Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, qui ne pouvait malheureusement être présente aujourd'hui. Pour autant, je m’emploierai à répondre au mieux aux questions, importantes, qui ont été posées concernant la mission « Politique des territoires » dans son ensemble.
J’y reviendrai plus loin, mais je tiens d’ores et déjà à souligner combien ce gouvernement est attaché à la défense des intérêts de tous les territoires et de tous leurs habitants. Nous n’appréhendons pas l’aménagement du territoire en opposant les territoires les uns aux autres. Chaque territoire a sa place dans le concert national. L’égalité des territoires, c’est ce qui, précisément, permet à chacun d’entre eux, en fonction de ses ressources et de ses potentialités et en conscience de ses freins et de ses handicaps, de choisir sa trajectoire et d’accomplir son développement, pour ses habitants.
C’est cette mise en capacité, cette mise en mouvement des territoires, dans le respect de leur diversité et de leur complémentarité, que le Gouvernement accompagne. Parmi nos territoires, nous soutenons plus particulièrement ceux que l’on dit fragiles, les zones de revitalisation rurale et les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
La territorialisation de l’action publique est aussi un choix gouvernemental fort, qui traduit une conception singulière de l’aménagement du territoire : assurer l’égalité des territoires, c’est aussi, pour l’État, intervenir plus là où les besoins sont le plus importants. C’est là tout le sens de cette mission qui rassemble à la fois les crédits de la politique de la ville et ceux de l’aménagement du territoire.
Ainsi, les crédits du programme 112 « Impulsion et de coordination de la politique d’aménagement du territoire » s’élèvent à près de 192 millions d’euros. Les autorisations d’engagement sont quasiment stables et les crédits de paiement sont en baisse de 4 % par rapport à 2015.
Ce budget traduit les grandes priorités du Gouvernement en matière de soutien au développement des territoires.
Ainsi, les contrats de plan État-région concentrent 60 % des crédits du programme et représentent une enveloppe globale de 12 milliards d’euros d’ici à 2020, destinée à soutenir des investissements d’avenir dans nos territoires, pour favoriser la croissance, le développement, l’emploi et la mobilité, monsieur Longeot.
Dernier régime autorisé d’aide directe de l’État aux entreprises, la prime d’aménagement du territoire voit ses crédits stabilisés à 25 millions d’euros. La réforme mise en œuvre l’année dernière a permis de rendre cette aide plus accessible aux PME, grâce notamment à l’abaissement des seuils d’éligibilité. En 2015, ce sont, à ce jour, vingt-cinq entreprises qui ont été subventionnées, pour un montant total de 14 millions d’euros, ce qui a permis la création de 1 730 emplois.
Le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT, qui représente 12 % des crédits, permet quant à lui le financement des pôles d’excellence rurale, des maisons de santé pluridisciplinaires ou encore du programme de revitalisation des centres-bourgs.
Bien évidemment, les crédits de l’État en faveur de l’aménagement du territoire et des ruralités ne se résument pas à ce seul programme. De nombreuses autres mesures participent à cette politique, pour un montant total d’environ 5, 5 milliards d’euros, sans compter les aides fiscales. Cela devrait rassurer M. Pointereau.
C’est notamment le cas des soixante-sept mesures adoptées dans le cadre des deux comités interministériels aux ruralités qui se sont tenus les 13 mars et 14 septembre derniers et qui touchent aux champs du logement, du numérique, de la santé, de l’éducation, de l’agriculture, sans oublier l’hyper-ruralité.
Aujourd’hui, la plupart de ces mesures sont en cours de déploiement. Plusieurs sont déjà opérationnelles. Au total, elles représentent plus de 1, 5 milliard d’euros.
Parmi les principales figurent la création de 1 000 maisons de services au public d’ici à la fin de 2016, grâce à la création d’un fonds de financement par les principaux opérateurs et au partenariat engagé avec La Poste, le déploiement de 1 000 maisons de santé pluridisciplinaires prévu d’ici à 2017, dont 708 sont aujourd’hui en service, contre 170 en 2012. En matière de démographie médicale, nous subissons les conséquences de la fixation du numerus clausus a un niveau extrêmement bas voilà quelques années, sans tenir compte des besoins à venir de notre population. La médecine ne peut pas être la variable d’ajustement de l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.
