Intervention de Matthias Fekl

Réunion du 2 décembre 2015 à 9h30
Loi de finances pour 2016 — Action extérieure de l'état

Matthias Fekl :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord vous présenter les excuses du ministre des affaires étrangères et du développement international, M. Laurent Fabius, retenu ces jours-ci au Bourget pour la COP 21. Je suis très honoré de pouvoir le représenter dans cet hémicycle.

Cela étant, les multiples crises que connaît le monde aujourd’hui ont mis en avant la solidité et le dynamisme de la diplomatie française.

Dans la négociation sur le nucléaire iranien, cette diplomatie s’est engagée avec détermination pour aboutir à un accord robuste, qui contribue à la fois à la non-prolifération des armes nucléaires et à la paix au Moyen-Orient.

En Syrie et en Irak, elle se mobilise pour rassembler les efforts de tous contre Daech et promouvoir les solutions politiques indispensables à la stabilisation de la région.

Avec la COP 21, elle conduit l’une des négociations les plus importantes qui soient, puisqu’il s’agit de décider, comme l’a rappelé le Président de la République, de « l’avenir même de la planète ».

En se mobilisant au service du commerce extérieur et de l’attractivité, la diplomatie économique a permis d’accroître les investissements étrangers sur le sol français et d’améliorer la place de nos entreprises françaises à l’international.

Mme Josette Durrieu a insisté sur les grands défis du monde d’aujourd’hui, notamment les enjeux sanitaires en Afrique.

Pour que la France puisse continuer à peser dans un monde plus compétitif, qui présente à la fois plus d’opportunités et plus de risques, nous devons disposer d’un outil diplomatique en phase avec les grands enjeux du XXIe siècle. C’est le sens du projet MAEDI 21 Une diplomatie globale pour le XXIe siècle, lancé par Laurent Fabius lors de la Semaine des ambassadeurs et présenté en conseil des ministres le 2 septembre dernier. Ces mesures, qui amplifient des réformes déjà engagées depuis 2012, concourent à trois objectifs principaux.

Il s’agit, tout d’abord, d’adapter notre réseau d’ambassades et de consulats à la géographie de nos intérêts. À l’horizon 2025, 25 % des effectifs du ministère seront affectés dans les pays émergents du G20, contre 13 % en 2012. Dès 2017, notre ambassade en Chine sera la première dans le monde par ses effectifs.

Nous voulons ensuite simplifier les procédures pour offrir un service public de qualité à nos communautés expatriées. Ainsi, les procédures seront progressivement dématérialisées : ce sera le cas des prédemandes de passeport, de l’envoi des procurations de vote aux mairies et de l’inscription au registre des Français de l’étranger dès 2016. À l’horizon 2020, chaque citoyen français à l’étranger pourra effectuer l’essentiel de ses démarches en ligne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C’est un engagement fort, dont je suis personnellement la mise en œuvre. Je voudrais aussi, à l’instar de certains orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, saluer nos compatriotes expatriés dans le monde entier.

Nous souhaitons enfin moderniser l’organisation du ministère et la gestion de son atout le plus précieux, les femmes et les hommes qui le servent, et qui servent la République française. Je tiens à souligner la qualité de leur travail et leur intégrité au service de notre pays. Il s’agit, sur ce dossier, de poursuivre l’action du ministère en faveur de la parité, de construire des parcours professionnels individualisés qui valorisent davantage encore la mobilité, de donner la priorité à la formation et aussi de développer des compétences managériales. Tel est le sens du projet MAEDI 21 et, par conséquent, du projet de budget qui vous est présenté aujourd’hui.

Nous proposons un budget sobre, comme Laurent Fabius l’avait indiqué. Le ministère des affaires étrangères et du développement international participe, à la hauteur de son poids dans le budget de l’État, à la réduction indispensable des déficits publics. J’appelle tous ceux qui demandent plus de dépenses sur l’ensemble des chapitres à préciser également où ils comptent réaliser les économies dont il prêche par ailleurs la nécessité pour la France.

