Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 1er décembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Compte d'affectation spéciale : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais vous présenter les programmes 203, « Infrastructures et services de transports », et 205, « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture », de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont je suis le corapporteur, au même titre que Jean-François Husson et Vincent Capo-Canellas. Je vous présenterai également les crédits du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

Comme les années précédentes, je regrette que le budget des infrastructures et services de transport ne constitue pas une mission à part entière, alors qu’il représente un enjeu financier et socio-économique considérable pour notre pays.

Le programme 203, dont je suis le rapporteur, ne présente qu’une partie des dépenses consacrées aux transports, en raison du rôle majeur joué par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, dans le financement des grandes infrastructures.

Établissement public administratif créé en 2004, l’AFITF est financée par des taxes qui lui sont affectées par l’État, auquel elle reverse ensuite une partie de son budget sous forme de fonds de concours, en ayant préalablement « fléché » les sommes ainsi reversées vers des projets précis, qu’il s’agisse des routes, du ferroviaire ou encore du fluvial.

Or, contrairement aux crédits budgétaires, les fonds de concours ne sont qu’évaluatifs et le Parlement ne dispose pas du budget initial de l’AFITF au moment où il examine le projet de loi de finances. En fait, comme le rappelle la Cour des comptes à propos de l’Agence, « l’ampleur du recours à la technique des fonds de concours en provenance de cet établissement permet au ministère de disposer d’une masse de ressources reportables de droit et sans limite ».

Si je ne plaide pas pour une suppression de l’AFITF, je regrette que le circuit budgétaire du financement des infrastructures rende très difficile, voire impossible, de connaître le montant qui leur est effectivement consacré.

Depuis sa création, I’AFITF a engagé 33 milliards d’euros. Selon les éléments qui m’ont été transmis, elle pourrait disposer, en crédits de paiement, de 1, 85 milliard d’euros pour ses dépenses d’intervention en 2016. À la fin de l’année 2015, il lui restait à mandater une somme d’environ 11, 85 milliards d’euros – concernant, à 63 %, le transport ferroviaire –, soit un montant correspondant à plus de six exercices, au regard de son budget actuel. Son équilibre financier apparaît donc pour le moins instable. Selon Philippe Duron, son président, l’Agence aurait besoin de pouvoir décaisser environ 2, 2 milliards d’euros chaque année pour faire face à ses engagements.

Comme vous vous en souvenez, mes chers collègues, l’AFITF aurait dû bénéficier des recettes de l’écotaxe. Or, non seulement elle n’a pas perçu ces recettes, mais elle a dû payer les indemnités accordées à Ecomouv’ en raison de la résiliation du contrat qui liait ce consortium à l’État.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, j’avais estimé à 830 millions d’euros environ la somme totale que devrait débourser l’État à la suite du fiasco de l’écotaxe. L’ardoise est, en réalité, beaucoup plus lourde, puisqu’elle s’élèvera à 969, 2 millions d’euros, montant entièrement financé par l’État, donc par le contribuable, via l’AFITF.

Pour remplacer les recettes que l’Agence aurait dû percevoir au titre de l’écotaxe et lui permettre de faire face aux décaissements engendrés, en 2015, par la résiliation du contrat, la loi de finances pour 2015 lui avait affecté la totalité du produit d’une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, sur le gazole pour les véhicules légers, à raison de 2 centimes d’euros par litre, et le déremboursement d’une partie de l’exonération sur le gazole des poids lourds, à hauteur de 4 centimes d’euros par litre, soit une somme de 1 139 millions d’euros pour l’année 2015.

Les décaissements liés à la résiliation du contrat liant l’État à Ecomouv’ étant nettement moins importants en 2016, l’article 14 du présent projet de loi de finances prévoyait que l’État n’affecterait, l’an prochain, à l’AFITF qu’une fraction du produit du relèvement de la TICPE, pour un montant de 715 millions d’euros.

La situation financière de l’AFITF étant très dégradée, le Sénat a décidé de lui affecter de nouveau, en 2016, l’intégralité du relèvement de la TICPE. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement acceptera de faire évoluer sa position sur ce dossier crucial pour le financement de nos infrastructures de transport.

J’en viens au programme 203 proprement dit.

Les crédits qui lui sont alloués connaissent une légère diminution. Sur les 3, 2 milliards d’euros du programme, l’essentiel de la dépense est constitué par la subvention, d’un montant de 2, 5 milliards d’euros, versée à SNCF Réseau, ex-Réseau ferré de France. L’entretien routier et la subvention à l’établissement public Voies navigables de France subiront, pour leur part, une légère érosion par rapport à 2015.

Pour les différentes raisons que j’ai évoquées précédemment – absence de mission propre aux transports, illisibilité du budget qui leur est consacré, situation financière dégradée de l’AFITF et sous-évaluation délibérée du coût, pour le citoyen, du fiasco de l’écotaxe –, la commission des finances propose au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

J’en viens maintenant au programme 205, « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture ». La dotation attendue pour 2016, en baisse par rapport à 2015, s’élève à 187, 3 millions d’euros en autorisations d’engagements et 184, 8 millions d’euros en crédits de paiement.

Le soutien au secteur des transports maritimes, via des exonérations de cotisations sociales patronales, absorbe 34, 7 % des crédits du programme, soit 64, 5 millions d’euros. Le transport maritime français est en effet confronté à une concurrence internationale exacerbée dans le contexte de la mondialisation. Ces crédits baisseront en 2016 en raison des pertes d’emplois dans le transport de passagers ; en revanche, les crédits consacrés aux missions régaliennes de sécurité et de sûreté en mer et à la formation des marins resteront stables.

Je dirai enfin un mot sur le compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ». Ce compte regroupe les crédits destinés à financer les trains d’équilibre du territoire – les TET –, c’est-à-dire une trentaine de lignes structurellement déficitaires dont l’exploitation est assurée par SNCF Mobilités, sous l’autorité de l’État.

Historiquement, la SNCF assurait une péréquation interne entre ses TGV, excédentaires, et les TET, déficitaires. Depuis 2010, l’État affecte des taxes au présent compte d’affectation spéciale afin de compenser le déficit d’exploitation de SNCF Mobilités dû aux TET, ainsi que la régénération du matériel roulant.

Le déficit d’exploitation de ces lignes s’est aggravé ces dernières années, la fréquentation des TET ayant diminué de 20 % depuis 2011, notamment en raison de l’essor du covoiturage. Pour tenir compte de cette réalité, les crédits de ce compte atteindront 216, 2 millions d’euros en 2016, soit une hausse significative de 13, 3 % par rapport à 2015.

La commission des finances a reconnu la nécessité de renouveler le matériel roulant de l’ensemble des lignes TET, qu’elle préconise de maintenir, tout en soulignant que la moyenne d’âge de ce matériel est de trente-cinq ans. Le Gouvernement a annoncé le renouvellement, d’ici à 2025, du matériel roulant sur les lignes TET structurantes.

La commission des finances propose donc au Sénat d’adopter les crédits de ce compte d’affectation spéciale sans modification.

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