Monsieur le ministre, je voudrais d’abord redire ici combien le groupe socialiste et républicain apprécie que vous ayez mis en 2015 la ruralité au cœur de votre action, notamment par la tenue de deux comités interministériels aux ruralités. Nous pouvons d’ailleurs déjà voir, au travers de différentes mesures, la traduction des propositions et des engagements pris à ces occasions.
La mission « Politique des territoires » ne représente, il est vrai, qu’une très petite partie – moins de 5 % – de l’engagement global de l’État en faveur de l’aménagement du territoire, mais si l’on considère l’ensemble des crédits consacrés à la politique d’aménagement du territoire, on constate qu’ils sont globalement stables : 5, 675 milliards d’euros de crédits étaient inscrits dans la loi de finances pour 2015 et 5, 706 milliards d’euros sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2016. Seuls les crédits des programmes 112 et 162 accusent une légère baisse, qui peut s’expliquer par le cadre budgétaire contraint dans lequel nous sommes tenus de travailler.
Des engagements ont été pris, et soixante-cinq mesures ont été mises en place lors des deux comités interministériels aux ruralités, que ce soit au travers des volets territoriaux des contrats de plan État-région, les CPER, de l’extension du haut débit ou de la création de 1 000 maisons de services au public. Ces dernières ouvriront d’ici à la fin de l’année 2016, grâce à une mutualisation avec La Poste. Le dispositif du prêt à taux zéro rural sera quant à lui étendu. Enfin, 200 maisons de santé supplémentaires ont été créées en 2015 et le chiffre de 1 000 sera atteint en 2017. Toutes ces mesures, et bien d’autres encore sur lesquelles je ne reviendrai pas, témoignent de l’engagement du Gouvernement.
Une autre réforme importante, celle des zones de revitalisation rurale, vient d’être engagée, avec une redéfinition des critères de classement. Cette réforme, prévue par l’article 18 du projet de loi de finances rectificative pour 2015, était nécessaire.
Je constate aussi avec satisfaction que le centre-bourg a été remis au cœur de l’aménagement du territoire : le programme de revitalisation des centres-bourgs a été officiellement lancé le 3 novembre dernier. Ce programme, qui concerne cinquante-quatre sites, est doté d’un budget global de 230 millions d’euros sur six ans ; il bénéficiera également d’une partie de l’enveloppe de 300 millions d’euros issue du fonds de soutien dont la mobilisation a été annoncée lors du comité interministériel de Vesoul.
Ce programme a suscité un réel intérêt de la part des bourgs-centres, dans la mesure où plus de 300 communes se sont déclarées candidates. Il était important d’apporter une réponse aux quelque 250 d’entre elles qui n’ont pas été retenues, mais qui avaient perçu, dans l’annonce de ce nouveau programme, une réelle chance à saisir.
Je retiens à ce sujet la prise de position de Mme la ministre, qui nous a indiqué, lors de son audition par la commission, que les préfets avaient reçu pour instruction de donner la priorité à ces bourgs au titre de l’attribution des dotations de l’État. Je vous suggérerais volontiers, monsieur le ministre, d’augmenter le taux de subvention au bénéfice de ces bourgs, afin d’améliorer le caractère incitatif de cette politique, qui redonne aux bourgs-centres une place centrale dans l’aménagement du territoire. En effet, une loi de l’aménagement du territoire veut que quand le bourg va bien, l’arrière-pays se porte bien, et que quand il va mal, c’est tout l’arrière-pays qui souffre.
Le message adressé par les territoires ruraux a été entendu. La démarche était opportune, le diagnostic est précis, les réponses sont pertinentes. Les crédits affectés à cette politique constituent une première réponse, que certains jugeront insuffisante, mais une véritable politique d’aménagement du territoire doit aussi être faite de mutualisation et de transversalité.
L’État n’est pas seul à mettre en œuvre les projets. Cette transversalité suppose certes de mettre à disposition tous les moyens de l’État. C’est le cas aujourd’hui avec la DETR, qui a été augmentée, et le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT. Il est également possible de faire appel non seulement aux fonds européens, au travers notamment du programme LEADER, que les régions géreront, mais aussi aux départements, dont les solidarités territoriales relèvent désormais.
Pour faire évoluer le monde rural, il faut donc une volonté politique et un projet de territoire. Pour autant, l’élaboration d’un véritable projet de territoire nécessite de l’ingénierie, laquelle fait défaut dans les territoires ruraux. Il faut donc travailler dans cette direction : les territoires ont besoin d’outils pour déceler et mettre en valeur leurs potentialités. Ils ont besoin d’une ingénierie, c’est-à-dire d’une aide à l’analyse, au diagnostic, puis à la mise en forme du projet.
Dans le département du Pas-de-Calais, dont je suis élu, une enquête réalisée auprès des communes a révélé que 25 % d’entre elles ont renoncé à un projet par défaut d’ingénierie. Beaucoup d’élus ruraux ont une vision du développement de leur territoire, mais ils ne disposent pas, la plupart du temps, de moyens humains suffisants pour concrétiser leur ambition. C’est là que l’ingénierie joue un rôle fondamental. Certains vont la chercher auprès des agglomérations, lesquelles sont dotées d’agences de développement ou d’urbanisme, mais cette démarche a l’inconvénient de renvoyer le plus souvent à une vision urbaine du développement du territoire rural. D’autres attendent beaucoup du renforcement de l’ingénierie départementale, consacrée par la loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République et à laquelle peuvent s’adosser les territoires ruraux depuis la disparition programmée de l’ATESAT, l’assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire.
Le monde rural se modernise et sait être inventif. Il s’agit donc, non seulement pour l’État, mais aussi pour l’ensemble des partenaires potentiels de ces territoires, de continuer à lui en donner les moyens. Nous sommes convaincus que les dispositions retenues sont une première réponse et qu’elles vont dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous voterons les crédits de cette mission.