Avec 3, 1 milliards d’euros, les crédits de la mission sont en baisse de 0, 4 % à périmètre constant, mais ils préservent toutefois la capacité d’action de la diplomatie française.

Parce que, dans une diplomatie globale, les différents éléments viennent se renforcer les uns les autres et qu’ils ne sont en rien contradictoires, une même attention est portée à chacun de nos domaines d’action.

Notre politique culturelle sera réorientée à partir du nouveau contrat d’objectifs et de moyens de l’Institut français qui sera soumis à l’avis préalable du Parlement au début de l’année prochaine.

Nous renforçons l’attractivité économique, touristique et éducative de notre pays en développant une politique des visas plus dynamique.

Nous renforçons aussi la cohérence, l’unité et l’efficacité de notre action en professionnalisant l’exercice de la tutelle sur les opérateurs, qui sont les relais de chacune de ces politiques culturelle, éducative, commerciale et touristique. La diplomatie française forme un tout, et ses différents piliers doivent à l’évidence être coordonnés.

Ce budget permet d’adapter l’action extérieure aux nouveaux enjeux du monde contemporain.

Nous investissons dans les technologies de l’information pour offrir davantage de procédures dématérialisées, qui éviteront aux usagers d’avoir à se déplacer pour effectuer leurs démarches.

Nous consacrons plus de moyens à la sécurité de notre réseau diplomatique, consulaire, culturel et éducatif à l’étranger, ainsi qu’à la sécurité de nos communautés expatriées. Nous modernisons et protégeons nos emprises à l’étranger grâce à une politique immobilière très dynamique.

Il s’agit, enfin, d’un budget novateur. Grâce au renforcement des consulats, les recettes issues des visas sont passées de 126 millions d’euros en 2012 à 160 millions d’euros en 2014. Pour maintenir cette pente ascendante, une partie de ces recettes reviendra, à partir de 2016, au budget du ministère, conformément aux recommandations formulées par les sénateurs Richard Yung et Éric Doligé dans leur rapport d’information paru au mois d’octobre dernier. Ces crédits permettront de financer des effectifs supplémentaires dans les consulats et de renforcer les moyens de promotion du tourisme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à présent revenir sur plusieurs thèmes que vous avez développés lors de vos prises de parole et essayer, dans la mesure de mes moyens, de répondre à vos questions. Je veux d’abord saluer la qualité du débat, la hauteur de vue des intervenants et la précision des interventions. Je reste bien entendu à la disposition de chacune et chacun d’entre vous, ainsi que des commissions compétentes, pour répondre à toute question qui n’aurait pas reçu de réponse à l’issue de ce débat, notamment celles qui ne présentent pas un lien direct avec le budget.

J’aborderai tout d’abord le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ».

S’agissant de notre réseau diplomatique, la réforme entamée en 2012 se poursuit. Elle préserve l’universalité de notre présence, qui est un atout essentiel de la diplomatie française. Notre pays dispose du troisième réseau diplomatique et consulaire mondial, avec 163 ambassades, 16 représentations permanentes et 89 consulats généraux. M. Billout a souligné les redéploiements vers les pays émergents, et ils sont en effet importants.

Il faut adapter nos moyens à nos priorités et à la nouvelle géographie de la puissance. Nous différencions davantage notre présence, avec la transformation progressive, d’ici à la fin du quinquennat, de 25 ambassades en postes de présence diplomatique – M. Cambon a notamment insisté sur ce point.

Une évaluation de la mise en place de ces postes est en cours et ses résultats seront évidemment mis à votre disposition. Nous adapterons le format de ces postes en fonction des retours de terrain et des besoins réels.

