Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord avoir une pensée pour un grand metteur en scène européen qui nous a quittés aujourd’hui, Luc Bondy. Il dirigeait un théâtre tout proche du palais du Luxembourg. On se souvient notamment de sa mise en scène de la pièce de Marivaux L es Fausses Confidences, qui nous a tous marqués, je pense.
« Pour chaque euro supplémentaire investi dans la sécurité, il faut un euro de plus investi dans la culture. Il faut se souvenir de qui nous sommes et investir dans l’innovation, la culture, le sport. » Ces paroles, qui auraient pu être celles d’un artiste habitué à défendre avec ferveur l’importance de l’art et de la culture pour nos sociétés, ont été prononcées par Matteo Renzi, le président du Conseil italien. Bien sûr, si la concentration des efforts sur la sécurité intérieure et extérieure est fondamentale – on le sait –, à long terme, l’investissement dans la culture et l’éducation est aussi essentiel pour permettre à l’homme d’exercer sa liberté.
L’éducation et la culture sont les deux piliers intangibles de l’émancipation de l’individu et de la cohésion collective. En même temps qu’elles ouvrent des horizons et les esprits de chacun, elles créent du commun en luttant contre les amalgames, les préjugés, les dogmes et l’ignorance. Elles abattent les murs invisibles et participent à la destruction de ceux qui se dressent et qui, malheureusement, sont encore nombreux aujourd’hui en Europe et partout dans le monde.
Aussi, face à la barbarie, à la destruction, il faut répliquer par la création, par la vie, par l’imaginaire, car la création est un geste existentiel par lequel l’homme affirme sa présence au monde tout en s’en détachant et en le dépassant. Oui, aujourd’hui, nous avons besoin d’art et de culture pour combattre l’intolérance. Puisque les obscurantistes cherchent à étouffer notre liberté, à décrire le monde de manière manichéenne, consacrons la liberté de création, la liberté de pouvoir représenter le monde sous toutes ses formes !
Le premier article du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, que nous examinerons en début d’année prochaine, proclame ainsi que « la création artistique est libre ». Cela trouve bien sûr un écho tout particulier dans le monde actuel ; il s’agit non plus de simples mots, mais d’un véritable acte de résistance.
Aussi, madame la ministre, dans un contexte économique contraint, je me réjouis de voir que le budget de la culture est aussi un budget de résistance, car il croît de 2, 5 %. D’ailleurs, n’oublions pas que la culture et la création représentent 1, 3 million d’emplois en France, deux fois plus que le secteur de l’automobile !
L’une des traductions d’une politique publique de la culture réside bien sûr dans le soutien aux artistes. C’est pourquoi l’augmentation des crédits alloués au programme 131, « Création » est bienvenue. Elle doit se traduire par le soutien aux équipes, aux nouvelles écritures, aux institutions, mais aussi aux lieux de création et de diffusion, toutes esthétiques confondues, sans oublier les arts visuels et plastiques, qui restent les parents pauvres du programme.
Je souhaite aussi saluer les mesures en faveur de la jeune création. Cette nouvelle ligne budgétaire, dotée de 3, 5 millions d’euros, sera de nature à apporter une aide précieuse aux résidences d’artistes ; en outre, c’est aussi le signe d’une attention aux jeunes générations, au renouvellement des esthétiques, aux projets faits de croisements, d’hybridations
La création est un mouvement perpétuel, universel, qui innerve chaque lieu, chaque espace, chaque territoire. Ce formidable maillage de la France, constitué d’initiatives multiples, de rêves devenus possibles grâce à l’action concertée des collectivités territoriales et aux financements croisés de l’État, doit être entretenu et conforté ; il y va de notre responsabilité collective.
N’oublions pas non plus les DRAC ; les crédits déconcentrés s’élèveront ainsi à 293 millions d’euros. Ces directions participent à l’engagement public collectif et elles ont besoin de stabilité, de visibilité, à l’heure où de profondes réorganisations sont en cours, à l’instar de la réforme territoriale. J’y insiste, la culture irrigue les territoires et se révèle dans chacun d’eux ; aussi, comme les droits culturels sont désormais une réalité, n’oublions pas de les y mettre en œuvre.
Les investissements importants et continus du Gouvernement au titre de l’éducation artistique et culturelle sont exemplaires. En 2016, le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » continue de croître. En trois ans, les crédits de ce programme ont ainsi progressé de 30 %. La question de la transmission demeure donc une priorité.
La reconnaissance de l’altérité dans les arts et la culture est une richesse importante. L’artiste embrase et embrasse le monde, nous invitant à refuser ses manquements et à le façonner différemment. Aujourd’hui plus que jamais, mes chers collègues, nous avons besoin des artistes pour sublimer le réel et donner de l’espoir à l’humanité. C’est pourquoi nous voterons les crédits de la mission « Culture ».