Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais ajouter quelques mots sur cette mission, même si beaucoup de choses ont déjà été dites.
Je tiens d’abord à saluer l’excellent travail des deux rapporteurs et, pour éviter les répétitions, je centrerai mon propos sur un thème précis : la justice administrative.
Si je résume les rapports qui nous ont été présentés, la justice administrative se caractérise aujourd’hui par un double mouvement de réduction : elle réussit à réduire tout à la fois ses dépenses, ce qui est excellent, et ses délais de jugement, ce qui était tout à fait indispensable.
En ce qui concerne les délais de jugement, chacun sait que la qualité du travail de la justice administrative est remarquable, mais la longueur des délais constitue un handicap, qu’elle partage – parfois – avec le juge judiciaire.
J’entends dire qu’en 2000 il fallait attendre deux ans pour qu’un tribunal administratif rende son jugement. Je dirais plutôt qu’il fallait au moins deux ans ! Il faut y ajouter ensuite deux ou trois années pour que la cour administrative d’appel valide ou non ce jugement. Puis c’est la grande aventure du Conseil d’État, où les procédures se perdent parfois dans des méandres. Certaines procédures peuvent ainsi durer jusqu’à dix ans !
Cela constitue un véritable scandale républicain, surtout en comparaison d’autres pays. Dans ceux où existent des juridictions administratives, les procédures sont plus rapides que les nôtres. Affaire de moyens, bien évidemment !
Il existe, en outre, un risque très important d’aggravation, puisque l’on sollicite de plus en plus le juge administratif. Il y avait 20 000 recours en 1970 ; il y en a 200 000 aujourd’hui ! En quarante ans, ils ont été multipliés par dix, sans que le nombre de magistrats ait suivi la même évolution… Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, souligne lui-même ce qu’il faut considérer comme un risque. Les recours devant le tribunal administratif augmentent, chaque année, de 6 %, les appels de 10 %.
Nous sommes dans une impasse et courons à la catastrophe.
Des efforts pour contrarier ces perspectives ont été faits. On affiche, pour la solution d’un litige, un délai de dix mois devant le tribunal administratif et de onze mois devant la cour administrative d’appel, si je m’en réfère aux rapports budgétaires.
Je crois qu’il s’agit d’une illusion !
En effet, et Michel Delebarre le souligne lui-même dans son rapport pour avis, on arrive à ces résultats remarquables pour une raison simple : on a supprimé l’indicateur spécifique ! Dorénavant, l’indicateur est uniquement global et inclut tous les types de procédures. Si l’on regarde uniquement les affaires dites « ordinaires », celles qui concernent le plus grand nombre, on n’aboutit certainement pas à ces délais. La pratique et ce qui remonte du terrain laissent penser que nous sommes toujours à plus d’un an devant le tribunal administratif, et plus encore devant la cour administrative d’appel. Néanmoins, je ne nie pas les progrès réalisés.
La difficulté réside dans le développement de contentieux de masse : sur le revenu de solidarité active, le contentieux a augmenté de 360 % en cinq ans ; sur le droit au logement opposable, de 100 % ; sur la fonction publique, notamment en ce qui concerne la fonction publique territoriale, le contentieux s’est également beaucoup développé, comme celui du droit des étrangers.
Face à cela, plusieurs solutions existent, que je qualifierai de « techniques » : dispenser le rapporteur public de conclusions, supprimer l’appel dans certains cas ou instaurer un juge unique.
Je m’arrête un instant sur ce dernier point. Quand j’étais plus jeune, on disait fréquemment, et cela valait pour toutes les juridictions, « juge unique, juge inique »… C’était sans doute arbitraire, caricatural, excessif, je veux bien l’admettre.