Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, d’une année sur l’autre surgissent les mêmes travers, reviennent les mêmes questions.
Une fois de plus, le périmètre de la mission a été largement modifié à la suite du transfert à l’État du financement de l’allocation de logement familiale.
Une fois de plus, les crédits inscrits en loi de finances sur le programme 177 et le programme 109 sont insuffisants et doivent faire l’objet d’abondements importants en cours d’année, ce qui, comme le remarque notre rapporteur de la commission des affaires économiques, pose la question de la sincérité de ce budget.
Autre travers constant, celui de la boulimie législative relancée par l’annonce d’un volet logement dans le projet de loi « égalité et citoyenneté », actuellement en préparation. Souhaitons, madame la ministre, que ce texte permette des simplifications bienvenues et, surtout, qu’il soit le point de départ d’une stabilisation des dispositifs, gage de sécurité et de confiance pour les ménages et tout le secteur de la construction et du logement.
Car une autre constante existe depuis 2012, celle de la baisse ininterrompue des permis de construire et des mises en chantier : plus de 55 000 emplois perdus dans le bâtiment entre octobre 2013 et avril 2015 ; sur les 150 000 logements sociaux programmés en 2014, seulement 106 414 ont été réalisés ; un objectif de 500 000 logements par an, mais 350 600 mises en chantier sur un an à fin septembre 2015. Les derniers chiffres semblent indiquer une légère reprise ; il était important qu’elle arrive ; espérons qu’elle durera.
Permettez-moi de revenir rapidement sur quatre points de cette mission.
Premièrement, le vote en première lecture par l’Assemblée nationale du renforcement, à hauteur de 96, 02 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, des crédits de l’hébergement d’urgence du programme 177 au titre de l’engagement de la France à accueillir 30 000 réfugiés, dont une partie pour l’hébergement d’urgence et l’autre – 26 millions d’euros – pour l’APL.
De son côté, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a abondé les moyens alloués à l’immigration et à l’asile de 72, 4 millions d’euros, dont une partie sera consacrée à l’aide aux communes pour l’hébergement et le logement des personnes réfugiées et l’autre à la prise en charge des demandeurs d’asile.
Madame la ministre, j’aimerais comprendre comment vont s’articuler les programmes 303 et 177 ? Entre hébergement d’urgence et hébergement de demandeurs d’asile, le tout avec des financements de chaque côté, on a beaucoup de mal à voir comment tout cela va évoluer. Quels sont ces 30 000 réfugiés appelés à être pris en compte dans le cadre des dispositifs d’hébergement de droit commun ? On comprend la nécessité d’un financement supplémentaire, mais combien de personnes peuvent être accueillies aujourd’hui dans de bonnes conditions dans le cadre de cet hébergement d’urgence de droit commun, déjà « embolisé » par l’accompagnement de déboutés du droit d’asile et de personnes en situation irrégulière ? On a beaucoup de mal à comprendre comment les deux cadres budgétaires vont pouvoir coexister et ce qui va se passer d’amont en aval du dispositif.
Deuxièmement, le financement pérenne de l’Agence nationale de l’habitat – sujet déjà évoqué lors de la discussion de l’article 14. On ne peut remplir les objectifs ambitieux de rénovation énergétique, en particulier ceux du parc privé, comme nous l’ont précisé les deux rapporteurs, si nous ne donnons pas à l’Agence, eu égard au nombre croissant de missions qui lui sont confiées, les moyens pérennes de son action.
Dans le débat sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte, j’avais proposé de créer un fonds de financement de l’ANAH. La question reste plus que jamais d’actualité. On a rappelé que le FART était bien pris en compte pour 2016, mais que se passera-t-il ensuite ?
Vous savez que deux politiques nouvelles ont été affectées à l’ANAH : les conventions financières avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et les programmes de requalification des centres-bourgs. Or ces deux nouvelles missions dévolues à l’ANAH n’ont pas de traduction financière.
Ce n’est pas dramatique pour 2016, qui est une année charnière, mais où trouver les ressources pour 2017 ? Comment accompagner ces deux nouvelles politiques publiques qui vont monter en puissance alors qu’il a fallu, afin de pouvoir boucler le budget, supprimer les crédits « Habiter mieux » pour les ménages modestes ? Comment mettre en place un programme Habiter mieux à la hauteur des ambitions de la COP 21, c’est-à-dire à même de financer les ménages modestes ? Comment le ministère de l’environnement et le ministère du logement peuvent-ils utiliser les moyens du fonds de transition énergétique pour servir les ambitions de la COP 21 et les besoins de notre pays ?
Troisièmement, la réforme à la marge des aides au logement engagée dans cette loi de finances. Bien que le terrain ait été préparé, que les rapports soient nombreux et que l’effet inflationniste de ces aides ait été largement dénoncé, le Gouvernement peine à les réformer de manière structurelle.
Pour ma part, je retiendrai la sixième recommandation de la Cour des comptes qui nous invite à réfléchir à une fusion des APL avec les minima sociaux et la prime d’activité. Et je souhaiterais que le Sénat puisse être force de proposition sur cette question.