Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, la mission « Santé » de la loi de finances est l’un des leviers d’action en faveur de notre politique de santé publique.
Les chiffres indiquent que le budget général de cette mission est en hausse de 4, 7 % en 2016. Compte tenu de l’importance des programmes qu’il finance, nous aurions donc pu pleinement nous en réjouir.
Pourtant, en y regardant de plus près, on s’aperçoit rapidement que cette hausse globale masque des disparités entre les programmes. En effet, d’un côté, le budget du programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », est en baisse de 2, 6 % – cette année encore –, quand, de l’autre, les crédits du budget du programme 183, « Protection maladie », augmentent.
Je regrette que la prévention soit négligée au sein des diverses actions, alors que l’on sait qu’elle procure des économies substantielles à moyen et long terme. Je pense plus particulièrement à l’action n° 12, Accès à la santé et éducation à la santé, dont le budget baisse de presque 5 % cette année, et à l’action n° 14, Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, dont les crédits sont, eux, amputés de plus de 13 % par rapport à l’année dernière !
Les maladies chroniques constituent pourtant l’une des principales sources de dépenses pour l’assurance maladie, car elles touchent de plus en plus de personnes dans notre pays.
Ces maladies sont liées à des facteurs environnementaux, à la dégradation de notre qualité de vie et au vieillissement, et doivent faire l’objet non seulement d’un traitement le plus précoce possible, mais aussi de mesures de prévention renforcées, si l’on veut éviter de devoir traiter des pathologies devenues, faute de soins, très lourdes et très coûteuses. Il ne nous semble donc pas du tout opportun de soumettre l’action n° 14 à un tel effort budgétaire.
L’aide médicale d’État a également pour objectif d’anticiper le développement de pathologies plus graves. Si ce dispositif voit son budget augmenter cette année, la majorité sénatoriale compte toutefois, si l’on en juge par les amendements qui seront examinés dans quelques instants, en réduire les crédits de manière drastique.
Certes, l’AME est un dispositif de solidarité, mais il s’agit aussi d’un dispositif fondamental en matière de santé publique, puisqu’il permet d’éviter le développement de maladies qui ne font pas de différence entre les patients bénéficiant d’une protection sociale et les autres, et qui se développent sur le terreau de la misère !
Ensuite, outre que l’AME correspond à une vision humaniste de la société, que nous sommes nombreux à partager, elle empêche les personnes malades d’être prises en charge tardivement, alors que leur situation est devenue urgente.
L’amendement qui a pour objet de restreindre le bénéfice de l’AME aux patients dont les pathologies sont les plus urgentes nous paraît donc contre-productif. S’il était adopté, mes chers collègues, des pathologies simples qui auraient pu être soignées rapidement et avec un coût modeste ne seraient pas traitées et pourraient dégénérer en maladies graves.
Plusieurs rapports de l’IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, et de l’IGF, l’Inspection générale des finances, qui portent sur l’évolution des dépenses de l’AME et qui datent respectivement de 2007 et de 2010, ainsi que de nombreuses études d’associations comme Médecins du Monde, montrent clairement les effets négatifs du report de soins sur les dépenses. Par ailleurs, à qui reviendrait la décision de déterminer ce qui est urgent ou non, ce qui est grave ou ne l’est pas ? Le choix pourrait paraître totalement arbitraire !
L’amendement qui tend à mettre en place le paiement d’un droit annuel pour bénéficier de l’AME s’inscrit dans la même logique que les franchises qui ont déjà été mises en œuvre en 2011, avant d’être supprimées en 2012. Il s’agit d’une mesure fortement dissuasive pour les populations précaires et très démunies qui, devant un tel obstacle, renonceraient tout simplement à se soigner. L’expérience a bien montré par le passé que ce type de mesures n’a aucun effet positif sur le niveau des dépenses de l’AME, dans la mesure où elles conduisent notamment à un report des soins de la part des patients.
Je souhaiterais également évoquer en quelques mots les dispositions relatives à l’accompagnement et l’indemnisation des victimes de l’amiante, qui figurent dans le présent projet de loi de finances.
Tout d’abord, la contribution de l’État au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est reconduite pour l’année 2016, l’Assemblée nationale ayant même augmenté son montant en première lecture. Nous nous en réjouissons, même si nous estimons que, compte tenu de l’ampleur de l’épidémie des maladies liées à l’amiante et de la responsabilité de l’État, qui a trop tardivement interdit ce matériau cancérogène, elle pourrait être bien plus élevée !
Ensuite, nous soutenons fortement la mesure qui figure à l’article 62 quinquies : elle prévoit une remise de créance en faveur des victimes ou ayants droit débiteurs du FIVA. Après plusieurs années de combat, que cela soit enfin acté est une excellente chose !
Enfin, même si le dispositif ne concerne pas encore tout le monde, nous saluons la mesure inscrite à l’article 57 du présent projet de loi de finances. Cette mesure donne le droit aux fonctionnaires qui ont contracté une maladie liée à l’amiante d’avoir accès à une indemnisation. C’est un pas supplémentaire vers l’objectif d’une indemnisation de tous les malades de l’amiante.
À ce sujet, madame la secrétaire d’État, nous attendons avec impatience la création, espérée par beaucoup, d’une voie d’accès individuelle à l’allocation de cessation anticipée d’activité pour les travailleurs de l’amiante, afin qu’il n’y ait plus aucun malade laissé de côté.
Mes chers collègues, si nous trouvions le texte adopté par l’Assemblée nationale plutôt équilibré, malgré les regrets que je viens d’exprimer, nous réservons notre vote et prendrons notre décision en fonction des débats qui se dérouleront tout à l’heure et des amendements qui seront votés sur cette mission.