Voilà un article 34 bis bien étrange ! Je résume en quelques mots : on prend aux pauvres pour redonner aux pauvres !
Concrètement, on remplace une partie de la prime d’activité – dont on anticipe, en se fondant sur le précédent du RSA activité, la relative faiblesse du taux de recours – par une réduction de contribution sociale généralisée, la CSG devenant dégressive.
Il s’agit d’une sorte de recyclage assez étonnant, qui vise à prendre d’une main ce qu’on redonne de l’autre au même public, à peu de choses près.
La commission des finances ne peut de toute façon pas être favorable à l’article 34 bis tel qu’il a été introduit par l’Assemblée nationale – c’est le fameux « amendement Ayrault ».
Pourquoi ? Parce que sa rédaction pose un certain nombre de difficultés juridiques tout à fait évidentes. Le risque est d’abord celui de la censure constitutionnelle, puisque cet article introduirait des disparités manifestes entre contribuables, notamment entre salariés et non-salariés, ce qui pourrait constituer une rupture de l’égalité devant les charges publiques.
Se posent également un certain nombre de problèmes opérationnels : la CSG est un prélèvement affecté au financement de la sécurité sociale, la prime d’activité est une prestation financée par l’État et les caisses de sécurité sociale ; l’articulation entre prime d’activité et CSG paraît donc pour le moins difficile à comprendre.
Surtout, l’adoption de cette disposition pourrait entraîner, pour certains contribuables, la perte d’un certain nombre d’avantages fiscaux, en raison notamment de la hausse du revenu fiscal de référence, sans gain de pouvoir d’achat.
Un certain nombre d’incertitudes notamment juridiques, et sans doute même constitutionnelles, pèsent donc sur ce dispositif. Ces raisons nous ont conduits à proposer la suppression pure et simple de l’article 34 bis.
J’en profite pour poser une petite question au Gouvernement. Monsieur le ministre, vous n’avez pas été très gentil à propos de cet amendement, et vous avez dit tout le mal que vous en pensiez. Nous partageons complètement, sur le fond, votre point de vue : l’adoption de cet amendement n’apporterait strictement rien. Mais alors pourquoi le Gouvernement ne l’a-t-il pas supprimé en deuxième délibération ? Cela laisse penser qu’il existerait une marge budgétaire sur les dépenses liées au versement de la prime d’activité, le taux de recours afférent n’étant pas si élevé.
C’est d’ailleurs, en quelque sorte, l’analyse faite par la commission des finances. Celle-ci a considéré, compte tenu de l’expérience faite à propos du RSA activité, et contrairement à ce que le Gouvernement prévoyait, que le taux de recours à la prime d’activité serait inférieur à 50 %.
Je fais le pari que lorsque nous nous retrouverons ici même dans un an nous constaterons que nous disposions d’un certain nombre de marges liées au non-recours à la prime d’activité.
Le Gouvernement partage-t-il cette analyse ? Pourquoi, s’il ne la partage pas, n’a-t-il pas proposé en deuxième délibération, devant l’Assemblée nationale, la suppression de cet article 34 bis, dont l’introduction dans le texte de la loi de finances présente de nombreux inconvénients ?