Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, en préambule de mon intervention sur la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2016, je veux remercier avec respect toute la communauté soignante, qui, lors des odieux attentats du 13 novembre dernier, a accompli ses missions avec un investissement exemplaire.
Nous sommes fiers de la médecine en France, de celles et de ceux qui la servent, quels que soient leurs fonctions, leur mode d’exercice et leur lieu d’exercice. Rien ne sera plus comme avant ; il y a désormais un avant et un après-13 novembre. En tant qu’élus de la nation, nous nous devons de mesurer notre responsabilité. Le débat politique doit évidemment reprendre ses droits, car il est le fondement de la démocratie.
Lors de la réunion de la commission, notre rapporteur n’a pas souhaité donner un avis positif sur la mission « Santé » du budget 2016, en raison, en particulier, du programme 183 sur les crédits de financement de l’aide médicale de l’État. De ce fait, les sénateurs socialistes de la commission ont émis un avis négatif sur son rapport. Selon la règle mathématique « moins par moins égale plus », je ne perds pas espoir que notre débat devienne positif…
En tout état de cause, le groupe socialiste du Sénat accompagne le Gouvernement et émet un avis positif sur les crédits de la mission « Santé ». En effet, avec 1, 26 milliard d’euros, ces crédits sont en hausse de 4, 7 % par rapport à 2015. Si certains peuvent considérer cela comme insuffisant, l’augmentation est substantielle dans un contexte d’encadrement budgétaire.
Deux programmes placés sous l’autorité de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé se répartissent ces crédits : 44 % sont consacrés aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et à l’offre de soins – le programme 204 –, et 56 % à l’aide médicale de l’État – le programme 183.
La mission « Santé », dans le cadre de sa programmation pluriannuelle, s’inscrit dans une politique globale de santé et vise trois grands objectifs : développer la politique de prévention, assurer la sécurité sanitaire et organiser une offre de soins de qualité de façon égale et adaptée entre nos concitoyens et entre les territoires.
L’année 2016 sera marquée par une réorganisation des agences sanitaires, avec la création de l’Agence nationale de santé publique. Cette nouvelle agence, en regroupant l’ensemble des missions jusqu’alors dévolues à trois opérateurs – l’Institut national de veille sanitaire, l’InVS, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, et l’Établissement de préparation et de réponses aux urgences sanitaires, l’EPRUS –, doit permettre de développer une action plus efficace en matière de santé publique et d’améliorer la réponse aux risques sanitaires. Le groupe socialiste du Sénat approuve cette création et sera attentif à sa bonne mise en œuvre.
Mme la rapporteur pour avis, même si nous ne partageons pas sa vision globale sur la mission « Santé », fait des analyses intéressantes sur les difficultés rencontrées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, la subvention à cette agence représentant à elle seule 40 % du montant total du programme 204.
Nous serons attentifs aux évolutions touchant cette jeune agence, tant il semble qu’elle rencontre des difficultés d’organisation et de fonctionnement, comme l’ont mis en évidence la Cour des comptes en 2014 et l’Inspection générale des affaires sociales en 2015.
Après avoir souligné la qualité et l’intérêt du rapport de Mme Imbert sur certains aspects, j’en viens à ce qui nous oppose principalement sur cette mission, à savoir l’aide médicale de l’État, puisque c’est sur ce point précis que notre rapporteur justifie le vote négatif de la majorité sénatoriale.
Il me paraît important de faire un rapide rappel historique au sujet de l’AME, tant celle-ci alimente nombre de fantasmes et de contrevérités.
L’aide médicale de l’État, telle qu’on la connaît aujourd’hui, est entrée en vigueur le 1er janvier 2000 et est octroyée sous de strictes conditions que je ne rappellerai pas, M. le rapporteur spécial les ayant déclinées. Toutefois, il faut savoir que l’aide médicale de l’État n’est pas née avec la réforme créant la couverture maladie universelle, en 1999 : les étrangers ont toujours été couverts par l’aide médicale depuis sa création au XIXe siècle, en 1893. Ce qui a changé en 1999, c’est que l’aide médicale est passée d’un système de couverture santé des démunis à un système de couverture santé des seuls étrangers démunis sans titre de séjour.
