Nous centrerons notre intervention sur l’accès aux technologies numériques.
Le programme concernant le très haut débit est, certes, rattaché à la mission « Économie », mais, pour nous, il relève bien de l’aménagement du territoire. C’est ce qui a conduit le rapporteur de l’Assemblée nationale à examiner, dans son rapport sur la politique des territoires, le programme sur le très haut débit. Il s’agit d’ailleurs d’un élément clé des futurs contrats de plan État-régions. Il figure enfin au sommaire des deux comités interministériels à la ruralité qui se sont tenus cette année.
C’est un enjeu essentiel de ce XXIe siècle, comme l’ont été en leur temps le rail ou l’électricité. Les possibilités de croissance liées au développement numérique sont immenses, au point que l’on a pu parler de « révolution » numérique, tant ces nouvelles pratiques transforment les manières de s’informer, de communiquer, d’échanger, de produire, et donc de vivre.
Le Gouvernement a présenté en 2013 un plan pour le très haut débit. Nous sommes d’accord avec l’objectif d’une couverture totale de la population en très haut débit fixe d’ici à 2022, principalement par la fibre optique jusqu’à l’habitant. Malheureusement, nous doutons que le calendrier puisse être respecté. Ce n’est pas le premier plan numérique dont les objectifs seraient repoussés faute de financements et malgré les efforts réalisés par les collectivités !
En effet, les objectifs fixés reposent principalement sur le bon vouloir des opérateurs privés. Or, soyons clairs, le « conventionnement » ne garantit pas le respect des engagements pris. Pensons à SFR…
Certes, la carence peut être déclarée, mais elle ne permet que l’intervention du public pour pallier ce défaut d’exécution. D’ailleurs, nous notons que ce sont dans les territoires où les collectivités publiques sont intervenues que les efforts les plus importants ont été réalisés et l’accès a été le plus renforcé. À l’échelle nationale, la couverture en très haut débit est passée de 27 % à 44 % en juin 2015 ; en zone d’initiative publique, c’est-à-dire en zone peu dense, autrement dit non rentable, la couverture est passée de 2 % à 24 %.
Pourtant, il est aujourd’hui risqué pour les collectivités d’intervenir. Elles ne disposent ni des moyens financiers ni des moyens juridiques pour le faire. Surtout, les opérateurs contestent souvent la qualité de leur réseau.
Bien sûr, dans les zones très denses, il n’y a pas de problème : les opérateurs sont tous au rendez-vous !
Dans les zones intermédiaires, l’idée de mutualisation est intéressante, mais la fusion entre SFR et Numericable a ralenti les déploiements et montre, une fois de plus, que l’intérêt privé n’est pas toujours l’intérêt général.
À cet égard, la secrétaire d’État chargée du numérique, Axelle Lemaire, a indiqué que la Commission européenne s’interrogeait sur l’application du régime des aides d’État au cahier des charges.
La France a longtemps disposé, pour les activités de service public, d’opérateurs historiques efficaces sous contrôle public, voire en situation de monopole. C’était le cas dans les transports, les télécommunications ou l’énergie. Ces opérateurs servaient l’intérêt général et assuraient l’aménagement du territoire tout en développant la recherche et des savoir-faire qui sont encore aujourd’hui en pointe dans le monde.
L’objectif des politiques actuellement mises en œuvre sous l’égide des textes européens n’est pas vraiment de protéger le consommateur, mais bien d’« effacer » le service public et ses opérateurs.
Le choix de l’État de concentrer la totalité des investissements publics sur les zones rurales part d’un bon sentiment, mais cela revient à accepter l’idée qui fonde tout le système : au privé les activités rentables, au public les activités déficitaires. Ne pourrait-on pas, à un moment ou à un autre, remettre ce principe en discussion ?
Les géants de l’industrie des télécommunications menacent aujourd’hui le Gouvernement de ne pas faire les investissements sur lesquels ils s’étaient engagés concernant la téléphonie mobile et la couverture des zones blanches, en invoquant la récente hausse de la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet. Le patron d’Orange a qualifié cette mesure de « racket », tandis que Free a indiqué que cette augmentation serait répercutée sur la facture de l’abonné. Les politiques publiques seraient ainsi tout à fait incongrues et illégitimes, ce qui, bien sûr, n’est jamais le cas de la rémunération des actionnaires !
En dernier lieu, je souhaite évoquer la nécessité de contrôler le niveau d’émission des ondes.
La crainte des populations du « bain » d’ondes électromagnétiques n’est pas totalement infondée. Il convient de mieux associer les citoyens et de mettre en œuvre le principe de précaution, non pas pour bloquer les initiatives, mais pour introduire un questionnement légitime et nécessaire.
Nous avons besoin de données fiables pour mieux décider des implantations des antennes-relais et être en mesure d’apporter des réponses concrètes aux riverains. En attendant, nous demandons, depuis plusieurs années, la réduction du seuil maximal d’exposition du public à 0, 6 volt par mètre pour les antennes-relais. Cette proposition est soutenue par plusieurs associations et est reprise par une résolution du Conseil de l’Europe de 2011. La prendre en considération est nécessaire dans la mesure où nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à se déclarer électro-sensibles.
Plutôt que de n’envisager l’avenir qu’au travers de la construction et du développement de réseaux prétendument concurrents, ne pourrait-on s’interroger sur l’intérêt du déploiement d’un seul réseau organisé par la puissance publique, qui permettrait à la fois de garantir la suppression des déserts numériques, d’éviter aux collectivités d’être mises en difficulté et de prévenir la surabondance des sources d’ondes électromagnétiques, en mettant ainsi en œuvre le principe de précaution ?