Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 1er décembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Égalité des territoires et logement

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Ce budget présente pour première caractéristique de connaître une forte hausse, de près de 33 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Toutefois, cette hausse est essentiellement due à la montée en puissance du pacte de responsabilité et de solidarité et au transfert, au budget de l’État, de 4, 7 milliards d’euros de cotisations sociales. Il faut donc entrer dans le détail des crédits de la mission pour y voir clair et, malheureusement, c’est là que les choses se gâtent.

Pour ce qui concerne le programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », je commencerai par saluer la poursuite de l’effort budgétaire en direction de la création de places d’hébergement de toutes natures.

Cependant, malgré une augmentation de près de 6 % des crédits du programme, je ne peux que constater, comme l’an dernier, que ceux-ci seront nettement insuffisants. En effet, avec 1, 5 milliard d’euros, ces crédits sont d’ores et déjà inférieurs de 85 millions d’euros à ce que sera le réalisé de 2015, tel qu’il nous apparaît aujourd’hui, après deux décrets d’avance et un dernier abondement à venir dans le prochain projet de loi de finances rectificative.

Quant à l’objectif de réduction du nombre de nuitées hôtelières encore affiché pour l’année prochaine, autant dire, mes chers collègues, qu’il relève du vœu pieu !

Madame la ministre, cette situation d’insincérité chronique des crédits de ce programme n’est plus acceptable.

S’agissant du programme 109, « Aide à l’accès au logement », il convient, au-delà du mouvement de rebudgétisation du financement du fonds national des aides à la pierre, le FNAL, de s’attarder sur les réformes retenues par le Gouvernement concernant le calcul des aides.

Rappelons que l’objectif initial du Gouvernement était ambitieux, puisqu’il s’agissait de réaliser 1 milliard d’euros d’économies. Au final, le Gouvernement n’espère plus trouver qu’environ 200 millions d’euros.

Pourtant, les idées ne manquaient pas dans les nombreux rapports disponibles, qu’il s’agisse de ceux de la commission des finances du Sénat, des enquêtes réalisées par la Cour des comptes en application de l’article 58, alinéa 2, de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, des rapports des grands corps de l’État, du rapport de notre collègue député François Pupponi…

Vous auriez donc pu aller plus loin, madame la ministre, tout en préservant le caractère indéniablement redistributif de ces aides.

À cet égard, la commission des finances souhaiterait que soit étudiée la définition d’un véritable taux d’effort minimal, mais également que soit revu le sujet manifestement tabou de l’APL étudiant, versée aujourd’hui sans condition de ressources des parents.

Je me réjouis cependant que l’idée d’une dégressivité des aides au-delà d’un loyer plafond, que je défends ici depuis plusieurs années, ait enfin été retenue pour lutter contre leur caractère parfois inflationniste.

Revenons aux crédits eux-mêmes, en partant de ce que sera la situation, à la fin de l’année 2015, du FNAL, vis-à-vis duquel l’État aura une dette aujourd’hui estimée à 215 millions d’euros.

Les crédits proposés pour 2016 ne permettront pas de résorber cette dette. En espérant que les réformes engagées permettent bien d’économiser les 200 millions d’euros attendus, il faudrait encore que les autres hypothèses que vous avez retenues, madame la ministre, se révèlent exactes !

Vous tablez sur une progression de 100 millions d’euros de la part encore versée au FNAL par les employeurs. Or celle-ci ne peut résulter que d’une amélioration de la conjoncture économique !

Vous comptez aussi sur une baisse du nombre des allocataires et/ou des montants versés. Mais, pour l’obtenir, il faut également que la conjoncture s’améliore sensiblement et que le nombre de chômeurs diminue ! Permettez-moi d’en douter, surtout après la publication des chiffres du chômage du mois dernier... Peut-être obtiendrez-vous une stabilisation du nombre des allocataires et des sommes à engager – nous le souhaitons, du reste ! Toutefois, envisager une baisse nous semble déraisonnable.

Dans ces conditions, il est quasiment certain que le programme 109 est, au total, sous-doté d’environ 300 millions d’euros.

Madame la ministre, sur les aides personnelles comme sur l’hébergement d’urgence, l’insincérité chronique ne peut plus être la règle.

Je veux maintenant évoquer les aides à la pierre, qui relèvent du programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ».

Dans le projet de loi déposé à l’été par le Gouvernement, il ne restait plus que 100 millions d’euros de crédits de paiement, autant dire rien, puisqu’un prélèvement exceptionnel de 100 millions d’euros sur la trésorerie de la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, était opéré par ailleurs au profit du budget général de l’État. Eh oui, mes chers collègues, 100 millions d’euros moins 100 millions euros égalent bel et bien zéro ! Ce tour de passe-passe budgétaire s’inscrit dans une tendance lourde, qui fait craindre à beaucoup la disparition totale de ces crédits budgétaires.

Heureusement, le Président de la République a décidé de se rendre au congrès HLM de Montpellier et, manifestement, il a eu peur d’y arriver les mains vides. C’est ainsi que 150 millions d’euros de crédits budgétaires sont opportunément venus abonder les 100 millions d’euros initialement prévus…

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