Intervention de Charles Revet

Réunion du 1er décembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Compte d'affectation spéciale : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Photo de Charles RevetCharles Revet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne vais pas entretenir un suspense inutile : la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est déclarée défavorable à l’adoption des crédits relatifs au transport maritime du projet de loi de finances pour 2016.

La légère érosion des crédits par rapport à l’année écoulée n’est rien comparée à l’inquiétante insuffisance globale des montants dédiés aux transports maritimes. Nous avons pu, pour la première fois, disposer d’une évaluation consolidée du niveau de ces crédits, grâce à un document de politique transversale dont je réclame la réalisation depuis de nombreuses années.

Le constat est alarmant : nous consacrons moins d’un dixième de point de PIB à notre politique maritime, alors que nous possédons la deuxième zone économique maritime mondiale, avec une superficie maritime supérieure à la superficie terrestre de l’Europe entière !

En matière maritime, nous allons, semble-t-il volontairement, à rebours de toute logique économique et historique. Nous savons en effet que l’avenir d’une nation se décide depuis toujours dans ses ports. Toutes les grandes économies du monde possèdent des ports puissants et de nombreux navires pour exporter leurs productions. Il s’agit d’une loi intangible, de la Venise d’hier à la Chine d’aujourd’hui !

Que constate-t-on, aujourd’hui, s’agissant de la France ?

Le trafic de nos grands ports maritimes ne fait que diminuer, quand celui de nos voisins continue d’augmenter. Le tonnage du seul port de Rotterdam représente presque le double de celui de nos sept grands ports maritimes réunis. Le port d’Anvers manutentionne plus de conteneurs que l’ensemble des ports français. Il est devenu, aux yeux de nombreux acteurs économiques, le « premier port français », eu égard au nombre de conteneurs qu’il traite à destination ou en provenance de l’Hexagone.

Quant à notre flotte de commerce, elle subit de plein fouet la concurrence internationale et connaît une inquiétante augmentation des dépavillonnements et des faillites d’entreprises.

Alors que 90 % des échanges mondiaux transitent par la mer, nous devrions rougir du manque d’ambition de nos politiques et de la faiblesse consternante de nos investissements dans ce domaine. Ils sont dérisoires comparés aux efforts consentis par notre pays en direction de l’autre frontière du futur, le secteur aérospatial. On ne luttera pas contre la concurrence internationale par des mesures de simplification administrative !

Je salue évidemment les mesures annoncées à l’occasion du CIMER, le comité interministériel de la mer, qui s’est tenu le 22 octobre dernier. Mais soyons honnêtes : nous savons d’ores et déjà que cela ne suffira pas à inverser la tendance !

La seule solution est d’ordre économique : les pouvoirs publics doivent directement soutenir la compétitivité de notre pavillon et de nos hubs portuaires. Les directives européennes le permettent et nos voisins danois, britanniques ou italiens ne s’en privent pas !

En définitive, nous sommes bien loin des annonces grandiloquentes, chaque année répétées et jamais suivies d’effets, autour du lancement d’une politique maritime ambitieuse ou d’une nouvelle stratégie nationale de la mer et du littoral.

Nous devons regarder la réalité en face et assumer la responsabilité de ce que nous votons : nous avons de l’or bleu dans les mains et nous sommes en train de mutiler notre pays en refusant sa vocation maritime !

Je ne peux que confirmer l’avis défavorable de la commission.

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