Les étrangers en situation irrégulière ont bénéficié de la couverture santé de droit commun dans des conditions identiques aux Français, soit en tant que personnes démunies, et ce depuis 1893, soit en tant que travailleurs, aucun titre de séjour n’étant demandé pour être affilié à la sécurité sociale de sa création en 1945 à 1993. C’est la réforme dite « Pasqua » de 1993 sur l’immigration qui a exclu les « sans-papiers » de toute prestation sociale, à l’exception de l’aide médicale.
Le dispositif de l’aide médicale de l’État a connu de nombreux aménagements. Ainsi, en 2007, ont été mises en œuvre des mesures destinées à en améliorer la gestion : création expérimentale d’un titre sécurisé, extension du dispositif du tiers payant contre génériques, contrôle médical étendu aux bénéficiaires de l’AME.
Malgré l’opposition de la gauche, plusieurs mesures remettant dangereusement en cause ce dispositif ont été votées en 2011 : restriction du panier de soins aux seuls actes dont le service médical est important ou modéré, ce qui est bien difficile à déterminer, création d’un ticket d’entrée annuel par adulte bénéficiaire de l’AME.
Conformément à l’engagement du Président de la République François Hollande, la gauche a supprimé, en 2012, le droit de timbre et l’obligation d’obtenir un agrément préalable pour la délivrance de soins hospitaliers programmés coûteux, les centres communaux et intercommunaux d’action sociale et les associations agréées pouvant de nouveau constituer les dossiers.
Parallèlement, la modification du mode de tarification à l’hôpital public des bénéficiaires de l’aide a permis, en 2012, de réaliser une économie de 25 % par rapport à ce qu’auraient coûté les séjours selon l’ancienne tarification. L’instauration du droit de timbre n’avait en réalité permis qu’une dégradation de l’état de santé des personnes concernées du fait du report des soins.
J’ai souhaité faire ce rapide rappel historique pour la sérénité de nos débats. Je veux, mes chers collègues, insister sur le fait que, pendant longtemps, l’hôpital a associé une fonction d’hospitalité à une fonction soins pour les plus démunis. D’ailleurs – Alain Milon ne me démentira pas –, le centre hospitalier universitaire de Lille s’appelait la Cité hospitalière.
Je veux également rappeler l’action entreprise par Xavier Emmanuelli avec le SAMU social, sous la présidence de Jacques Chirac, assurant l’hospitalité pour les plus démunis en lien avec les actions des collectivités locales, essentiellement les municipalités et les départements, l’hôpital se recentrant plus spécifiquement sur sa fonction soins.
L’aide médicale de l’État a un coût budgétaire important, je n’en disconviens pas : 744 millions d’euros, en progression de 9, 9 % par rapport aux crédits initialement alloués. Toutefois, c’est une dépense totalement légitime, au titre de l’humanisme, de la solidarité, mais aussi en termes de santé publique.
Je suis très concernée par ce sujet, étant élue d’un département, le Pas-de-Calais, qui connaît une crise très importante dans l’accueil des migrants. Je puis vous garantir que ceux d’entre eux qui souhaitent bénéficier de l’aide médicale de l’État ne sont pas des fraudeurs.
S’il faut être attentif à la fraude – le Gouvernement l’est, comme nous le sommes tous collectivement –, je veux insister sur ce constat : dans les cas de détournement, il y a deux protagonistes, à savoir ceux qui le sollicitent et ceux qui en permettent la réalisation.
En conclusion, je veux dire une nouvelle fois que le groupe socialiste du Sénat votera les crédits de la mission « Santé » du budget 2016. Dans le contexte très particulier que nous vivons, il me paraît important de nous retrouver sur l’essentiel, à savoir nos valeurs humanistes.