Intervention de Louis Nègre

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 2 décembre 2015 à 9h35
Maintenir et développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Louis NègreLouis Nègre :

Je loue la détermination, la fougue et la conviction avec lesquelles notre rapporteure a présenté cette proposition de loi, mais le problème est que nos convictions ne sont pas les mêmes. Si nous partageons l'objectif de développer sur le territoire national une offre de transport régional de qualité, nous divergeons sur les moyens de le proposer. À la suite de la loi du 13 août 2004, à laquelle sont venues s'ajouter les dispositions de la loi NOTRe du 7 août 2015, la région est la collectivité qui bénéficie des transferts les plus importants, notamment en matière de transports. Elle devient l'autorité organisatrice de l'intégralité de la mobilité interurbaine, avec de nouvelles responsabilités.

À l'article 1er, vous entendez revenir sur la libéralisation du transport par autocar que nous devons à la loi « Macron ». Je rappelle que si un monopole a été accordé au service public de la SNCF, c'est à la suite de la décision, prise en 1948, de privilégier le rail pour le transport de voyageurs sur longues distances. Afin de favoriser la fréquentation du rail, ce monopole portait sur tous les trajets en chemin de fer. L'affrètement d'autocars restait libre pour les trajets occasionnels à longue distance, mais sujet à autorisation pour les liaisons régulières susceptibles de réduire la fréquentation des lignes de chemin de fer existantes. Il s'est ainsi développé un réseau très dense et très régulier de lignes de transport de voyageurs par rail. La loi « Macron », par son article 5, a supprimé ce monopole et librement autorisé la création de services de transport réguliers par autocar, au-delà d'un seuil de 100 km - je rappelle que le Sénat, qui n'a malheureusement pas été entendu par le Gouvernement, plaidait plutôt pour un seuil de 200 km, comme le souhaitait également le Groupement des autorités responsables de transport (GART).

L'objectif de la libéralisation des transports par autocar est de développer une nouvelle offre de transport collectif, mieux adaptée à certains territoires, mal desservis par le rail, et à certains publics, en raison de son coût modique, afin de diminuer le recours à la voiture individuelle, selon une logique parfaitement vertueuse. En Angleterre, en Allemagne, où se sont développés des réseaux de transport par autocar, une nouvelle clientèle s'est créée qui jusque-là ne pouvait accéder à d'autres modes de transport.

L'article 2, s'inspirant du modèle qui prévaut pour la région Ile-de-France, propose la généralisation du versement transport régional. Ce versement transport, institué par la loi du 12 juillet 1971 pour la seule région parisienne, a été étendu, à titre facultatif, aux autorités administratives des transports urbains des communes de plus de 300 000 habitants par la loi du 11 juillet 1973, avant que ce seuil ne soit abaissé à 100 000 par la loi du 13 décembre 2000. Le versement transport est dû par les personnes physiques ou morales, publiques ou privées - à l'exception des fondations à caractère social - employant plus de neuf salariés. Le Gouvernement a souhaité relever ce seuil d'assujettissement à onze salariés. Si notre groupe a toujours été favorable à des mesures d'allègement de charges pour les entreprises, il a également exprimé à plusieurs reprises ses plus vives préoccupations concernant le financement de la politique menée par le Gouvernement en matière de transports et veillera très attentivement au respect de l'engagement pris pour une compensation intégrale de cette dernière mesure. Il considère que les dispositions de votre proposition de loi conduiront à alourdir la fiscalité pesant sur les entreprises, ce que nous ne pouvons accepter.

L'article 3 vise à ramener le taux de TVA sur les transports en commun du quotidien à 5,5 %, soit celui qui est dévolu aux produits de première nécessité. En juillet dernier, tout semblait acté, et les annonces officielles devaient tomber à la rentrée. Il est clair aujourd'hui que le Gouvernement n'y est plus du tout disposé. C'est pourtant une revendication à nos yeux légitime, en particulier pour nos concitoyens les plus modestes. Ce revirement nous étonne d'autant plus à l'heure où s'ouvre la COP 21.

Bref, nous sommes d'accord sur l'objectif : oui, il faut rechercher la qualité. Nous sommes d'accord sur le constat - baisse des dotations et dégradation du service public, ainsi que vous l'avez vous-même souligné. Nous sommes d'accord sur l'insuffisance du financement de l'AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France). Nous sommes d'accord sur la TVA à 5,5 %. Mais en revanche, lorsque vous proposez d'atteindre la qualité en maintenant le monopole de la SNCF, nous ne sommes plus d'accord. Pour nous, à l'inverse, c'est par une ouverture à la concurrence que l'on sauvera la SNCF. Je le répète depuis 2008, et j'ai longtemps eu le sentiment de prêcher dans le désert, mais à présent, les lignes bougent, et on y vient. Vous êtes les seuls à rester sur vos positions.

Créer une taxe nouvelle sur les entreprises ? Est-ce bien le moment, madame la rapporteure, alors qu'elles sont déjà accablées par tous les impôts nouveaux qu'elles doivent désormais acquitter ?

Vous préconisez une reprise de la dette, en citant l'exemple de l'Allemagne. À ceci près que notre budget n'est pas, comme celui de ce pays, excédentaire. Et comment se charger d'un fardeau supplémentaire de 45 milliards quand notre dette s'élève déjà à plus de 2 000 milliards ? Sans compter que vous ne proposez aucune économie en regard.

Je m'étonne, par-dessus tout, que vous souhaitiez revenir sur la libéralisation du transport par autocar, alors qu'elle bénéficie aux couches les plus modestes de la population. Rendez-vous compte ! Voyager pour un euro, on ne peut pas rêver mieux quand on peine à boucler les fins de mois. Et vous y êtes opposés ! Je ne puis y croire !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion