Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2016, je m’attacherai plus précisément à l’action relative à l’aide médicale d’État, qui constitue l’essentiel du programme 183. À cet égard, je tiens à rappeler, comme l’a dit Jean-Pierre Godefroy, l’inscription de 10 millions d’euros en faveur du FIVA.
Les crédits consacrés à l’AME sont fixés à 744, 5 millions d’euros pour 2016, soit 700 millions d’euros pour l’aide médicale de droit commun couvrant les dépenses avancées par la Caisse nationale d’assurance maladie, 40 millions d’euros au titre des soins urgents et 4, 5 millions d’euros destinés à des dispositifs particuliers, dont les gardés à vue. La dépense moyenne annuelle pour un bénéficiaire de l’AME reste stable : elle était de 2 846 euros en 2007, de 2 829 euros en 2008 et de 2 823 euros en 2014. Elle représente moins de 0, 2 % des dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base. Je dis cela pour redonner la mesure du débat et rappeler la réalité des chiffres.
La dépense est-elle justifiée ? La réponse de tous les experts et de tous les responsables dans ce domaine est unanime. Oui, la dépense est nécessaire ! Elle l’est d’abord du point de vue de la santé publique ; elle l’est aussi du point de vue économique ; elle l’est, enfin, au titre des valeurs qui fondent notre pays.
La responsabilité de l’État est d’assurer la sécurité sanitaire sur l’ensemble du territoire national : permettre que des personnes éventuellement porteuses de maladies contagieuses, qui plus est en situation précaire, ne se soignent pas ou retardent le moment de consulter un médecin ou un service comporte un risque de propagation qui ne peut être ni pris ni accepté.
En outre, les prises en charge retardées entraînent une dépense beaucoup plus élevée pour la collectivité, particulièrement à l’hôpital, avec la mobilisation de structures lourdes et d’un grand nombre de personnels. Le coût de ce phénomène de report de soins nous est connu, de même que ses conséquences sur les services d’urgence. C’est pourquoi le maintien de l’accès aux soins est aussi un facteur de la maîtrise des coûts.
Deux rapports conjoints de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances soutiennent sans ambigüité cette analyse : en 2007, à l’issue d’une mission d’audit, la mise en œuvre d’un droit d’entrée pour l’AME est déconseillée et la définition d’un panier de soins qualifiée d’« irréaliste » ; en 2010, les conclusions d’un second rapport consacré à l’analyse de l’évolution des dépenses au titre de l’aide médicale d’État, tendent à démontrer que l’instauration d’un droit d’entrée risque de se révéler contre-productive, en incitant à un recours tardif à l’hôpital avec des frais ultérieurs plus élevés, en faisant courir des risques sanitaires aux intéressés, mais aussi à l’ensemble de la population dans le cas de maladies transmissibles.
Ces conclusions contredisent directement et clairement le bien-fondé des mesures de restrictions d’accès à l’AME adoptées en loi de finances pour 2011, au point que la publication du second rapport, achevé en novembre 2010, a été retardée de quelques mois après l’examen du projet de loi de finances, car ses conclusions devaient déranger !
À partir de 2012, ce gouvernement a pris des décisions exactement inverses aux précédentes en abrogeant ces mesures non recommandées et en mettant en œuvre celles qui l’étaient, comme, j’y insiste, la création d’un titre d’admission sécurisé à l’AME, la mise en place d’un processus d’instruction des dossiers modélisée dans le cadre d’un plan de maîtrise harmonisé sur l’ensemble du territoire et permettant un contrôle interne, la reconnaissance au service du contrôle médical d’une compétence générale pour les prescriptions délivrées aux bénéficiaires de l’AME.
A également été mis en œuvre, comme cela était recommandé dans le rapport de 2010, un nouveau mode de tarification des prestations hospitalières pour les bénéficiaires de l’AME en MCO, médecine chirurgie obstétrique, mode qui permettra en 2016 une économie de 60 millions d’euros.
Cette réforme a été poursuivie au travers de la loi de financement de la sécurité sociale de 2015, avec l’extension de ces règles de tarification et de facturation à la délivrance des soins urgents.
S’agissant de la nature des soins délivrés, le décret du 3 février 2015 exclut du panier de soins couverts les médicaments à faible service médical rendu. Je rappelle, pour éviter tout fantasme, que les frais liés à la procréation médicalement assistée ou aux cures thermales sont d’ores et déjà exclus de l’AME.
Les crédits consacrés à l’aide médicale d’état sont donc l’objet d’un encadrement strict rationnel, préservant l’objectif de cette mission, qui est d’assurer une prise en charge la plus précoce possible dans un souci essentiel de santé publique.
Pour mémoire – Catherine Génisson l’a bien souligné tout à l’heure –, mes chers collègues, l’aide médicale date, sous la forme de secours, de 1793, et, sous celle d’une assistance médicale gratuite, de 1893. Par conséquent, pendant deux cents ans, toute personne dépourvue de ressources pouvait être soignée, sans aucune considération d’origine.
Je n’oublie pas non plus de mentionner les conclusions des rapports précités sur la fraude : celle-ci serait marginale et concernerait seulement 54 cas en 2014, pour un préjudice de 130 000 euros. Les propositions de restrictions de droits de nouveau soumises à notre approbation aujourd’hui ne s’appuient réellement sur rien, hormis des a priori, voire certains préjugés. En tout état de cause, elles sont dangereuses pour la santé, mais aussi pour les finances de notre protection sociale.