Intervention de François Baroin

Réunion du 3 décembre 2015 à 9h30
Loi de finances pour 2016 — Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public

Photo de François BaroinFrançois Baroin :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit des dépenses globales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l’audiovisuel public de 4, 4 milliards d’euros, en hausse de 0, 46 % par rapport à l’an dernier. Dans le contexte actuel, on peut donc dire que ces secteurs sont globalement préservés, même s’il existe des variations sensibles entre les différents domaines.

Parmi les évolutions remarquables de ce budget entre 2015 et 2016, je voudrais souligner des points de satisfaction, mais aussi des points de vigilance, d’inquiétude et de désaccord.

S’agissant des points de satisfaction, je relève la constance du soutien aux médias de proximité entre 2015 et 2016, au travers d’un niveau de 29 millions d’euros de crédits en faveur du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale et la pérennisation du fonds de soutien aux médias de proximité, créé à la suite des attentats de janvier 2015.

Il est important, aujourd’hui, de pouvoir maintenir l’action de ces structures qui jouent des missions sociales de proximité fondamentales : la hausse de la dotation allouée aux contrats-territoire lecture, outil particulièrement utile pour renforcer l’action des bibliothèques territoriales et favoriser la pratique de la lecture ; le renforcement des aides au pluralisme de la presse, qui demeurent toutefois largement minoritaires en proportion des autres types d’aides ; le retour à un niveau de dotation de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI, plus compatible avec l’exercice de ses missions de lutte contre le téléchargement illégal et de développement d’une offre légale – nous avions déjà évoqué ce point l’an dernier – ; le classement du contentieux communautaire contre l’Agence France-Presse, l’AFP, et la validation de ses missions d’intérêt général par la Commission européenne, ce qui donne lieu à un nouveau contrat d’objectifs et de moyens, ou COM, ambitieux, s’agissant notamment du développement des ressources commerciales de l’Agence. Enfin, les sociétés de l’audiovisuel public, dans le cadre de la négociation de leurs nouveaux contrats d’objectifs et de moyens, semblent s’orienter vers de réels efforts de réduction des dépenses et paraissent désireuses de renforcer les coopérations, notamment dans le domaine numérique.

Pour autant, les points de préoccupation ou de désaccord sont nombreux.

Les documents budgétaires demeurent toujours très lacunaires sur les dépenses fiscales, sans aucune évaluation de leur efficacité ni élément d’explication sur les évolutions liées à leur chiffrage.

Une incertitude pèse sur les tarifs postaux qui seront applicables à la presse au-delà du 31 décembre 2015, qui marque la fin de l’« accord Schwartz ». Cette situation est une réelle source de préoccupation pour les éditeurs, notamment ceux de la presse d’information spécialisée.

Madame la ministre, vous avez présenté hier, en conseil des ministres, une communication sur ce sujet. Pourriez-vous nous indiquer les propositions du Gouvernement pour la période post-2015, point sur lequel la commission a été saisie ?

Il est un autre point de vigilance, sur lequel je vous avais alertée : le chantier de rénovation du quadrilatère Richelieu, site historique de la Bibliothèque nationale de France, la BNF, connaît un dépassement de son budget initial et un retard dans son calendrier pour la deuxième année consécutive, ce qui n’est pas de bon augure pour la suite.

En outre, le Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, qui remplit certes d’importantes missions, demeure une « exception » budgétaire au regard des autres opérateurs de l’État. En effet, ses taxes affectées ne sont toujours pas soumises au plafonnement, en contradiction avec les dispositions de la loi de programmation des finances publiques, sujet qui occupe pourtant de nombreux acteurs en lien avec Bercy. Le CNC fait partie des dix opérateurs percevant le montant le plus élevé de fiscalité affectée.

Surtout – et c’est ce qui fera pencher la balance en faveur du rejet des crédits de la mission comme du compte de concours financiers –, le Gouvernement a de nouveau reporté la réforme de la contribution à l’audiovisuel public, qui est pourtant nécessaire et urgente au regard de l’évolution des usages. Il faut faire cette réforme, qui doit être guidée par les principes de justice fiscale et de neutralité technologique, comme l’ont préconisé nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux.

À la place, le Gouvernement a choisi d’augmenter significativement le taux de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, la TOCE, qui passe de 0, 9 % à 1, 3 % à la suite du vote de l’Assemblée nationale.

Cette mesure ne me paraît pas pertinente, pour plusieurs raisons.

Elle constitue une hausse de la fiscalité des entreprises – il faut le dire et le souligner, car cela ne figure pas dans les documents budgétaires fournis par le Gouvernement –, ce qui se traduira par un impact économique négatif sur un secteur qui doit pourtant consentir de lourds investissements pour préparer l’avenir de notre société. Ce secteur nous alerte, vous alerte, madame la ministre, et nous vous saisissons de cette question.

Cette mesure risque également de se répercuter sur la facture du consommateur, ce qui bat en brèche tous les discours du Gouvernement sur la baisse des prélèvements obligatoires.

Il s’agit d’une mesure de court terme qui ne règle en rien la question du financement de l’audiovisuel public à moyen et à long terme.

Enfin, elle n’est pas utile, puisque le rendement actuel de la TOCE permettrait d’ores et déjà de financer l’audiovisuel public au niveau prévu dans le projet de loi de finances pour 2016.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des finances propose de ne pas adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

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