Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 2 décembre 2015 à 21h45
Loi de finances pour 2016 — Enseignement scolaire

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Le montant total de ces crédits pour 2016 s’élève donc à 67 milliards d’euros. Par rapport à l’année précédente, on constate une augmentation de 700 millions d’euros, soit 1 %. Néanmoins, si l’on retire du montant total les sommes affectées au compte d’affectation spéciale « Pensions », les crédits à proprement parler consacrés à l’enseignement scolaire au sein de cette mission s’élèvent à 48 milliards d’euros.

La dépense intérieure d’éducation en France représente 6, 1 % du PIB, soit la proportion moyenne que consacrent les pays membres de l’OCDE à l’enseignement. Nos voisins allemands y dévouent une part plus réduite de leur PIB – 5, 1 % –, de même que l’Italie.

Il faut pourtant comparer ce qui est comparable : cette proportion dépend, d’une part, de l’importance du PIB par habitant, qui est supérieur en Allemagne, et, d’autre part, au nombre d’enfants relativement à la population totale, qui est inférieur en Allemagne. Dès lors, l’effort que nous consacrons à l’enseignement, s’il est significatif, correspond naturellement à la jeunesse de notre population.

Par ailleurs, la dépense de l’État, telle qu’elle est exprimée dans les crédits que nous examinons ce soir, correspond à une petite moitié du montant global de la dépense intérieure d’éducation. Le reste se répartit entre les collectivités territoriales, extrêmement sollicitées dans notre pays, les familles, naturellement, ainsi que, d’une façon minoritaire, sinon marginale, les entreprises.

Il nous faut examiner ce budget. Le jugement synthétique que je vais émettre à son sujet pourra sembler brutal, voire caricatural. Nous observons en effet, d’une part, des dépenses importantes, typiques d’un membre de l’OCDE et qui ont doublé en quinze ans, et, d’autre part, des résultats jugés plutôt médiocres par les enquêtes PISA ; du moins nous situons-nous, à cet égard, dans la seconde moitié de la classe des pays de l’OCDE.

En outre, notre système éducatif – cela constituera pour chacun d’entre vous, j’en suis persuadé, une préoccupation – est, en apparence, le système le plus conservateur des inégalités sociales entre les familles. Il semblerait que l’école, loin de les remettre en cause, perpétue ces inégalités. Voilà le bilan : médiocrité des résultats et conservatisme social du système scolaire français.

L’explication en est simple : nous dépensons trop dans le secondaire et pas assez dans le primaire. La dépense moyenne par élève est en effet globalement supérieure à celle des autres pays de l’OCDE : 10 450 dollars par an et par élève, toutes catégories confondues, contre 9 500 dollars pour les pays de l’OCDE, soit près de 1 000 dollars de plus. Dans le secondaire, l’écart atteint 2 000 dollars par élève. Je suis désolé de m’exprimer en dollars ; j’aurais pu convertir ces montants en euros, mais, comme l’euro se rapproche du dollar, les comparaisons s’en trouvent simplifiées.

En d’autres termes, le secondaire est « budgétivore », alors que le primaire est plutôt mal doté. Cela se constate d’ailleurs dans les taux d’encadrement, qui sont satisfaisants dans le secondaire, mais insuffisants dans le primaire.

En France, l’enseignement primaire est de qualité, mais supporte des charges plus élevées par enseignant. De plus, les enseignants du primaire ont, par rapport à la moyenne de leurs collègues européens, pour des pays comparables, des situations matérielles inférieures.

La Cour des comptes, d’une façon qui lui est propre, c’est-à-dire parfois contestable ou partielle, a d’ailleurs signalé le surcoût spectaculaire de la dépense par élève dans les lycées pour l’année qu’elle étudiait, à savoir une année de transition. Les lycées français, par la diversité de leur offre, leur taille, la dispersion géographique, ont des charges de fonctionnement extrêmement élevées.

Pour l’essentiel, c’est-à-dire à 92, 35 %, ce budget est un budget de dépenses salariales. Il importe de rappeler que la dépense salariale de ceux qui sont en activité doit être comparée à la dépense salariale des retraites. Ainsi, dans ce budget, les retraites représentent 43 % de la dépense salariale des enseignants en activité.

Lorsque le Gouvernement annonce 10 850 emplois nouveaux en 2016, pour que la création globale depuis 2012 atteigne plus de 43 000 postes dans l’enseignement scolaire et que soit tenu tenir l’objectif de 55 000 emplois nouveaux annoncé lors de la campagne présidentielle – on ne peut pas lui reprocher de tenir ses engagements, même si ce ne sont pas les nôtres –, nous ne pouvons nier que ce but est quantitativement atteint.

Toutefois, cette politique quantitative s’opère assez vraisemblablement au détriment du qualitatif pour les enseignants, dont le pouvoir d’achat a diminué de 1 % en euros constants en 2013. En outre, on constate aujourd’hui de réelles difficultés de recrutement dans des matières stratégiques, comme l’anglais, les mathématiques ou le français.

Parmi les mesures prévues dans le projet de loi de finances pour 2016, nous sommes favorables aux efforts consentis en faveur de l’enseignement préélémentaire, de l’accueil des élèves handicapés et de l’internat. En revanche, nous sommes beaucoup plus dubitatifs en ce qui concerne le plan numérique à l’école.

Surtout, nous sommes sincèrement convaincus qu’il faudrait remettre en cause, d’une part, l’insuffisance des moyens du fonds de soutien au développement des activités périscolaires, d’autre part, le Louvois de Grenelle, c’est-à-dire le système d’information de gestion des ressources humaines et des moyens de l’éducation nationale, qui, pour l’instant, fait sauter à peu près tous les compteurs des dépenses envisagées, sans pour autant aboutir à un résultat.

Sous réserve de l’adoption de ses deux amendements et de l'amendement de la commission de la culture, la commission des finances préconise l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

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