Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la France est une puissance d’influence. Chacun des orateurs qui m’ont précédée à cette tribune a rappelé certains éléments qui y contribuent. Pour ma part, je mentionnerai que notre pays est une puissance nucléaire, qu’il est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et qu’il dispose du troisième réseau diplomatique au monde.
Notons que, d’ici à 2017, le redéploiement du réseau diplomatique fera de nos représentations en Chine, aux États-Unis et au Maroc les premières ambassades françaises par leur taille. Au centre du réseau diplomatique figureront – c’est un fait important – les pays émergents du G20.
Je voudrais aussi dire deux mots sur l’émergence d’une diplomatie économique, concomitante de l’élargissement des compétences du ministère des affaires étrangères au commerce extérieur et au tourisme.
À propos du tourisme, dans cette période où les attentats ne manqueront pas d’avoir une incidence importante – espérons simplement qu’elle ne sera pas durable –, on évalue entre 85 millions et 88 millions le nombre de touristes qui auront visité la France en 2015. On en prévoit 90 millions en 2017 et 100 millions à l’horizon 2020, ce qui devrait permettre d’engranger des recettes importantes : plus de 2 milliards d’euros d’ici à 2016.
La politique de délivrance des visas dans un délai de quarante-huit heures devrait accroître l’attractivité de la France : en 2014, l’augmentation du nombre de visas délivrés à des ressortissants chinois a ainsi atteint 57 %.
Je voudrais surtout insister sur la diplomatie sanitaire mondiale de notre pays, tout simplement parce que la France joue dans ce domaine un rôle moteur. Elle est le deuxième contributeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, créé en 2002. La France a été, en 2006, à l’origine de la création d’UNITAID, organisation internationale d’achat de médicaments. La France est par ailleurs leader du groupe « Diplomatie et Santé » à l’ONU. En somme, son action en ce domaine est globale, élargie et ambitieuse.
Pour autant, à l’évidence, de nombreux défis subsistent. Le monde est ouvert : il est plus compétitif, plus connecté et plus risqué.
Plus connecté : le numérique s’impose dans tous les domaines. Ainsi, en matière de tourisme, qui devient une activité essentielle, 90 % des voyageurs consultent internet et 84 % y choisissent leur hôtel. Signalons à ce propos le nouveau portail destiné aux touristes du ministère des affaires étrangères : « France.fr ».
Plus risqué : c’est le fait, évidemment, des guerres et des crises économiques permanentes, mais aussi des épidémies. Nous rentrons probablement, à cet égard, dans une ère nouvelle.
Je voudrais en particulier insister sur une maladie qui frappe le monde entier, notamment l’Europe : la tuberculose.
Je rentre du Cap, en Afrique du Sud, où se tenait un sommet international des parlementaires contre la tuberculose et le sida. La tuberculose est la première cause de mortalité au monde. En deux siècles, elle a plus tué que le VIH, la malaria, le choléra, la fièvre jaune et Ebola cumulés.
La tuberculose est causée par une bactérie. Un traitement préventif existe pour les enfants – le BCG, que chacun connaît –, mais il n’y a pas de vaccin pour les adultes. Un porteur de la tuberculose infecte en moyenne quinze autres personnes. Par ailleurs, une nouvelle forme de la bactérie, dite « multi-résistante », résiste à tous les traitements.
La tuberculose est la maladie de la pauvreté. Elle se transmet par l’air, c’est-à-dire très facilement.
En 2014, 9, 5 millions de nouveaux cas ont été détectés dans le monde, 13 % des malades recensés étaient aussi atteints du VIH. Je rappelle à cette occasion que le VIH tue encore 37 millions de personnes dans le monde. À ce jour, 3 millions d’individus restent non diagnostiqués. Sur 1, 5 million de morts dus à la tuberculose, un quart est séropositif ; il s’agit essentiellement d’adolescents.
