Intervention de Emmanuel Macron

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 1er décembre 2015 à 17h50
Audition de M. Emmanuel Macron ministre de l'économie de l'industrie et du numérique

Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique :

Je suis désolé de ne pas avoir pu venir devant vous plus tôt... Les sujets que vous venez d'évoquer sont importants ; ils ont été éclairés par vos travaux ou suscités par nos propres débats.

La négociation entre l'État et les sociétés d'autoroutes s'est achevée pendant l'examen de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. L'option retenue n'a pas été la résiliation des contrats, qui comportait des risques juridiques et budgétaires, mais la mise sous pression des sociétés afin de parvenir à un accord. La difficulté à communiquer les informations était liée au secret des affaires demandé par les sociétés d'autoroutes ; et certains détails techniques, dont le traitement fiscal de leurs contributions, étaient en discussion jusqu'à ces dernières semaines.

Nous avons progressé dans la mise en oeuvre du plan de relance, qui porte sur 3,2 milliards d'euros d'investissements pour les sept sociétés autoroutières en contrepartie d'une extension de la durée des contrats, et doit créer une dizaine de milliers d'emplois. Les sociétés ont signé les premiers contrats d'études, publié les premiers appels d'offres pour des travaux qui devront être effectués aux trois quarts par des PME, dont 55 % ne seront pas liées aux groupes autoroutiers - elles s'y sont engagées. L'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) y veillera. Les investissements sont concentrés sur la période 2016-2019, mais les travaux se poursuivront jusqu'en 2025. Trente opérations sont prévues partout sur le territoire pour améliorer la sécurité ou fluidifier le trafic. Le processus se déroule conformément aux accords signés avec les sociétés. Quelques problèmes techniques ou fiscaux doivent être réglés pour que les derniers décrets paraissent. Les contrats de concession ont été rééquilibrés et stabilisés, les hausses tarifaires gelées en 2015, sans rattrapage avant 2018.

Les sociétés d'autoroutes se sont engagées à verser 1 milliard d'euros à l'Afitf, dont 300 millions d'euros au cours des trois premières années - 100 millions d'euros seront versés d'ici la fin 2015. Elles abonderont, à hauteur de 200 millions d'euros, le nouveau fonds d'investissement durable, géré sous mandat par la Caisse des dépôts. Le premier versement est prévu en décembre. Elles ont par ailleurs pris des mesures commerciales - étudiants, véhicules propres...

La réforme du transport par autocar, entrée en vigueur le 6 août, est d'application directe pour les liaisons de plus de 100 kilomètres. Nous avons publié les dispositions précisant la réglementation en matière d'équipement, de contrôle éthylique, de sécurisation des véhicules. Un décret autorisant les liaisons de moins de 100 kilomètres a été publié, après réception de l'avis conforme de l'Arafer. Toute ouverture d'une liaison de ce type doit être notifiée ; l'autorité organisatrice de transports (AOT) peut être saisie dans un délai de deux mois ; elle doit ensuite s'exprimer sur la base d'un avis conforme de l'Arafer, ce qui homogénéise le traitement des dossiers sur le territoire et facilite la prise en compte des équilibres. Nous n'avons rencontré aucun obstacle à ce stade. Le développement a plutôt porté sur des liaisons de plus de 100 kilomètres, mais le cadre juridique a été posé.

Reste le travail sur les gares routières, qui nécessite une ordonnance ; elle sera déposée dans les prochains jours au Conseil d'État après un travail technique important, mené notamment avec la sénatrice Fabienne Keller, le député Gilles Savary et les associations d'élus. L'objectif est de parvenir à un déploiement harmonisé des gares et des arrêts sur tout le territoire, avec les infrastructures nécessaires, et de prévoir des règles pour que les différentes sociétés de transport en partagent l'usage - il faut éviter les infrastructures exclusives. J'ai demandé qu'on procède à un recensement, notamment à la SNCF qui détient ou gère beaucoup de gares routières, de sorte que nous ayons une vision consolidée de la situation. M. Alain Vidalies et moi-même disposerons dans les prochains jours d'un cadre de déploiement harmonisé, l'idée étant de clarifier la réglementation applicable tant aux gares publiques que privées.

Les entreprises n'ont pas attendu l'ordonnance sur les gares routières pour démarrer leur activité. Près de 250 000 passagers ont été transportés depuis la réforme - deux fois plus qu'au cours de toute l'année 2014 ; 75 villes sont nouvellement desservies ; 275 autocars assurent chaque jour des liaisons ; 20 emplois sont créés par jour. J'aimerais que d'autres secteurs aient la même vitalité...

Nous devons désormais construire une filière. En France, seul Iveco à Annonay, construit des autocars. Je regrette d'ailleurs que, si l'équipe des All Blacks s'est déplacée dans un autocar Magelys produit à Annonay, l'équipe de France de rugby a préféré un car produit en Allemagne... Il faut que les entreprises améliorent leurs pratiques d'achat. Je leur ai demandé de privilégier les autocars produits en France ou de négocier avec les producteurs afin de favoriser l'implantation de structures de production en France. J'ai moi-même discuté avec des constructeurs tels que Daimler, actionnaire de référence de FlixBus, qui achète des autocars Iveco pour son déploiement en France et sous-traite avec beaucoup de PME. Les Allemands, qui comptaient 12 millions de voyageurs par car en 2014, contre 110 000 chez nous, fonctionnent de cette façon : 80 % des autocars circulant en Allemagne y sont produits. J'engage des discussions avec Scania, Volkswagen et Daimler. Des emplois industriels doivent être créés à côté des emplois de transport et de service dans les gares routières.

Il est un peu tôt pour connaître l'impact de la réforme sur les sociétés de transport et le ferroviaire. L'Arafer se montre très vigilante. La SNCF a considéré elle-même que la multimodalité avait un sens, puisqu'elle s'est massivement engagée dans la réforme : son opérateur Ouibus fournit, avec Transdev, l'offre la plus agressive sur le marché, en complément du ferroviaire. Le site Voyages-sncf.com propose des interconnexions entre train et autocar. La multimodalité est la bonne manière de développer le transport collectif. A ce stade la réforme n'a pas d'impact négatif.

Les difficultés de la filière ferroviaire sont antérieures à la réforme. Celles qui portaient sur la partie amont, notamment chez Alstom pour la période 2017-2020, sont en train d'être résolues grâce à la signature de contrats à l'étranger, qui rouvrent des perspectives aux sites de La Rochelle et de Belfort. Nous avons, de plus, accéléré les investissements au titre du Programme d'investissements d'avenir (PIA) avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et la SNCF, pour développer une nouvelle offre et donner du travail à Alstom-ingénierie. Enfin, Alain Vidalies a annoncé en juillet la réactivation de l'enveloppe d'investissements pour les TER et les TET.

À la suite des travaux du Sénat, la couverture numérique a été réintroduite avec volontarisme dans la loi pour la croissance et l'activité. Un arrêté du 7 novembre a établi une première liste de communes non couvertes, notre objectif étant que celles-ci soient toutes couvertes en 2G d'ici à fin 2016, et en 3G d'ici au printemps 2017. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a désormais un pouvoir de sanction contre les opérateurs qui ne s'y conforment pas. Le recensement a été mené sous l'égide des préfets, les opérateurs effectuant les tests. En cas de problème posé par la liste du 7 novembre, faites m'en part afin que je me retourne vers les préfets de région.

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