Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 28 novembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Culture

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Dans une interview à un grand quotidien, vous avez parlé avec sensibilité, madame la ministre, de l’accès à la culture, de votre expérience, et de la nécessité de rééquilibrer nos champs d’intervention. Or le poids des habitudes, la difficulté à amorcer des mutations nécessitent une volonté inédite pour que ces changements soient lisibles.

Les musiques actuelles restent le parent très pauvre du spectacle vivant : quelques scènes de musiques actuelles, les SMAC, supplémentaires, ce dont nous nous félicitons, ne rendent pas justice à cette pratique qui concerne plus de 80 % des Français, alors qu’elle ne perçoit que 0, 37 % du budget de votre ministère.

Le débat n’est pas entre l’excellence et le bricolage, entre l’élite et le médiocre ; il est entre la culture de quelques-uns pour quelques-uns et la culture de tous, dans sa diversité, avec de multiples chemins d’accès qui mènent à l’universalité, mais n’empruntent pas les mêmes itinéraires.

Après l’exemple des musiques actuelles, encore trop souvent coincées entre risque de tapage nocturne – faute de lieux insonorisés – et menace d’accusation d’emploi dissimulé – faute de souplesse dans la réglementation –, je prendrai le cas des pôles des arts et du cirque : intergénérationnels, mobiles, au plus près des quartiers comme des zones rurales, transversaux dans leurs esthétiques, voilà qu’ils se découvrent les seuls à ne pas bénéficier du petit souffle de hausse ayant profité au spectacle vivant. Ce sont de tels détails qui désarment les plus courageux, ceux qui agissent au plus près des populations.

Pour les quarante ans de l’Orchestre national de Lille, le chef Jean-Claude Casadesus, qui n’a jamais ménagé sa peine, ni pour l’excellence ni pour les publics « empêchés » – en particulier les prisonniers –, dirigeait une symphonie de Gustav Mahler : la salle était comble, mais ô combien homogène, comme si une porte de verre tenait certains publics à distance : la faute à personne, mais la faute à nous tous si les droits culturels, c’est-à-dire la reconnaissance de chacun dans son égale dignité, ne sont pas mis en œuvre avec soin et ne sont pas déclinés avec attention dans les choix budgétaires.

Une autre alerte que je voudrais porter concerne la pauvreté de l’éducation aux médias. Vous le disiez vous-même, madame la ministre, parlant de l’effort significatif que vous accomplissez pour l’éducation artistique et culturelle, dont nous nous félicitons. En ces temps violents, on ne peut pas laisser les jeunes sans outils de décryptage. L’éducation à l’image est un enjeu de société majeur, un facteur d’inclusion et un vecteur de cohésion.

En matière de photographie, je me félicite du renouvellement de l’engagement en faveur du plan pour la photographie, afin de financer des acquisitions et des commandes publiques, des manifestations et festivals, parmi lesquels les Rencontres d’Arles ou l’excellent festival de photojournalisme Visa pour l’image, à Perpignan, qui rencontrent un véritable succès populaire et international.

Sur le volet « Patrimoines », en soutien à la proposition du rapporteur spécial André Gattolin, les écologistes ont déposé un amendement visant à revenir sur le coup de rabot de 5 millions d’euros : son adoption serait un signal fort pour ce secteur.

Une telle mesure permettrait de maintenir les efforts de sauvegarde à un niveau minimal, afin de répondre aux besoins des collectivités. L’inquiétude est grande chez certains professionnels, le risque étant que la baisse des financements n’affecte considérablement des métiers liés à la restauration : fontainiers, maîtres verriers, parqueteurs, doreurs pourraient être frappés de plein fouet par ce désengagement, entraînant une réduction des chantiers, une impossibilité de former des apprentis et une menace de disparition de nombre de savoir-faire. Ces métiers font partie de notre patrimoine immatériel, que la France s’est engagée à préserver.

La culture est la réponse à la violence et à la barbarie obscurantiste, comme au risque d’amalgame et de peur de l’autre. Aux attentats, vous opposez les clowns, le slam, le rock, les marionnettes, le mime, le théâtre populaire, l’opéra, les cafés-concerts, les ateliers d’écriture, les bandes dessinées, avec tous les professionnels, mais aussi les amateurs qui se retrouvent, le soir après le travail ou le week-end, pour permettre au plus grand nombre de s’épanouir et de s’ouvrir à toutes les cultures.

Madame la ministre, une bonne inflexion pour la culture se fait jour. Mais le virage doit être encore plus serré, dans lequel l’attention à tous sera une priorité qui dépasse les mots.

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