Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons la mission « Travail et Emploi », alors que 5, 7 millions de personnes sont touchées par le chômage, toutes catégories confondues, selon l’INSEE. Les derniers chiffres du chômage parus en octobre ne peuvent laisser indifférent. Madame la ministre, nous ne pouvons pas laisser la situation se détériorer davantage !
Selon vous, cette mission bénéficierait d’un « budget ambitieux et volontariste pour la création d’emplois, la lutte contre le chômage et l’insertion professionnelle des plus fragiles ». Dans le bleu budgétaire, cette mission est présentée comme « le reflet d’une articulation entre la mobilisation renforcée en faveur de l’emploi et la promotion de la qualité au travail pour l’ensemble des salariés ».
Je souscrirais volontiers à cette déclaration d’intention, madame la ministre, mais les faits la contredisent : le budget de la mission est en baisse. Il est donc davantage le reflet du budget d’austérité que le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre cette année encore !
Dans le bleu budgétaire, il est également précisé que le ministère « participe à l’objectif gouvernemental d’amélioration de la qualité globale du service public tout en optimisant le pilotage des moyens ». C’est une manière plus élégante d’écrire que les crédits de la mission vont diminuer, que votre ministère va supprimer des emplois, notamment dans les DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, et qu’il va réduire les dotations des différents opérateurs de l’État, tout en augmentant les subventions accordées aux entreprises, en particulier celles qui embaucheront des salariés en contrats aidés.
D’ailleurs, vous allez élargir ces contrats aidés, sans avoir même pris le temps de faire le bilan du dispositif en place ! Les salariés privés d’emploi ont l’impression, tout comme nous, qu’il s’agit d’une multitude de contrats qui servent davantage à les ranger dans des cases qu’à leur garantir de trouver un emploi. Pendant ce temps-là, ces femmes et ces hommes à la recherche d’un emploi en CDI ne sont plus comptabilisés dans les chiffres du chômage.
Ainsi, en complet décalage avec vos engagements, tel que celui de lutter contre le travail illégal ou encore celui de garantir l’effectivité du droit au travail, 192 postes vont disparaître dans les DIRECCTE ! Comment faire plus et mieux avec moins de moyens humains ?
Madame la ministre, vous nous dites également vouloir relancer la politique des contrats aidés et vous créez la garantie jeunes. Or tant Pôle emploi que les missions locales, pourtant chargées de mettre en œuvre ces dispositifs, voient leurs budgets tout juste maintenus à leur niveau de 2015 ! Là encore, comment faire plus, améliorer les services rendus et innover sans moyens supplémentaires ? Tout ne peut pourtant pas résulter de la mutualisation des moyens et de la numérisation, madame la ministre et, encore moins, de la suppression de l’ouverture au public des sites de Pôle emploi l’après-midi, ainsi que le prévoit la réforme dont l’application est prévue dès le mois de janvier 2016 !
Quant aux jeunes, dont le Gouvernement avait pourtant fait sa priorité, vous leur proposez toujours plus d’emplois d’avenir ou de contrats aidés, bien que de tels contrats les maintiennent dans un statut d’extrême précarité et ne favorisent pas leur insertion durable sur le marché du travail.
Par ailleurs, vous imposez un gel de quatre mois des prestations chômage en reportant la date de leur revalorisation du 1er janvier au 1er avril, ce qui vous permet d’économiser 22 millions d’euros au passage ! Vous pénalisez ainsi les demandeurs d’emploi les plus éloignés de l’emploi, ceux qui sont en fin de droits et bénéficient de l’ASS, l’allocation de solidarité spécifique, de l’ATA, l’allocation temporaire d’attente ou encore de l’AER, l’allocation équivalent retraite.
La dotation en faveur de l’amélioration des conditions de travail et de la prévention en matière de santé au travail – qui constitue l’un des axes prioritaires de votre politique, d’après vos déclarations – diminue également, alors que le troisième plan Santé au travail est en cours de finalisation et met justement l’accent sur la prévention !
L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, pourtant principales actrices de votre ministère dans ce domaine, verront également leur budget baisser.
Madame la ministre, vos réponses en matière d’emploi semblent se limiter à la poursuite des exonérations et des aides financières en faveur des employeurs qui recrutent des salariés en contrat précaire. Comme si les exonérations de cotisations sociales ne suffisaient pas, vous proposez d’offrir 4 000 euros pendant deux ans aux employeurs qui recrutent un salarié supplémentaire. Les dispositifs incitatifs en matière d’emploi, notamment le CICE, ont démontré leur inefficacité, mais vous persistez !
Vous le voyez, votre déclaration d’intention m’offre en définitive peu de raisons de me réjouir, tant elle est loin d’aboutir ! La seule exception à ce constat, que je tiens à souligner, est la création de 500 aides au poste supplémentaires en 2016, ce qui permettra une meilleure insertion des salariés handicapés – qui sont parmi les plus en difficulté – dans le monde du travail.
Une politique ambitieuse et volontariste vous aurait conduite à changer complètement d’orientation et à prendre enfin la mesure de la solidarité nationale qui est nécessaire pour que chaque salarié soit entendu avec la même attention que celle accordée aux employeurs !
Oui, madame la ministre, une autre politique en matière d’emploi est possible ! Le Gouvernement, même s’il n’est pas seul responsable en matière de création d’emplois, peut toujours inverser la courbe du chômage. Encore faudrait-il utiliser les bons leviers !
Il faudrait commencer par l’emploi public en mettant en œuvre, par exemple, la nécessaire modernisation de nos services publics : le départ des baby-boomers doit être l’occasion de recruter des jeunes en recherche d’avenir.
Il faudrait améliorer l’anticipation et la gestion des restructurations économiques dans nos territoires. Cela nécessite évidemment le maintien ou la hausse des crédits consacrés à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC, ce que je ne retrouve pas dans ce budget, ou encore le renforcement des maisons de l’emploi, afin d’élaborer une véritable GPEC et un véritable engagement de développement de l’emploi et des compétences, ou EDEC.
Il faudrait aussi développer la formation professionnelle et renforcer davantage l’AFPA, l’Association pour la formation professionnelle des adultes.
Parallèlement, il faudrait valoriser l’apprentissage : les seules aides financières aux entreprises ne résoudront pas les difficultés actuellement rencontrées par les apprentis. L’amélioration de leurs conditions de travail et de vie implique d’apporter des solutions aux problèmes du logement et du transport. À cela, il convient encore d’ajouter une véritable reconnaissance des maîtres d’apprentissage.
Telles sont les quelques pistes pour une politique ambitieuse et volontariste en faveur de l’insertion professionnelle des plus fragiles !
J’aimerais enfin évoquer les saisonniers, même si j’ai bien en tête, madame la ministre, que l’essentiel les concernant dépend du dialogue social et de la capacité des organisations syndicales à négocier. En effet, vous pourriez tout à fait jouer le rôle de facilitatrice et de médiatrice en leur faveur. De plus, si vous vouliez leur adresser un signe fort, vous auriez toute latitude pour soutenir leurs maisons des saisonnalités.
Pour conclure, madame la ministre, je regrette que votre déclaration d’intention ne soit suivie ni d’effets ni d’un budget en conséquence. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre les crédits de cette mission !