J’évoquerai également la résorption des zones blanches de téléphonie mobile d’ici à la fin de 2016 et la couverture de 3 600 centres-bourgs en 3G d’ici à la mi-2017, grâce au renforcement des obligations des opérateurs, monsieur Abate, le déploiement du plan « France très haut débit », avec notamment le recours aux technologies alternatives pour les territoires les plus enclavés. Mme Tocqueville, MM. Longeot et Bertrand se sont exprimés sur ce point. En ma qualité de président du syndicat mixte du Nord-Pas-de-Calais pour le très haut débit, je viens de recevoir une lettre du Premier ministre m’indiquant qu’une subvention de 180 millions d’euros lui serait consacrée. §Cette aide de l’État permettra demain de desservir les plus de 700 000 foyers de la région qui n’ont pas encore accès au très haut débit.
J’évoquerai par ailleurs l’élargissement à 30 000 communes du bénéfice du prêt à taux zéro pour l’achat de logements anciens à réhabiliter, le déblocage d’une enveloppe de 300 millions d’euros pour soutenir les projets de revitalisation des centres-bourgs, qui s’ajoute à l’augmentation de 200 millions d’euros des crédits de la DETR. Voilà qui répondra aux préoccupations exprimées par M. Jean-Claude Leroy. Le montant de 6 millions d’euros prévu pour l’appel à projets, monsieur Genest, ne concerne que la première des six années d’application du dispositif.
J’évoquerai enfin le soutien à l’ingénierie locale par la création d’un dispositif d’appui interministériel au développement et à l’expertise en espace rural – la mission AIDER –, animé par des agents des corps de l’inspection de l’État mis à disposition des préfets pour des missions pouvant aller jusqu’à deux ans. Il est vrai que le manque d’ingénierie en milieu rural est un handicap qu’il nous faut absolument combler, monsieur Leroy. La ruralité fait partie intégrante de l’ADN de notre République.
L’aménagement du territoire ne peut être dissocié du développement de celles de nos villes qui concentrent les populations les plus pauvres, puisque, je le rappelle, c’est désormais le seul et unique critère retenu dans le cadre de la nouvelle géographie prioritaire : un critère lisible, juste et objectif, qui traduit la conception qu’a ce gouvernement de l’égalité entre les territoires urbains, entre les villes, entre les quartiers de ces villes et entre les habitants de ces quartiers. Au travers de la détermination des poches urbaines de pauvreté, nous n’opposons pas les périphéries des villes à leurs centres anciens, nous n’opposons pas les grandes agglomérations aux petites villes en milieu rural, nous n’opposons pas l’habitat vertical, collectif, fait de tours et de barres, à l’habitat horizontal, individuel et dégradé, nous n’opposons pas l’Île-de-France aux autres régions ou la métropole aux outre-mer. En faisant le choix d’accompagner tous les quartiers en décrochage de notre pays, quels qu’ils soient et où qu’ils se trouvent, cette majorité et ce gouvernement assument pleinement une vision équitable et équilibrée de l’aménagement de notre territoire urbain, en faveur du renforcement de la cohésion nationale.
Je veux rassurer M. Daniel Raoul : près de 95 % des contrats de ville ont déjà été signés et j’espère que tous l’auront été d’ici à la fin de l’année 2017.
En ce qui concerne la pauvreté en milieu rural et le lien avec la politique de la ville, j’étais hier soir à Privas, chef-lieu de 8 300 habitants du département de l’Ardèche, dont le quartier Nouvel Horizon relève depuis cette année de la politique de la ville, tout comme le quartier du Grand Garros à Auch, monsieur Montaugé. Cela montre que la politique de la ville a su intégrer les territoires ruraux.
Le budget alloué au programme « Politique de la ville » augmentera, en 2016, de 4 %, hors poursuite de la baisse mécanique des exonérations en zones franches urbaines. Cette augmentation donne corps à la promesse d’égalité républicaine dans les territoires prioritaires.
Très concrètement, sur les 438 millions d’euros du budget de la politique de la ville, plus de 350 millions d’euros seront consacrés aux actions de terrain des associations dans les quartiers prioritaires, contre 337 millions d’euros en 2015 : nous avançons.
La première priorité du programme « Politique de la ville », c’est le renforcement de la présence des adultes et de ce qui contribue au lien social dans les quartiers. Dans le contexte que nous connaissons, cette priorité doit, plus que jamais, être réaffirmée : il faut occuper l’espace, y compris en soirée et le week-end, et soutenir le tissu social local ; conforter les acteurs de terrain dans la conduite de leurs actions de proximité, au plus près des besoins des habitants ; appuyer nos éducateurs, nos animateurs et nos médiateurs ; reconstruire une chaîne éducative allant de l’école à la cellule familiale, en passant par les acteurs de rue ; assurer, au travers de nos dispositifs, un accompagnement toujours plus individualisé, personnalisé, adapté aux différents besoins des habitants ; reconstruire un discours commun sur nos valeurs, sur la laïcité, ce qui passe par un vaste plan de formation des acteurs ; redonner des repères à une jeunesse qui désespère et décroche parfois ; enfin faire en sorte – c’est essentiel – que les habitants soient des acteurs à part entière des politiques publiques que nous conduisons pour eux.
