Intervention de Eric Jeansannetas

Réunion du 2 décembre 2015 à 14h45
Loi de finances pour 2016 — Compte d'affectation spéciale : financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage

Photo de Eric JeansannetasEric Jeansannetas :

Il convient cependant de noter la progression de 5, 4 % de l’activité des chômeurs de catégorie B et de 11, 6 % de l’activité de ceux de la catégorie C sur une période d’un an.

Selon l’UNEDIC, le nombre de chômeurs arrivant en fin de droits a baissé de 15 % au premier semestre 2015, grâce à l’instauration de droits rechargeables par la convention pluriannuelle entre l’État, l’UNEDIC et Pôle emploi signée en octobre 2014. Ces demandeurs d’emploi ne basculent donc plus vers l’ASS, allocation financée par l’État, et restent dans les catégories B et C. Ils peuvent ainsi continuer à percevoir une allocation chômage plus élevée.

La progression des catégories B et C peut être interprétée comme un signe – fragile – de reprise économique, car l’augmentation du nombre des missions d’intérim et des CDD précéderait toujours une hausse de l’emploi durable.

Bien que restant extrêmement prudents, les indicateurs nous conduisent à envisager des signes de reprise, madame la ministre. Premièrement, le taux de marge des entreprises se redresse à 31, 1 % : il atteint ainsi son plus haut niveau depuis le premier trimestre 2001. Deuxièmement, le chômage des jeunes est en baisse de 2, 7 % sur un an. Troisièmement, la croissance devrait atteindre 1, 5 % en 2016, ce qui nous laisse présager une stabilisation du chômage, voire espérer sa baisse !

En sanctuarisant les crédits de la mission « Travail et emploi », madame la ministre, vous affirmez la volonté du Gouvernement d’endiguer le chômage, de favoriser la création d’emplois, tout en luttant contre l’exclusion sociale. En léger recul par rapport à 2015, le budget de la mission, qui s’élèvera à 11, 25 milliards d’euros en 2016, est toutefois en hausse de 15 % depuis 2012, malgré les contraintes budgétaires. Il vient donc conforter les réformes engagées depuis 2012 !

Conformément à la feuille de route issue de la conférence sociale pour l’emploi du 19 octobre dernier, ce budget met l’accent sur le droit à une nouvelle chance pour les jeunes, la mobilisation des moyens en faveur des chômeurs de longue durée, le soutien à l’apprentissage et le renforcement de l’efficacité du service public de l’emploi.

Le budget pour 2016 prévoit la création de 295 000 nouveaux contrats aidés pour un montant de 2, 4 milliards d’euros. Il doit financer 200 000 contrats aidés non marchands, ainsi que 60 000 contrats aidés marchands.

Cette programmation cohérente et nécessaire est pourtant remise en cause par nos collègues de la droite sénatoriale. En commission, ceux-ci ont adopté un amendement visant à supprimer purement et simplement les 200 000 contrats aidés non marchands et à créer 40 000 contrats aidés marchands supplémentaires.

Il s’agit à mon sens d’une grave erreur. Pour la justifier, la majorité sénatoriale brandit une étude de la DARES, selon laquelle 66 % des personnes sorties d’un contrat initiative emploi, ou CIE, ont été embauchées après six mois, contre 36 % pour les personnes sorties d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi, ou CAE. Ces chiffres, certes avérés, ne sont pas aussi significatifs que cela, et M. Jean-Marc Gabouty a d’ailleurs nuancé leur portée tout à l’heure.

Ainsi, d’après une autre étude, publiée le 6 août 2015 par la même DARES, 81 % des employeurs du secteur marchand indiquent qu’ils auraient recruté, même sans l’aide financière. Il ne s’agit pas de mettre en cause l’utilité de ces contrats aidés : ils favorisent la stabilisation des parcours, en augmentant la durée, pour les emplois d’avenir, et en favorisant une embauche en CDI, plutôt qu’en CDD.

Pourtant, dans le secteur non marchand, il apparaît que 64 % des contrats n’auraient pas été signés sans l’aide, une proportion s’élevant à 87 % pour les établissements d’enseignement et à 62 % pour les associations.

Ces contrats permettent aux personnes les plus éloignées du monde du travail de retrouver le chemin de l’emploi. Les publics ciblés sont les chômeurs de longue durée, les seniors, les résidents des quartiers difficiles, les personnes peu ou pas qualifiées, les travailleurs en situation de handicap. Il s’agit notamment d’offrir une première expérience professionnelle à des jeunes issus de quartiers défavorisés, qui n’y auraient pas eu accès autrement.

Par ailleurs, une enquête menée en 2014 montrait que 80 % des sortants de CAE estimaient avoir acquis des compétences et de la confiance, preuve de l’efficacité de ces contrats dans la lutte contre la démobilisation, la désespérance et l’exclusion.

Alors oui, il faut continuer à mettre l’accent sur la qualité de la formation et l’allongement de la durée des contrats, et ce sera fait ! Mais il me semble parfaitement insensé de se priver d’un tel outil de remise en route vers l’emploi, dans le contexte que nous connaissons.

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