficultés. Cette année, de très grandes entreprises spécialisées dans la restauration et l’entretien des monuments historiques ont déposé le bilan.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On a déjà vu des difficultés similaires par le passé, dans des périodes de très basses eaux : les crédits étaient alors descendus très nettement sous le seuil des 300 millions d’euros, et la France a alors, comme à l’heure actuelle, connu des dépôts de bilan et des faillites. Or, on le sait, lorsque ces emplois spécialisés disparaissent, les savoir-faire correspondants sont perdus à jamais !

M. André Gattolin, rapporteur spécial, acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il est donc capital de préserver un niveau constant d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement pour préserver des emplois extrêmement spécialisés et, avec eux, des compétences que l’on ne pourrait sinon retrouver par la suite. J’insiste sur ce point, d’autant que la France dispose en la matière d’un savoir-faire que le monde entier lui envie.

Au reste, les retombées économiques de ce secteur dépassent largement les seules entreprises liées aux monuments historiques.

Le Gouvernement affiche, à très juste titre, de grandes ambitions en matière de tourisme. À l’heure où nous éprouvons quelques difficultés pour attirer des visiteurs étrangers, nous devons insister encore davantage sur l’atout que représente notre patrimoine. À travers le monde, la France et l’Italie sont les deux pays qui peuvent le mieux mettre en avant leur richesse patrimoniale comme l’une des principales sources de leur attractivité.

La commission des finances ne se prononce pas toujours à l’unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Toutefois, en l’espèce, c’est unanimement qu’elle a décidé de revenir sur la seconde délibération de l’Assemblée nationale. Au-delà des difficultés qu’éprouvent malheureusement les collectivités territoriales, il faut maintenir les autorisations d’engagement et les crédits de paiement à un niveau élevé !

À titre personnel, je voterai bien sûr ces amendements.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Vincent Eblé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Au terme d’une seconde délibération, l’Assemblée nationale a appliqué un coup de rabot de 0, 17 % au budget dans son ensemble. Or la réduction de 10 millions d’euros infligée à la mission « Culture », consacrée pour moitié à la création, pour moitié au patrimoine, représente 0, 36 % de ses crédits. L’effort qui lui est demandé est donc plus de deux fois supérieur à la moyenne.

En limitant cette baisse à 5 millions d’euros, on atteint une réduction de 0, 18 %, plus proportionnée à l’effort général.

Si l’on procède à un coup de rabot, il semble normal de l’appliquer de manière équitable à l’ensemble des dépenses budgétaires considérées.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Sinon, il faut expliquer pourquoi tel secteur est spécialement visé et cibler les réductions de crédits sur des opérations précises, afin que nous puissions les apprécier.

À partir du moment où l’on entre dans cette logique, le rabot doit s’appliquer de manière similaire sur l’ensemble. Pour ma part, je voterai ces deux amendements, comme l’a fait la commission de la culture.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Avant de mettre aux voix les crédits, modifiés, de la mission « Culture », figurant à l’état B, je donne la parole à Mme la présidente de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l’examen des crédits de la mission « Culture ».

Je m’associe à l’hommage rendu à Luc Bondy, comme aux propos soulignant notre besoin impérieux de culture en ces temps d’obscurantisme, face à la barbarie, face aux attaques abjectes dont notre pays a été victime. La culture joue un rôle essentiel dans l’éveil de la pensée et des consciences comme dans la réaffirmation des valeurs de notre démocratie.

Madame la ministre, nous saluons votre mobilisation au lendemain des attentats pour accompagner les publics et le personnel des salles qui ont été lâchement attaquées. Vous avez annoncé diverses mesures visant à renforcer la sécurité. Bien entendu, nous les soutenons.

Quant au projet de loi de finances pour 2016, il traduit, j’en conviens, une inflexion en matière culturelle. Il rompt avec la trajectoire descendante entamée en 2012, inaugurant trois années des baisses historiques. Mais nous revenons de si loin !

Au demeurant, plusieurs orateurs l’ont rappelé, les crédits de cette mission ne sont pas en hausse de 2, 7 %. À périmètre constant, ils n’augmenteront que de 1 %. Les détails techniques ont été forts bien exposés, et je n’y reviendrai pas.

En définitive, ce budget est donc constant par rapport à 2015. À mon sens, il n’enraye pas franchement la spirale négative dans laquelle nous sommes entrés, d’autant que, dans le même temps, les collectivités territoriales, qui financent la culture pour les deux tiers, subissent une baisse drastique de leurs dotations. Les communes ont rappelé au Premier ministre à quel point ce mouvement avait été brutal. Certes, les pactes culturels existent, mais, pactes culturels ou pas, les faits sont là !

À ce titre, monsieur Laurent, il me semble malvenu de stigmatiser telle commune ou tel élu dit « de droite » qui aurait tendance à réduire ces crédits davantage que ses homologues.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je ne vois, moi, que des élus qui, tout en s’efforçant d’assumer leurs responsabilités, sont confrontés à une équation budgétaire extrêmement complexe. Ils méritent d’être aidés, non d’être stigmatisés.

Madame la ministre, s’agissant du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », vous avez eu l’honnêteté de reconnaître votre erreur sur les conservatoires. Les professionnels et les familles ne se seront pas mobilisés en vain au cours de l’été. Vous avez réintroduit une ligne de crédit de 13, 5 millions d’euros. Toutefois, seule la moitié du chemin a été faite.

Je le rappelle dans cet hémicycle très officiellement, ces crédits atteignaient 27 millions d’euros en 2012, et ils étaient essentiellement portés par les villes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

À l’époque, ces crédits devaient être transférés aux régions en application de la loi de décentralisation de 2004.

Nous n’en ferions pas grief au Gouvernement si, de manière à garantir la continuité des politiques publiques, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, avait permis de clarifier la responsabilité des collectivités territoriales et celle de l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Certes, l’État est contraint de revoir un certain nombre de financements, mais il ne saurait se désengager sans avoir accompagné lesdites collectivités.

Je sais que vous vous êtes battue au niveau interministériel pour que le budget de la culture soit stabilisé. Je le répète, nous saluons votre effort. Toutefois, sur les trois rapporteurs pour avis de la commission de la culture ayant travaillé sur ce dossier, deux ont opté pour le rejet de ces crédits, et je suivrai leur avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix les crédits de la mission « Culture », modifiés.

Je vous rappelle que l’avis de la commission des finances est favorable.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe de l’UDI-UC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 77 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le Sénat n’aura même pas voté les crédits qu’il a lui-même modifiés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Culture ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 30 novembre 2015, à dix heures, à quatorze heures et le soir :

Projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (163, 2015-2016) ;

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (164, 2015-2016).

- Solidarité, insertion et égalité des chances (+ article 63).

- Sécurités ; compte spécial : contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

- Immigration, asile et intégration.

- Administration générale et territoriale de l’État.

- Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ; Compte spécial : développement agricole et rural.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à seize heures trente-cinq.