Je tiens à le dire, tout cela constitue une réponse globale visant à prévenir la radicalisation, à côté de la réponse sécuritaire aujourd'hui déployée.
C’est pourquoi nous restaurons les crédits destinés aux associations des quartiers prioritaires, comme nous en avions pris l’engagement lors du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté du 6 mars dernier. J’emploie à dessein le verbe « restaurer », parce qu’il s’agit des crédits qui avaient été supprimés, entre 2009 et 2012, par vos amis politiques, madame Estrosi Sassone.
Le forfait d’aide aux structures employeuses des adultes relais a été revalorisé de 5 % le 1er octobre dernier. Ces adultes-relais sont en effet des vigies citoyennes dans ces quartiers.
Le deuxième axe de ce programme, c’est la réussite de nos jeunes. Là aussi, les événements récents nous obligent. Ils nous rappellent la fragilité d’une partie de cette jeunesse et la nécessité d’assurer un accompagnement adapté et un suivi renforcé dès les premiers signes du décrochage, tout d’abord avec le programme de réussite éducative, qui s’adresse aux jeunes en risque de rupture scolaire, sociale et familiale. Nous renforcerons la présence d’équipes de réussite éducative dans tous les collèges des réseaux d’éducation prioritaire qui n’étaient pas couverts jusqu’à aujourd’hui, soit quarante-cinq sites supplémentaires.
Par ailleurs, 1 000 jeunes de plus seront accueillis dans les centres de l’établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, destinés aux jeunes qui ont besoin et sont en demande de repères. Deux nouveaux centres seront ouverts en 2016 à Toulouse et à Nîmes. À cet égard, je remercie de leur soutien Mme Annie Guillemot, ainsi que MM. Daniel Raoul et Joël Labbé. M. Jean-Yves Le Drian procédera en outre, l’année prochaine, à la création de plusieurs centres de défense destinés à accueillir des jeunes désireux d’accomplir un service militaire volontaire, à l’instar du service militaire adapté outre-mer.
Nous devons également redonner confiance en leur avenir à ces jeunes qui butent dans leur parcours d’insertion. C’est le droit à la seconde chance, avec notamment les contrats starters, qui connaissent un véritable succès puisque, à la fin novembre, près de 12 800 contrats avaient été signés, l’objectif étant fixé à 13 000 à la fin de l’année 2015. Je rappelle que le chômage des jeunes a diminué en un an de 2, 7 %, ce qui est une bonne nouvelle dont nous pouvons tous nous réjouir.
Le troisième et dernier axe de notre action en matière de politique de la ville, c’est le développement économique des quartiers prioritaires. En effet, le meilleur moyen de lutter contre le chômage, c’est de miser sur le potentiel de ces territoires. Il faut « oser les banlieues » ! Un quartier qui se développe économiquement, c’est un quartier qui vit, qui s’anime, qui redevient attractif.
De nombreux outils déjà en place participent pleinement à la réalisation de cet objectif : les territoires entrepreneurs, les exonérations au bénéfice des petits commerces, l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations, celle de l’EPARECA… Il y a quelques semaines, j’inaugurais ainsi le cinquantième centre commercial créé par l’EPARECA, à La Chapelle-Saint-Luc, près de Troyes.
Nous avons par ailleurs lancé l’Agence de développement économique des territoires « France Entrepreneur », qui rassemblera tous les acteurs, notamment la Caisse des dépôts et consignations et les régions, sous une même bannière, au bénéfice prioritairement des territoires fragiles. Il est en effet important de rendre nos dispositifs plus lisibles et plus visibles en la matière, pour faciliter la création d’entreprises, accompagner le développement des TPE et des PME. Cette agence, madame Estrosi Sassone, sera une structure légère, qui coordonnera les moyens de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations en faveur de l’entrepreneuriat, pour un montant de 60 millions d’euros. Ce projet de loi de finances regroupe en un programme unique, le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme », les différents crédits ministériels destinés aux réseaux d’accompagnement, dont 660 000 euros provenant du programme 147.