Madame Goulet, concernant les ambassadeurs thématiques, nous rationalisons ce dispositif. Il existe aujourd’hui vingt-trois ambassadeurs thématiques, alors qu’ils étaient vingt-sept au moment de l’alternance de 2012. Ils ne représentent que 0, 3 % de la masse salariale du Quai d’Orsay, ainsi que la Cour des comptes l’a relevé.

Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas y prêter attention, et je tiens à votre disposition la liste exhaustive de ces ambassadeurs et des missions qui leur sont confiées. Nous sommes disposés à discuter, afin de déterminer si l’une de ses missions pourrait à l’avenir être supprimée.

S’agissant de la sécurité des Français de l’étranger, les moyens ont été augmentés ces dernières années. En 2014, les crédits alloués à la sécurité ont été renforcés de 20 millions d’euros, pour moitié par l’affectation de produits de cessions immobilières. À la suite des tragiques attentats qui ont frappé notre pays au mois de janvier dernier, une augmentation supplémentaire de 10 millions d’euros, d’application immédiate, a été décidée, dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre le terrorisme, portant la hausse de ces crédits à 15 millions d’euros dans le projet de budget pour 2016. C’était essentiel pour assurer la sécurité de nos compatriotes. Je réponds ainsi aux interrogations de M. Frassa.

La question du taux de change a notamment été évoquée par MM. Doligé et Trillard. Le triennal budgétaire pour la période de 2015 à 2017 avait été construit sur la base d’un euro valant 1, 36 dollar, soit le niveau de l’euro au printemps 2014. Lorsque le projet de loi de finances pour 2016 a été préparé, l’euro valait 1, 10 dollar.

Nous aurions pu faire abstraction de cette évolution et reporter cette question à un règlement en gestion. Cela aurait toutefois contrevenu au principe de sincérité budgétaire, et donc au respect dû au Parlement. Par conséquent, nous avons préféré augmenter le budget de 159 millions d’euros de crédits, afin de maintenir la valeur réelle, donc le pouvoir d’achat, des dépenses engagées en devises.

Dans le même temps, le ministère a procédé à un ordre d’achat de 600 millions de dollars au mois de juillet dernier, dans le cadre de notre convention avec l’Agence France Trésor, afin de sécuriser le paiement des contributions au plus proche du taux de budgétisation.

À la demande du Parlement, en l’occurrence de l’Assemblée nationale, un rapport sera remis l’an prochain sur la question de la couverture du taux de change qui comprendra des propositions visant à renforcer encore le dispositif actuel. Nous sommes à la disposition des deux chambres pour y travailler.

S’agissant des contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix, qui représentent respectivement 9 % et 11 % du budget du ministère, nous présentons, dans le présent projet de loi de finances, une budgétisation sincère de la dépense prévisionnelle, avec la prise en compte de l’évolution du taux de change.

MM. Hue et Billout m’ont interrogé sur les crédits dédiés à la coopération de sécurité et de défense. La baisse des crédits que vous avez constatée, messieurs les sénateurs, ne relève pas d’un désengagement, mais reflète la volonté de concentrer les moyens sur les dispositifs les plus efficaces – comme la formation de l’encadrement militaire – croisés avec nos priorités géographiques, notamment au Sahel.

Le ministère cherche, en outre, à utiliser ces crédits pour produire un effet de levier, en faisant appel aussi à d’autres sources de financement, en particulier auprès des institutions multilatérales, afin que les efforts soient conjoints et portent leurs fruits encore davantage.

S’agissant de l’immobilier, vous connaissez l’attention personnelle du ministre, attaché à la modernisation du patrimoine du Quai d’Orsay. Les objectifs sont multiples : rendre les ambassades, les consulats et les instituts plus fonctionnels et plus accueillants, en phase avec les besoins du XXIe siècle ; regrouper les services dans un lieu unique, afin de rationaliser le travail en équipe et les coûts de fonctionnement ; améliorer, enfin, la sécurité – c’est indispensable ! – en effectuant les travaux nécessaires en la matière.

