Intervention de André Gattolin

Réunion du 1er décembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Compte d'affectation spéciale : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Comme chaque année, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sont en baisse et les suppressions d’emplois qui affectent le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie en font l’un des départements ministériels les plus touchés par la déflation des effectifs.

S’il ne fallait citer qu’un seul chiffre, je rappellerais que 7 476 emplois équivalent temps plein ont été supprimés en trois ans, ce qui représente une baisse des effectifs de l’ordre de 20 %.

À ce rythme, nous pouvons nous attendre à la disparition prochaine du ministère de l’écologie et à son remplacement, à Bercy, par un « secrétariat d’État à la fiscalité écologique au service du redressement productif de la nation » !

À ces données de départ peu engageantes s’ajoutent les nombreuses contractions de dépenses qui ne manqueront pas d’émailler l’exécution budgétaire de l’année à venir.

Comme le note d’ailleurs notre rapporteur spécial Jean-François Husson, en 2015, les effets cumulés de la réserve de précaution et des diverses annulations en cours d’année ont réduit d’environ 10 % les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » votés en loi de finances initiale.

Le tableau de ces difficultés serait incomplet si je n’évoquais pas l’existence de ressources extrabudgétaires et de dépenses fiscales significatives.

Les premières relèvent, pour un grand nombre d’entre elles, soit de circuits de financement que je qualifierai d’assez opaques, comme les programmes d’investissement d’avenir, soit d’une affectation seulement très partielle à la transition écologique, comme l’illustre le cas de la CSPE, la contribution au service public de l’électricité.

Quant aux dépenses fiscales, leur rattachement technique à la mission « Écologie, développement et mobilité durables » n’en fait ni des dépenses environnementales – je pense notamment aux multiples exonérations de TICPE sur les énergies fossiles – ni nécessairement des dépenses bien calibrées – je pense, cette fois, aux questions soulevées par le crédit d’impôt pour la transition énergétique.

Si le CITE s’apparente à une dépense de guichet dont, par définition, l’anticipation peut être complexe, l’explosion de son coût laisse malgré tout soupçonner soit un mauvais ciblage initial soit une sous-estimation inquiétante des besoins.

M. le secrétaire d’État chargé du budget répond systématiquement aux questions portant sur la baisse du niveau des crédits, en nous renvoyant au volume de ces dispositifs. Vous conviendrez que cette réponse n’est pas toujours convaincante !

En outre, il est pour le moins osé de prétendre que la hausse d’une dépense fiscale peut compenser l’amoindrissement de services et de ressources humaines dotés de compétences et de capacités d’expertise ! Ce ne sont pas les bouquets de travaux éligibles au CITE qui préviendront les prochaines catastrophes météorologiques à la place des 80 % de départs en retraite qui ne sont pas remplacés à Météo-France. Une fois de plus, la prévention des risques est sacrifiée pour laisser place à de futures coûteuses réparations.

S’il apparaît donc clairement que l’écologie constitue une des principales variables d’ajustement budgétaire du Gouvernement, l’opacité et la complexité de la structure en jeu ne permettent toutefois pas de s’en faire une idée précise.

C’est pour cela que, depuis un an maintenant, je demande au secrétaire d’État au budget de fournir à la représentation nationale une vision consolidée des sommes effectivement alloués à de véritables fins écologiques. Pour que l’évaluation ait un sens, il faudrait également y intégrer de manière distincte toutes les dépenses anti-écologiques.

Voilà deux ans, des organisations non gouvernementales avaient évalué à 20 milliards d’euros le montant des niches favorables au carbone. Il faudrait également y ajouter le coût faramineux des subventions implicites de l’État à l’industrie nucléaire. Au passage, je rappelle que, à la fin du mois de juillet, l’entreprise EDF a été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne à rembourser à l’État français 1, 37 milliard d’euros d’aides fiscales indues perçues en 1997.

Malgré de grands discours du Président de la République, le Gouvernement n’a, pour l’heure, encore jamais vraiment saisi la dimension transversale de l’écologie.

Pourtant, quitte à se lancer dans une politique de l’offre, il y avait une occasion formidable dans le principe même de développer les aides aux entreprises. Il suffisait de poser, au moins partiellement, la condition de la réduction de l’empreinte écologique, que ce soit par une reconversion intégrale de leurs activités ou par une optimisation partielle de leurs procédés.

De même, la fiscalité écologique n’a de sens que si son produit est réinvesti dans l’adaptation de l’économie aux nouvelles contraintes environnementales et climatiques. Malheureusement, le Gouvernement a choisi dès le début de l’affecter au financement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui perpétue le vieux modèle productiviste. Aujourd’hui, il l’utilise pour alimenter le budget général, allant jusqu’à réinventer une sorte de vignette automobile, en affectant la fiscalité sur le diesel aux baisses d’impôts en faveur des contribuables les plus âgés.

Tout en s’en défendant, le Gouvernement alimente lui-même l’idée d’une écologie punitive, nous faisant ainsi passer à côté de son énergie positive et créatrice.

Face à un budget toujours en baisse et à une fiscalité écologique reléguée en projet de loi de finances rectificative, les écologistes proposent de rebaptiser la mission « Écologie, développement et mobilité durables » en « mission impossible » et voteront donc contre ces crédits.

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