L’agence mobilisera aussi le programme d’investissements d’avenir à hauteur de 50 millions d’euros, pour investir dans des entreprises à potentiel réel de ces quartiers.
Cette dimension économique sera l’un des enjeux du nouveau programme national de renouvellement urbain. L’ANRU et ses partenaires engageront bien 6, 4 milliards d’euros, avec d’ailleurs un préfinancement de 1 milliard d’euros de la Caisse des dépôts et consignations pour accélérer la mise en œuvre des projets, l’objectif étant de susciter 20 milliards d’euros d’investissements. Je n’oublie pas que le plan Borloo avait permis d’engendrer 47 milliards d’euros d’investissements, mais le financement de l’ANRU n’était alors pas sécurisé ; nous avons dû l’assumer dès le début du présent quinquennat. Je sais, madame Estrosi Sassone, que vous appréciez l’intervention de l’ANRU à Nice.
Cet effort est tout à fait significatif et fait sens pour transformer le cadre de vie dans les quartiers, désenclaver ceux-ci, y rénover l’habitat et amener les entreprises qui créent des emplois.
M. Montaugé a évoqué la baisse de la DGF, qui peut affecter la capacité financière des communes. Protéger les communes les plus en difficulté est une préoccupation du Gouvernement. Si la participation des collectivités à l’effort de redressement des finances publiques est légitime, elle doit être juste et solidaire. À cet égard, je souligne que la dotation de solidarité urbaine a été augmentée de 180 millions d’euros depuis deux ans. Les moyens de la péréquation ont progressé de 40 % depuis 2012 et la dotation de la politique de la ville a été reconduite à hauteur de 100 millions d’euros. La péréquation, monsieur le sénateur, est un élément majeur de notre politique.
Monsieur Delcros, la proposition de loi visant à instaurer des contrats territoriaux de développement rural ne me semble pas constituer un outil adapté : un dispositif contractuel est forcément long et parfois complexe à mettre en œuvre, surtout sur un périmètre qui n’est pas clairement défini. Nous préférons mettre en place les mesures arrêtées lors des comités interministériels aux ruralités.
MM. Delcros et Leroy ont évoqué la réforme des zones de revitalisation rurale. Les principes de cette réforme sont la simplification, l’efficacité et la justice. Le classement sera ainsi établi à l’échelle intercommunale et les critères seront la faiblesse de densité de la population et celle du revenu par habitant. Nous avons consulté les associations d’élus ; cette réforme sera inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2015 et entrera en vigueur au 1er juillet 2017, pour tenir compte de l’évolution de la carte intercommunale.
Monsieur Delcros, le fonds de soutien à l’investissement local de 1 milliard d’euros souhaité par le Premier ministre comporte une enveloppe de 300 millions d’euros dédiée aux centres-bourgs.
Ces crédits sont rattachés à la mission « Relation avec les collectivités territoriales », comme d’ailleurs la plupart des dotations aux collectivités, par cohérence avec les autres dotations, mais aussi pour ne pas complexifier la gestion de ces crédits par les préfets en doublant les circuits de paiement. Les préfets seront chargés d’attribuer ces crédits à des projets qui leur seront présentés par les collectivités concernées.
Monsieur Genest, s’agissant du Fonds d’aide aux collectivités pour l’électrification rurale, le FACÉ, le Gouvernement reconduit pour 2016 sa structure et ses financements, à hauteur de 377 millions d’euros. Nous sommes particulièrement attachés à ce dispositif, dont l’utilité n’est pas mise en doute.
S’agissant des aides destinées à l’extension des réseaux, les difficultés que vous avez relevées étaient liées à des manques de personnel au sein de plusieurs agences. Il y a été remédié et le rythme normal de paiement des subventions va pouvoir reprendre.
Je répondrai enfin à Mmes Annie Guillemot et Dominique Estrosi Sassone, ainsi qu’à M. Franck Montaugé, à propos de la concentration des logements sociaux. La règle du nouveau programme national de renouvellement urbain, le NPNRU, c’est la reconstitution du parc social hors sites. Le comité interministériel du 6 mars l’a pleinement validée. Au-delà de 50 % de logements sociaux dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, la construction de tels logements sera limitée. L’application du taux de TVA de 5, 5 % pour l’accession sociale à la propriété devrait également favoriser la mixité sociale.
En dépit de l’accueil qui m’est parfois réservé, je veillerai toujours à faire appliquer l’article 55 de la loi SRU partout où il ne l’est pas : je le dis avec beaucoup de force et de vigueur.