Le traitement contre la tuberculose est lourd – deux ans –, très douloureux, quotidien. Il n’est dispensé qu’à l’hôpital. Qui plus est, il est cher. Pour ce qui concerne ceux qui sont à la fois touchés par le VIH et la tuberculose, cela revient à 8 000 dollars. La gratuité s’impose donc, ce qui soulève de fait le problème des droits de propriété intellectuelle. Il faut engager la négociation des brevets d’invention détenus par des laboratoires producteurs du médicament initial au bénéfice des laboratoires producteurs de génériques pour faire baisser les prix. UNITAID négocie au coup par coup, alors qu’il faudrait sans doute une négociation globale.
Au premier rang des zones les plus touchées se trouve bien évidemment l’Asie – plus de 40 % –, en particulier l’Inde. Toutefois, je tiens à insister sur la situation en Afrique et en Europe.
Alors que 28 % des cas de tuberculose sont recensés en Afrique, curieusement, 80 % d’entre eux sont localisés en Afrique du Sud-Est et – plus curieux encore – majoritairement en Afrique du Sud. Ce pays prospère est le plus affecté, mais le combat qu’il mène est spectaculaire.
L’Europe compte seulement 3 % des cas de tuberculose, mais ceux-ci sont concentrés dans les pays de l’Est – Roumanie, Bulgarie –, plus particulièrement dans les pays de l’ex-URSS – Ukraine, Géorgie –, sans oublier la Turquie.
En Europe, 340 000 nouveaux cas sont constatés chaque année, parmi lesquels 40 % n’étaient pas détectés. La moitié de ces malades sont atteints d’une forme de tuberculose résistante à tous les traitements. Par ailleurs, on dénombre 37 000 morts par an.
En France où l’on pense maîtriser ce fléau, encore 900 décès par an sont relevés. La Seine-Saint-Denis est le département le plus touché.
Un plan d’action mondial, qui couvre la période 2015-2030 et qui vise à éradiquer la tuberculose en quinze ans, a été lancé par l’ONU. Il faut traiter 30 millions de personnes, ce qui représente un coût de 56 milliards de dollars. C’est un plan ambitieux. Pour l’Afrique du Sud, il l’est plus encore, car il prévoit d’éradiquer la maladie en cinq ans. Le plan de bataille est spectaculaire, la volonté politique aussi. Les personnes les plus touchées étant les adolescents, ceux-ci constituent donc la cible de ce combat ; ils en sont les acteurs essentiels. Je me suis rendue avec d’autres personnes concernées dans le township de Guguletu, qui compte 1 million d’habitants. Les jeunes que nous avons rencontrés parlent d’une maladie honteuse, cachée. Nous les avons entendus dire et chanter leur douleur et leur grande peur d’être jugés.
L’Europe ne voit pas la tuberculose arriver. Elle n’a pas conscience que cette maladie est encore mortelle. Puisque le bacille est transporté par l’air, nous devons faire attention aux mouvements de population : les migrants et les réfugiés – il ne faut néanmoins pas stigmatiser ces populations –, mais aussi les touristes. Nous ne pensons pas assez à cette source de contamination.
Cela étant, il ne faut pas réduire les financements. La France est moteur dans ce combat, elle incarne une valeur morale forte.
En 2015, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme recevait de la France 360 millions d’euros : 187 millions d’euros sont inscrits au programme 209 et 173 millions d’euros relèvent de financements innovants.
En 2016, ce fonds recevra de la France la même somme, mais 127 millions d’euros seront inscrits au programme 209, soit une baisse de 60 millions d’euros, et 230 millions d’euros proviendront de financements innovants, soit une hausse d’environ 60 millions d’euros.
Les crédits budgétaires baissent, même s’ils sont compensés par des financements divers. Cette situation est inquiétante. En effet, monsieur le secrétaire d'État, le principe fondateur était d’additionner les financements innovants aux financements budgétaires. Au regard de ce raisonnement, oui, les crédits diminuent !
En conclusion, depuis sa création en 2002, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a permis de sauver 17 millions de vies. C’est un résultat spectaculaire dont nous pouvons être fiers. Reste cette réalité : la tuberculose revient. Nos destins sont liés. C’est pourquoi nous devons rester vigilants et solidaires.