J’attire l’attention du Sénat sur le fait que le projet de budget prévoit une rebudgétisation de l’entretien lourd de l’immobilier à l’étranger qui se poursuivra dans les prochaines années.

J’en viens au programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence ». M. Duvernois a notamment évoqué la question des opérateurs, qui en représentent une part très importante. Ils participent, par leur poids dans le budget, à l’effort budgétaire de la nation. Nous avons toutefois pris garde à adapter l’évolution de leurs moyens à leur situation financière.

Ainsi, les baisses s’échelonnent entre 1, 3 % pour l’Institut français et 4 % pour Campus France. Nous avons également veillé à renforcer les moyens d’Atout France, que M. Gorce a évoqué, grâce aux mécanismes d’attribution de produits qui devraient permettre un financement supplémentaire de 5 millions d’euros des actions de promotion du tourisme. J’ai noté également la remarque de Mme la rapporteur pour avis Leila Aïchi concernant le positionnement de la subvention à Business France dans la maquette budgétaire. Sur ce sujet, le débat devra se poursuivre.

S’agissant des moyens d’influence culturelle, leur évolution budgétaire doit être regardée en tenant compte des capacités d’autofinancement du réseau des instituts qui atteint 66 % en 2014. M. Legendre a notamment évoqué ce sujet. Les recettes assises sur les cours de langue, les certifications de diplômes et le mécénat se sont élevées à 130 millions d’euros. La tendance sera similaire en 2015. Ces résultats découlent du statut d’établissements à autonomie financière des instituts culturels.

Cette autonomie financière est vitale pour notre réseau culturel, et sa remise en cause emporterait des effets très négatifs non seulement pour le fonctionnement des instituts, mais aussi pour les finances publiques. Il nous faudra donc apporter une modification à la loi organique relative aux lois de finances lorsque cela sera possible, afin de garantir la pérennité de ce statut, qui repose aujourd’hui sur une dérogation accordée par le ministère chargé du budget. Il s’agit d’un mécanisme innovant, souple et productif qu’il faut veiller à préserver. Je remercie à ce titre M. Legendre du soutien qu’il nous a apporté sur ce point.

S’agissant de la subvention à l’AEFE, nous aurons l’occasion d’y revenir plus en détail lors de l’examen des amendements, mais je peux vous garantir, au nom du Gouvernement, que la baisse de la subvention correspond aux besoins et aux possibilités de l’opérateur et n’entraînera pas d’augmentation des droits de scolarité des élèves français à l’étranger. MM. del Picchia, Duvernois et Yung ont insisté sur ce point et sur le caractère indispensable du réseau pour l’apprentissage de la langue et pour le rayonnement de la culture et de la langue française partout dans le monde.

À propos du commerce extérieur, M. Billout a souligné l’importance de l’action diplomatique. Il est faux de prétendre que les grands groupes en seraient les principaux bénéficiaires. Toute une action est aujourd’hui mise en œuvre par le Gouvernement au service des PME. Nous avons rationalisé le dispositif d’accompagnement à l’export ; toutes les délégations internationales sont ouvertes aux PME, avec des procédures d’inscription très simples et, pour la première fois, les différents intervenants dans le domaine de l’export et de l’accompagnement des PME se sont mis d’accord sur un parcours unique. Ainsi, les PME peuvent consacrer plus de temps à préparer leurs projets, à mener à bien leur travail, à valoriser leurs innovations qu’à comprendre qui fait quoi dans le monde de l’accompagnement à l’export.

Au mois de mars dernier, j’ai organisé le premier forum des PME à l’international au Quai d’Orsay. La séance de speed dating entre responsables de PME et ambassadeurs, organisée sur l’initiative de Laurent Fabius lors de la Semaine des ambassadeurs, a été très appréciée par tous les participants, après quelques minutes de surprise initiale !

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