Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais évoquer le programme 203, « Infrastructures et services de transports ».
Comme beaucoup de vos prédécesseurs, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes confronté au problème que nous rencontrons depuis plusieurs décennies, depuis que nos budgets sont en déficit : les investissements civils constituent une variable d’ajustement budgétaire, rendant difficile le financement des infrastructures de transport, dont le besoin est pourtant réel, et d’abord pour la croissance. Loyola de Palacio rappelait ainsi, lorsqu’elle était commissaire chargée des transports au sein de la Commission européenne, que le déficit d’infrastructures en Europe coûtait 0, 7 point de croissance chaque année sur le continent.
Toutes les enquêtes menées sur l’attractivité de la France indiquent que les infrastructures de transport en constituent un élément. De nombreux projets sont en cours, des travaux sont engagés, mais nous sommes face à une impasse dans le financement, qui nous oblige, d’ailleurs, à une humilité collective.
La taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, avait été créée pour financer les transports, avant d’être entièrement reversée au budget général. En 1995, la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, dite « loi Pasqua », a institué le Fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, qui a été doté de certaines redevances domaniales, de la redevance hydroélectrique et d’une taxe autoroutière.
Quelques années plus tard, le FITTVN a été emporté par une réforme menée par Lionel Jospin, à laquelle, d’ailleurs, son ministre des transports ne souscrivait pas. Puis, nous avons créé l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, considérant qu’un nouvel outil était nécessaire pour imaginer de nouvelles recettes.
Le Grenelle de l’environnement a ensuite été voté unanimement, avec une recette affectée à l’AFITF permettant de financer les infrastructures. Après des manifestations, plus personne ne s’est souvenu que nous avions collectivement voté le Grenelle de l’environnement ! Aujourd’hui, les uns reprochent au Gouvernement d’avoir abandonné, les autres d’avoir signé un mauvais contrat qui aurait coûté trop cher.
Avec tout cela, le problème du financement des transports est toujours devant nous. L’an dernier, nous y avons consacré une partie de la TICPE – la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques –, que nous rognons un peu cette année, parce qu’il faut bien assurer l’équilibre budgétaire.
Pour autant, Marie-Hélène Des Esgaulx l’a rappelée à juste titre, certains financements sont assurés, avec un stock présent de 11, 8 milliards d’euros, dont 63 % pour le ferroviaire.
Dans ce contexte, et malgré ces difficultés, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a eu le courage – je ne dis pas l’irresponsabilité, parce que je lui en suis reconnaissant – de lancer de nouveaux projets et d’inscrire dans la continuité le financement de quelques infrastructures, comme le canal Seine-Nord, d’une part, et la liaison ferroviaire Lyon-Turin pour les voyageurs et pour les marchandises, d’autre part. Cela n’a pas toujours été le cas dans le passé ! Il a, de même, pris des engagements vis-à-vis de l’Union européenne concernant la part de financement que la France apportera, conjointement avec l’Italie, à ce dernier projet.
Nous sommes lucides et, comme la Cour des comptes l’avait annoncé, nous avons constaté notre incapacité à financer cette infrastructure sur des ressources strictement budgétaires.
Michel Destot et moi-même avons formulé des propositions dans notre rapport sur le sujet, comme la mise en place de l’eurovignette. Ce dispositif constitue une chance offerte par la Commission européenne, dans la mesure où, à la différence de l’écotaxe, d’une part, il s’agit d’une recette prélevée sur le territoire concerné par l’infrastructure à réaliser et, d’autre part, on ne peut l’affecter qu’au financement de l’infrastructure pour laquelle elle est levée. Cela la place à l’abri des tentations prédatrices menaçant les recettes affectées aux transports dans notre pays, dont je viens de rappeler les effets.
Monsieur le secrétaire d’État, le Premier ministre nous a indiqué que nous pourrions mettre en œuvre l’eurovignette dans le projet de loi de finances pour l’an prochain, dès lors qu’il s’agira de financer un chantier en cours. Il ne faudrait pas, en effet, que cette réalisation se fasse au détriment des autres besoins de financement d’infrastructures.
Par conséquent, nous serons amenés à prendre en cours d’année un certain nombre de décisions préparatoires à la mise en place de l’eurovignette, afin de rédiger les textes réglementaires et d’adopter les quelques dispositions législatives probablement nécessaires, certaines pouvant s’inspirer de ce qui avait été prévu pour l’écotaxe. Ce travail préparatoire est nécessaire, si nous voulons être opérationnels l’an prochain et ainsi, au moins, garantir l’essentiel du financement de ce projet.
Je souhaite donc saluer cette décision du Gouvernement, mais aussi rappeler que, malheureusement, si celle-ci règle partiellement le dossier du Lyon-Turin, elle ne résout pas le problème du financement de nos infrastructures dans son ensemble.
Mes chers collègues, cela nous oblige à une réflexion collective responsable pour définir la voie à suivre en période de fortes contraintes budgétaires. Certains choix doivent être faits, en harmonie. Je suis de ceux qui ont regretté les discussions sur le versement transport, qui ont abouti à en réduire l’assiette au moment où nous avons besoin de financement pour les infrastructures de transport collectif en ville.
De même, il me semble essentiel d’obtenir une réponse au sujet du rendement très faible de la taxe créée dans la loi Borloo sur l’immobilier, pour financer les infrastructures grâce aux effets d’aubaine existant dans ce secteur.